La PAC de l’après 2023 : comment concilier performances économiques et écologiques grâce à des travaux de recherche et d’expérimentation en économie, agronomie et écologie à la bonne échelle ?
Hervé Guyomard*
* INRAE - SDAR, Centre de Bretagne-Normandie, La Motte au Vicomte, 35 650 Le Rheu, France, +33 (0)6 80 28 86 75, herve.guyomard@inrae.fr
Résumé
Nous analysons comment la PAC a progressivement intégré des objectifs et des instruments climatiques et environnementaux mais avec un succès trop faible à ce jour au regard des enjeux dans ce domaine. Au-delà des activités de lobbying qui ont œuvré pour qu’il en soit ainsi, il y a une explication plus rationnelle à l’échec climatique et environnemental de la PAC à ce jour, et à la difficulté pour qu’il n’en soit pas à nouveau ainsi dans la prochaine PAC. Cette explication tient au trade-off, au moins à court terme et au moins pour certains acteurs entre, d’une part, performances économiques, et, d’autre part, performances climatiques et environnementales. Ce trade-off requiert de trouver des financements additionnels, que ceux-ci soient liés aux marchés des biens et/ou des services, ou qu’ils résultent de financements publics. Une seconde difficulté, qui explique au moins pour partie la première, est d’ordre technique. Elle porte sur le fait que les connaissances relatives à la chaine causale qui, partant des instruments de la PAC, cherche à en apprécier les impacts sur les comportements, les changements de pratiques et de systèmes, et in fine le climat et l’environnement, sont trop lacunaires et trop partielles, en outre à des échelles souvent différentes, pour que lesdites connaissances puissent être facilement utilisées par les décideurs publics.
Mots-clefs : Union européenne, Politique Agricole Commune, Climat, Environment, Economie.
Summary
The CAP after 2023: how to conciliate economic and ecological performances thanks to tailored research and experimentation works in economy, agronomy and ecology?
We analyze how the CAP has progressively integrated climate and environmental objectives and instruments, but with too little success to date given the stakes in this area. Beyond the lobbying activities that have worked to ensure this, there is a more rational explanation for the climate and environmental failure of the current CAP, and very likely of the future CAP that should be applied from January 2023. This explanation lies in the trade-off, at least in the short term and at least for some actors, between the economic performance on the one hand, and the climate and environmental performance on the other. This trade-off requires additional financing, whether linked to the markets for goods and/or services or resulting from public financing. A second difficulty, which at least partly explains the first, is technical. It relates to the fact that knowledge about the causal chain that, starting from CAP instruments, seeks to assess their impacts on behaviors, changes in practices and systems, and ultimately the climate and the environment, is too incomplete and too partial, and moreover provided at different scales, for such knowledge to be easily used by policymakers.
Keywords : European Union, Common Agricultural Policy, Climate, Environment, Economics.
Introduction
La Politique Agricole Commune (PAC) a longtemps été très stable, depuis sa mise en place au début des années 1960 jusqu’à la première réforme d’ampleur de cette politique en 1992. Elle a été stable sur cette période de 30 ans car ses objectifs prioritaires sont restés partagés. Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, il s’agissait essentiellement de reconstruire et de moderniser le secteur agricole en augmentant les productivités partielles du travail et de la terre. Ceci devait permettre d’accroître la production intérieure et ainsi assurer la sécurité alimentaire des consommateurs européens à cette époque appréciée quasi-exclusivement sous l’angle des disponibilités agrégées. A l’aune de ces objectifs initiaux, la PAC est une incontestable réussite. De premiers dysfonctionnements sont certes apparus à compter du milieu de années 1970. La croissance non maitrisée des dépenses budgétaires liée au passage d’une situation d’importateur net à une situation d’exportateur net de produits agricoles de zone tempérée a alors entrainé l’adoption de mesures ponctuelles de contrôle de l’offre de céréales, d’oléagineux et de lait qui avaient pour objectif une meilleure maîtrise des dépenses. Mais ces ajustements se sont faits sans remettre en cause la logique et l’instrumentation de la PAC des origines basée sur i) des prix garantis à la production via des achats publics à ces prix, ii) des droits de douane à l’importation et iii) des subventions à l’exportation (Chatellier et al., 2020).
C’est la contrainte internationale qui a conduit à changer cette instrumentation à compter de 1992 (Guyomard et al., 1992). Sous la pression des Etats-Unis et des pays auto-proclamés « libéraux » du groupe de Cairns, l’agriculture a été mise à l’agenda international du cycle des négociations multilatérales de l’Uruguay (1986-1994). Reproche était alors fait à l’Union européenne (UE) d’exercer, grâce à la PAC, une concurrence déloyale sur les marchés mondiaux et ainsi de gagner des parts de marché à l’international au détriment d’acteurs moins interventionnistes et plus loyaux, du moins qui se considéraient et déclaraient comme tels. Les subventions à l’exportation étaient naturellement la première cible des attaques. Mais étaient également visés les deux autres piliers de l’instrumentation en vigueur avant 1992, à savoir les droits de douane à l’importation qui empêchaient les importations de pays tiers (on parlait alors de « forteresse Europe ») et les prix garantis à la production européenne qui encourageaient cette dernière, et donc encourageaient aussi les exportations et décourageaient les importations. Ce point de la contrainte internationale des marchés est essentiel car il va dicter la forme instrumentale que va prendre la réforme de la PAC de 1992, et celles qui vont suivre. Il est toujours d’une importance première car la contrainte internationale des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) conditionne encore aujourd’hui ce qu’il est possible de faire dans la PAC en matière de choix et de design des instruments.
C’est également à compter du milieu des années 1970 que sont apparues les premières préoccupations environnementales, et les premières mises en accusation de la PAC dans ce domaine. En effet, la garantie des prix à la production renforce les incitations à intensifier cette dernière, c’est-à-dire à rechercher les plus fortes productivités de la terre en augmentant la taille des parcelles, en ayant recours à la mécanisation et à l’irrigation, en utilisant engrais minéraux et produits de protection des cultures, en convertissant en cultures des surfaces toujours en herbe, ou encore en maximisant le nombre d’animaux par unité de surface. Ceci dans un contexte de rareté du facteur terre dans l’UE et donc de forte concurrence pour son usage, rareté et concurrence qui ont aussi pour effet mécanique de favoriser l’intensification (au sens défini ci-dessus). Toutefois, ce ne sont pas les préoccupations environnementales qui ont fait qu’il y a eu réforme de la PAC en 1992, et que celle-ci a emprunté à cette date la voie sur laquelle elle chemine toujours aujourd’hui. C’est une part du problème actuel dans la mesure où ce chemin n’est pas le mieux adapté à la prise en compte des questions climatiques et environnementales. En d’autres termes, l’heure est venue de suivre un autre chemin.
Dans la suite de l’article, nous analysons comment la PAC a progressivement intégré des objectifs et des instruments climatiques et environnementaux mais avec un succès trop faible à ce jour au regard des enjeux dans ce domaine (Section 2). Au-delà des activités de lobbying qui ont œuvré pour qu’il en soit ainsi, il y a une explication plus rationnelle à l’échec climatique et environnemental de la PAC à ce jour, et à la difficulté pour qu’il n’en soit pas à nouveau ainsi dans la prochaine PAC qui vient d’être actée les 24 et 25 juin 2021 – les décisions de juin définissent le cadre communautaire commun de la PAC 2023-2027 dont il est cependant difficile d’apprécier la portée réelle à cette heure dans la mesure où celle-ci dépendra beaucoup de la déclinaison de ces décisions dans les différents Etats membres via les Plans Stratégiques Nationaux (PSN) –. Cette explication tient, au moins à court terme et aux yeux de nombreux acteurs, à la difficile conciliation entre performances économiques et performances climatiques et environnementales ; ceci dans le double contexte où, en dépit de success stories,il n’a toujours pas été démontré que des pratiques et des systèmes agricoles plus respectueux du climat et de l’environnement permettaient systématiquement de générer des revenus agricoles plus élevés notamment si les prix à la consommation finale restent inchangés, et où, de façon croissante, les soutiens budgétaires représentent une part très élevée, souvent supérieure à 100%, des revenus agricoles pour de très nombreuses exploitations agricoles (voir, par exemple, Chatellier et al., 2021, dans le cas français). Assurer cette conciliation requiert de trouver des financements additionnels, que ceux-ci soient liés aux marchés des biens et/ou des services, ou qu’ils résultent de financements publics (Section 3). Une seconde difficulté, qui explique au moins pour partie la première, est d’ordre technique. Elle porte sur le fait que les connaissances relatives à la chaine causale qui, partant des instruments de la PAC, cherche à en apprécier les impacts sur les comportements, les changements de pratiques et de systèmes, et in fine le climat et l’environnement, sont trop lacunaires et trop partielles, en outre à des échelles souvent différentes, pour que lesdites connaissances puissent être facilement utilisées par les décideurs publics (Section 4).
Trente ans de réforme continue de la PAC
Au-delà des complexités, le chemin emprunté à l’occasion de la réforme de 1992 est clair (Chatellier et al., 2020). Cette réforme a inauguré le processus de substitution de la politique initiale de soutien par les prix, essentiellement à la charge du consommateur via des prix plus élevés que les cours mondiaux, par une politique de soutien par des aides directes, essentiellement à la charge du contribuable. Les aides directes de soutien des revenus – qui représentent aujourd’hui la part du lion des soutiens budgétaires – ont été progressivement déconnectées des choix et des niveaux des productions dans le cadre du processus dit de découplage requis pour le classement desdites aides dans la boite verte de l’OMC des paiements autorisés sans aucune restriction. Ce processus de découplage est quasiment achevé, même si demeurent des aides couplées à certaines productions, pour l’essentiel aux productions de petits et gros ruminants. Ces aides couplées animales ont de nombreux effets pervers bien documentés aujourd’hui. En particulier, elles sont un instrument de soutien des revenus agricoles moins efficace que les aides découplées ou les Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC), avec captation d’une grande part du soutien par l’amont et l’aval, et elles n’incitent pas à maximiser les performances zootechniques (Ciliberti et Frascarelli, 2018 ; Veysset et al., 2019). Au total, il apparaît donc qu’au-delà des aides couplées animales dont le maintien sous la forme actuelle pose question (Guyomard et al., 2021), l’objectif du découplage de la politique de soutien des revenus ne peut plus être le rail qui guide la PAC de demain.
En plus du découplage per se, les réformes successives de la PAC postérieures à 1992 ont poursuivi deux objectifs principaux. En premier lieu, modifier la distribution des soutiens budgétaires agricoles entre Etats membres et à l’intérieur d’un même pays, entre catégories d’exploitations. En deuxième lieu, mieux intégrer des objectifs climatiques et environnementaux.
Nous n’aborderons que très peu ici le premier point relatif à la répartition des soutiens budgétaires. Au gré des réformes successives de la PAC, de très nombreux dispositifs ont été imaginés pour corriger ce fait, et ce sera à nouveau le cas dans la prochaine PAC. Ils ont eu des effets indéniables sur la distribution des soutiens budgétaires. Celle-ci reste néanmoins inégale notamment parce que plusieurs aides, en particulier les aides directes découplées, versées à une exploitation agricole restent d’autant plus élevées que cette dernière utilise, en propriété ou en location, un nombre important d’hectares. La question centrale est celle de la cible, c’est-à-dire la définition de la distribution jugée optimale des aides directes, plus spécifiquement des mesures qui ciblent explicitement un objectif de soutien des revenus (Chatellier et Guyomard, 2020). En pratique, certaines mesures – comme, par exemple, le paiement redistributif sur les premiers hectares – n’ont été introduites que pour corriger les conséquences redistributives d’autres mesures, l’empilement des dispositions contribuant ainsi à brouiller davantage le paysage. Nous insisterons surtout sur le fait que les aides directes représentent, pour de nombreuses exploitations, une part très importante des revenus. Ce point est illustré par le Tableau 1 dans le cas de la France à partir des données du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA). En 2019, la part des aides directes dans le revenu courant avant impôt (RCAI) était de 195% pour les exploitations spécialisées de bovins-viande, de 152% pour les unités spécialisées d’ovins et de caprins et de 126% pour les unités mixtes de bovins-viande et bovins-lait. Cette part était également supérieure à 100% pour les exploitations spécialisées de céréales, d’oléagineux et de protéagineux (COP). Par contraste, elle n’était égale qu’à 7% pour les exploitations viti-vinicoles. Dans un contexte où les revenus agricoles par unité de travail non salariée (UTANS) stagnent depuis plusieurs années – à hauteur d’un peu moins de 30 000 euros sur les dix années 2010-2019 ; cf. Tableau 2) –, ce poids des aides directes dans les revenus agricoles est un frein majeur à toute réforme d’ampleur de la PAC. En d’autres termes, « puisque les aides font les revenus », modifier leur modalités d’octroi engendre inévitablement refus, au minimum résistance, des perdants. Ceci est vrai aussi bien pour les mesures qui visent explicitement à modifier la répartition des soutiens budgétaires que pour celles qui ciblent des objectifs climatiques et environnementales mais qui auront aussi des conséquences redistributives dont il faut tenir compte (Chatellier et al., 2021).
La PAC a très tôt inclus des instruments environnementaux (Dupraz et Guyomard, 2019). Des paiements aux producteurs localisés dans des zones défavorisées ont ainsi été introduits dès les années 1970. Leur objectif premier n’était pas la protection de l’environnement mais, à nouveau, le soutien des revenus des agriculteurs situés dans ces zones. Les paiements étaient néanmoins également justifiés par le fait que maintenir une activité dans les zones défavorisées permettait de maintenir un usage agricole des terres, de conserver des paysages ouverts et de préserver la biodiversité associée à ceux-ci, ceci d’autant plus que les pratiques étaient extensives. De même, des Mesures Agri-Environnementales (MAE), ancêtres des actuelles MAEC, ont été mises en place dans deux pays (Pays-Bas et Royaume-Uni) dès les années 1980, et généralisées à l’ensemble des Etats membres à l’occasion de la réforme de la PAC de 1992. De façon générale, les instruments de la PAC au service du climat et de l’environnement associent le « bâton » et la « carotte » (Encadré 1). Le bâton via la conditionnalité des aides directes du premier pilier qui obligent les agriculteurs au double respect, d’une part, de règlements et de directives en matière de protection de l’environnement ainsi que de santé des hommes, des animaux et des plantes, et, d’autre part, de Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE) correspondant, de façon simplifiée, à des principes de base de bonne gestion des terres agricoles.[1] La carotte via les MAEC du deuxième pilier dans le cadre de la PAC actuelle, les MAEC et le nouvel instrument de l’éco-régime du premier pilier dans le cadre de la future PAC. Le bâton n’est aujourd’hui pas très gros, au niveau des mesures per se comme des pénalités en cas de non-respect de celles-ci (Détang-Dessendre et al., 2020 ; Guyomard et al., 2020). Il en est de même pour la carotte, notamment parce que les MAEC ne permettent que de compenser les surcoûts ou pertes de profit liées à la mise en œuvre de pratiques et de systèmes agricoles conformes aux cahiers des charges des mesures.[2] Dit autrement, les MAEC ne permettent pas de rémunérer les agriculteurs au prorata des bénéfices environnementaux possiblement engendrés. Parce que les mesures mises en œuvre ne sont pas assez contraignantes et/ou suffisamment incitatives, la poursuite de la dégradation environnementale des agro-écosystèmes ne doit pas surprendre ; d’où, aussi, le rôle central des objectifs et instruments climatiques et environnementaux dans les débats sur la PAC 2023-2027.
Encadré 1. La structuration et l’instrumentation de la PAC
Comme la PAC actuelle 2014-2020, la future PAC qui s’appliquera sur les cinq années 2023-2027 après deux années de transition en 2021 et 2022, sera structurée en deux piliers (Figure E1.1). Le premier pilier regroupe les mesures dites de soutien des revenus et de marchés, les secondes étant nettement plus modestes en termes financiers que les secondes. Au titre du premier pilier, le soutien des revenus agricoles sera assuré sous la forme d’un paiement découplé de base, d’un paiement redistributif en faveur des petites et moyennes exploitations, d’un paiement spécifique pour les jeunes et nouveaux agriculteurs, de paiements couplés ciblés sur certains types de productions (notamment celles de ruminants), et d’un nouvel instrument dit de l’éco-régime. Ce dernier sera obligatoire au niveau de l’Etat membre mais optionnel pour l’agriculteur qui pourra décider d’y souscrire ou non. Il correspond à un paiement en contrepartie de la mise en œuvre de pratiques agricoles (plus) vertueuses sur le plan climatique et/ou environnemental qui vont au-delà de la conditionnalité. Celle-ci, qui conditionne l’octroi des aides du premier plieur au respect de conditions minimales en matière d’environnement et de santé des plantes, des animaux et des Hommes, sera théoriquement renforcée par inclusion des trois mesures dites de verdissement de la PAC actuelle (maintien des prairies permanentes, diversité minimale des cultures et un certain pourcentage des terres arables en infrastructures écologiques telles que arbres, haies, mares, etc. La couverture thématique du deuxième pilier est largement inchangée, de même que les instruments de sa mise en œuvre. Ce deuxième pilier intègre notamment les paiements octroyés aux exploitations sises en zones défavorisées (en France, plus connus sous le nom d’indemnités de compensation des handicaps naturels ou ICHN), les MAEC, les mesures de gestion des risques et les aides aux investissements. A la différence du premier pilier, totalement fiancé par Bruxelles, le deuxième pilier est cofinancé par les Etats membres, voire les Régions.
La PAC après 2023 : la difficile conciliation des performances écologiques et économiques
Trois ans après que la Commission européenne a présenté ses propositions pour la prochaine PAC (European Commission, 2018a, 2018b, 2018c), un accord a enfin été trouvé à l’occasion du trilogue des 24 et 25 juin 2021 entre le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne (Council of the European Union, 2021). Cet accord ne remet pas en cause la logique des propositions de juin 2018 en incluant notamment une architecture climatique et environnementale identique reposant sur les trois instruments de la conditionnalité, de l’éco-régime et des MAEC. Même si sa portée réelle ne pourra être appréciée qu’une fois dévoilés et acceptés les PSN des différents Etats membres, on peut légitimement craindre que cet accord ne soit pas à la hauteur des enjeux climatiques et environnementaux, comme l’ont immédiatement fait remarquer les associations de protection de l’environnement (voir, par exemple, BirdLife, European Environmental Bureau and Greenpeace, 2021).
Conditionnalité des aides directes du premier pilier
Pour ce qui est du climat et de l’environnement, la PAC continuera de reposer sur le bâton, via la conditionnalité, et la carotte, via l’éco-régime et les MAEC. Cette architecture verte est conforme aux enseignements théoriques de l’économie publique qui recommande de pénaliser les externalités négatives conformément au principe pollueur payeur (PPP), et de rémunérer les externalités positives conformément au principe fournisseur bénéficiaire (PFB).[3] Dans notre cas, la conditionnalité relève du PPP, et les éco-régimes et les MAEC possiblement du PFB à condition de ne pas limiter les montants ainsi accordés à la seule compensation des surcoûts (comme c’est le cas des MAEC de la PAC actuelle).
La ligne de partage entre ce qui relève de la conditionnalité versus des éco-régimes et des MAEC est un choix éminemment politique. La science peut aider à définir cette ligne de partage, mais ce sont bien les politiques qui décideront s’il convient, par exemple, de récompenser des pratiques permettant de stocker du carbone dans les sols et ou les biomasses alors que les émissions brutes de gaz à effet de serre ne sont pas pénalisées (taxées). Toutes choses égales par ailleurs, les producteurs agricoles seront d’autant plus pénalisés, sans compensation ou rémunération, si la barre de la conditionnalité est haute, en d’autres termes si celle-ci est exigeante avec alors des conséquences négatives potentiellement importantes sur les revenus agricoles à court terme. Inversement, ils seront moins pénalisés et leurs revenus moins négativement impactés si la barre est basse, en d’autres termes si les critères de la conditionnalité sont faciles à respecter. Les décisions de juin 2021 placent la barre à un niveau modeste, traduisant la priorité donnée aux revenus relativement au climat et à l’environnement.
Les critères de la conditionnalité, notamment ceux des BCAE, se présentent essentiellement comme des obligations de moyens dont il est attendu des effets bénéfiques sur le climat et l’environnement. Dans le cadre de la PAC actuelle en France, c’est déjà la cas, par exemple, des BCAE visant à maintenir des bandes tampons le long des cours d’eau, à garantir une couverture minimale des sols, à limiter l’érosion des sols en interdisant le travail du sol sur les parcelles inondées ou gorgées d’eau et en interdisant le labour entre le 1er décembre et le 15 février sur les parcelles de pente supérieure à 10%, à préserver la matière organique des sols par non-brûlage des résidus de culture, ou encore à maintenir des particularités topographiques des paysages, en particulier les éléments fixes que sont les haies, les bosquets, les mares, etc. (Détang-Dessendre et al., 2020). Ce sera à nouveau le cas dans la PAC 2023-2027. Cette assise de la conditionnalité sur une obligation de moyens pose la question de l’évaluation de ses impacts sur le climat et l’environnement dans la mesure où ce sont ces impacts qui comptent et définiront l’efficacité climatique et environnementale du dispositif.
Eco-régime
Ces deux problèmes de l’ambition et de l’impact existent aussi pour les instruments incitatifs de l’éco-régime et des MAEC. Les deux instruments présentent de fortes similitudes, en particulier parce que tous deux visent à récompenser les efforts au-delà de la conditionnalité sur une base volontaire pour l’agriculteur. L’éco-régime se distingue des MAEC sur trois plans : en premier lieu, parce qu’il est financé à 100% par le budget européen (alors que les MAEC sont cofinancées par les autorités publiques nationales et, dans certains Etats membres, régionales) ; en deuxième lieu, parce que l’engagement peut être annuel ou pluriannuel, au choix de l’Etat membre (alors que l’engagement est nécessairement pluriannuel pour les MAEC, en général sur une durée de cinq années) ; en troisième lieu, parce que l’aide octroyée sera versée, ou de façon à compenser les surcoûts et pertes de profit (comme les MAEC), ou sous la forme d’une prime qui s’ajoute au paiement de base découplé du premier pilier (top up). Cette seconde option ouvre la porte à des paiements qui pourraient augmenter avec les services climatiques et environnementaux rendus, en d’autres termes à des paiements pour services climatiques et environnementaux qui iraient au-delà de la compensation des surcoûts ou des pertes de profit.
Le budget de l’éco-régime sera égal à 25% de l’enveloppe totale des paiements du premier pilier. Ceci signifie que toutes les autres aides du premier pilier seront diminuées de 25% pour abonder l’éco-régime. La fixation de ce pourcentage fut l’un des points les plus difficiles de la négociation finale qui a vu s’opposer deux camps selon que priorité était donnée à la distribution actuelle des soutiens budgétaires ou à une protection augmentée de l’environnement. Sur ce plan budgétaire, la victoire des seconds ne pourrait être qu’apparente. Ceci parce qu’à ce premier problème d’ordre budgétaire s’ajoute un second lié à l’ambition climatique et environnementale de l’instrument de l’éco-régime per se. Les partisans du statu quo, notamment ceux qui bénéficient le plus de l’actuelle répartition des soutiens budgétaires, souhaiteront que l’éco-régime soit accessible à tous, si ce n’est immédiatement au moins à la fin de la période de programmation de la PAC 2023-2027. Une accessibilité maximale permettrait de maintenir largement inchangée la distribution actuelle des soutiens budgétaires du premier pilier, toutes choses égales par ailleurs et en particulier en supposant qu’il n’y ait pas de transfert de fonds du premier vers le deuxième pilier (cf. infra), mais au détriment d’objectifs et d’impacts ambitieux en matière de réduction des émissions agricoles de gaz à effet de serre et de protection augmentée de l’environnement dans les agro-écosystèmes.[4] A l’inverse, un éco-régime fort ne serait pas accessible à tous, à pratiques et systèmes agricoles inchangés. Dit autrement, il exigerait le plus souvent des changements de pratiques, voire de systèmes, pour que l’agriculteur puisse en bénéficier. Ceci se ferait au bénéfice du climat et de l’environnement mais au détriment, au moins à court terme, des revenus agricoles dans un contexte où la baisse des aides directes de soutien des revenus requise pour abonder l’éco-régime ne serait que partiellement compensée par les aides de l’éco-régime du fait des surcoûts liés à la mise en œuvre de pratiques et de systèmes plus respectueux du climat et de l’environnement. La difficulté est d’autant plus grande que les aides représentent, pour de nombreux agriculteurs, une part très importante de leurs revenus (cf. Tableaux 1 et 2). Enfin, se pose le troisième problème, déjà mentionné dans le cas de la conditionnalité, de l’évaluation des impacts écologiques de l’éco-régime qui sera, sauf exceptions, basé sur une obligation de pratiques agricoles dont on attend des bénéfices écologiques. Ceci signifie que les paiements associés à l’éco-régime ne seront pas explicitement assis sur les bénéfices climatiques et environnementaux, ni explicitement proportionnels à ces derniers et d’autant plus élevés que ceux-ci sont élevés. Il est néanmoins possible d’imaginer une mise en œuvre intelligente de l’éco-régime qui tiendrait compte de façon approchée de la croissance des services climatiques et environnementaux, par exemple en définissant plusieurs niveaux de paiements selon l’importance du recours à des pratiques ou à des systèmes a priori favorables à la lutte contre le changement climatique et à la protection de l’environnement.
Mesures Agri-Environnementales et Climatiques
Les mêmes questions du budget alloué, de l’ambition visée et de l’évaluation des impacts se posent pour les MAEC. La future PAC offre la possibilité de transférer une part importante du budget du pilier 1 vers le second, avec des conséquences sur la répartition des soutiens budgétaires (Chatellier et al., 2021) – elle offre aussi la possibilité d’un transfert dans l’autre sens, du second vers le premier pilier –.[5] Les contenus des MAEC qui, en France, continueront, à être déclinés pour partie régionalement ne sont pas encore connus. On ne sait donc pas si leurs faiblesses seront corrigées. L’instrument est flexible et mobilisé pour atteindre une grande diversité d’objectifs écologiques, mais il est difficile à élaborer, administrer, contrôler et évaluer (Cullen et al., 2018). Ses coûts publics et privés d’administration sont élevés. Ceux-ci pourraient être réduits en augmentant la durée des engagements (au-delà des cinq années actuelles en moyenne) et en favorisant la continuité spatiale (territoriale) des mesures par des souscriptions collectives. Ceci aurait l’avantage additionnel d’accroître l’efficacité environnementale qui requiert l’adoption des mesures à l’échelle écologique la plus pertinente, et celle-ci n’est bien souvent pas celle de l’exploitation ou d’une partie seulement des surfaces de cette dernière. Les engagements collectifs peuvent être encouragés par des contrats éponymes complétés par un système de bonus - malus d’agglomération. Tout comme pour l’éco-régime, se pose la question de l’ambition climatique et environnementale des mesures, et du compromis entre performances économiques et environnementales : si les cahiers des charges sont très exigeants au regard des budgets alloués, le risque est alors que les mesures ne soient contractés que par un (trop) faible nombre d’agriculteurs (à l’instar de la MAEC « systèmes de grandes cultures » de l’actuelle programmation en France) ; si les cahiers des charges sont moins exigeants, les contractualisations seront plus nombreuses car les surcoûts seront moindres, mais pour un bénéfice environnemental in fine limité ; on le voit, ici aussi, le juste équilibre est difficile à trouver. Enfin, la future PAC ne devrait que très marginalement franchir le pas de MAEC assises sur les impacts écologiques. Comme aujourd’hui, les MAEC continueront à être majoritairement basées sur une obligation de moyens via l’interdiction de certaines pratiques (ou leur ajustement à la baisse) et le recours imposé à d’autres pratiques plus favorables au climat et l’environnement. Comme aujourd’hui, les MAEC continueront à compenser, en moyenne, les surcoûts et/ou les pertes de profit dans le cadre d’un lien trop peu explicite avec les services climatiques et environnementaux rendus.
Concilier performances économiques et environnementales en dépassant le cadre de la seule PAC
L’existence d’un compromis potentiel entre performances économiques et environnementales, au moins à court terme, ne doit pas être utilisée comme un prétexte au statu quo qui n’est pas/plus une option. Il y a urgence à réduire l’empreinte écologique de l’agriculture européenne. La Commission européenne le reconnaît explicitement au travers du Pacte Vert – plus connu sous son appellation anglaise du Green Deal (European Commission, 2019) –, et de sa déclinaison dans la stratégie de la ferme à la table (European Commission, 2020a) et dans la stratégie européenne pour la biodiversité à l’horizon 2030 (European Commission, 2020b), et ce même si elle est vite rattrapée par les réalités politiques quand il s’agit de définir, au sein du trilogue, ce que sera la PAC de l’après 2023. On peut légitimement craindre que cette dernière ne sera pas à la hauteur des enjeux climatiques et environnementaux de façon générale, de l’ambition du Pacte Vert plus spécifiquement (Guyomard et al., 2020). Mais il serait tout aussi dangereux, non seulement pour les agriculteurs mais aussi pour l’ensemble de la société, d’ignorer les conséquences économiques d’une réforme de la PAC plus ambitieuse sur le plan climatique et environnemental. C’est d’ailleurs un reproche majeur qui peut être fait à la Commission européenne qui n’a pas accompagné ses propositions du Pacte Vert d’une étude des impacts économiques, notamment pour les différents acteurs des filières agro-alimentaires, du producteur agricole au consommateur final. En pratique, la difficile conciliation des performances économiques et environnementales invite surtout à réfléchir aux moyens d’y remédier. Au moins cinq leviers complémentaires peuvent être actionnés dans cette perspective (Chatellier et al., 2021).
- Le premier levier est celui d’une mise en œuvre des changements de pratiques et de systèmes dans le cadre d’une transition. Le poids des aides dans les revenus agricoles de nombreuses exploitations plaide pour une mise en œuvre progressive des changements qui auront des impacts sur la répartition des soutiens budgétaires et la distribution des revenus agricoles. Le risque est ici celui d’une transition trop lente en regard de l’urgence climatique et environnementale – et les expériences des réformes passées de la PAC et des décisions du trilogue de juin 2021 sont là pour nous rappeler que le risque est bien réel –.
- Le deuxième levier vise à réduire les coûts de production en mobilisant toutes les sources d’efficience technique et de gains de productivité totale sans exclure, sur la base d’aprioris ou de positions de principe, telle ou telle source. La génétique et l’agriculture de précision font partie de la palette des solutions à mobiliser pour une agriculture européenne plus efficace sur les deux plans de l’économie et de l’écologie. Dans la même optique, une plus grande solidarité verticale entre les maillons des filières de façon à porter l’effort sur tous les acteurs et pas seulement les agriculteurs doit être encouragée. Le dispositif des certificats d’économie des produits phytosanitaires (CEPP) va dans ce (bon) sens, et il est dans l’intérêt bien compris des agriculteurs sur le long terme de ne pas freiner son développement.[6]
- Le troisième levier est celui du consentement du consommateur à davantage payer des biens alimentaires issus de systèmes agricoles plus respectueux du climat et de l’environnement. Les politiques nutritionnelles et alimentaires sont aujourd’hui bien trop embryonnaires. Elles doivent être fortement développées en mobilisant l’ensemble des outils de l’information, de la labellisation des produits et de la fiscalité dans un sens qui permettrait de mieux équilibrer les régimes alimentaires. Ceci pourrait avoir des impacts trop négatifs sur les ménages les plus pauvres qui n’auraient pas accès, faute de revenus suffisants, à des régimes alimentaires plus équilibrés comprenant moins de produits carnés (charcuteries et viandes rouges) et davantage de fruits et légumes. La mise en œuvre de chèques alimentaires pourrait permettre de répondre à ce problème, à condition de bien les définir de façon à éviter les effets non désirables, en particulier leur utilisation pour l’achat de « calories vides » ; l’exemple américain témoigne de la réalité de ce risque (Popkin, 2017). De façon plus générale, il y a lieu de poursuivre le travail visant à définir les conditions d’un partage plus équilibré de la valeur entre des différents maillons des chaînes alimentaires, partage aujourd’hui trop déséquilibré en défaveur des agriculteurs du fait d’abord de facteurs structurels. La question n’est pas nouvelle ; sa résolution ne progresse guère, y compris dans les liens entre la PAC et la politique de la concurrence (Chambolle et Turolla, 2020). Dans cette perspective, le développement des chaînes courtes de commercialisation et de l’exportation sont deux voies complémentaires qui peuvent permettre d’alléger la contrainte d’une distribution alimentaire européenne très concentrée (en diminuant les volumes écoulés selon cette voie et donc en diminuant, mécaniquement, leur capacité à peser sur les prix).[7]
- Le quatrième levier est celui de ressources financières additionnelles, privées et publiques. Le passage de mesures climatiques et environnementales assises sur une obligation de moyens (les pratiques agricoles) à des mesures basées sur les résultats (les impacts climatiques et environnementaux) doit permettre de développer des paiements pour services qui seraient rémunérés non seulement par les contribuables, mais également les usagers finaux et intermédiaires (consommateurs, entreprises, collectivités territoriales). Cette rémunération des services nécessite de chiffrer ces derniers et les contributions respectives de chaque offreur. Elle doit également tenir compte de leur variabilité spatiale et temporelle en fonction des conditions climatiques, des contextes pédologiques, etc. Il s’agit là de deux priorités de recherche.
- Enfin, et c’est là le cinquième levier, les surcoûts des changements des systèmes agricoles et alimentaires doivent être mis en regard des bénéfices écologiques et de santé, dont une partie au moins se traduira, sur le moyen et long terme, par des économies (moindres coûts de dépollution, moindres dépenses de santé) mobilisables pour compenser lesdits surcoûts.
Economie, écologie et agronomie au service des performances économique et écologique
La recherche peut également contribuer à aider à concilier performances économiques et écologiques dans le cadre de travaux associant, au minimum, économie, écologie et agronomie.[8] L’attention ici placée sur ces trois disciplines ne signifie pas qu’il n’y a pas lieu à mobiliser d’autres domaines, en particulier celui de la nutrition.
Un survol (rapide) des numéros passés de la revue AE&S montre que celle-ci s’est très tôt intéressée à la PAC puisqu’elle y a consacré un numéro thématique dès 2013, deux ans après son lancement (Politique agricole commune européenne : Lectures et propositions agronomiques). Mais comme le notent Doré et Réchauchère dans leur avant-propos à ce numéro de juin 2013, « il n’a pas été facile de mobiliser des agronomes pour aborder le sujet, et du côté des économistes, ce sont surtout des lectures critiques des outils de la PAC, fort stimulantes au demeurant, qui nous été proposées » (Doré et Réchauchère, 2013). Une année plus tard, la revue a cherché à analyser les complémentarités entre agronomie et économie sur un spectre plus large qui allait des exploitations agricoles aux politiques publiques (Des politiques publiques à l’efficacité économique des entreprises agricoles : Quelles synergies entre agronomie et économie ?).[9]En conclusion à ce numéro de la revue de juin 2014, Jacquet et Doré évoquent quatre pistes susceptibles de renforcer les synergies entre agronomes et économistes « pour aller vers des agricultures plus conformes aux attentes de la société » (Doré et Jacquet, 2014). De façon simplifiée, les quatre pistes proposées portent sur des approfondissements théoriques et méthodologiques, l’extension des domaines de collaboration, les données et la scénarisation des futurs des agricultures. Ces quatre pistes sont pertinentes, mais leur lien avec les politiques publiques, la PAC en particulier, est au mieux implicite. De fait, de la lecture (cette fois un peu plus approfondie) des articles du numéro de la revue AE&S de juin 2014, on retiendra surtout la conclusion qu’une coopération plus approfondie entre agronomes et économistes doit permettre de mieux guider les changements de pratiques et de systèmes agricoles, et de mieux connaître les impacts de ces changements, dans une acception de l’économie relevant très majoritairement de l’économie de la production agricole mais trop peu de l’économie publique (branche de l’économie qui s’intéresse aux justifications de l’intervention des pouvoirs publics et aux conséquences de ces interventions dans une vision positive et normative ; voir, par exemple, Laffont 1982 ; Salanié, 1998). A titre d’illustration de ce constat, Martin et Munier-Jolain (2014) se posent la question de la capacité du dispositif Ecophyto à réduire l’usage des pesticides de l’agriculture française. Leur conclusion, prudemment formulée, est « qu’il n’est pas certain que la démonstration de l’existence de systèmes vertueux et de trajectoires de changement remarquables suffise à entraîner l’ensemble de la profession » ; les années qui ont suivi la parution de leur article leur ont malheureusement donné raison. Ils recommandent de compléter le dispositif par d’autres leviers du changement, mais ces leviers ne sont qu’évoqués et en outre dans des termes généraux – « taxes redistribuées ou aides éco-conditionnelles » – qui laissent libre cours à de multiples possibilités et interprétations. Dix années plus tôt, Bureau (1994) était nettement plus critique quand il notait que « l’agronome est un collègue certes sympathique, mais généralement inutile pour l’économiste ». Le propos est sans nul doute excessif, mais son fondement mérite d’être entendu : « [L’économiste] a besoin de connaitre des paramètres à l’échelon national, ou à la rigueur régionale […]. À ces questions, qui sont les seules importantes en économie publique, la seule réponse que fera jamais un agronome est ‘cela dépend de la parcelle’».[10] Tout en reconnaissant explicitement l’importance des conditions locales en agronomie, il précisait son propos en notant que « [d]es recherches pluridisciplinaires seraient extrêmement utiles aux choix publics, en particulier en matière d’environnement » à condition de couvrir « l’ensemble du territoire ». La fin de cet article de situe dans cette perspective en centrant l’attention sur un besoin prioritaire pour les décideurs politiques en charge de la PAC. Ce besoin est celui de la mesure de la multiperformance de cette politique.
En plus de l’instrument de l’éco-régime, la deuxième originalité de la prochaine PAC est l’introduction d’un nouveau modèle de gouvernance reposant sur deux principes, soit de plus grandes marges de manœuvre laissées aux Etats membres dans le cadre d’une application augmentée du principe de subsidiarité et la volonté de mesurer la performance de la politique par le biais d’indicateurs dont la non satisfaction au regard des objectifs affichés entraînerait des mesures correctrices (European Commission, 2018a ; European Court of Auditors, 2018). Dans le cadre de ce nouveau modèle de gouvernance, l’UE fixe le cadre commun, et notamment les objectifs et l’ensemble des instruments mobilisables pour atteindre ces derniers. Ce cadre commun est déployé dans chaque Etat membre via la définition d’un PSN qui, sur la base d’une identification des besoins prioritaires nationaux, sélectionnera les instruments les mieux adaptés et proposera des jalons de suivi et des indicateurs de succès. Sont ainsi définis quatre types d’indicateurs dits de contexte, d’output, de résultat et d’impact. Les indicateurs de contexte fournissent une information générale sur les tendances à l’œuvre alors que les indicateurs d’impact seront utilisés pour apprécier la performance globale de la politique (plus spécifiquement des PSN) sans qu’ils soient légalement contraignants. Les indicateurs opérationnels de suivi de la performance sont donc les indicateurs d’output et de résultat qui devront être renseignés dans les rapports de performance annuels ou bisannuels que proposeront les Etats membres à la Commission européenne. Plus spécifiquement, l’Etat membre devra renseigner les outputs réalisés et les dépenses engagées sur l’année ou les deux années (au titre des indicateurs d’output), et les écarts aux cibles sur l’ensemble de la période de programmation de la future PAC sous la forme d’un pourcentage de réalisation via les indicateurs de résultats. Ces derniers sont supposés jouer un grand rôle dans la mesure où si un ou plusieurs indicateurs de résultat s’éloignent de plus de 25% de l’objectif annuel ou bisannuel de résultat, alors la Commission pourra exiger de l’Etat membre la mise en œuvre d’un plan d’action visant à rectifier la situation avec, le cas échéant, si la rectification est insuffisante, possibilité de suspendre temporairement une partie des paiements, voire de les réduire.
Le principe d’une subsidiarité accrue étendue à l’ensemble des instruments de la PAC, censée répondre au plus près aux besoins des acteurs locaux, est critiquable dès lors qu’il s’agit de biens publics globaux tels que la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité (Guyomard et al., 2020) ; il risque en outre d’engendrer des distorsions de concurrence entre Etats membres selon leurs ambitions climatiques et environnementales respectives.
La mesure de la performance sur la base d’indicateurs va dans le bon sens, pour peu que ceux-ci soient pertinents ; en d’autres termes, pour peu que ceux-ci mesurent réellement la performance, plus précisément les impacts des mesures. Ce ne sera pas le cas de la PAC qui sera appliquée après 2023 et jusqu’en 2027 (European Court of Auditors, 2018 ; Ervajec et al., 2018).[11] Mais le pied est dans la porte, et l’analyse historique de près de 30 ans de réforme de la PAC montre que, à l’instar d’autres instruments, la question de la performance et de sa mesure sera vraisemblablement très vite remise à l’agenda politique.
Dans cette perspective, priorité doit être donnée à travailler la chaîne causale qui partant des mesures politiques, en évalue les conséquences sur les comportements des agriculteurs, les choix de pratiques et de systèmes et toutes les dimensions de la durabilité (économie, climat, environnement, santé et social). Les instruments climatiques et environnementaux de la future PAC (éco-régimes et MAEC) sont des instruments volontaires au sens où l’agriculteur peut librement décider d’y souscrire, ou pas. Il importe donc de mieux comprendre les déterminants des taux d’adoption, et de travailler le design des mesures de façon à maximiser ces taux au moindre coût économique (efficacité économique) pour une même ambition climatique et environnementale (efficacité environnementale). Cette ambition climatique et environnementale doit être grande. Dans le cadre de la PAC actuelle et future, les deux catégories de mesures sont/resteront essentiellement basées sur l’interdiction de certaines pratiques et/ou l’obligation de certaines autres. Cette obligation de moyens n’a généralement pas la faveur des agriculteurs, des agronomes et des économistes.[12] Jeuffroy (2014) note ainsi que l’obligation de moyens est un « contresens » pour l’agronome, ceci pour trois raisons : « i) les pratiques recommandées sont standardisées, contraignant parfois fortement les capacités des agriculteurs à s’adapter à la diversité des sols, des climats et des situations agricoles ; ii) elles sont codifiées au niveau de la technique agricole élémentaire, alors que les impacts environnementaux dépendent le plus souvent d'interactions entre plusieurs techniques ; iii) les recommandations sont vécues comme des contraintes, dévalorisant ainsi aux yeux des agriculteurs la protection de l’environnement. » ; et de citer des études montrant, au contraire, l’efficacité de mesures à obligation de résultats. Le passage à une obligation de résultats, terme qu’il faut ici comprendre au sens d’une obligation d’impacts, n’est pas sans poser des difficultés, variables selon les dimensions climatiques et environnementales considérées. Le législateur dispose ainsi d’une métrique relativement simple pour mesurer les efforts en matière de baisse des émissions brutes de gaz à effet ou d’augmentation du puits de carbone, le potentiel de réchauffement global à 100 ans (PRG 100) qui permet d’exprimer, les émissions des différents gaz en équivalent dioxyde de carbone.[13] Mais tel n’est pas le cas pour plusieurs dimensions environnementales, en particulier la biodiversité. Cette dernière ne peut généralement pas être appréciée à la seule échelle de l’exploitation agricole ; elle requiert des actions à une échelle géographique plus large que les politiques doivent encourager par un design approprié (engagement collectif, bonus/malus d’agglomération et de continuité spatiale). En d’autres termes, les obstacles à la mise en œuvre de politiques écologiques basées sur les résultats (les impacts) sont d’abord d’ordre pratique. Ces difficultés ne doivent pas être utilisées comme un prétexte à ne rien faire. Les premières expériences de mesures climatiques et environnementales basées sur les résultats dans quelques Etats membres (quelques régions) doivent être mises à profit pour tirer des enseignements génériques, y compris en termes d’adaptation à des caractéristiques locales clairement identifiées.[14] Les autorités publiques européennes et nationales pourraient produire des manuels officiels de « bonnes pratiques » ; ainsi, dans le cas spécifique de la biodiversité, elles pourraient utilement s’inspirer des travaux de Keenleyside et al. (2014) – commandités par la Commission européenne – qui précisément visent cet objectif de définition d’un manuel d’orientation ou de référence. Le recours à la modélisation doit également être davantage exploité comme une alternative ou un complément à la mesure directe des impacts (Sidemo-Holm et al., 2018 ; Bartkowski et al., 2021).
De façon générale, en dépit de progrès sur les années les plus récentes, il apparaît qu’une faiblesse majeure des connaissances actuelles est l’insuffisance de liens de preuve entre la mise en œuvre de pratiques et de systèmes agricoles donnés et leurs impacts. Le législateur ne peut se satisfaire d’études de cas, même si celles-ci sont utiles au titre de la démonstration que « cela est possible ». Agronomes et écologues seront sollicités pour apprécier les impacts climatiques et environnementaux, y compris dans les deux dimensions des liens au temps et à l’espace. Et les économistes seront sollicités pour en apprécier les impacts économiques qui ne se sauraient être limités aux impacts statiques sur les revenus à court terme et par suite, intégreront les ajustements de marchés (prix) ainsi que la dynamique des structures et des productivités. Le passage d’une obligation de moyens à une obligation de résultats sur l’ensemble des dimensions de la durabilité doit permettre de légitimer la PAC, et son budget, sur le long terme car il permettra de mieux objectiver l’action de cette dernière aux yeux du citoyen qui la finance en tant que contribuable. L’analyse des conséquences économiques doit aussi éviter le risque des « lettres au Père Noël » qui ont trop souvent tendance à ignorer ces conséquences économiques.
Conclusion
L’agriculture fait face à de nombreux défis interdépendants qu’elle peine à relever. Certains de ces défis s’appliquent à toutes les agricultures du monde alors que d’autres sont spécifiques aux conditions locales, que celles-ci relèvent de paramètres climatiques, pédologiques, économiques, sociologiques, historiques ou encore culturels. En rupture avec une vision passée qui cherchait à s’affranchir des contraintes des milieux via leur artificialisation dans le cadre paradigmatique d’un modèle universel, la solution à ces défis ne peut pas être unique, et c’est ce qui rend la tâche particulièrement difficile. Cette difficulté est désormais bien reconnue. Dans le cadre spécifique de l’agriculture européenne, nous avons essayé de montrer dans cet article que surmonter cette difficulté requiert de sortir de la seule politique agricole, du trade off entre performances économiques et environnementales, que ce trade off soit réel ou perçu, et d’une logique d’obligation de moyens pour aller vers une obligation de résultats et d’impacts sur toutes les dimensions de la durabilité. La recherche a naturellement un rôle à jouer. Elle le fera à condition de sortir encore plus qu’aujourd’hui du carcan des silos disciplinaires via le développement de travaux associant les disciplines dans le cadre de travaux qui aborderont, de façon cohérente et simultanée, les différentes échelles de temps et d’espace et dépasseront le stade du constat (approche de « médecine légale ») pour aller jusqu’aux recommandations fondées sur des bases scientifiques certifiées (et aux hypothèses explicites).
Notes
[1] La PAC actuelle qui s’applique depuis le 1er janvier 2015 inclut également le dispositif dit du verdissement qui conditionne l’octroi de 30% des aides directes du premier plier au respect de trois mesures correspondant i) au maintien des prairies permanentes, ii) à une diversification minimale des cultures et iii) à la préservation des infrastructures agro-écologiques. Ces trois mesures du verdissement seront, peu ou prou, intégrées dans les critères de la conditionnalité de la prochaine PAC.
[2] La compensation des surcoûts/pertes de profit est calculée en moyenne, ce qui implique possibilité de surcompensation pour une exploitation (effet d’aubaine) ou, au contraire, sous-compensation (la probabilité d’occurrence de la seconde situation est néanmoins limitée par le fait que la souscription à la MAEC est volontaire). La compensation intègre une évaluation des coûts de transaction supportés par l’agriculteur pour l’administration de la mesure. Le montant de la compensation varie en fonction de la MAEC et est, de façon générale, d’autant plus élevé que la mesure est exigeante et donc, le surcoût élevé. Il n’est pas lié explicitement à une estimation monétaire des bénéfices environnementaux engendrés. Les aides à l’agriculture biologique sont un type spécifique de MAEC.
[3] Une externalité est un effet créé par un autre agent que celui qui est affecté et ne transitant pas par le système des prix. L’agent peut être affecté négativement (externalité négative) ou positivement (externalité positive).
[4] La version préliminaire du PSN français du 25 mai 2021 suggère fortement que telle est l’option retenue par le Ministre français de l’agriculture avec un éco-régime immédiatement ou facilement accessible pour un maximum d’agriculteurs (Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2021a). Ainsi, 72% des exploitations agricoles disposant de terres arables auraient immédiatement accès au second niveau de l’éco-régime donnant droit à la rémunération la plus élevée, et 13% au premier niveau (Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2021b). En outre, nombreux sont ceux qui, parmi les exclus immédiats, pourraient facilement atteindre le premier niveau de l’éco-régime en modifiant à la marge leurs assolements, notamment en y ajoutant des cultures protéiques qui bénéficieront d’aides spécifiques au titre d’un renforcement des aides couplées ciblées sur ces cultures.
[5] En France, le Ministre de l’agriculture a choisi le statu quo sans transfert additionnel d’un pilier quelconque vers l’autre.
[6]https://ecophytopic.fr/cepp/concevoir-son-systeme/certificats-deconomie-de-produits-phytopharmaceutiques-base-de-recherche
[7] Ce troisième levier ne signifie pas nécessairement que la PAC devienne une Politique Agricole et Alimentaire Commune (PAAC) au sens strict. Il implique de disposer d’un ensemble cohérent de politiques agricoles, alimentaires, commerciales, environnementales, de santé, etc. au service de la durabilité des systèmes agricoles et alimentaires, durabilité qu’il convient d’apprécier dans toutes ses dimensions, y compris celle de la résilience face aux aléas.
[8] Agronomie entendue ici au sens large de l’économiste, et donc incluant aussi les sciences zootechniques.
[9] Ce numéro de juin 2014 de la revue AES est le fruit de la session 2013 des Entretiens du Pradel, et le numéro de juin 2013 prolonge l’assemblée générale de 2011 de l’Association française d’agronome (AFA) qui avait pour principale thématique la PAC.
[10] Le propos est ici aussi excessif dans un contexte où, de façon croissante, l’économiste, même public, doit également tenir compte de la diversité spatiale et temporelle des effets des politiques publiques, ne serait-ce que pour un design optimal de ces dernières.
[11] Dans une perspective plus large, la future PAC ne sera pas à la hauteur de l’ambition agro-écologique du Pacte Vert, et n’inclura pas, au titre des indicateurs à respecter, les cibles quantitatives affichées dans ce dernier (Marechal et al., 2020 ; Guyomard et al., 2020).
[12] Même si l’avis est majoritaire, il existe des voix discordantes, au minimum plus nuancées. Ainsi, Bonvillain et al. (2020) notent que le passage à une obligation de résultats n’est pas décisif en soi, tout en soulignant que ce passage facilite l’évaluation environnementale de la PAC.
[13] Néanmoins, cette métrique ne prend pas bien compte le fait que le méthane est un gaz à effet de serre à courte durée de vie relativement au dioxyde de carbone ou au protoxyde d’azote (Fuglestvedt et al., 2018).
[14] A date, ces expérimentations ne ciblent que la biodiversité, les autres dimensions environnementales liées au sol, à l’eau ou à l’air n’étant prises en charge que par des mesures basées sur les pratiques (Bartkowski et al., 2021).
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