Les principales orientations de la réforme de la PAC post 2020
Résumé
Cet article présente les principales orientations de la réforme de la politique agricole commune (PAC) proposée par la Commission Européenne pour l’après 2020. Cette réforme s’appuie sur une analyse de la PAC actuelle, affirme la volonté de mieux prendre en compte les défis climatiques et environnementaux et propose une révision de la gouvernance. Il en résulte une articulation plus étroite entre les deux piliers, une mise en cohérence avec les autres politiques environnementales et climatiques, ainsi que des principes de flexibilité dans la conception des actions, une approche tournée vers la recherche de performances et un meilleur suivi de l’évaluation des impacts. Cette réforme a fait l’objet d’un dialogue structuré avec les états-membres, en particulier dans la préparation de plans stratégiques nationaux et s’intégrer dans la mise en œuvre du pacte vert de la Commission.
Abstract
This article presents the main orientations of the reform of the Common Agricultural Policy (CAP) proposed by the European Commission for the period after 2020. This reform is based on an analysis of the current CAP, asserts the need to take better account of climate and environmental challenges and proposes a revision of governance. It proposes a closer articulation between the two pillars, consistency with other environmental and climate policies, greater flexibility in the design of measures, a performance-oriented approach and better monitoring of impact assessment. This reform has been the subject of a structured dialogue with the Member States, in particular in the preparation of national strategic plans and as part of the implementation of the Commission's Green Deal.
Introduction
Un nouveau projet de réforme a été diffusé le 1er juin 2018 par la Commission Européenne, comprenant trois grands règlements de base, l’un sur un plan stratégique national (PSN PAC) unique définissant les interventions et les modalités de mise en œuvre à l’échelle nationale, un autre sur les règles horizontales quant aux grands principes de gestion et de gouvernance financière, un dernier sur les dispositions liées à l’organisation commune des marchés respectivement identifiés sous les liens suivants :
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM%3A2018%3A392%3AFIN ;
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52018PC0393&qid=1633289113713 ;
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52018PC0394R%2801%29&qid=1633289113713
Depuis le traité de Lisbonne, les réformes de la PAC font l’objet d’un processus de codécision, impliquant à parité les deux colégislateurs, le Conseil des ministres de l’agriculture et le Parlement Européen, en particulier sa commission spécialisée sur l’agriculture. Ce processus plus démocratique suppose un calendrier plus long. L’accord final est intervenu au bout de 3 ans, les 24-25 juin 2021. A la décharge des trois institutions en cause, les élections du Parlement Européen en juin 2019 ont ralenti la négociation, avec le renouvellement des mandats des députés européens mais aussi l’élection d’un nouveau collège de la Commission, présidé par Mme Van der Leyen.
Ce projet ne change pas fondamentalement les formes d’intervention de la PAC, même si des transferts budgétaires significatifs sont prévus pour renforcer le soutien vis-à-vis de l’environnement et le changement climatique (par la création d’une nouvelle enveloppe pour un montant à hauteur de 25 % du 1er pilier pour financer un éco-régime). Le changement plus radical est celui lié à la volonté d’avoir une PAC plus ciblée, plus orientée vers les besoins des États membres et de la prise en compte de leurs différents contextes dans le cadre d’un plan stratégique national (PSN). Par ailleurs est clairement affichée une volonté d’être en capacité de suivre l’évolution de l’utilisation des terres, de l’impact des pratiques agricoles en lien avec les interventions de la PAC.
Les défis, les objectifs et les dérèglements ont été identifiés
Chaque réforme de la PAC fait l’objet d’une consultation préalable très ouverte auprès du grand public et d’une façon plus directe auprès des parties prenantes, comme les syndicats agricoles et les Organisations Non Gouvernementales (ONG), en particulier environnementales. Par ailleurs elle doit s’inscrire dans les engagements pris dans certains domaines comme la lutte contre les changements climatiques notamment au niveau international et en interne. Enfin la PAC, vu son importance en terme budgétaire et son degré d’intégration, est largement évaluée en interne à l’aide de consultants extérieurs et par la Cour des Comptes Européenne qui a orienté ces dernières années ses évaluations sur la performance de la PAC vis-à-vis des questions environnementales et climatiques.
Dans ce contexte, les enjeux environnementaux ont été clairement identifiés et cela a été directement transcrit dans 4 des 9 objectifs qui ont été assignés à la PAC lors de la proposition de 2018 :
- Contribuer à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à ce dernier, ainsi qu’aux énergies renouvelables ;
- Favoriser le développement durable et la gestion efficace des ressources naturelles, telles que l'eau, les sols et l’air ;
- Contribuer à la protection de la biodiversité, renforcer les services écosystémiques et préserver les habitats et les paysages.
De plus, ces enjeux ont été confirmés et les cibles à atteindre en matière environnementale ont été précisées par la nouvelle Commission prenant appui sur une nouvelle donne politique suite aux élections de mai 2019. Ainsi sur la base des orientations données dans le pacte vert pour l’Europe (diffusé en décembre 2019), deux stratégies ont été adoptées et présentées en mai 2020, l’une dite « de la fourche à la fourchette » et l’autre sur la biodiversité ( https://ec.europa.eu/food/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en et https://ec.europa.eu/environment/strategy/biodiversity-strategy-2030_en).
Ces deux textes indiquent pour le secteur agricole, les problématiques liées à la dégradation des ressources, les mutations à réaliser et dans quelle proportion certains objectifs doivent être atteints à l’horizon 2030 à savoir :
• Réduire de 50 % l’utilisation globale des pesticides et de leurs risques et réduction de plus de la moitié des pesticides les plus hasardeux ;
• Introduire de nouveau au moins 10 % des terres agricoles sous des éléments du paysage à haute valeur de biodiversité ;
• Réduire les ventes d’antibiotiques utilisés pour les animaux d’élevage et en aquaculture de 50 % ;
• Réduire les pertes de nutriment d’au moins 50 % tout en assurant une non-détérioration de la fertilité des sols, cela réduisant l’utilisation des fertilisants d’au moins 20 % ;
• Atteindre au moins 25 % des terres agricole de l’UE en agriculture biologique et une augmentation significative de l’aquaculture biologique.
Depuis, la Commission, et comme déjà discuté avec le Conseil européen, a fait état de ses propositions pour atteindre une neutralité carbone à l’horizon 2050 et a indiqué dans ce cadre quelles sont les implications du secteur agricole en tant qu’émetteurs, mais aussi capteur potentiel de CO2 via l’utilisation et la gestion de ses terres.
En conclusion, dans ce contexte la boussole en matière environnementale et climatique a été bien fixée pour la PAC. Cette boussole n’est pas là seulement pour répondre à des attentes sociétales ou des orientations issues d’un débat politique, mais pour engager l’agriculture dans un mode de production protégeant ses ressources et augmentant sa résilience face à un changement climatique dont les effets ne sont plus hypothétiques.
Nécessité d’avoir une gestion partagée et volonté d’avoir une nouvelle gouvernance
La PAC est une politique qui peut être dessinée au niveau communautaire et validée dans un cadre institutionnel comme rappelé en introduction. Mais sa mise en œuvre concrète se fait directement par le relais des 27 états membres et leurs organisations administratives.
Pour la PAC, vu l’importance des fonds financiers en cause (au moins 55 milliards pour l’année 2020), le relais des Etats membres en matière de circuits financiers est une nécessité. Cela vaut pour les deux piliers de la PAC (1er pilier réservé au soutien direct au revenu des agriculteurs (plus de 75 % de la masse budgétaire) et 2ème pilier pour les mesures dans le cadre du développement rural (près de 23 %).
Pour l’allocation des aides au revenu qui sont massives dans le cas des aides à l’hectare du premier pilier, la Commission était restée assez prescriptive sur les critères d’éligibilité (en particulier ceux des terres) pour des raisons de sécurité financière. D’ailleurs la Commission a exigé la mise en place d’un système intégré de gestion et de contrôle permettant une identification précise et correcte des parcelles et des bénéficiaires des aides
Jusqu’à ce jour, elle avait conservé une certaine continuité dans son approche même pour des critères environnementaux. Ce fut le cas pour le verdissement du premier pilier où il a été décidé à partir de 2015 d’allouer 30 % des aides du premier pilier à trois pratiques agricoles définies au niveau communautaire. Dans ce cas les pratiques en cause (diversification des cultures, maintien des pâturages permanents et surfaces d’intérêt écologique) ont trouvé une définition communautaire avec de nombreux détails à respecter.
L’expérience du verdissement a fait l’objet d’un débat peu fécond. Le souci d’avoir une harmonisation des normes au niveau communautaire est souvent revendiqué par les parties prenantes en particulier de la part des agriculteurs, dans le même temps, la diversité des systèmes agraires est une réalité, entre les zones nordiques et méditerranéennes, entre les zones de pâturages et les grandes plaines plus intensives. Une définition purement communautaire (même bien étayée comme pour le verdissement) ne peut que prêter le flanc à certaines critiques vis-à-vis de son acceptabilité. Dans ce cas, beaucoup d’énergie est déployée par les Etats membres pour tenter de reformater la norme ou diluer son impact, en encombrant les échanges avec la Commission. La mise en œuvre est alors réduite au respect de la conformité de la norme sans réflexion sur son potentiel et sur son bénéfice environnemental.
Dans un contexte où le ciblage des aides doit être amplifié pour traiter de questions environnementales et où des résultats en termes de bénéfices environnementaux sont attendus, la Commission a souhaité revoir sa forme de gouvernance et d’aller un pas plus loin dans son partenariat avec les Etats Membres avec :
• Une approche plus globale fondée sur des objectifs et une plus grande transparence entre les différents piliers ;
• Une plus grande flexibilité dans la définition des mesures pour les Etats membres ;
• Une plus grande responsabilité dans le choix des interventions, mais en mettant l’accent sur la nécessité de couvrir des besoins et d’assurer in fine un impact tangible des pratiques.
Une approche globale entre les deux piliers : visibilité d’ensemble et mise en cohérence avec les autres politiques environnementales et climatiques, principes de flexibilité et actions fondées sur des besoins
Pour atteindre les objectifs environnementaux et climatiques de la PAC (comme pour les autres), chaque État membre doit élaborer un « plan stratégique PAC ». Dans ce plan, chaque État membre doit analyser la situation sur son territoire (atouts, faiblesses, opportunités et menaces – AFOM) ainsi que ses besoins par rapport à ces objectifs. Pour la première fois, cette approche globale s’appliquera conjointement aux deux « piliers » de la PAC.
Ce plan aura l’avantage de mettre en lumière sur un même niveau, l’ensemble des définitions et des règles de la conditionnalité et le contenu des interventions. Dans ce cas il y aura une lecture conjointe des mesures prises au titre du 1er et 2ème pilier, de leur articulation ainsi que de leur degré d’ambition vis-à-vis des besoins.
Par ailleurs dans ce plan, il est demandé aux Etats membres de mettre en évidence le lien entre les mesures prises au titre de la PAC avec les engagements pris par ailleurs au titre des législations environnementales (comme les plans d’action découlant de la directive nitrate, la directive cadre eaux et de la directive sur l’utilisation durable des pesticides, le cadre d’action défini au titre des zones Natura 2000).
La Commission approuvera le plan si la qualité de celui-ci la satisfait. Année après année, les progrès réalisés dans l’atteinte des objectifs seront suivis et le plan sera ajusté en cas de besoin.
Enfin, l’obligation expresse faite aux États membres d’élever clairement leur niveau d’ambition en ce qui concerne la préservation de l’environnement et du climat constituera un élément essentiel de ce cadre.
Une plus grande flexibilité dans la conception des mesures
Pour la nouvelle PAC, la Commission a proposé de laisser plus de flexibilité aux Etats membres dans la définition et les critères d’éligibilité des pratiques agricoles à soutenir. Sous le concept d’intervention, que ce soit dans le cadre d’un soutien du 1er pilier (pour le futur Eco régime) ou du 2ème pilier (en particulier pour les mesures agro-environnementales et climatiques- MAEC), l’Etat aura une plus grande responsabilité dans le choix des mesures.
En effet pour la gestion des terres, certaines pratiques émergent et font l’unanimité, mais la Commission a jugé opportun que certains critères soient définis à un niveau local correspondant à la réalité du terrain et normalement pouvant être mieux intégrés dans le contexte de l’agriculteur.
Pour l’Eco-régime, cette flexibilité a été sujette à débat entre les colégislateurs, en dépit des critiques assignés au verdissement, plus de précision et un meilleur cadrage des types de pratiques à soutenir ont été demandés par le Parlement Européen.
La Commission a diffusé le 14 janvier 2021 une liste de pratiques jugées pertinentes pouvant couvrir les principaux domaines de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique, la préservation des ressources naturelles, du bien-être animal et de la lutte antimicrobienne. https://ec.europa.eu/info/news/commission-publishes-list-potential-eco-schemes-2021-jan-14_en
Cette plus grande liberté sera également étendue à l’éligibilité des terres. Ces dernières reposeront toujours sur une définition communautaire, (scindée en cultures arables, cultures permanente et pâturages permanents), mais l’Etat membre aura une plus grande faculté pour reconnaitre l’intégration dans les terres en question des éléments ou zones non productives (non dédiées à une culture particulière) comme les éléments du paysage ou les zones humides, compte tenu de leurs bénéfices environnementaux.
Des interventions en réponse à des besoins et potentiellement plus ciblées
Sur la base d’une analyse AFOM (Atouts-Faiblesses-Opportunités-Menaces) des besoins auront été clairement identifiés, par exemple pour la remédiation à des pollutions des eaux, la lutte contre l’érosion pour certains sols, la protection de certains sols riches en matières organiques, la réduction d’émission de gaz.
L’Etat aura la responsabilité de démontrer comment, dans sa stratégie d’intervention et dans la conception de ces interventions, il sera en capacité de couvrir ses besoins.
Aussi pour chaque besoin et intervention s’y rapportant, il établira des cibles quantifiées (nombre d’agriculteurs et hectares à atteindre). Ces dernières interventions seront classifiées selon des indicateurs de résultats qui ont été fixés à l’Annexe 1 du règlement relatif au plan stratégique national (PSN PAC) après négociation avec les deux co-législateurs (voir détails ci-après).
Ce travail de codification va engager l’État membre. La flexibilité accordée à l’État membre peut présenter un risque d’abaissement de l’ambition environnementale, en effet cette recherche d’avoir des mesures simples avec une faible potentialité en termes d’impacts peut se reproduire à court terme. Mais vu les objectifs assignés et la volonté de suivi et d’encadrement de la Commission, il va être de plus en plus difficile de marginaliser le sujet de l’environnement pour l’État membre et de ne pas l’adresser sur la base de mesures pertinentes.
Maintien d’un socle commun
Même si une plus grande initiative est laissée aux Etats membres, la Commission n’a pas voulu écarter le socle commun de la conditionnalité, un système qui établit des liens entre les paiements surfaciques de la PAC (issus des deux piliers) et le respect d’un ensemble d’obligations de base.
Ce socle, constitué par des obligations issues de la PAC (dans le cas des normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales – BCAE) ou découlant des directives et règlements non liés à la PAC, a été renforcé.
Aux anciennes BCAE (légèrement reformatées, les 3 pratiques issues du verdissement ont été reprises et redéfinies afin d’assurer une protection minimale des sols, des eaux et de la biodiversité. Par ailleurs une nouvelle BCAE a été introduite sur la protection des tourbières. Au total une liste de 9 BCAE a été adoptée.
Il s’agit par exemple du suivi et de la limitation des conversions des prairies permanentes sur la base d’un ratio (BCAE 1), de l’identification et la protection des tourbières (BCAE 2), de rotation ou la diversification des cultures (BCAE 7), la création de zones non productives au sein des terres arables (BCAE 8) et l’interdiction de conversion des parcelles de pâturages permanents au sein des zones de Natura 2000 (BCAE 9).
Ce socle est appelé à être défini et respecté par l’ensemble des Etats membres afin d’assurer une certaine égalité de traitement entre les agriculteurs européens. Aussi il constitue une ligne de base au-delà de laquelle les interventions du 1er piler et 2ème piler sont conçues. Il représente ainsi une sorte de garde-fou écartant le soutien à des obligations déjà amplement vulgarisées.
Cette partie commune a été un des éléments de la discussion le plus saillant pendant les négociations successives. Pour la partie environnementale (appelée couramment architecture verte), le champ de la conditionnalité (en particulier la liste des BCAE) a ouvert l’agenda des 1eres trilogues et a aussi été à l’honneur lors des derniers trilogues à la clôture des négociations les 24 et 25 juin 2021.
Certaines BCAE, notamment sur l’obligation d’une rotation des cultures et sur l’obligation d’une Surface d’Intérêt Écologique (SIE) désormais centrée sur les éléments du paysage, ont été finalement retenues après d’âpres discussions entre les Etats Membres et la Commission.
La conditionnalité constitue une sorte de clef de voûte, préfigurant l’ambition des futures interventions.
Un dialogue structuré
La Commission s’est organisée pour engager le dialogue avec les Etats membres. Au sein de la DG AGRI, des groupes géographiques (un par Etat membre), réunissant un panel pluridisciplinaire de collègues ont été constitués dès l’année 2019. Ces groupes ont aussi engagé une consultation avec les autres DG partenaires (SANTE, ENV et CLIMA) ;
Cette organisation a permis, sans attendre les négociations finales, de communiquer très tôt avec les Etats membres, sur les finalités de la future PAC et sa nouvelle gouvernance.
Par ailleurs, la Commission s’est livrée à une analyse de la situation du secteur agricole par Etat membre et en particulier sur la partie relative à l’état environnemental. Ce fut l’occasion de valoriser les indicateurs environnementaux et de mettre en commun au sein des services de la Commission les différentes données permettant d’identifier l’état de la qualité des eaux, de l’air, du niveau d’érosion des sols, des niveaux de consommation des pesticides et des antibiotiques par Etat membre. Cette analyse a été assortie de recommandations pour chaque Etat Membre fin décembre 2020. Dans le cas de la France, certaines recommandations ont ciblé en particulier l’environnement visant par exemple à :
• Favoriser l'adoption de pratiques agricoles pour réduire la pollution par les nutriments provenant de l’utilisation des engrais ;
• Arrêter le déclin et la dégradation des prairies permanentes, et rémunérer la protection de ces stocks de carbone ;
• Améliorer la protection de la biodiversité en renforçant l'adoption par les agriculteurs des pratiques de gestion agricole appropriées et la protection des habitats.
(https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020SC0379&from=EN)
Ceci répond à l’objectif de la Commission d’engager une nouvelle gouvernance, mais aussi de travailler sur des bases communes d’information et disponibles entre ses services, afin d’éclairer le débat et d’étayer les décisions.
A ce jour, après l’analyse des besoins, l’élaboration des stratégies d’intervention et la définition des interventions sont en cours. Les Etats membres devraient pouvoir soumettre leur plan d’ici la fin de l’année 2021.
Une approche tournée vers une recherche de performance et pas simplement un contrôle et respect de conformité
La Commission aura toujours le souci que les aides parviennent à leurs bénéficiaires et surtout soient déployées sur des terres agricoles déclarées et correctement identifiées.
Les outils qui ont été conçus à cette fin vont continuer à exister comme ceux déclinés sur la base du Système Intégré de Gestion et de Contrôle (SIGC).
Cet acquis est de nouveau reconnu par les textes de base (ceux du règlement financier), mais sa mise en œuvre va être moins codifiée et légiférée au niveau communautaire. Ainsi une plus grande marge de manœuvre pourrait être laissée aux États membres pour définir leur taux de contrôle et le calcul des sanctions.
Nécessité d’avoir une approche fondée sur la prévention
Le contrôle de la conformité, du respect des critères d’éligibilité des aides et de la bonne exécution des pratiques va toujours être un principe de base.
Toutefois la Commission veut modifier les approches utilisées en termes de contrôle et utiliser au maximum les avancées offertes par les nouvelles technologies, notamment à l’aide de la digitalisation dans les circuits d’échanges d’informations entre bénéficiaires et les administrations et aussi aux moyens de l’imagerie satellite.
Ces nouveaux moyens vont permettre d’avoir une lecture plus rapide et à plus grande échelle des changements concernant l’utilisation des terres agricoles, des modifications de leurs paysages et de la succession et de la conduite des cultures.
Dans le jargon de la Commission, un système d’audit et de surveillance (AMS-Audit Monitoring System) pourra être mis en place dans les Etats Membres.
La Commission souhaite développer cet outil, non pas pour augmenter la pression des contrôles et des pénalités, mais d’une part pour rendre plus robuste les outils à la base des déclarations faites par les agriculteurs (en particulier le système d’identification des parcelles agricoles) et d’autre part pour développer un système préventif vis-à-vis de l’agriculteur.
Dans ce dernier cas, il s’agirait de nouveaux radars qui pourraient être utilisés à des fins de communication avec l’agriculteur dans un objectif de prévention. Les informations fournies par l’AMS seraient disponibles pour l’ensemble des périodes de l’année calendaire. Dans ce sens, il serait possible d’anticiper le développement de certaines opérations agricoles dans le temps et d’en avertir l’agriculteur en cas de risque de non-conformité.
Nécessité d’avoir un retour d’information sur le résultat des actions et développement d’outil à cette fin
Au-delà de l’aspect des contrôles, la Commission a souhaité mettre une priorité sur le suivi de l’exécution des interventions (en particulier celles dédiées à l’environnement et au changement climatique) et sur l’évaluation de leur impact sur le terrain.
Pour ce faire, un chapitre spécifique du règlement relatif au plan stratégique national (PSN PAC) a été prévu et intitulé « système de suivi et d’évaluation de la performance ».
Un suivi quantitatif de l’exécution sera assuré sur la base d’indicateurs de résultats, reliant les interventions à leurs principales thématiques et aux objectifs de la PAC qui s’y rapportent.
Pour chaque indicateur de résultat, l’État Membre fixera une cible en termes de nombre d’hectares à atteindre durant la programmation du plan PAC pour lesquelles des interventions spécifiques seront rattachées. Ainsi, Il sera possible chaque année de suivre le nombre d’hectares impactés par les interventions et connaitre aussi le degré d’exécution des interventions qui ont été planifiées.
Par exemple, pour l’objectif spécifique lié à la préservation de la biodiversité et des écosystèmes (OS6), au moins 3 principaux indicateurs de résultats ont été retenus avec les co-législateurs :
• La proportion des terres agricoles et des forêts qui font l’objet d’un soutien pour le maintien ou la restauration de la biodiversité ;
• La proportion de fermes qui bénéficient d’un soutien à l’investissement contribuant à la biodiversité ;
• La proportion des surfaces Natura 2000 sous des engagements faisant l’objet d’un soutien.
Les interventions définies par les États Membres devront être classées en fonction de ces indicateurs.
Ce premier niveau d’information très générique sera mis en relation avec des indicateurs d’impact et des données plus individuels afin d’analyser l’impact de la PAC en rapport avec des contextes plus ciblés. En effet un suivi plus qualitatif est envisagé pour connaitre l’évolution de l’état de l’environnement à différents niveaux, un niveau macro (région ou pays) mais aussi au niveau de l’exploitation.
Dans cette entreprise, la Commission va continuer à mesurer l’état environnemental des territoires sur la base d’indicateurs d’impact. Un acquis existe déjà et a fait l’objet d’une mise en ligne sous un portail comprenant des indicateurs sur le niveau de qualités des eaux, de l’air et de la biodiversité. (https://agridata.ec.europa.eu/extensions/DataPortal/cmef_indicators.html).
Ce panel d’indicateurs va être consolidé, certains indicateurs vont être plus affinés, par exemple au sujet de l’identification des éléments des paysages et de leur cartographie au niveau communautaire. A cet effet une enquête très exhaustive est menée avec l’aide du Centre commun de recherche (CCR) connu sous les termes « Land Use/Cover area frame statistical Survey » LUCAS. L’ensemble des indicateurs d’impact sont aussi co-listés avec les indicateurs de résultats à l’annexe I du règlement de base.
Toutefois, la Commission a proposé de franchir une étape supplémentaire, pour obtenir une analyse plus fine au niveau de l’exploitation dans le dessein de mettre en exergue davantage le lien entre les pratiques agricoles et leur impact sur le système d’exploitation, tant en termes d’émission et de pollution, mais aussi en termes d’évolution de la production et des paysages.
La Commission s’est engagée à développer différents outils dans cette perspective, des outils statistiques à l’aide des enquêtes du services Eurostat, mais aussi en transformant l’outil du Réseau d’information comptable agricole (RICA) en Réseau de données sur la durabilité des fermes. En anglais, connu sous les termes “Farm accountancy data network” (FADN) converti en “Farm Sustainability Data Network” (FSDN).
Ce dernier fondé sur des indicateurs de production et de résultats économiques (volumes de production, coûts opérationnels et de structure, marges bénéficiaires) va être élargi à d’autres indicateurs comme les plans de fertilisation, la gestion des effluents, la rotation des cultures et la couverture des sols, les quantités de pesticides utilisées par hectares….
L’objectif de ce réseau sera de mesurer l’impact des interventions de la PAC sur le terrain avec des éléments de contexte plus affiné afin de compléter l’analyse reposant sur des indicateurs d’impact établie au niveau national.
Par ailleurs ce réseau pourra être utilisé à des fins de conseils dans le cadre de l’appui technique dont les agriculteurs sont appelés à bénéficier. Dans le cadre du plan PAC, la Commission tient à mettre aussi l’accent sur l’accompagnement technique des agriculteurs.
En conclusion
La nouvelle PAC a été mise sur orbite pour orienter l’agriculture sur des pratiques et des modes de production plus durables et plus vertueux. L’objectif est de réduire les impacts négatifs sur l’environnement en termes de pollution des ressources en eau et de l’air et la préservation de la biodiversité, mais aussi de rendre plus résilient l’outil de travail de l’agriculteur notamment son foncier (ses terres et ses sols) face aux changements à venir. Ces objectifs sont assez partagés par l’ensemble des parties prenantes, même si un accompagnement des agriculteurs est encore nécessaire pour faire accepter ces changements et démontrer leur intérêt à long terme sur la productivité (qui sera fondée davantage sur des réductions d’intrants que sur des rendements).
Pour rendre encore plus pertinents les interventions à soutenir, une plus grande responsabilité va être laissée aux États membres dans la conception de leurs stratégies d’intervention en insistant sur les besoins à couvrir.
Cette perspective pourrait sonner la fin d’une approche commune, principe de base de cette politique historique, qui a toujours reposé sur un souci d’égalité de traitement entre producteurs indépendamment de leur lieu de résidence.
Toutefois face aux enjeux de l’environnement et climatique, il est important de reconnaître la diversité des situations, et un échelon plus local est plus enclin à intégrer cette dimension.
Par ailleurs la Commission se garde le soin d’approuver les plans stratégiques de chaque État membre. Pour ce faire, elle entend s’en donner les moyens avec une méthode de travail plus collégiale impliquant ses différentes expertises en interne entre les différentes directions (ENV, SANTE et CLIMA) et mobilisant ses bases de données disponibles en interne afin d’évaluer l’état environnemental de l’Etat Membre et de conserver un rapport critique vis-à-vis de l’ambition affichée par l’Etat Membre.
Pour finir, la Commission ne souhaite pas s’arrêter à l’étape de l’approbation des plans PAC, elle souhaite s’armer pour juger de la performance des interventions de l’État Membre. Le suivi de la mise en œuvre sera annuel fondé sur des indicateurs, mais au-delà de cet aspect quantitatif, la Commission va continuer à déployer des outils statistiques plus fins pour encore mieux mesurer les impacts environnementaux
Par ailleurs par un souci de transparence, les plans stratégiques de la PAC seront publiés et connus de l’ensemble des parties prenantes. Il est en effet important que les éléments de mise en œuvre soient partagés que pour continuer et engager de futures discussions sur l’évolution de la PAC.
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