Le paiement pour service environnemental (PSE) Adour-Garonne : quels engagements ?
P. Pointereau*, A. Chayre*, C. Gibert*, L. René**, N. Marty**, S. Jego**
*Solagro
** Agence de l’eau Adour-Garonne
Résumé
Pour mettre en œuvre la mesure 24 du Plan Biodiversité, l’Agence de l’Eau Adour Garonne a expérimenté le dispositif « Paiements pour Services Environnementaux » (PSE) dès 2019 en utilisant le régime « de minimis » et en 2020 dans le cadre de la notification nationale obtenue auprès de la Commission européenne par l’Etat français. Ce dispositif sera poursuivi en 2021 et 2022. Cet article présente le dispositif mis en œuvre sur 30 territoires du bassin Adour-Garonne et les premiers résultats obtenus. Il est basé sur un système à points obtenus à partir de trois indicateurs : « La rotation longue et couverture du sol », « l’extensification des pratiques agricoles » au travers du niveau d’utilisation de l’azote chimique sur les surfaces fourragères et des produits phytosanitaires sur les cultures, et « la présence d’infrastructures agroécologiques (IAE) ». La rémunération est basée sur des conditions d’éligibilité, le score obtenu, une valeur du point de 5€, une note minimale de 16 points et un plafond d’aide. 382 PSE ont été signés en 2019 et 856 en 2020. Le montant moyen du PSE (y compris les GAEC) a été de 6250 € en 2019 et 7583 € en 2020. Les PSE de 2020 ont permis notamment de protéger et de valoriser 2500 ha de prairies humides, 4300 km de haies et 59 étangs anciens. Aucune évaluation ni de ce dispositif Adour-Garonne, ni du dispositif national n’a été effectuée à ce jour. Cependant il est apparu intéressant de présenter ces premiers résultats qui permettent d’alimenter le débat actuel sur les écorégimes de la future PAC en cours de discussion. Cet article présentera successivement le cadre du dispositif expérimental français, sa déclinaison dans le bassin Adour-Garonne et les premiers résultats obtenus après deux ans de mise en œuvre.
Expérimenter les PSE
Les PSE sont issus de la mesure 24 du Plan Biodiversité du 4 juillet 2018, élaboré par le Ministère de la Transition Ecologique qui s’inscrit dans l’orientation « Faire de l’agriculture une alliée de la biodiversité et accélérer la transition agroécologique », elle-même identifiée dans l’axe 2 « Construire une économie sans pollution et à faible impact sur la biodiversité ».
Cette mesure avait prévu de consacrer 150 M€ d’ici 2021 dans le cadre du 11ème programme des agences de l’eau pour expérimenter, sans attendre la prochaine PAC, de nouveaux outils de paiement pour services environnementaux (PSE). Ces outils doivent permettre de reconnaître l’engagement des agriculteurs lorsque leurs pratiques contribuent directement à l’environnement, au-delà de la réglementation (par exemple, lorsqu’elles favorisent les pollinisateurs, lorsqu’elles contribuent à la régulation de l’érosion, etc.). Ce niveau d’engagement qui détermine le niveau de service et donc la rémunération, sera discuté ultérieurement.
La mesure 24 du plan Biodiversité vise prioritairement « la préservation de la biodiversité, la préservation et l’amélioration de la qualité des ressources en eau, ou la protection des sols agricoles[1] ». Il s’agit de valoriser les pratiques de préservation des sols et de restauration de la biodiversité (plantations de haies, restauration de mares, préservation des prairies…), à inciter les agriculteurs à augmenter les surfaces en prairies permanentes et les éléments semi-naturels du paysage tels que les haies, mares, murets, bandes enherbées, mais aussi en assurer une gestion durable.
Les engagements demandés par le dispositif PSE Adour-Garonne sont présentés ultérieurement. Les paiements sont basés sur des services rendus correspondant aux pratiques agricoles de l’année écoulée. Le dispositif est prévu pour aller au-delà de la réglementation et des paiements verts en visant une rotation longue, une couverture du sol, une forte réduction des produits phytosanitaires comme prévue par le plan Ecophyto et de la fertilisation minérale azotée, et un niveau élevé d’IAE gérées durablement. Cela est garanti par une note plancher minimale et des critères d’éligibilité. De plus les exploitations bénéficiant d’aides agro-environnementales ou en agriculture biologique ont été exclues du dispositif pour éviter tout double paiement à la demande du Ministère de l’Agriculture.
Les objectifs d’un PSE
La réussite des politiques de conservation des ressources naturelles dépend principalement de leur désirabilité et de leur acceptation par les acteurs locaux. Souvent l’absence de compensation des coûts et des pertes de bénéfices conséquents à ces politiques dissuade les acteurs à y adhérer volontairement (Pirard et Lapeyre, 2014).
Depuis le début des années 2000, les Paiements pour services environnementaux (PSE) ont émergé comme instrument innovant qui aide à proposer des politiques alternatives incitant mieux à la conservation de l’environnement (Pirard et Lapeyre, 2014). Leur acceptation volontaire est facilitée par l’incitation directe couplée à la possibilité de négocier à la fois les mesures de conservation, la valeur et la nature des paiements ainsi que par l’adaptation de chaque PSE au contexte (écosystèmes considérés comme type de « pourvoyeurs » de services écosystémiques …) (Wunder, 2013 ; Pirard et Billé, 2010). Les PSE favorisent ainsi l’acceptabilité et la réussite des politiques de conservation, ce qui explique l’intérêt croissant suscité par cet instrument dans le monde.
Les paiements pour services environnementaux (PSE) visent à rémunérer des acteurs pour un changement volontaire de pratiques ou le maintien de pratiques favorables à l’environnement, au-delà des obligations règlementaires. Il ne s’agit pas de calculer la valeur économique d’un service écosystémique. Le montant du paiement est le fruit d’une négociation entre les parties et résulte généralement d’un compromis entre les coûts d’opportunité des changements de pratiques ou d’une renonciation à un changement de pratiques des fournisseurs de services, d’une part et le consentement à payer des bénéficiaires de l’autre. C’est la rémunération d’un contrat entre l’agriculteur et la société. Ce revenu devrait au moins « compenser » un cout d’opportunité, et être inférieur aux bénéfices attendus (Pagiola, 2013).
Une première définition a été donné en 2005 par Wunder : « Un PSE est une transaction volontaire, où un service environnemental (SE) bien défini, ou un usage pouvant assurer la fourniture de ce SE. Il est « acheté » par (au moins) un client de SE à (au moins) un fournisseur de SE, si et seulement si le fournisseur de SE assure la fourniture ininterrompue du SE (conditionnalité) ».
Les services environnementaux correspondent à des actions ou des modes de gestion assurés par des acteurs qui améliorent l'état de l'environnement ou maintiennent un très bon état de l’environnement, en contribuant à optimiser le fonctionnement des écosystèmes, et ainsi garantir voire accroitre les services écosystémiques qu'ils rendent. Ils peuvent contribuer à la préservation de la biodiversité, à la protection des pollinisateurs, au renforcement de la régulation des populations de ravageurs et parasites, à la protection des ressources en eau (meilleure filtration, absence de contamination), à la protection des sols (biodiversité, stockage de carbone...), à la protection contre les crues (meilleure infiltration) et à l’adaptation au changement climatique.
Le présent dispositif vise à reconnaître et rémunérer les services environnementaux produits par les agriculteurs, au travers des choix qu'ils opèrent pour orienter leurs systèmes de production dans une approche globale de leur exploitation, et des interventions qu'ils font pour gérer les structures paysagères.
Les territoires retenus pour l’expérimentation en Adour Garonne
Il a été choisi de mettre un place le dispositif de paiements pour services environnementaux dans le cadre de démarches territoriales, portés par des maîtres d'ouvrage identifiés (collectivités territoriales, syndicats AEP ou de bassin-versant...) assurant une animation territoriale (démarche collective). Les territoires retenus disposent ainsi d’une animation territoriale à même de pouvoir informer, expliquer et mobiliser autour de cette expérimentation PSE. Cette configuration permet notamment de disposer d’un diagnostic de territoire précisant les enjeux eau et biodiversité et le lien avec les activités agricoles. La présence d’un accompagnement technique des agriculteurs sur la gestion des milieux naturels ou des infrastructures agroécologiques (IAE) est également recherchée.
Les territoires retenus aux PSE sont, sur Adour-Garonne, des bassins-versants porteurs d'enjeux forts en matière de biodiversité, de protection des ressources en eau, ou de protection des sols, en zone de polyculture élevage et où :
- les prairies diminuent en faveur des grandes cultures,
- les zones humides sont encore importantes en nombre et en surfaces mais diminuent à la faveur d’intensification des pratiques ou de changement de systèmes agricoles.
- les zones remarquables comme les tourbières ou les marais sur lesquelles une reconnaissance de l’activité d’élevage est cruciale pour la conservation de ce type d’agriculture.
Ainsi il a été observé[2] dans le bassin Adour-Garonne une baisse des surfaces toujours en herbe entre 2000 et 2010 de 125 000 ha et un recul des exploitations de polycultures-élevage au profit des exploitations grandes cultures. La région Occitanie compte encore 100.000 ha de zones humides soit 1,5% du territoire.
Le choix de ces territoires a été fait en collaboration avec les Régions, les DRAAF et les DREAL.
La mise en œuvre de l’expérimentation
L’agence de l’eau Adour-Garonne est la première Agence de l’Eau en France à avoir attribué des PSE dès 2019. Cette expérimentation Adour-Garonne est prévue jusqu’en 2022. Le PSE n’est pas une nouvelle aide à destination des agriculteurs. C’est un revenu lié à la performance environnementale et non pas la compensation d’un manque à gagner ou d’un changement de pratique. Dans cette expérimentation, ce revenu peut s’élever jusqu’à 9000 €/an[3] pour les exploitations les plus performantes.
La méthodologie initiale a été proposée par Solagro et améliorée lors de sa mise en œuvre pour concilier sa pertinence à évaluer les services environnementaux rendus et l’opérationnalité du dispositif avec le cadre législatif dans lequel le dispositif se situe (de minimis, mesure 24, notification n° SA 55052). Cette méthode s’inspire de la démarche« Haute Valeur Naturelle » (HVN) construite avec le Centre Commun de Recherche de la Commission Européenne (Pointereau et al., 2007) en réponse à la déclaration de Kiev en 2003[4], née de la volonté des ministres de l’environnement de qualifier et de soutenir les systèmes agricoles à haute valeur naturelle en Europe. Elle s’inspire aussi des programmes agro-environnementaux développés au début des années 90 : « Ecopoints » en Basse-Autriche et « Prestations Ecologiques Requises » en Suisse.
Il est retenu d’évaluer les services écosystémiques sur la base de trois indicateurs robustes, facilement calculables et contrôlables à l’échelle des exploitations agricoles, applicables à tous les systèmes de production et couvrant les principaux enjeux écologiques que sont la préservation des sols, le maintien de la biodiversité et des ressources en eau de qualité et en quantité suffisante pour tous.
Chaque indicateur est évalué par le biais d’une note allant de 0 pour un niveau de service nul à 10 points pour un niveau de service maximum. La note maximale correspondant en effet à l’absence d’usage de produits phytosanitaires ou d’engrais azoté chimique, une rotation longue ou une part très importante IAE (15% de la SAU). Ces indicateurs sont effet reconnus comme favorables à la biodiversité et la qualité de la ressource en eau par la communauté scientifique.
Ce système à point permet d’apprécier le niveau des services rendus, ajuster le paiement au service et valoriser dans le temps du contrat l’augmentation des services. Les 3 indicateurs sont :
- Indicateur 1 : La rotation longue et couverture du sol par la prise en compte de la diversité des cultures[5]
- Indicateur 2 : L’extensification des pratiques agricoles au travers du niveau d’utilisation de l’azote chimique sur les surfaces fourragères hors maïs ensilage et des produits phytosanitaires sur les autres cultures
- Indicateur 3 : La présence d’infrastructures agroécologiques (haies, lisière de bois, prairies humides, étangs et mares).
- Le calcul des indicateurs est présenté dans le tableau 1 et pour plus de détail il faut se référer au guide méthodologique[6].
Ce système permet aussi de fixer une note « plancher », en deçà de laquelle on estime que les services environnementaux rendus sont insuffisants pour donner droit à un paiement. Dans le cadre de cette expérimentation, cette note plancher a été fixée à 16 points/30[7]. Les seuils requis sont élevés dans la mesure où il a été estimé que les objectifs devaient être aussi ambitieux que ceux des programmes nationaux comme Ecophyto2+ ou des plans d’actions régionaux (PAR) de la directive nitrate. En cela, les points ne sont acquis dans l’indicateur 2 qu’au-delà d’une réduction de 50% de l’indice de fréquence de traitement l’IFT[8] pour les cultures et d’une fertilisation azotée chimique sur les surfaces fourragères inférieures à 50 unités.
Des adaptations ont été rendues nécessaires pour rendre les indicateurs plus opérationnels, plus précis et plus contrôlables. Les principales adaptations ont porté sur le mode de calcul de l’indicateur 2 (extensivité des pratiques) et sur la mise en place de critères d’éligibilité comme :
- Avoir un chargement inférieur à 1,4 UGB par hectare de surface fourragère
- N’avoir aucun IFT qui dépasse l’IFT régional de référence pour chaque culture « prioritaire[9] »
De plus pour des raisons de mise en œuvre il a été décidé que seules les exploitations ayant au moins 50% de la SAU dans les zonages expérimentaux (ou une parcelle si le zonage concernait une aire d’alimentation de captage) pouvaient entrer dans la démarche.
Pour renforcer la performance environnementale, il est demandé aussi aux agriculteurs de s’engager à maintenir les surfaces de prairies naturelles ainsi que l’ensemble des IAE de l’exploitation, à gérer durablement les haies au travers de l’engagement dans le label Haie[10] et les prairies humides au travers d’un conseil apporté par les cellules d’assistance technique zones humides (CATZH). Cet engagement est important dans la mesure où le linéaire de haies continue de reculer en France[11].
Enfin, pour éviter tout risque de double paiement, la commission européenne et le Ministère de la transition écologique ont décidé dans la notification que les exploitations ayant contractualisé des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), quelles que soient les MAEC en présence, bénéficiant d’une aide à l’agriculture biologique (à la conversion- CAB ou au maintien -MAB) ou engagées dans la certification maïs[12] ne pourront signer de PSE. Cette disposition qui exclut les agriculteurs ayant engagé une MAEC ou en bio, n’était pas voulu par l’AEAG, mais les négociations menées avec le Ministère de l’Agriculture n’ont pas abouti.
S’agissant d’une expérimentation, et pour permettre l’attribution de l’aide dès 2019 (comme demandé par le plan biodiversité de 2018) dans un cadre autorisé par l’Europe, l’Agence de l’Eau Adour-Garonne a utilisé le régime « de minimis [13]», seul régime disponible à ce moment-là pour verser des aides aux agriculteurs hors notification[14]. Ainsi, elle a dû respecter en 2019 le plafond lissé sur 3 ans fixé par l’Europe à 20 000 € pour les exploitations individuelles[15], ce qui limitait le paiement à 6666 €/an/exploitation. Cette option a permis, en 2019, de contractualiser et rémunérer 382 PSE pour 2,4 M€.
En 2020, le PSE expérimental Adour-Garonne s’est inscrit dans le cadre de la notification nationale obtenue auprès de la Commission européenne (n° SA 55052), le 18 février 2020 ce qui a permis de se libérer du régime des « de minimis ».
Ce changement de régime a nécessité quelques adaptations par rapport au cadre proposé en 2019.
- La mise en place d’un plafond à 60 ha[16] pour le calcul du montant par exploitation ce qui porte à 9 000€/an le maximum d’un PSE pour une exploitation avec une note de 30 points
- La réalisation d’un audit renouvelé annuellement
- Des modifications liées à l’évitement d’un double paiement avec les paiements verts (relèvement à 5% de la SAU au lieu de 4% pour la prise en compte des haies et lisières de bois, note minimale supérieure ou égale à 5 points pour l’indicateur 1 pour s’assurer de la présence d’au moins 3 cultures)
Quelle valeur économique donner aux services environnementaux ?
Un paiement pour services environnementaux (PSE) ne peut avoir de sens que s’il est défini par une obtention de résultats environnementaux.
Le projet territorial de PSE rémunère les agriculteurs selon la performance environnementale de leurs systèmes de production en fonction d’une ambition environnementale élevée définie en amont. Les agriculteurs ont, quant à eux, la liberté de choix des leviers d'actions à mobiliser pour maintenir ou améliorer cette performance environnementale.
Ne pouvant s'agir de résultats environnementaux stricto sensu, difficilement évaluables sur le court terme[17], il s'agit d’évaluer le « profil de performance environnementale » des exploitations agricoles, définis par un système d'indicateurs (caractéristiques des systèmes de production agricole ; extensivité des pratiques ; importance des structures paysagères gérées durablement).
Le montant de rémunération retenu pour une exploitation agricole doit être proportionné à l'importance des services environnementaux qu'elle rend, estimée dans cette expérimentation par le biais de ces indicateurs (transcrits chacun en notes de 0 à 10). Le montant du PSE est alors la résultante d’une valeur du point multipliée par le nombre de points obtenus. Cette valeur du point doit rendre compte de la valeur des services rendus lorsque l’activité agricole est idéale et n’entraine aucun désagrément d’un point de vue de l’environnement ou de la santé. C’est-à-dire qu’elle maintient un haut niveau de biodiversité et une préservation des ressources en eau tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. L’Agence de l’eau Adour-Garonne a retenu 5 €/point ce qui donnerait au maximum 150 €/ha dans le cas d’une exploitation qui atteint le maximum 30 points.
Les évaluations existantes sont partielles et portent soit sur la valeur des haies, des prairies soit sur d’autres IAE et font toutes références à des valeurs bien supérieures. Or aucune évaluation nationale ou internationale n’est en capacité de donner une valeur globale de tous les services rendus dans une situation idéale.
Seules des évaluations plus poussées permettront de juger si la rémunération apportée dans le cadre de cette expérimentation est justifiée. Les montants plafonnés restent dans l’ordre de grandeur des MAEC ou des aides à la bio avec des exigences fortes sur la diversité d’assolement, la réduction des produits phytosanitaires et de l’azote chimique, le maintien et l’entretien des IAE.
Quel accompagnement des agriculteurs ?
Les exploitants désirant s’engager dans un PSE sont accompagnés par des techniciens de différents organismes (Chambre d’agriculture, coopérative, centre de gestion, CIVAM, bureau d’étude). En 2019 et 2020, 141 auditeurs ont été formés et certifiés à la méthodologie du PSE Adour-Garonne et à l’utilisation de l’outil de saisie des audits (plateforme web). Ils sont les seuls habilités à réaliser l’audit PSE.
Un outil web « PSE Adour-Garonne » a été réalisé pour faciliter toute la mise en œuvre du PSE et en limiter les coûts administratifs. Cette plateforme permet de réaliser en ligne les pré-diagnostics (permettant à l’agriculteur d’estimer le niveau de services rendus de son exploitation), les audits et transmettre tous les documents dématérialisés à l’Agence de l’eau en vue de l’instruction des dossiers et la mise en paiement. En fonction des territoires et des organismes certifiés, l’agriculteur choisit son organisme pour l’accompagner dans la démarche. Les audits sont financés par l’Agence de l’eau.
Un guide méthodologique a été réalisé et révisé 3 fois à ce jour pour tenir comptes des évolutions de la méthode et des précisions à apporter sur certains cas de figure observés.
A noter aussi que les PSE sont payés très rapidement, environ 3 mois après réception du dossier complet à la différence des MAEC (Caron et al., 2010), grâce à la mise en place d’une chaine de paiement très efficace. L’Agence récupère à partir de l’outil web PSE la liste des agriculteurs et les informations nécessaires à l’engagement de leur aide. Elle réalise ensuite une instruction, un engagement et un paiement en masse, lui permettant ainsi de réduire le temps et de gérer un grand nombre de dossiers en même temps.
La bonne application à vérifier et les enseignements à en tirer
Afin de s’assurer de la bonne application du dispositif (application des critères d’évaluation, réalisation des diagnostics d’exploitation, …), l’agence de l’eau Adour-Garonne a également mis en place un système de contrôle indépendant (réalisé par un organisme extérieur choisi par appel d’offre). Le choix des exploitations se fait selon plusieurs critères : exhaustivité des territoires et des structures auditrices, proportionnalité du nombre de dossiers réalisés par territoire…
A ce jour, 20 contrôles ont été réalisés et concernent des exploitations aidées au titre de l’année 2019. Les résultats sont en cours d’analyse. Ce contrôle permet de vérifier que toutes les informations saisies sur la plateforme PSE qui justifient le paiement sont justes comme la longueur des haies, les IFT ou la fertilisation azotée des prairies.
Afin de tirer tous les enseignements de ce dispositif et contribuer à la réflexion nationale sur la mise en œuvre des PSE en France, une évaluation sera réalisée en deux phases.
- La première « évaluation à chaud » (à mi-parcours) permettra d’estimer si ce dispositif répond bien à ses objectifs, d’évaluer les modalités de mise en œuvre et de proposer des adaptations. Celle-ci est déjà en cours.
- La deuxième « évaluation à froid » (ex-post) aura lieu à la fin du dispositif.
Ces évaluations devraient permettre entre autres d’avoir un retour des agriculteurs engagés tant sur les engagements contractuels que sur le montant des paiements, de caractériser les exploitations PSE (diversité d’assolement, réduction des intrants, typologie des IAE), de mesurer une éventuelle progressivité au fil des ans, d’évaluer le poids du paiement dans l’économie de l’exploitation et de mesurer les coûts de gestion administrative du PSE rapportés aux paiements versés et de proposer des évolutions tant sur la méthode que sur la mise en œuvre.
Quels résultats de mise en œuvre en 2019 et 2020
Le plan biodiversité fixait une attribution de PSE dès 2019. L’Agence de l’Eau Adour-Garonne a répondu à cet objectif.
Comme le montre le tableau 2, 382 PSE ont été signés en 2019 et 856 en 2020. La note moyenne obtenue (supérieure à 24/30) tant en 2019 qu’en 2020 est bien au-dessus du seuil qui avait été fixé (16/30). Cette valeur a peu varié entre 2019 et 2020. Le montant moyen du PSE (y compris les GAEC[18]) a été de 6 250 € en 2019 et 7 583 € en 2020. Cette évolution s’explique par la modification des règles de plafonnement présentées ci-dessus. Par ailleurs, en termes de résultats environnementaux, les PSE de 2020 ont permis de protéger et de valoriser 2 500 ha de prairies humides, 4 300 km de haies et 59 étangs.
On peut observer que seulement 18% de la SAU des territoires a été engagé dans un PSE en 2020. Ce résultat d’engagement s’explique de différentes façons mais seule l’évaluation ex-post permettra d’en préciser la nature. L’agriculteur doit au moins avoir 50% de sa SAU dans le territoire. Sur certains territoires comme le marais de Brouage, ce non engagement s’explique par un engagement total des exploitations dans des MAEC « zones humides ». Les critères d’exclusion comme le chargement ou ne pas avoir d’IFT supérieur à la référence peuvent aussi exclure des exploitations. Enfin la note minimale de 16 points est un critère clef.
Quels sont les avantages des dispositifs PSE ?
Le dispositif PSE était un engagement politique du gouvernement via le plan Biodiversité dont la mise en œuvre a été confiée aux Agences de l’Eau avec pour une réalisation en 2019-2021 afin de pouvoir prendre en compte les résultats de ce dispositif dans la nouvelle PAC.
A ce jour seules deux agences ont mis en œuvre ce dispositif durant les 2 premières années et respecté l’agenda : l’Agence de l’eau Adour-Garonne avec 856 PSE engagés pour 71 866 ha en 2020 et l’Agence de l’Eau Seine Normandie avec 49 contrats engagés par Eau de Paris pour 8 184 ha.
Cette expérimentation portée par l’AEAG a montré la faisabilité d’un tel dispositif PSE et tous les avantages que l’on pourrait en tirer.
Concernant les territoires, ce dispositif permet de faire reconnaitre les actions engagées pour la protection de l’environnement « au-delà » des agriculteurs pionniers engagés dans la bio et des MAEC, y compris la protection des races menacées. Ce dispositif est venu conforter les actions existantes comme la protection des zones humides ou la restauration du bocage. Il a valorisé les dynamiques collectives existantes et a pu s’adapter aux spécificités des territoires et à leurs enjeux comme la liberté dans le choix des moyens d’action, la prise en compte de différents types d’IAE, voir l’exclusion de certaines comme les étangs car jugés trop impactant sur le cycle de l’eau.
La simplicité et lisibilité du dispositif est reconnu par les agriculteurs-(rices) via une procédure simple basée sur un nombre d'indicateurs limité. La souplesse de mise en œuvre est permise avec une entière liberté sur les moyens mobilisés avec une rémunération proportionnée aux services rendus. Les services environnementaux rendus comme la protection de la ressource en eau ou le maintien de la biodiversité, fournis par les agriculteurs sont reconnus et rémunérés, et valorisent ainsi le métier d’agriculteur.
Ce dispositif est d’un grand intérêt pour les Agences de l’eau et l’Etat. Il permet de conforter les systèmes agricoles qui préservent durablement les ressources en eau et la biodiversité (figure 1). Ils contribuent aussi à d’autres aménités (paysage, zone d’expansion de crue, …) et évitent ainsi des dépenses d’investissement (restauration de la qualité de l’eau, plan de restauration de la biodiversité, traitement pour la production d’eau potable…). La souplesse et l’adaptabilité du dispositif PSE Adour-Garonne (valeur du point modulable, score minimum exigé, mesures additionnelles possibles comme l’engagement dans un label, l’interdiction de l’usage de certains produits impactant pour le milieu naturel, l’entretien d’éléments paysagers) permettent un ajustement pour mieux répondre aux enjeux des différents territoires.
Ce dispositif qui prend en compte une approche globale de l’exploitation, pourrait être élargi à d’autres thématiques comme la transition énergétique et lutte contre le changement climatique.
Enfin cette expérimentation a permis aux agences de l’eau d‘être force de proposition auprès du MTES et du MAA pour influer le contenu de l’écorégime du 1er pilier de la future PAC. L’évaluation à mi-parcours en cours et l’évaluation ex-post permettront de mieux évaluer cette expérimentation et les choix méthodologiques qui ont été pris.
Notes
[1] Plan biodiversité – Mesure n°24. Descriptif de la mesure – Juillet 2019. MTES
[2] Source : Agreste Midi-Pyrénées – Aquitaine - Mémento agricole du bassin Adour-Garonne. 2014
[3] Ce plafond est relevé en présence d’un GAEC avec un facteur 2 si le GAEC comprend 2 associés et un facteur 3 si le GAEC comprend 3 associés ou plus
[4] Conseil de l’Europe et Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Déclaration de la conférence paneuropéeenne à haut niveau sur l’agriculture et la biodiversité. Cinquième conférence ministérielle pour l’environnement en Europe. Kiev 21-23 mai 2003. Disponible sur https://unece.org/fileadmin/DAM/env/efe/Kiev/proceedings/files.pdf/Item 9/9Documents/Backgrounddocs/inf.28.f.pdf
[5] Cet indicateur peut être considéré comme un proxy dans la mesure où il est très difficile de quantifier une rotation qui n’est en règle jamais stable et peut dépendre de chaque îlot. De plus cet indicateur prend aussi en compte les cultures n’entrant pas dans une rotation comme les cultures pérennes et les prairies permanentes. Le calcul d’un indicateur de longueur de rotation parcelle par parcelle avec un système d’agrégation a été jugé trop complexe à mettre en oeuvre
[6] Solagro et Agence de l’Eau Adour Garonne. Guide méthodologique et d’instruction pour la mise en place du PSE Adour-Garonne V3 du 22 juillet 2020.
[7] Dans la méthode HVN proposée par Solagro ce seuil a été fixé en 2000 à 14,78 points pour permettre de qualifier 25% de la SAU française sachant que Conseil européen du 20 février 2006 (2006/144/CE), dans le cadre de l’orientation stratégique de la communauté pour le développement durable (2007-2013), précise que dans la plupart des états membres, les systèmes agricoles à haute valeur naturelle devraient concerner entre 10 et 30 % des terres agricoles.
[8] L’IFT comptabilise le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d’une campagne culturale. Cet indicateur peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Il peut également être décliné par grandes catégorie de produits (herbicides ; fongicides ; insecticides et acaricides ; autres produits).
[9] Les cultures dites prioritaires sont les cultures dont on dispose en IFT de référence. Elles sont au nombre de 21. Pour les autres cultures dites « mineures » dont on ne dispose pas d’IFT de référence, la note maximum de 1 est attribuée sur la culture ne reçoit aucun traitement phytosanitaire et de 0 si elle en reçoit au moins un. Pour ces cultures il n’y a pas de critère d’exclusion
[10]https://afac-agroforesteries.fr/labellisation-nationale/
[11] L’enquête annuelle TERUTI-LUCAS du service de la statistique et de la prospective du Ministère de l’agriculture montre que les haies et alignements qui avaient reculé de 5 700 ha/an entre 2006 et 2012, ont reculé de 8 000 ha/ an entre 2012 et 2014.
[12] La certification équivalente au verdissement est un régime alternatif au respect des règles générales du verdissement et concerne les exploitations dont la production de maïs représente plus de 75 % de la surface arable. En lieu et place du critère diversité des assolements, elle vise à satisfaire une obligation de couvert hivernal, qui correspond à l'implantation d'une nouvelle culture semée sur 100 % des terres arables de l'exploitation au plus tard dans les 15 jours après la récolte de maïs.
[13] Selon l’instruction technique du 22 mars 2018 du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation « Les aides d'État procurent un avantage concurrentiel à une entreprise ou une production par rapport aux conditions du marché, et sont en principe prohibées. « La Commission européenne considère toutefois que des aides publiques en-dessous d'un certain seuil ne faussent pas ou ne risquent pas de fausser la concurrence et ne sont donc pas soumises au champ des articles 107 et 108 du TFUE. Ces aides dites de minimis sont exemptes de toute procédure de notification ou d'information préalable auprès de La Commission européenne. Les aides de minimis peuvent revêtir des formes et des objectifs divers[1]. Elles ne sont pas soumises à des règles de coûts admissibles. Elles sont définies dans des règlements de minimis. ». Ces règles sont définies dans le cadre de plusieurs règlements européens. Le dernier règlement date du 21 février 2019. Ce dernier règlement a fixé le plafond individuel de l’entreprise unique pour les minimis agricoles à 20 000 € par exploitation agricole. Les 20 000 € correspondent à un seuil de minimis à ne pas dépasser sur une période de 3 exercices fiscaux glissants, tous financeurs confondus.
[14] Conformément à la directive (UE) 2015/1535, les États membres doivent informer la Commission de tout projet de règle technique avant son adoption. L’objectif de la notification est de s’assurer que la mesure (ici le PSE) n’est pas susceptible de créer des obstacles à la libre circulation des marchandises ou à la libre prestation de services de la société de l'information ou au droit dérivé de l'UE. La Commission et les autres États membres peuvent émettre un avis circonstancié à l'attention de l'État membre qui a notifié le projet. Lorsqu'un avis circonstancié est émis, l'État membre concerné doit expliquer les mesures qu'il entend prendre en réponse à l'avis circonstancié. Cet échange aboutit à une notification définitive.
[15] Pour les GAEC, le plafond est de 20.000€ par associé et plafonné à 3 associés soit 60.000€ dans le cadre de cette expérimentation PSE. Il permet aussi de laisser de la place pour d’autres aides de l’Etat versées sous les minimis
[16] Ce nouveau plafond permet d’éviter des effets négatifs comme une inflation du prix du foncier ou comme l’abandon de certaines aides publiques des Régions ou de l’Etat (MAEc) au profit des PSE. Il est multiplié par 3 pour une exploitation en GAEC avec 3 associés ou plus
[17] Cf étude EFESE. Therond et Tichit INRA, 2017),
https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/efese-services-ecosystemiques-rendus-par-les-ecosystemes-agricoles-rapport-complet-4.pdf
[18] Dont 194 GAEC
Références bibliographiques
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