De la fertilisation des cultures à la cascade de l’azote
Pierre Cellier*
*Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, UMR ECOSYS, 78850, Thiverval-Grignon, France
Résumé
Du fait de l’utilisation intensive d’engrais azotés depuis le milieu du XXe siècle, le cycle de l’azote a été profondément modifié dans les agroécosystèmes et par effet de cascade, dans tout l’environnement des échelles locales (quelques hectares) à l’échelle globale. En effet, les excédents d’azote dans les agroécosystèmes induisent des fuites qui se dispersent et se transforment dans l’environnement où elles créent une diversité d’impacts sur les sols, les eaux, l’atmosphère, le climat, les écosystèmes et la santé. La cascade de l’azote est une approche de la dynamique de l’azote dans l’environnement qui permet de faire le lien entre l’utilisation de l’azote dans les agroécosystèmes et leurs impacts multiples sur l’environnement et la santé. Cette vision peut se décliner à toutes les échelles depuis la parcelle agricole jusqu’à l’échelle du globe, avec des focus souvent mis en avant aux échelles des paysages et des petits et grands bassins versants.
Mots-clefs : cycle de l’azote ; impacts ; cascade de l’azote ; agroécosystèmes ; environnement ; santé
Abstract
Following an increase and intensification of nitrogen fertilizer use in the second half of the XXe century, the nitrogen (N) cycle has been strongly modified in agroecosystems and in the environment at local (several hectares) to global scales. N inputs exceeding the crop or animal needs promote N losses from agriculture, where most of the reactive N is used, which are dispersed and transformed in the environment, thus creating a range of impacts on soils, waters, air, climate, ecosystems and health. The concept of N cascade describes the fate of N in the environment. It makes it possible to make the link between N use in agroecosystems and its impacts on the environment and health. This approach can be applied at a range of scales from the field plot to the global scale, the most common scales being the landscape and small or large watersheds.
La fertilisation à la croisée des chemins entre alimentation et environnement
L’un des fondements de l’agriculture a été, de tout temps, d’apporter les éléments indispensables aux végétaux, tels que l’azote, le phosphore, le potassium ou le soufre, sous une forme facilement accessible pour la plante. Ces apports peuvent être exogènes (engrais minéraux, produits organiques) ou produits par l’insertion de légumineuses dans les rotations et les associations (processus de facilitation, par exemple). Si on se concentre sur le cas de l’azote, les apports sous forme minérale (engrais, dépôts atmosphériques) ou organique (lisiers, fumiers, composts, digestats de méthanisation …), tout comme les quantités apportées par des processus biologiques (fixation symbiotique, minéralisation des matières organiques des sols …) subissent tout une série de transformations microbiennes dans les sols qui favorisent l’absorption par la plante (par exemple minéralisation des matières organiques, nitrification [1]), mais aussi leur incorporation aux matières organiques du sol (organisation) et leur élimination par retour à la forme N2 par dénitrification [2] (figure 1). Les transformations dans ce cycle local de l’azote conduisent aussi à des pertes vers l’environnement sous forme de solutés (lixiviation de nitrate ou d’azote organique dissous, par exemple) vers l’hydrosphère, ou sous différentes formes gazeuses vers l’atmosphère (NH3, NOx, N2O ou N2).
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On voit dans ce cycle deux catégories de formes d’azote. D’une part l’azote diatomique (N2) très abondant puisqu’il constitue près de 80% de l’atmosphère, mais qui n’est utilisable comme source d’azote que par une infime minorité des êtres vivants et, d’autre part toutes les autres formes, qui constituent ce qu’on appelle l’« azote réactif (Nr) », à savoir tous les composés azotés biologiquement, photochimiquement ou radiativement actifs dans l’atmosphère et la biosphère terrestre et aquatique, et qui sont les formes utilisables par la grande majorité des espèces végétales et animales (Galloway et al., 2003). Nr inclut les formes de l’azote minéral réduites (en particulier ammoniac [NH3] et ammonium [NH4+]) ou oxydées (oxydes d’azote [NOx = NO et NO2], acide nitrique [HNO3], protoxyde d’azote [N2O] et nitrate [NO3–]) mais aussi les formes organiques (notamment urée, amines, protéines et acides nucléiques). Lorsqu’on parlera d’« azote » dans la suite de ce texte, cela sous-entendra généralement « azote réactif ».
Jusqu’au début du XXe siècle, le cycle de l’azote dans l’environnement, incluant les activités agricoles, était largement dominé par deux processus d’origine microbiologique : la fixation symbiotique, qui était de fait la principale voie de production primaire d’azote réactif, et la dénitrification. Le principal flux primaire d’origine anthropique était à cette époque la fixation symbiotique par les légumineuses cultivées (<link typo3/#_ENREF_55 - - "Galloway, 2004 #1626">Galloway et al., 2003 </link>). L’association entre agriculture et élevage assurait une remobilisation de l’azote contenu dans les végétaux (grains, herbe, fourrages …) par les animaux qui les consommaient et les déjections animales étaient une source essentielle d’azote utilisable par les cultures. A partir de la révolution industrielle, à la fin du XIXe siècle, deux processus principaux sont venus modifier drastiquement ce « paysage de l’azote ». Tout d’abord, l’utilisation de plus en plus massive de combustibles fossiles pour la production d’énergie, les transports, l’industrie et les activités domestiques, est venue augmenter fortement les quantités d’azote oxydé (NOx, HNO3, …) présentes dans l’atmosphère et dans l’environnement. Le deuxième processus a été le plus déterminant : il s’agit du procédé Haber-Bosch faisant la synthèse d’ammoniac à partir de diazote (N2) et de dihydrogène (H2) à l’échelle industrielle (<link typo3/#_ENREF_43 - - "Erisman, 2008 #374">Erisman et al., 2008</link>). Ce procédé a été à la source de la production massive d’engrais industriels qui a été l’un des principaux éléments de l’intensification de la production végétale pour répondre à l’augmentation de la demande alimentaire après la 2e guerre mondiale. A l’échelle globale, la production anthropique d’azote réactif dépasse quantitativement la fixation symbiotique depuis la fin du XXe siècle. Le cycle de l’azote a donc été profondément modifié par les interventions humaines de l’échelle de la parcelle agricole à l’échelle mondiale : plus de la moitié de l’azote réactif est en effet aujourd’hui d’origine anthropique (Vitousek et al., 1997). Comme élément de comparaison, le cycle du carbone est modifié de moins de 10 % par les activités humaines.
La contrepartie de la forte augmentation de l’utilisation d’engrais azotés est que nous sommes passés, en un siècle, d’une situation de limitation de la production agricole par cet élément majeur qu’est l’azote, à une situation d’apports dépassant souvent, et parfois largement, les besoins des cultures. Ces excédents sont particulièrement élevés dans les régions d’élevage où des importations d’aliments, riches en azote sous forme de protéines (soja, par exemple), s’ajoutent aux achats d’engrais dans le bilan d’azote de l’exploitation et de la région. Ceci a eu pour conséquences des pertes croissantes d’azote depuis les agroécosystèmes, soit vers les eaux pour des formes solubles et/ou mobiles (nitrate, formes organiques dissoutes ou particulaires), soit vers l’atmosphère pour les formes gazeuses (ammoniac, oxydes d’azote, protoxyde d’azote). Ces fuites et leur ampleur sont à l’origine de tout un ensemble de questions sur l’impact des activités humaines, et plus particulièrement agricoles, sur l’environnement (eaux, air, sols, écosystèmes et climat) et la santé (Sutton et al., 2011).
Des impacts liés à la mobilité et à la réactivité des composés azotés
D’après Giles (2005), l’azote est la troisième menace pour notre planète, après la perte de biodiversité et le changement climatique. Les impacts de l’azote sont en effet multiples et touchent à de nombreuses problématiques environnementales. En développant le concept de limites planétaires, Rockström et al. (2009) soulignent la criticité des impacts de l’excès d’azote réactif injecté dans l’environnement par les activités humaines. Ils écrivent : “Les processus anthropiques – au premier lieu desquels la fabrication d’engrais pour la production alimentaire et la culture des légumineuses – convertit environ 120 millions de tonnes de N2 en différentes formes d’azote réactif tous les ans – ce qui est supérieur à la somme de tous les processus terrestres. Une grande partie de ce nouvel azote réactif se retrouve dans l’environnement, polluant les cours d’eau et les zones côtières, s’accumulant dans les écosystèmes et ajoutant un certain nombre de composés gazeux dans l’atmosphère. Il dégrade lentement la résilience d’importants systèmes terrestres.”
Partant d’une liste principale d’une vingtaine d’enjeux, la synthèse faite par l’European Nitrogen Assessment (Sutton et al., 2011) a identifié cinq menaces majeures associées aux excès d’azote dans l’environnement : qualité des eaux, qualité de l’air, effet de serre, écosystèmes et biodiversité, qualité des sols.
- La pollution des eaux par l’azote est à l’origine de phénomènes d’eutrophisation et d’acidification de l’eau douce, et a un fort impact sur la faune et la flore aquatiques. Les concentrations élevées en nitrate dans les eaux destinées à la consommation sont considérées comme à risque pour la santé.
- La pollution de l’air (Bedos et al., 2019) par les NOx et l’ammoniac provoque la formation de particules secondaires (Ademe, 2012). En outre, les émissions de NOx augmentent aussi les niveaux de dioxyde d’azote et d’ozone troposphérique. Toutes ces molécules oxydantes sont à l’origine de problèmes respiratoires et de cancers. L’ozone cause aussi des dommages aux cultures et à la végétation en général (Mills et al., 2011), ainsi qu’au bâti.
- Concernant le climat, ce sont surtout les émissions de protoxyde d’azote (N2O) qui sont pointées du doigt, trouvant leur origine dans la fertilisation des cultures et la gestion des effluents d’élevage. En revanche, les apports d’azote favorisent le stockage de carbone par la végétation et les sols (Erisman et al., 2011) car les plantes et la biomasse microbienne des sols ont besoin d’azote pour constituer leur matière organique.
- Les impacts sur les écosystèmes et la biodiversité résultent dans un premier temps de transferts par l’atmosphère ou par le réseau hydrologique depuis les zones agricoles (sources de Nr) vers les écosystèmes-cibles qui vont utiliser cet azote pour leur métabolisme, puis de réponses différenciées des organismes vivants aux excès d’azote, qui vont favoriser certaines espèces par rapport à d’autres voire, dans des cas extrêmes, provoquer des déséquilibres pouvant conduire à des phénomènes d’écotoxicité (Dise et al. dans Sutton et al., 2011).
- La qualité des sols des écosystèmes faiblement anthropisés est affectée par les apports excédentaires d’azote et les dépôts atmosphériques qui augmentent leur acidité, modifiant les équilibres physico-chimiques et favorisant par là-même la perte de certains éléments-traces et qui affectent directement, ou par le biais de cette acidification, la biodiversité de leur microflore et microfaune.
La cascade de l’azote
L’azote, un composé qui circule dans l’environnement, et s’y transforme en créant divers impacts
Comme on vient de le voir, les fuites d’azote réactif depuis les systèmes agricoles circulent dans différents milieux (air, eaux, sols, écosystèmes) où ils peuvent être stockés, mais surtout s’y transformer par le biais de processus physiques, chimiques et microbiologiques en diverses formes, qui peuvent chacune successivement créer des impacts sur la santé, les écosystèmes et le climat. Cette analyse montre la nécessité d’adopter des approches englobantes permettant de faire le lien entre les sources d’azote utilisé en agriculture et en élevage et les impacts, en prenant en compte la diversité des déterminants des émissions (pratiques agricoles, facteurs du climat et de l’environnement), des transferts (hydrologiques et atmosphériques, anthropiques) d’un milieu à un autre et des impacts (sensibilité des écosystèmes et santé humaine). Ceci a amené <link typo3/#_ENREF_53 - - "Galloway, 1998 #3614">Galloway et al. (2003</link>) à introduire le concept de cascade de l’azote qu’il définit comme le transfert séquentiel de l’azote dans les systèmes environnementaux, s’accompagnant de transformations en différentes formes d’azote réactif, et ses conséquences en termes d’impacts. Le schéma suivant (<link typo3/#_ENREF_142 - - "Sutton, 2011 #2003">Sutton et al., 2011</link>) met en évidence cette chaine de transferts, transformations et impacts dans l’environnement avec un focus sur les zones agricoles (Figure 2). L’exemple que nous détaillons ci-après illustre cette chaîne de processus et d’impacts.
- Au départ, une molécule d’azote atmosphérique (N2) est convertie en ammoniac (NH3) par le processus Haber-Bosch pour produire de l’engrais. De nombreuses expérimentations agronomiques ont montré qu’environ seule la moitié de l’engrais azoté apporté aux cultures se retrouve dans les parties récoltées. L’autre moitié s’échappe sous différentes formes vers l’atmosphère (NH3, NOx, N2O, N2) ou vers l’eau (NO3-, azote organique dissous) ou encore reste sur la parcelle sous forme de résidus (parties racinaires et aériennes non récoltées, rhizodéposats) qui vont se décomposer et libérer à plus ou moins brève échéance de l’azote réactif.
- L’ammoniac émis peut participer à la pollution atmosphérique en intervenant dans la formation de particules fines dommageables pour la santé, ou être déposé sur un écosystème (pluie ou absorption par les stomates) naturel qu’elle va fertiliser mais aussi contribuer à acidifier et/ou à eutrophiser si les quantités déposées sont trop élevées.
- Le sol de cet écosystème, tout comme celui de la parcelle agricole initiale, produit aussi du NO et du nitrate par nitrification de cet azote ammoniacal déposé (voir figure 1).
- Ce NO émis vers l’atmosphère contribuera à la formation d’ozone troposphérique, qui impacte la santé humaine et celle des écosystèmes.
- Le nitrate, quant à lui, pourra migrer vers les eaux et les écosystèmes aquatiques, produisant là encore des désordres trophiques. Il peut aussi être dénitrifié en N2O (qui contribue alors au réchauffement global et à la dégradation de la couche d’ozone stratosphérique) ou en N2 (dénitrification complète), retournant alors à une forme non réactive de l’azote qui arrête la chaine des impacts.
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Les chaînes de transformations et d’impacts illustrées précédemment peuvent avoir pour origine aussi bien les engrais minéraux synthétiques que les effluents d’élevage, ainsi que l’azote contenu dans les résidus de culture ou dans les déchets produits par l’homme (ordures ménagères, boues de stations d’épuration), de même que des apports d’azote réactif par dépôt atmosphérique ou la fixation symbiotique. Elles illustrent le fait qu’un même atome d’azote, en circulant dans l’environnement et en s’y transformant par différents processus biologiques et chimiques peut provoquer une succession d’impacts sanitaires ou environnementaux en différents lieux, selon son trajet et les milieux traversés. Cette succession d’impact ne s’arrêtera qu’après retour à la forme N2 ou, de manière temporaire mais avec une certaine durée, lorsque l’azote est incorporé à la matière organique des plantes ou du sol.
Si la figure 2 présente un cadre qui pourrait correspondre à celui d’un paysage rural de quelques km², il faut bien avoir conscience que cette notion de cascade peut se décliner à différentes échelles. Elle peut par exemple s’appliquer à l’environnement proche d’un bâtiment d’élevage (Loubet et al., 2009 ; Hicks et al., 2011), à celui d’un paysage agricole (Cellier et al., 2011), à de petits et grands bassins versants (Billen et al., dans Sutton et al., 2011) ou à l’échelle continentale voire globale (Galloway et al., 2004). Selon les cas, les voies majoritaires de transfert et les impacts peuvent être différents.
La notion de cascade de l’azote invite à resituer l’utilisation de l’azote en agriculture dans une approche globale du cycle de l’azote et de ses impacts
La cascade de l’azote offre donc une vision dynamique qui suit cet élément dans les compartiments de l’environnement et permet de comprendre la complexité de son devenir et de ses impacts. Elle procure un cadre conceptuel dans lequel le rôle essentiel de l’azote dans la production végétale et animale est relié à ses impacts environnementaux et sanitaires qui peuvent devenir la motivation principale de son étude. En conséquence, elle amène à dépasser l’échelle du lieu où est utilisé l’azote minéral ou organique (parcelle cultivée, prairie, bâtiment d’élevage) afin de resituer le devenir de l’azote non utilisé (pertes) dans le contexte plus général de l’environnement, à des échelles pouvant aller du niveau très local (écosystème voisin) à un niveau régional (transferts de nitrate ou d’ammoniac) voire national ou global (transferts à longue distance ; effet de serre et émission de N2O). Cela pose, dans nombre de cas (nitrate, ammoniac), la question de la localisation des activités agricoles vis-à-vis des lieux proches qui pourront être affectés.
La cascade de l’azote met aussi en évidence le risque de transfert d’impact, lié aux transformations des différentes formes de l’azote réactif, avec des effets à des échelles de temps et d’espace très différentes (Oenema et al., 2009). Par exemple, la dénitrification de l’azote dans des stations d’épuration, en cherchant à régler la question de la pollution nitrique, risque d’augmenter les émissions de N2O. De même, les méthodes de réduction des émissions d’ammoniac (enfouissement des lisiers, par exemple) risquent d’augmenter les fuites de nitrate ou de N2O.
Enfin, par les liens multiples et complexes entre les différentes formes d’azote réactif, d’impacts et d’échelles spatiales, la cascade de l’azote montre aussi la nécessité de traiter les différentes questions sous-jacentes de manière intégrée à partir de connaissances sur différents climats, sols et écosystèmes et sur différents échelles et niveaux de décision et multidisciplinaire (agronomie, écologie, sciences de l’eau et de l’atmosphère, sciences sociales). Cela doit concerner à la fois les approches expérimentales et celles de modélisation, ces dernières paraissant incontournables dès que des évaluations intégrées dans l’espace et le temps sont nécessaires.
Conclusions
En lien avec la fertilisation azotée et ses conséquences environnementales et sanitaires, la cascade de l’azote représente donc un schéma cohérent faisant ressortir la multiplicité des formes d’azote réactif et des processus de transport et de transformation conduisant à des impacts. Par rapport à cette ambivalence entre utilisation de l’azote pour la production végétale et remédiation des milieux, la cascade de l’azote fait ressortir implicitement deux pistes de réflexion pour la gestion de la fertilisation azotée :
- « Garder le contrôle » de l’azote réactif et l’utiliser autant que possible plutôt que l’éliminer. En effet puisque toute molécule qui s’échappe dans l’atmosphère ou les eaux se soustrait à tout contrôle, elle peut produire toute une chaine d’impacts. Ce constat se rajoute à la nécessité d’optimiser l’utilisation de l’azote qui est de plus en plus prégnante dans un contexte de raréfaction et de renchérissement des ressources minérales et énergétiques. Les méthodes visant à éliminer l’azote réactif en le dénitrifiant, si elles permettent d’interrompre la cascade de l’azote et par là même d’éviter des transferts de pollution et de nouveaux impacts si la transformation va jusqu’à la forme N2, ont un coût énergétique élevé car elles gaspillent une ressource dont la production a nécessité des quantités importantes d’énergie (procédé Haber-Bosch) et qui aurait pu, dans certains cas au moins, être valorisée.
- Améliorer l’efficience d’utilisation de l’azote [3] en agriculture. La forte augmentation des quantités d’azote utilisées s’est accompagnée d’une diminution de l’efficience d’utilisation de l’azote à l’échelle considérée (parcelle, exploitation). Celle-ci est en général faible au niveau des échelons élémentaires : en moyenne autour de 50 % pour les cultures, elle est encore inférieure à l’échelle de l’animal (typiquement entre 10 % et 40 %, les valeurs les plus élevées étant observées pour les volailles). Mais cette efficience peut être largement améliorée à des échelles intégratrices par recyclage de l’azote contenu dans les sous-produits des activités agricoles, résidus de cultures ou déjections animales. Elle peut être aussi améliorée en ajustant mieux les apports d’azote aux besoins (plantes, animaux). L’efficience est généralement plus élevée pour les systèmes à faible niveau d’intrants azotés.
Ces pistes devraient permettre de faire évoluer les approches conduites dans le domaine de la fertilisation des cultures et des prairies, voire d’améliorer leur bilan économique et énergétique en optimisant les apports et favorisant le recyclage.
Notes
[1] La nitrification est un processus biologique d’oxydation de l’ion ammonium en ion nitrate. Elle est effectuée par des microorganismes présents dans le sol et la plante.
[2] La dénitrification est un processus microbien de respiration anaérobie qui conduit en particulier à la réduction du nitrate en azote diatomique (N2). La chaine de transformation de la dénitrification produit également des formes intermédiaires telles que l’ion nitrite (NO2), le monoxyde d’azote (NO) et le protoxyde d’azote (N2O).
[3] Rapport entre les quantités d’azote exportées dans les produits agricoles, végétaux ou animaux et celles qui sont apportées (engrais, aliments, …)
Références
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