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Une forte dynamique de la méthanisation en Bretagne, boostée par le secteur agricole

Adeline Haumont,* Armelle Damiano*, Jeanne Lencauchez*

*AILE (Association d’Initiatives Locales pour l’Energie et l’environnement) armelle.damiano@aile.asso.fr

https://doi.org/10.54800/bzh357

 

Le développement de la méthanisation en Bretagne a commencé il y a plus de dix ans et connait un véritable essor ces dernières années, notamment dans le secteur agricole : la Région compte au 1er janvier 2020 plus d’une centaine d’installations de méthanisation.

 

Typologie des unités

Si la méthanisation en Bretagne s’est principalement développée avec les unités à la ferme (projet individuel), les collectifs agricoles se développent de plus en plus. En général, comme les exploitants ont l’habitude de travailler ensemble en CUMA, la méthanisation apparaît alors comme un nouvel outil collectif de gestion de leurs effluents d’élevage. Par ailleurs l’attrait de l’injection du biométhane dans les réseaux poussent les acteurs à se regrouper afin d’atteindre un seuil de rentabilité qui est plus élevé qu’en cogénération.

 

Origine des substrats

La question de l’origine des matières méthanisées est cruciale dans un contexte où les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) se développent fortement et où la crainte de voir apparaitre le modèle allemand, basé sur les cultures énergétiques est prégnant1. Au total, ce sont plus de 1.4 millions de tonnes de matières organiques qui sont méthanisées en Bretagne. Dans une région dominée par l’élevage, les effluents d’élevage restent les principaux substrats. Ils représentent 78% en moyenne des substrats des collectifs agricoles et 70% des substrats des installations à la ferme (intégrée à l’exploitation agricole).

Figure 2 : Répartition des origines de substrat selon les types d’installation

(Source des données : AILE, Plan Biogaz)

Structuration de la filière

Depuis 2007, l’ADEME et la Région Bretagne ont mis en place un dispositif d’animation et de soutien à la filière, dont l’animation est assurée par AILE, le Plan Biogaz. Ce dispositif vise à promouvoir les unités de méthanisation, intégrées dans leur territoire et en adéquation avec les enjeux environnementaux régionaux. Première Région agricole de France, la Région Bretagne doit relever le défi de la transition agricole et favoriser des systèmes de productions durables, vivables et compétitifs. Le développement de la méthanisation doit aujourd’hui s’inscrire dans ce cadre pour répondre à de multiples enjeux : qualité de l’eau par un usage raisonné et efficace du digestat, réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole, sécurisation du réseau électrique et développement de la mobilité durable… Tout ceci en gardant la compétitivité des filières d’élevage.

Pour répondre à ces objectifs, la filière s’organise et se professionnalise. Un parcours de formation tutorée, visant les agriculteurs méthaniseurs existe depuis 2015 et 45 exploitants ont déjà pu se former. Ce programme, d’une durée de 6 jours, a été mis en place par les Chambres d’agriculture de Bretagne, l’AAMF et AILE. Il mêle 6 journées en présentiel (gestion administrative de l’unité, suivi biologique, valorisation du digestat, maintenance, sécurité et mise en route de l’unité), des séances à distance en classe virtuelle et 3 journées en immersion chez un tuteur méthaniseur. Les agriculteurs ainsi formés sont intégrés à un réseau de professionnels qui s’est également structuré pour échanger et partager les bonnes pratiques. Créée au départ sous la forme d’un GIEE, l’Association des Méthaniseurs Bretons (AAMB), branche régionale de l’Association des Méthaniseurs de France, regroupe aujourd’hui plus de 90 agri-méthaniseurs répartis sur les 4 départements Bretons. L’association s’est donnée deux thématiques de travail prioritaires : les CIVE et le digestat, avec pour objectifs :

  • Sur les CIVE et les résidus de culture : sécuriser l’approvisionnement par une meilleure maîtrise des itinéraires techniques, du stockage et de l’incorporation. Le groupe de travail a démarré par la réalisation d’une enquête pour connaitre les itinéraires techniques pratiqués actuellement, évaluer les coûts de revient. Les potentiels méthanogènes de plusieurs variétés et mélanges ont été réalisés.
  • Sur le digestat : Réduire la consommation en engrais minéraux en optimisant la valorisation des digestats et en favorisant les échanges de biomasse notamment entre éleveurs et céréaliers comme par exemple paille contre digestat voire fourrage contre digestat. Les premiers travaux ont porté sur l’analyse de reliquats azotés en sortie d’hiver avec plusieurs stratégies et niveaux de fertilisation. Les prochains travaux élargiront les thématiques au suivi des stocks de matière organique et aux techniques d’épandage permettant de limiter la volatilisation de l’ammoniac.

 

Perspectives et innovations technologiques

Les nouvelles perspectives de valorisations du biogaz comme le bioGNV2 pour le transport, le biogaz porté (collecte de biogaz ou de biomethane dans plusieurs exploitations agricoles) ou la production d’électricité de pointe ouvrent des nouvelles voies dans la valorisation du biogaz et dans la collaboration entre acteurs du territoire. Plusieurs acteurs Bretons sont des pionniers dans le développement de ces nouvelles valorisations, à l’instar du pôle Liger développé par le territoire de Locminé qui combine chaufferie bois énergie, méthanisation en cogénération, injection de biométhane dans le réseau et station bioGNV pour véhicules légers et transporteurs.

 

Des challenges sociétaux à relever

Dans l’optique d’un développement de la méthanisation, les futurs projets devront s’inscrire pleinement dans une logique d’intégration et de dialogue territorial. Aujourd’hui de nombreux projets, de toutes typologies, se heurtent à l’hostilité des riverains et d’associations comme Eaux et Rivières de Bretagne, fortement opposée au développement de la méthanisation en Bretagne. Les porteurs de projets doivent en prendre conscience et s’engager dans une démarche de concertation. C’est aussi dans la recherche de projets exemplaires, qui pourront allier transition énergétique et agro-écologique que se trouvera sans doute la porte de sortie.

Notes

[1] Le modèle allemand est basé principalement sur la digestion de maïs ensilage en culture principale. Le risque en zone d'élevage pourrait alors de mettre en concurrence l'alimentation des méthaniseurs à celle des bovins, faisant ainsi augmenter le prix des fourrages.

[2] Biogaz utilisé comme carburant pour les transports routiers

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