Gestion de l’enherbement et couverts végétaux d’interculture en Agriculture de Conservation des Sols : quelles alternatives au glyphosate ?
Alicia REGIS
APAD, Grande Rue 21450 ETORMAY, aliciaregis.apad@outlook.com
Résumé
Le projet ECOPHYTO II SOLutions ACS traite de la thématique de la gestion de l’enherbement en ACS sans glyphosate, grâce à la mise en place de plateformes de démonstration chez des agriculteurs. Parmi les leviers testés, il y a la mise en place de couverts végétaux d’interculture au sein d’une rotation de 4 cultures. Après 2.5 années d’essais de combinaisons de pratiques alternatives à l’usage de glyphosate, il en résulte la mise en évidence du rôle important de concurrence que ces couverts jouent vis-à-vis des adventices. Le choix des espèces à implanter en fonction de la culture suivante est important afin que le couvert ne nuise pas à son bon développement. L’outil chimique utilisé par la suite en culture reste encore indispensable pour garantir le succès de ces systèmes sans travail du sol et sans glyphosate. Le projet ECOPHYTO II SOLiflore tout juste débuté permettra d’approfondir ce rôle des couverts sur la gestion de l’enherbement en ACS.
Mots-clés : gestion de l’enherbement, couverts végétaux, Agriculture de Conservation des Sols, glyphosate, projet ECOPHYTO II.
Abstract
The ECOPHYTO II SOLutions ACS project deals with the theme of weed management in ACS without glyphosate, thanks to the establishment of demonstration trials with farmers. Among the levers tested, there is the establishment of plant cover in a rotation. After 2.5 years of testing combinations of alternative practices to the use of glyphosate, the result has been to highlight the important role of competition that these covers play against weeds. The choice of species to sow according to the following crop is important so that the plant cover does not interfere with the crop development. The chemical tool subsequently used during the cultivation period is still essential to guarantee the success of these systems without tillage and without glyphosate. The ECOPHYTO II SOLiflore project, which has just started, will go into this role of covers in depth on the management of weeds in ACS.
Introduction et contexte
Les éléments présentés dans ce texte sont issus des travaux menés dans le cadre du projet SOLutions ACS intitulé Gestion des mauvaises herbes en Agriculture de Conservation des Sols (ACS) : Plateformes de démonstration pour concevoir, tester et transférer des alternatives durables aux herbicides (glyphosate en particulier).
SOLutions ACS est un projet ECOPHYTO II porté par l’Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable (APAD), avec le concours financier de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). D’une durée de 33 mois, il a débuté le 01 juin 2019 et visait à identifier des itinéraires techniques en Agriculture de Conservation des Sols (ACS) permettant de gérer efficacement et durablement les mauvaises herbes, afin de réduire l’utilisation des herbicides et du glyphosate en particulier. SOLutions ACS a une dimension nationale puisqu’il met en place et pilote différentes plateformes de démonstration qui fonctionnent en réseau, en conditions réelles d’exploitations et dans différentes conditions pédoclimatiques. Le projet est soutenu par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et le ministère de la Transition écologique et solidaire. Il est piloté en partenariat avec deux équipes INRAE (l’UMR Agroécologie à Dijon, et l’UMR Agronomie à Grignon) et la société de conseil Novalis Terra.
Plus précisément, les objectifs du projet sont de :
Identifier les leviers les plus pertinents et durables (impacts environnementaux/ économiques) pour gérer les adventices en ACS,
Comprendre pourquoi certaines situations (conditions pédoclimatiques, cultures) sont plus sensibles que d’autres à la pression des adventices,
Documenter les impacts (environnementaux/économiques) d’une diminution, voire d’une suppression de glyphosate en ACS,
Mobiliser les agriculteurs d’un territoire autour des leviers qui sont déjà efficaces/qui sont prometteurs pour gérer l’enherbement, en créant une dynamique territoriale,
Réaliser une communication interne et externe,
Faire monter en compétence technique les agriculteurs et techniciens (formation, méthodologie d’expérimentation… etc).
Les résultats de SOLutions ACS ont été obtenus sur deux campagnes complètes : 2019-2020 et 2020-2021, tandis que la campagne actuelle (2021-2022), en partie financée par le projet, sera menée à son terme grâce à de l’autofinancement de l’APAD. Les plateformes mises en place chez les agriculteurs s’apparentent à des essais systèmes, où une rotation complète et différents leviers agronomiques sont testés. Cet article se concentre sur les effets des couverts sur les adventices. Les résultats complets sont mis à disposition sur le site internet de l’APAD (APAD, 2022).
Matériel et méthodes
Localisation et identification des plateformes
Cinq agriculteurs volontaires ont été sélectionnés pour participer à SOLutions ACS en mettant à disposition une de leurs parcelles pour accueillir une plateforme de démonstration. Ces cinq plateformes se trouvent donc dans cinq régions différentes de France (tableau 1).
Les plateformes se trouvent dans des contextes pédoclimatiques différents et leur passage en ACS varie de quelques mois à plus de 10 ans, ce qui offre une diversité de situations, source de richesse d’information. Les cinq exploitations agricoles sont en grandes cultures, non irriguées.
Rotation et leviers mis en œuvre
Une rotation de quatre cultures est étudiée, avec deux cultures d’automne (blé / colza ou féverole ou pois d’hiver), suivies par deux cultures de printemps (maïs ou millet ou sorgho / soja ou sarrasin ou pois de printemps ou pois chiche) ; ceci a semblé à l’équipe projet un bon enchainement pour lutter efficacement contre les adventices (cela est d’ailleurs également référencé dans d’autres systèmes, Rodrigez A., 2020), et permet d’alterner les matières actives des herbicides aux modes d’actions différents. Les quatre cultures sont présentes chaque année sur les plateformes.
Des couverts d’hiver avant les cultures de printemps sont mis en place. Ils se composent généralement de graminées (avoine, seigle…) et de légumineuses (féverole, vesce…) pour favoriser la diversité et ainsi concurrencer les adventices.
Différents leviers agronomiques sont testés dans le cadre de ce projet : levier mécanique (broyage, rouleau, fauche, scalpage entre 2 et 5 cm…), levier biologique (rotation, usage des couverts) et levier chimique (fertilisation minérale, programme de désherbage). Ce dernier levier est utilisé en dernier recours par les agriculteurs.
Modalités testées et plan
Le protocole mis en place se compose des modalités suivantes :
- "itinéraire technique de référence sans travail du sol et avec glyphosate",
- "itinéraire technique témoin avec désherbage mécanique alternatif sans travail du sol et sans glyphosate",
- "itinéraire technique avec désherbage mécanique alternatif sans travail du sol et possible usage d'une dose réduite de glyphosate" (seulement lors de la 2ème campagne),
- "itinéraire technique avec désherbage mécanique travaillant superficiellement le sol (=scalpage) et sans glyphosate".
Les applications de glyphosate à pleine dose et dose réduite, le scalpage et les différentes actions de désherbage mécanique alternatif sans travail du sol sont réalisées si l’agriculteur les juge nécessaires. Ils ne sont donc pas systématiquement et obligatoirement mis en place.
Toutes les modalités reçoivent un programme de désherbage « classique » tel qu’il serait appliqué en conditions réelles d’agriculteurs tout au long de la saison. Il n’y a pas de programme de désherbage préétabli dans le protocole pour les différentes plateformes. Les interventions herbicides sont réalisées sur base des critères de décisions de l’agriculteur, en fonction de l’évolution de la flore adventice qu’il constate. Chaque modalité est indépendante l’une de l’autre, c’est-à-dire que si un type d’adventice se développe plus spécifiquement dans une modalité, celle-ci serait traitée spécifiquement avec un produit adapté.
Deux facteurs sont étudiés : le facteur désherbage (facteur 1) décrit ci-dessus et le facteur fertilisation (facteur 2).
Concernant le facteur 2, il y a d’un côté la fertilisation classique « FC » et de l’autre la fertilisation optimisée « FO ». La gestion de la fertilisation minérale de FO s’est faite selon les recommandations de la méthode d’analyse de sols américaine Albrecht-Kinsey (Kinsey N., [nc]). Les couverts d’interculture ont également été semés avec une densité plus élevée, afin de favoriser la fertilisation biologique. L’objectif de ce facteur est d’obtenir à long terme une autre richesse et un autre équilibre nutritionnel du sol et de constater si cet aspect a un impact sur les adventices présentes. Ces 2 modalités « fertilisation classique » (FC) et « fertilisation optimisée » (FO) sont croisées avec les quatre modalités de désherbages, pour obtenir huit modalités.
La taille des plateformes varie de 1.4 à 4.5 ha. Il n’y a pas de répétition des modalités au sein d’une plateforme (tableau 2). Le tableau 2 présente le schéma d’une plateforme.
Chaque modalité a une surface de 300 à 500 m². Seule la culture varie au cours du temps : par exemple la parcelle 102 ne recevra jamais de glyphosate, et sera toujours conduite en fertilisation classique.
Notation
Notations adventices
Le suivi de la flore adventice est indispensable pour comprendre quels leviers mis en place fonctionnent ou pas sur l’enherbement. Il s’est fait selon la méthode Barralis (Barralis G., 1976) (estimation visuelle de la présence des plantes adventices par classe de densité) régulièrement au cours de chaque campagne, en fonction du stade des cultures : il y a un T0 relevé avant les opérations de désherbage au semis (glyphosate, scalpage, rouleau Faca), une notation en sortie d’hiver pour les cultures d’automne, puis une au printemps, après toute opération de désherbage en culture (notation « T final »). Pour les cultures de printemps, il y a une à deux notations en saison. L’ensemble de la surface de chaque modalité est observé en parcourant des sinusoïdes (un « M » est effectué dans la parcelle). Il convient de faire ces relevés avant que les cultures telles que le colza ou le maïs ne soient trop hautes, car l’observation de la parcelle dans son ensemble est alors plus difficile (ce qui augmente le risque d’erreurs).
Un inventaire des espèces présentes a également été fait, leur stade phénologique relevé et leur densité de population au m² estimée (Metais P., 2018). Une note de satisfaction globale de désherbage a été attribuée par le binôme agriculteur – animateur pour chaque modalité, à la fin du cycle cultural.
Rendement
Pour chaque modalité, le rendement est mesuré par pesée du grain afin de déterminer l’impact agronomique et économique de la mise en place des leviers. L’échantillonnage se fait à la moissonneuse-batteuse.
Résultats
Caractéristique de la flore adventice observée
Sur les campagnes 2019-2020 et 2020-2021, près de 830 observations de modalités (notation adventices) ont été réalisées, ce qui représente environ 100 espèces adventices différentes. Ainsi, sur toutes les plateformes, quelle que soit la modalité, la culture et l’année, si on considère la densité totale adventice, 89% de la flore adventice observée est constituée d’espèces annuelles et 58% fait partie du groupe des graminées, qui constituent donc la problématique majeure rencontrée dans ce projet. Enfin, 21% de la flore indésirable sont des repousses de la culture ou du couvert d’interculture précédente (le reste étant des espèces adventices sauvages). Bien que cette proportion soit faible, il convient de ne pas négliger comme critère de choix des espèces du couvert précédent, sa capacité à être détruite facilement et de manière alternative, afin de ne pas faire concurrence à la culture mise en place ensuite.
A noter que dans le cadre de ce projet, afin de lutter en conditions réelles contre les adventices présentes, les agriculteurs ont utilisé en moyenne sur deux ans une dose de 2,4 litres de produit à base de 360 g/L de glyphosate dans la modalité de référence. Ceci représente 80% de la dose maximale autorisée (3 L/ha).
Par ailleurs, lors de la notation finale (toute modalité, culture et année confondus), on retrouve 1 à 4 espèces principales dans 3 plateformes (parmi celles-ci, il y a soit l’avoine, soit la matricaire, soit le ray grass, soit le trèfle violet, soit le brome, soit la féverole, soit le vulpin). Les deux autres plateformes ont une diversité d’espèces plus prononcée, avec 7 à 10 espèces principales : avoine, féverole, gaillet, ray grass, ravenelle, renouées, seigle, trèfle, vesce, véroniques, chénopode, folle avoine, laiteron, liseron, radis fourrager, séneçon. Le ray grass est une des espèces les plus représentée à l’observation finale dans quatre des cinq plateformes.
Focus sur les résultats obtenus dans les successions avec couverts d’intercultures
La plateforme P60 a débuté un an après les autres (en octobre 2020), suite au retrait du projet d’un autre agriculteur. Avec seulement une campagne de recul, les résultats de cette plateforme ne sont pas présentés ci-après.
Parmi les 16 successions de deux cultures sur les campagnes 2019-2020 et 2020-2021 (4 successions par plateforme, pour 4 plateformes), la moitié a eu une interculture longue entre ces 2 campagnes (tableau 3).
Précisément, ces 8 successions se caractérisent de la manière décrite dans le tableau 4.
Chaque plateforme est indépendante de par son contexte agropédoclimatique et ses règles de décision. Le groupement des résultats pouvant apporter un biais, il a été jugé plus pertinent de présenter les résultats par plateforme et par succession. Afin de ne pas trop alourdir l’article, seuls les résultats des successions surlignées en gris dans le tableau 3 sont présentées. Elles représentent bien la diversité des résultats obtenus dans le cadre du projet SOLutions ACS.
Le tableau 5 détaille les couverts d’interculture (espèces et densité de semis) utilisés dans ces quatre successions. Il existe une différence de densité de semis des couverts entre les modalités FC et FO. Celle-ci a été décidée lors de l’adaptation du protocole à l’issue de la 1ère année du projet.

1 : semis du couvert d’été tournesol + sorgho (08/2020) / semis du couvert d’hiver féverole (11/2020)
2 : broyage (sauf modalité avec glyphosate), glyphosate et scalpage (modalités concernées), semis maïs (05/2021), herbicide à base de Benoxacor + S-métolachlore.
3 : herbicides à base de foramsulfuron + thiencarbazone + Cyprosulfamide et dicamba
Succession féverole – maïs de la P17
Comme précisé plus haut (tableau 5), cette succession se compose d’une féverole d’hiver semée à l’automne 2019, suivie par un couvert d’interculture d’été semé à l’été 2020 (sorgho + tournesol), puis d’un couvert d’hiver de féverole (semé à l’automne 2020), et enfin d’un maïs en 2021.
La figure 1 représente l’évolution de la densité totale des adventices à chaque date de notation, ainsi que les principales interventions expliquant cette évolution.
Dans ce graphique, seules les modalités FC ont été représentées, car l’agriculteur n’a pas semé ses couverts à une densité différente pour FO dans cette succession. La féverole de la campagne 2019-2020 est restée propre quelle que soit la modalité. Cet état de propreté s’est maintenu grâce au bon développement du couvert d’été (photo 1).
Dans cette parcelle la densité de la flore adventice a ensuite augmenté du fait de la mauvaise implantation de la féverole à la fin du l’automne 2020, qui semblait être atteinte de botrytis. De nombreuses adventices se sont alors développées et ont été répertoriées lors de la notation du 24/03/2021 : moutarde des champs, laiteron des champs, séneçon vulgaire, géranium à tiges grêles et beaucoup de ray-grass (haut de 50cm) (photo 2). La modalité de référence avec glyphosate reste la moins infestée, probablement dû à un stock semencier réduit par l’intervention de glyphosate au semis de la féverole en 2019 (photo 3).
Par la suite, un programme de désherbage a été appliqué en culture du maïs et a permis un bon développement du maïs dans toutes les modalités. Lors de la dernière notation du 21/06/2021, le maïs mesure 40 cm et est au stade 8F. Toutes les modalités présentent environ seulement 30 pieds d’adventices/m², principalement à un stade cotylédon. Il reste surtout quelques touffes de ray-grass et du chénopode. Les rendements restent tout à fait corrects (95 à 126 qx/ha, en zone non irriguée).

1 : broyage des adventices, puis semis du couvert multi-espèces (09/2020), pâture du couvert (03/2021)
2 : broyages (sauf modalité scalpage), glyphosate et scalpages (modalités concernées), semis sorgho (05/2021), herbicides à base de pendiméthaline + clomazone, diméthénamide-P et tritosulfuron + dicamba
3 : herbicides à base d’imazamox et bentazone, broyage et semis soja dérobé (modalité sans glyphosate)
Succession féverole – sorgho de la P39
Cette succession se compose d’une féverole d’hiver semée à l’automne 2019, suivie par un couvert d’interculture semé à l’été 2020 (Avoine de Printemps + Pois + Vesce + Féverole + Radis + Niger + Tournesol = 200kg/ha (FC) et 400kg/ha (FO)), et enfin d’un sorgho en 2021.
La figure 2 représente l’évolution de la densité totale des adventices à chaque date de notation, ainsi que les principales interventions expliquant cette évolution :
Le développement de la féverole en 2019-2020 a été médiocre, ce qui a permis une importante infestation d’adventices durant cette campagne (infestation plus limitée pour la modalité glyphosate), avec montée à graine : implantation de la culture en conditions humides, signes « cryptogamiques » sur 80% des pieds (avril 2020), sècheresse estivale (été 2020), pression pucerons importante, rattrapage herbicide de printemps très peu efficace. Les rendements sont inférieurs aux données locales (3 qx/ha).
Quelques mois après son semis (septembre 2020), le couvert est un peu plus développé en biomasse sur la partie FO (radis plus gros / avoine plus haute). Le ray-grass s’est installé sur les deux parties FC et FO, là où les couverts avaient mal levé. Les pesées de couverts (réalisées en novembre 2020) ont montré que certaines espèces du couvert n’ont pas levé (tournesol, niger) et que le trèfle s’est plus développé dans FC (car plus de lumière). En novembre 2020, la méthode MERCI (Chambre Régionale d’Agriculture Nouvelle-Aquitaine, 2010) indique que les deux couverts affichaient aux alentours de 2,5 à 2,7 TMS/ha. La suite des observations ne révèlera pas de différence majeure d’enherbement entre FC et FO. L’effet de la densité de semis du couvert sur la gestion des adventices n’est pas démontré sur cette plateforme.
Par la suite, l’opportunité de gérer le couvert avant sorgho par le pâturage s’est présentée. Pendant 28 jours (mars 2021), 17 brebis (race Texel) a ainsi pâturé les 3600 m² de couvert de trèfle et avoine, ainsi que le ray-grass présent (photo 4). Outre la création de zones de tassements (couchage), l’effet de destruction s’est peu vu : quelques jours après le départ des brebis début avril 2021, la notation du 13/04/21 révèle une très forte infestation (de 425 à 515 pieds /m²), avec plus de 100 pieds de ray-grass adulte au m² (le ray-grass a été reboosté par le pâturage), ainsi que l’avoine et le trèfle du couvert (respectivement à 35 et 125 pieds/m², stade adultes) (photo 5). Diverses dicotylédones à des stades jeunes sont également observées (matricaires, pensée des champs, séneçon vulgaire etc).
Après un programme de désherbage en pré et post semis, contenant du glyphosate ou 2 passages de scalpage, l’infestation tombe à 50 pieds/m² ou moins en juillet (avec principalement toujours du ray-grass adulte), sauf pour la modalité sans glyphosate, où l’enherbement reste extrême (365 pieds de ray-grass au stade grenaison en juillet). Face au constat de l’échec de la culture, et pour éviter d’augmenter le stock semencier, il a été décidé de broyer cette modalité (culture + ray-grass), afin de semer un soja en dérobé. Grâce à la première moitié de l’été 2021 pluvieuse, le soja a pu se développer sans irrigation. La culture a fait concurrence au ray-grass, qui n’a pas réussi à se réinstaller après son broyage de juillet.
Des rendements compris entre 50 et 55 qx/ha sont observés pour la modalité glyphosate, et en moyenne 60 qx/ha pour les modalités ½ glyphosate et scalpage. On observe parfois une hétérogénéité du rendement, qui peut s'expliquer par différents facteurs : qualité d'implantation au démarrage (perte de pieds à cause de la présence de taupins / tassement du sol par les moutons dans certaines zones). On remarque aussi la capacité du sorgho à brancher et compenser la perte de pieds dans certaines zones.
Succession maïs – sarrasin de la P72
Cette succession se compose d’un maïs semé au printemps 2020 (précédé par une interculture de féverole d’hiver + seigle + avoine d’hiver + vesce d’hiver), suivi par un couvert de féverole d’hiver semé à l’automne 2020, puis un sarrasin en 2021.
La figure 3 représente l’évolution de la densité totale des adventices à chaque date de notation, ainsi que les principales interventions expliquant cette évolution.
Le couvert semé en 2019 avant le maïs de la première campagne a été semé tard (décembre 2019) et s’est peu développé avant sa destruction et n’a pas été assez concurrentiel face aux adventices (photo 6). Il n’a ensuite pas été détruit dans les modalités rouleau (inefficacité) et sans glyphosate.
Par la suite, suite à un problème d’amorçage du pulvérisateur, ces deux mêmes modalités ont été mal désherbées dans le maïs (mai 2020), le couvert a pris le dessus sur la culture, ce qui explique les résultats décevants pour ces deux modalités lors de la notation du 26/06/2020 (photo 7), que l’on retrouve en mars 2021.
Le couvert de féverole (semé à l’automne 2020) a été peu concurrentiel et s’est vite fait envahir par les adventices, surtout dans la modalité sans glyphosate, où on retrouve beaucoup d’avoine et de ray-grass adultes (photo 8). Vient ensuite la modalité ½ glyphosate (usage du rouleau seul sans glyphosate en 2020). Il est important de souligner que dans cette modalité uniquement, du trèfle blanc semé en vue de faire un test antérieur au début de la plateforme a fait son apparition dès le printemps 2020. Le trèfle difficilement gérable en 2020 se retrouve en 2021. La suite des observations ne révèlera pas de différence majeure d’enherbement entre FC et FO. L’effet de la densité de semis du couvert sur la gestion des adventices n’est pas démontré sur cette plateforme.
Les outils chimiques de désherbage sont peu nombreux sur sarrasin, notamment pour lutter contre les graminées (avoine, ray-grass). Seul un broyage a pu être effectué dans la modalité sans glyphosate, afin de détruire le couvert et les adventices en vue de semer le sarrasin. Cette action a eu un impact très limité sur le ray-grass et le brome (15 à 100 de pieds adultes /m² pour ces 2 espèces en juin 2021 dans cette modalité) (photo 9).
La demi-dose de glyphosate précédée par un broyage a eu quant à elle un effet sur l’avoine, qui a disparu lors de la notation de juin 2021, pour laisser place au développement de renouée persicaire (stade cotylédon). Le trèfle est toujours présent : la densité de population adventice ne diminue pas sur cette modalité entre mars et juin 2021, mais l’action combinée du broyage + dei dose de glyphosate + concurrence du trèfle a détruit l’avoine (action positive sur graminées ; photo 10).
Pour finir, l’état d’enherbement en juin 2021 est indicateur du faible au rendement obtenu : perte de 90% du rendement entre le glyphosate vs le broyage + sans glyphosate, et -70-75% de perte pour la modalité ½ glyphosate.

1 : application de glyphosate dans les modalités sans travail du sol, scalpage dans la modalité concernée
2 : herbicides à base de mésotrione, nicosulfuron et prosulfuron
3 : glyphosate (modalités concernées)
4 : glyphosate et scalpage (modalités concernées), semis pois chiche (début mars 2021), herbicides à base d’imazamox + pendiméthaline + aclonifène et propyzamide
Succession maïs – pois chiche de la P37
Cette succession se compose d’un maïs semé au printemps 2020 (précédé par une interculture de féverole d’hiver + avoine d’hiver + vesce d’hiver), suivi par un couvert de féverole d’hiver + seigle semé à l’automne 2020, et enfin un pois chiche en 2021.
La figure 4 représente l’évolution de la densité totale des adventices à chaque date de notation, ainsi que les principales interventions expliquant cette évolution.
Face à un couvert avant maïs envahi de vulpins (photo 11), il a été décidé d’appliquer du glyphosate sur toutes les modalités sans travail du sol, afin de limiter le stock semencier pour les années à venir et sécuriser les rendements. Ainsi, on voit une baisse des adventices lors de la notation de mai 2020 (sauf dans la modalité scalpage qui n’a pas reçu de glyphosate).
Un couvert d’été multi-espèces composé de radis, féverole, tournesol, seigle, phacélie, fénugrec, sarrasin, colza a été semé courant août 2020 (100kg/ha), suite à la destruction de la culture du maïs par du gibier (pas de récolte sur cette culture). Peu développé au 10 octobre 2020, un couvert relais de féverole + seigle est venu remplacer ce dernier, sauf dans la modalité glyphosate. Ce second couvert s’est peu développé et a été envahi par les graminées adventices en particulier (photo 12).
La notation du 01/03/2021 a été réalisée après la destruction du couvert d’hiver dans la modalité glyphosate, ce qui explique une plus faible densité de population d’adventices lors de cette notation. Cette partie de parcelle possède un gradient de pression, et la modalité glyphosate et sans glyphosate sont moins infestées que les 2 autres modalités. La modalité sans glyphosate a 7 pieds/m² (principalement du vulpin adulte), tandis que les 2 autres modalités tournent entre 37 et 38 pieds/m² (également du vulpin).
Lors de la notation de juin 2021, comparé à la modalité sans glyphosate, l’application de glyphosate a permis de contrôler la majeure partie des adventices et repousses du couvert (moins de 10 adventices/m²). Pour la modalité sans glyphosate, on constate des repousses de féverole du couvert précédent (stade floraison et grenaison). C’est le cas aussi de la modalité ½ glyphosate, où on observe aussi de la matricaire (photo 13). Enfin, le scalpage a eu sur cette plateforme et dans ces conditions le même effet que le glyphosate sur la population d’adventices.
Le froid du mois d’avril/mai n’a pas permis au pois chiche de bien se développer. Il y a aussi une suspicion de dégâts d’insectes. Le meilleur développement est sur la partie scalpage. L’été pluvieux a permis un fort développement d’adventices, toutes les modalités étaient infestées d’adventices. Les observations ne révèlent pas de différence majeure d’enherbement entre FC et FO. L’effet de la densité de semis du couvert sur la gestion des adventices n’est pas démontré sur cette plateforme.
La récolte n’a pas pu être faite à cause d’importants dégâts de sangliers le 20 août 2021.
Conclusion et perspectives
A l’issue des 2,5 années de mise en place des plateformes, l’acquisition de données (830 observations adventices réalisées et l’évaluation de 16 successions de deux cultures), a permis d’apporter des premiers éléments de réponse sur l’efficacité de différents leviers alternatifs au glyphosate dans des systèmes ACS sans travail du sol, sur la gestion de l’enherbement.
Si on considère l’ensemble des successions culturales étudiées au cours des deux premières campagnes, les leviers alternatifs sans travail du sol (broyage, rouleau, pâturage) et/ou de substitution au glyphosate mis en place par les agriculteurs dans le cadre de ce projet (modalité témoin sans glyphosate), ne permettent pas d’atteindre un niveau d’efficacité contre les adventices similaires à celle que peut atteindre la référence glyphosate, utilisée en moyenne à 2.4 L/ha. Les graminées, dont les ray grass, sont les espèces les plus difficiles à détruire en début de cycle et ont ensuite un impact négatif sur le rendement.
Nous observons toutefois des cas où la succession sans glyphosate a été une réussite. Les conditions identifiées dans cette réussite sont 1) un couvert d’interculture concurrentiel aux adventices, dont la gestion est possible et qui ne pose pas de problème à la culture suivante et 2) une culture suivante dont la palette d’herbicides homologués en culture est large (cas du maïs) ou comprenant des antigraminées efficaces (cas du colza ou de la féverole).
Les modalités sans usage de glyphosate mais avec travail du sol superficiel (scalpage) et celles avec usage d’un désherbage mécanique sans travail du sol l’année 1 (rouleau) suivi par l’application d’une dose réduite de glyphosate l’année 2, obtiennent des résultats intermédiaires à ceux de la référence avec glyphosate et témoin sans glyphosate. Le scalpage obtient des résultats variables, parfois similaire à la référence, parfois inférieur. L’action du rouleau n’a pu être démontrée au cours de ce projet, mais la dose réduite de glyphosate l’année 2 compense cette faible efficacité. Le couvert permanent de trèfle blanc dans l’une des plateformes apparait aussi être un outil intéressant dans la lutte contre les adventices, de par sa couverture importante au sol.
Dans le cadre de ce projet, l’effet de la densité de semis des couverts sur la gestion des adventices n’a pas été démontré, et ce même si dans certains cas une densité plus élevée a induit une biomasse de couvert plus importante.
Il faut garder à l’esprit que ces premiers résultats ont été obtenus sur une succession de deux cultures, et qu’il convient de valider leur robustesse par l’étude des différentes modalités et leviers testés sur une rotation complète de minimum quatre années. Nous retiendrons également qu’il n’existe pas une solution unique, mais des solutions diverses composées de plusieurs leviers combinables et à mettre en œuvre sur le long terme.
Ainsi, si aucune solution agronomique n’a pu être clairement identifiée à ce stade dans SOLutions ACS, le projet a eu toutefois l’avantage de pouvoir identifier quelques pistes prometteuses. Certaines seront testées sur de nouvelles plateformes dans le cadre d’un nouveau projet appelé «
SOL’iflore ». SOL’iflore, financé grâce au soutien des ministères de l’Agriculture et la Souveraineté Alimentaire et de la Transition écologique (plan Ecophyto), est porté par l’APAD en partenariat avec INRAE, Novalis Terra, le semencier Cérience et les fournisseurs de matériels innovants Roll’N’Sem et Bonnel, pour une durée de trois ans. Ce nouveau projet permettra d’approfondir le rôle des couverts végétaux d’interculture dans la gestion des adventices, grâce aux choix des espèces et variétés, à l’optimisation de leurs implantations (étude des effets de la fertilisation et de l’irrigation) et aux méthodes de gestions alternatives.
Remerciements
L’APAD remercie les agriculteurs des plateformes pour leur implication quotidienne tout au long du projet (réflexion dans la construction et adaptation du protocole, réalisations des opérations culturales, valorisation des résultats lors de journées techniques et de réunions), ainsi que les agriculteurs des différentes APAD locales pour leur soutien aux actions de leurs confrères.
Merci également aux équipes de l’APAD : chargés de missions, coordinateurs et membres du Comité technique, pour avoir assuré le suivi des parcelles et la gestion globale et transversale du projet.
Enfin l’ensemble des partenaires sont remerciés pour leur contribution tout au long du projet.
Références bibliographiques
APAD, 2022. Résultats du projet SOLutions ACS. https://www.apad.asso.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=338
Barralis G., 1976 - Méthode d'étude des groupements adventices des cultures annuelles : application à la Côte d'Or. Ve Colloque International sur l’Ecologie, la Biologie des mauvaises herbes, Dijon (France), 1, 59-68.
Chambre Régionale d’Agriculture Nouvelle-Aquitaine, 2010. MERCI – Méthode d’Estimation des Restitutions par les Cultures Intermédiaires. Méthode d'Estimation des Restitutions par les Cultures Intermédiaires (methode-merci.fr)
Kinsey N., [nc]. Hands-on Agronomy – understanding soil fertility and fertilizer use. Hands-On Agronomy – Kinsey Agricultural Services
Metais P. and co, 2018. Mode opératoire – relevé de la flore adventice annuelle et vivace d’une parcelle agricole. Arvalis, d’après une méthode proposée par le RMT Florad (2012).
Rodrigez A., 2020. La rotation clef de voûte des systèmes AB. https://lot-et-garonne.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/Nouvelle-Aquitaine/24_Fiche-technique-AB-Rotation.pdf)
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