GIEE des éleveurs des côteaux du Sarladais : vers l’autonomie protéique et l’intensification agroécologique (2016-2021)
François HIRISSOU*
* Chargé de mission en agronomie - Antenne du Périgord Noir - Chambre d’Agriculture de la Dordogne francois.hirissou@dordogne.chambagri.fr
Introduction
Sur les Causses Verts du Sarladais, en Périgord Noir, 28 agriculteurs, gérant 23 exploitations orientées en élevage bovin (10) et caprin (1) laitier ou en élevage bovin (10) et ovin (2) viande, se sont réunis pour constituer un Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental (GIEE) en 2016 (Carte n°1). La visée était de concevoir et mettre en place des processus d'optimisation de la production de légumineuses herbagères et protéagineuses afin d'accroître l'autonomie alimentaire des troupeaux et d’améliorer les performances économiques et agronomiques des exploitations. La mise en place de cette action collective a été suscitée par la fragilité des élevages du fait des choix alimentaires trop dépendants de protéines importées (soja), du coût économique rédhibitoire du maïs ensilage (intrants, irrigation) et de ses répercussions agronomiques, de la sous-exploitation des prairies naturelle alors que les prix de vente (lait, viande) deviennent trop faibles. Quels choix stratégiques opérés par le groupe ? Quels résultats ? Quelles perspectives ? Quelles exigences pour l’accompagnement d’un GIEE ? Ces questions guident le présent témoignage.
Un diagnostic économique, zootechnique et agronomique des exploitations laitières
En 2015, la crise du lait avec des prix de base à moins de 300 €/1000 l (260 € au plus bas pendant plusieurs mois) expose les exploitations laitières à un avenir très incertain : aucune lisibilité sur les politiques agricoles en matière laitière ne se dessine pour assurer une rentabilité minimale avec la fin des quotas. L’impasse est aggravée par un mode d’alimentation de base fondé sur des productions (maïs ensilage/ray-grass/soja) issues d’un temps où les coûts de production (carburant, eau, protéines, frais vétérinaires) étaient à peu près soutenables par rapport au prix du lait. Dans les sols sablo-argileux majoritaires de ces exploitations, les pratiques de culture fondées sur le labour après chaque récolte entrainant une forte minéralisation et l’exportation totale des plantes ont conduit à des chutes importantes des taux de matière organique évaluées par les analyses de sols comparatives entre prairies (>3%de M.O) et cultures (< 2% de M.O), malgré les compensations par les apports de fumiers. Face à ce constat agroéconomique massif et négatif, un petit groupe d’éleveurs décide d’explorer de nouvelles voies d’alimentation des vaches laitières en s’appuyant sur l’expertise d’un nutritionniste, (Lauzet, 2017) déjà intervenu sur des exploitations : en impulsant une remise en cause radicale de leur vision de l’élevage et des sols. C’est un véritable saut qualitatif illustré par le schéma n°1 qui va être réalisé grâce à cet accompagnement : le changement radical consiste, pour l’alimentation du troupeau, à passer d'un système producteur d'énergie (maïs ensilage) et acheteur de protéines (soja) à un système producteur de protéines (luzerne, méteils riches en légumineuses) et acheteur/ producteur d’énergie (ensilage maïs épi, cannes restituées au sol).
Jusqu’à présent, le maïs présentait tellement d’avantages, du fait de son statut de culture « industrielle » complétement maîtrisée, qu’il était devenu prépondérant dans l’acte de production. Il rassurait surtout l’éleveur par rapport à la biomasse végétale formidable qu’il représentait, donnant ainsi la sécurité énergétique alimentaire pour les animaux. En fait, les éleveurs étaient devenus des producteurs de céréales, en oubliant les équilibres essentiels dans l’alimentation d’un animal entre l’énergie et l’azote. Le maïs plante entière, part essentielle de la ration (jusqu’à 40 kg/j/vache), trop riche en énergie et trop pauvre en azote, contraignait à l’apport systématique de soja sur la base d’1kg pour 10kg de maïs ensilage. Or, avec un achat de 4Kg/j de soja par vache le coût de la ration devient bien trop important pour résister aux aléas des prix et fragilise considérablement les élevages. Mais cette seule approche économique aurait été insuffisante pour modifier les pratiques (il reste encore des élevages laitiers qui fonctionnent sur cette ration de base) si d’autres constats n’étaient venus renforcer le diagnostic et lever les freins au changement : une forte érosion des sols avec perte de matière organique, la dépendance croissante à l’irrigation et à la fertilisation minérale, la fragilité des animaux du fait de rations déséquilibrées et trop acidogènes (pattes, fécondité, reproduction).
Yannick.S, responsable « lait » du GIEE, résume ainsi : « Suite à la crise du lait de 2015, la Chambre d’Agriculture avait organisé un forum ouvert avec les éleveurs et le thème principal qui en était ressorti était les gros soucis que l’on avait au niveau des achats d’aliments car on travaillait sur d’anciennes rations à base de maïs ensilage et soja qui étaient beaucoup trop chères. En plus, ces cultures intensives faisaient chuter les taux de matière organique sur nos sols légers même en ramenant du fumier (Figure 3). Ajouté à ça le changement climatique que l’on prend de plein fouet depuis quelques années avec des étés de plus en plus secs et des sols pauvres en matière organique où les réserves en eau diminuent. On a fait des formations avec des experts de la nutrition et la première des choses a été de réduire l’achat de correcteur azoté et d’aliment complet en s’organisant en commun pour faire venir des semis- remorques entiers de coproduits beaucoup moins chers et qui donnent le même résultat. On a ensuite modifié nos assolements en réintroduisant les légumineuses, en revalorisant nos prairies naturelles et en diminuant fortement l’utilisation du maïs ensilage et du soja. »
Une dynamique d’innovations zootechniques et agronomiques en exploitations laitières : des résultats économiques remarquables
De 2016 à 2019, nous avons travaillé sur la modification des modes d’alimentation en augmentant la production de légumineuses (luzerne, trèfles, méteils riches en légumineuses (Figure 4, Encadré n°1) exploitées en ensilage, enrubannage, foin, et grains dans les rations. Du standard « maïs ensilage – soja », les élevages laitiers sont passés à la combinaison « maïs épi ensilé –méteil riche en légumineuses (Hirissou et Mornet) – luzerne et prairies naturelles intensifiées ». Ces orientations, adoptées très rapidement par les éleveurs ont induit une diminution de 30% du coût alimentaire, par la baisse drastique d’achat de soja (- 50%) et une réduction spectaculaire des frais vétérinaires (-70%). Ainsi sur une exploitation laitière produisant 800 000 l de lait, ce gain peut se chiffrer à 30 000 € sur une seule année. C’est considérable, et cette modification radicale a permis de conforter les élevages laitiers sur cette petite région en leur faisant retrouver des marges de progrès et plus de sérénité pour l’avenir.
Encadré n°1 : Le méteil, pour gagner en autonomie alimentaire pour le troupeau
C’est un mélange d’une ou plusieurs espèces de céréales à paille (triticale, avoine, ou autre) avec une ou plusieurs espèces de protéagineux (pois, vesce, ou autre). Le mélange se raisonne en nombre de grains par hectare, exigeant de connaître le poids de 1000 grains de chaque espèce : généralement 280 à 300 g/m2 en céréales et 30g/m2 en protéagineux. C’est une culture d’hiver économe en intrants et qui permet d’éviter les stress hydriques des fins de printemps. La présence de céréales stimule la fixation d’azote par les légumineuses et le mélange par sa rapidité de couverture du sol et son aptitude étouffante envers les adventices rend le désherbage généralement inutile. De plus l’association des espèces rend le méteil peu sensible aux maladies. Le méteil se récolte au stade grain pâteux des céréales, en ensilage ou en enrubannage ; il est source de protéines et de fibres, convenant à l’alimentation des bovins allaitants et laitiers. Il laisse un état structural plutôt satisfaisant pour implanter un maïs précoce, un sorgho ou une graminée fourragère.
Le méteil a fait l’objet de plusieurs interventions lors des rencontres régionales de la recherche, du développement et de la formation (3 RDF) : « Cultivons l’autonomie protéique », journée organisée par le Réseau Régional Innovation Nouvelle Aquitaine le 15/12/2020. https://rain-innovation.fr
En élevages bovins et ovins viande, un même front d’innovations agronomiques avec en prime, le pâturage tournant dynamique
Dans les exploitations orientées vers la production de viande, l’amélioration des performances économiques a été permise par une combinaison de pratiques : introduction massive des légumineuses fourragères (méteil tel qu’illustré par Figure 5, sur-semis de légumineuses dans les prairies naturelles et luzerne), implantation de couverts végétaux en interculture exploités en pâturage en fin de saison et mise en place de pâturage tournant dynamique.
Là encore, laissons la parole à Pierre.T responsable « viande » du GIEE : « On est toujours à la recherche du meilleur compromis entre croissance des animaux et charges en aliments, car les rations coûtent cher. Sur mon élevage à 2,5 €/j/animal c’était trop élevé par rapport au prix de la viande. On s’est demandé comment maximiser cette croissance tout en réduisant nos coûts car la région ne permet pas des rendements élevés en céréales. Grâce au GIEE on a fait pas mal de visites pour voir ce qui se faisait chez des éleveurs qui sont quelquefois à côté, qui ont des bonnes idées. On a intégré de plus en plus de luzerne dans nos assolements et remis au goût du jour les associations de céréales et de légumineuses que faisaient nos anciens. On a complété avec la technique du pâturage dynamique qui triple la productivité de nos prairies naturelles. Aujourd’hui je suis en dessous de 2€/j/animal pour le coût de ma ration. »
La technique du pâturage dynamique repose sur l’optimisation de la qualité et de la quantité d’herbe pâturée, par la mise en place d’une rotation précise du troupeau sur un ensemble de micro-parcelles, avec un chargement instantané important (300 brebis/ha, 16 vaches/ha), pendant des périodes très courtes (2 ou 3 jours). Cela permet de consommer toute l’herbe sur chaque parcelle au stade où elle est la plus riche (20 à 25 cm). Cette rotation suit un planning prévisionnel établi en fonction de l’estimation des besoins du troupeau et de la productivité des prairies tout au long de l’année. Ce planning évolue ensuite en fonction des observations faites sur le terrain. Lorsque la productivité des prairies est maximale, l’herbe revient rapidement au stade de pâture optimale après le passage du troupeau, le retour sur la parcelle est donc plus rapide, toutes les parcelles dédiées au troupeau ne seront donc pas pâturées. Les parcelles restantes sont fauchées ou broyées afin qu’elles atteignent le stade de pâture optimal au bon moment dans la rotation suivante. Lorsque la productivité des prairies diminue pendant la sécheresse estivale, les troupeaux ovins sont envoyés sur des noyeraies irriguées ; elles ont une couverture permanente spontanée de graminées qui est ainsi entretenue tout en assurant une alimentation équilibrée gratuite. Cette forme de pastoralisme s’est donc développée en Périgord noir grâce à ces pratiques dans les noyeraies et participe au développement de l’élevage ovin. Pour les troupeaux de bovins viande c’est la mise en place de couverts végétaux d’été à base de sorgho fourrager, radis et colza fourrager, tournesol, avoine brésilienne qui a été mise en œuvre pour bénéficier de fourrage en fin d’été.
En perspective, la recherche continue de performances agroécologiques avec notamment une attention portée aux sols
Cette première partie du programme a apporté des réponses collectives à la problématique économique initiale et a permis d’enclencher une réflexion sur l’intérêt d’orienter les systèmes agricoles vers les pratiques agronomiques favorables à la vie des sols (Figure 6), et à l’intensification écologique des productions. Nourrir les sols au même titre que les animaux et les protéger de l’érosion, sont désormais le deuxième impératif des éleveurs qui ont été sensibilisés par l’explication du fonctionnement biologique des parcelles et par la découverte de la biomasse vivante considérable du sous-sol (« une vache dessus – dix vaches dessous » M.Legras, Unilasalle). « Je me suis intéressé à la vie du sol après avoir vu des vidéos de Claude Bourguignon. Il y avait de gros problèmes d’érosion suite au travail du sol parce qu’on a beaucoup de terres en pente chez nous. On se prenait des orages et on se retrouvait avec des fossés de 50 cm dans les champs et la terre sur les routes. Je suis rentré au GIEE pour mieux comprendre comment résoudre ces problèmes et aujourd’hui je suis en semis direct avec des couverts végétaux et les mêmes rendements avec beaucoup moins de frais. Et puis je garde ma terre dans les parcelles au lieu de la retrouver sur les routes » Jonathan R., membre du GIEE.
Le fait de laisser beaucoup de matière végétale riche en carbone sur le sol (cannes de maïs, couverts végétaux), d’introduire des légumineuses à grosses graines (féverole, pois, vesces) dans les prairies naturelles (Figure 7) ou les luzernes à l’automne grâce aux outils de semis direct, de cultiver des associations céréales-légumineuses systématiquement en culture ou interculture caractérise aujourd’hui les nouvelles pratiques d’une majorité d’éleveurs du GIEE. Des indicateurs d’évolution des sols sont surveillés (vers de terre, test bêche, matière organique) au même titre que les paramètres d’élevage permettant ainsi d’avoir une approche globale de son système d’exploitation : ainsi, le nombre de vers de terre par bêchée apparaît supérieur à 5 ; le test bêche en référence au classement ISARA varie de 1 à 3, révélateur de sols poreux à légèrement tassés ; quant au taux de matière organique, il est trop tôt pour mesurer une évolution. L’observation des sols à l’aide de la bêche est ainsi devenue un acte de base pour évaluer leur structure et la progression de leur porosité. Simultanément à ces évolutions, la diminution de l’utilisation d’engrais minéraux azotés est apparue nécessaire pour ne pas court-circuiter les équilibres biologiques et pouvoir amplifier les processus d’intensification écologique par l’apport massif de fertilisants organiques.
Là encore une évolution des pratiques de fertilisation organique s’est concrétisée par les épandages de fumiers ou lisiers réalisés désormais en été ou début d’automne dans les couverts végétaux, pour augmenter leur biomasse (atteindre 6 à 7 T de Matière Sèche) et transférer les éléments minéraux fixés par ces couverts à la culture qui suit par la voie microbiologique. Cette recherche de biomasse maximale en été permet une concurrence efficace contre les adventices et participe à la reconstitution de l’humus stable. Un autre élément important résultant du choix de ces dates d’apport est la prise en considération de la praticabilité des terrains : ces derniers sont beaucoup moins impactés par les risques de compaction à l’automne où ils sont généralement portants plutôt qu’au printemps (sol humides) comme cela était l’habitude auparavant.
La dernière étape de cette évolution a été l’arrêt du travail du sol pour certains des éleveurs, franchissant le pas du respect des habitats des espèces présentes dans les parcelles et parties prenantes de leur productivité, tout en restant très vigilants sur les obligations de rendement et la gestion des bio-agresseurs. Dans ce sens, la pratique d’apport massif de matière organique riche en carbone et en énergie à la surface des sols et le respect des chaînes de décomposition sans enfouissement pour augmenter les taux d’humus ont été parmi les thèmes centraux des formations agronomiques portant sur le sujet de la santé unique (santé des sols = santé des cultures). On a développé ainsi la notion de cultures multi-services (couverts végétaux, associations de cultures) qui influencent les êtres vivants du sol ; ces derniers sont eux-mêmes les supports de services écosystémiques comme les cycles des nutriments (azote, phosphore) et de l’eau, la structuration du sol et la régulation des bio-agresseurs (M.Duru , O.Thérond, 2019).
Cette orientation s’est concrétisée par l’achat de deux semoirs directs en CUMA et la production collective de semences de couverts végétaux pour approvisionner le groupe. Les éleveurs du GIEE sont aujourd’hui convaincus que la fertilité des sols est la clé de la réussite et un gage d’autonomie. Il faut nourrir la vie du sol et respecter sa structure en améliorant sa porosité afin de favoriser l’enracinement et la circulation de l’eau. « Les pratiques de travail du sol nous imposaient beaucoup de temps passé dans nos champs, sur nos tracteurs, et nous, jeunes, on a aussi des vies de familles il ne faut pas l’oublier, et on a cherché des techniques pour simplifier cela tout en essayant de valoriser la vie des sols, en remplaçant le travail mécanique par les micro-organismes du sol. On est allé voir ce qui se faisait à droite, à gauche, pour implanter la graine le plus simplement possible. Cela a permis de répondre à nos attentes et le groupe s’est étoffé. On s’est lancé alors dans l’agroécologie par l’implantation de couverts végétaux en interculture et le semis direct de céréales et de méteil dans ces couverts. La démarche a abouti à l’achat en commun de deux semoirs directs Gaspardo. » Pierre T., responsable GIEE.
Accompagner le changement : exigences pour le métier de conseiller en agronomie
Le passage à ces pratiques s’est fait par un cursus de rencontres et de formations avec d’autres groupes d’agriculteurs et d’éleveurs orientés vers l’élevage en agriculture de conservation des sols. Il existe une forte dynamique d’innovation mise en œuvre par ces réseaux dans le Sud-Ouest où les échanges, l’expérimentation, les interventions d’experts, souvent agriculteurs, font progresser fortement les pratiques en permettant des changements radicaux de point de vue (s’adapter à son milieu plutôt que de vouloir tout contrôler) impossibles sans ces contacts. L’accompagnement du GIEE a consisté alors à percevoir les éléments déclencheurs au changement – économiques, agronomiques, sociologiques- (prix du lait, mauvais état des sols, impasses techniques, absence de visibilité sur le métier), à rechercher des savoirs faire déterminants dans la réussite de la transition, à expérimenter, évaluer et finalement se rassurer pour « sauter le pas » (Meynard, 2016).
Les points qui ont focalisé les questionnements du groupe et qui ont permis d’avancer ont été : la fixation d’azote par la microbiologie et l’importance des légumineuses pour déplafonner les rendements (analyse des fourrages), l’utilisation plus intensive des prairies naturelles grâce aux « nouveaux » outils de semis direct, les couverts végétaux considérés comme de véritables cultures, les indicateurs de fonctionnement des sols (profil bêche, vers de terre), la diminution importante des coûts de mécanisation (carburant, entretien du matériel) par le passage au semis direct, l’achat en commun de coproduits aussi performants que les aliments du commerce mais moins chers, la baisse drastique du temps passé sur les tracteurs et les temps de rencontre et d’acquisition de connaissances au contact d’autres réalités (visites dans les départements limitrophes) .
Pour assurer la vie du groupe et l’accompagner dans les phases de changements, l’animateur doit s’impliquer activement sur le long terme et mettre en jeu une dynamique collective. On se situe ici dans un contexte de groupe défini dans le cadre conceptuel de l’agroécologie, donnant un cap à suivre qui s’inscrit dans la durée : « les membres du groupe sont ancrés dans un système de gestion partagée des ressources et sont amenés à porter plusieurs casquettes différentes. Ils peuvent alors devenir des liaisons entre différents réseaux et apporter des informations, des partenariats ou des connaissances au groupe » (Duru et al., 2014). Or l’implication active et sur le long terme des membres du groupe dépend forcément de l’envie de chacun mais surtout de l’implication de l’animateur dans la vie du groupe. En second lieu, valoriser le potentiel offert par le cadre conceptuel précité est un rôle que l’animateur doit endosser. Il est important de voir les avancées régulières en définissant des indicateurs de suivi (sols, résultats techniques et économiques, temps de travaux) et en présentant des résultats périodiquement (Toffolini et al., 2016).
Cet accompagnement est très chronophage d’autant plus qu’il doit être organisé en fonction des pics d’activités des membres du groupe, avec une implication coordonnée de l’accompagnateur qui a d’autres missions par ailleurs. Dans la pédagogie pour animer le groupe, les concepts et schémas pour illustrer la démarche tel que le schéma de la figure 8 sont les bienvenus. L’encadrement d’un GIEE revêt plusieurs fonctions à assumer : l’animation, la gestion de projet, le conseil stratégique et global d’exploitation ainsi qu’une capacité d’expertise en agronomie et en zootechnie.
L’animation des GIEE est financée par les pouvoirs publics sur une période de trois ans, renouvelable une fois par appel à projet, mais l’échelle temporelle du changement, comme décrite précédemment, s’étend sur un temps long, d’une dizaine d’années. Il y a donc une discordance entre les objectifs des GIEE et les moyens mis en place pour les soutenir (Horsin, 2019). Cependant cette dynamique a permis de soutenir et de renforcer les élevages sur le territoire des côteaux du Sardalais et a suscité l’intérêt d’autres agriculteurs de la région. Un deuxième GIEE s’est constitué sur les mêmes bases dans une région d’élevage limitrophe et permet aujourd’hui des échanges fructueux pour continuer à avancer.
Références bibliographiques
Duru, M., Fares, M., Therond, O., (2014). Un cadre conceptuel pour penser maintenant (et organiser demain) la transition agro-écologique de l’agriculture dans les territoires. Cah agri. vol. 23, n° 2, pp.84-95.
Duru, M., Therond, O., (2019) INRAe AGIR Toulouse, LAE- Colmar. La « santé unique » pour reconnecter agriculture, environnement et alimentation.
Hirissou, F., Mornet, G.M., (2012). Agissons ensemble pour la qualité de l’eau (Bassin de Dordogne) : le méteil. Bulletin n° 9, juillet 2012. www.dordogne.chambagri.fr
Horsin, A., (2019) : Du Système de Production au Territoire : Accompagner un collectif d’agriculteurs -la nouvelle place du conseiller agricole : Exemples du GIEE des Producteurs Bio de Beaumont et du GIEE des Eleveurs des Coteaux du Sarladais. Mémoire Ingénieure Agronome Spécialité Agroécologie – ENSAT
Lauzet, S., (2017) - Nutritionniste, Cabinet BDM- Journées formation alimentation GIEE
Meynard, J-M., (2016). Les savoirs agronomiques pour le développement : diversité et dynamiques de production. Agronomie environnement & société : Savoirs agronomiques & développement agricole, vol. 6, n°2, pp.17-26.
Toffolini, Q., Jeuffroy, M-H., Prost, L., (2016). L’activité de re-conception d’un système de culture par l’agriculteur : implications pour la production de connaissances en agronomie. Agronomie environnement & société : Savoirs agronomiques & développement agricole, vol. 6, n°2., pp.183-191,
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