La dimension sociale de l’orientation des pratiques des agriculteurs
Autorités, déférences et conflits épistémiques
Résumé
Le but de cet article est de montrer comment une rationalité sociale est à l’œuvre dans la manière dont les agriculteurs orientent leurs pratiques, et comment cette rationalité sociale leur permet de s’appuyer sur des autorités épistémique ou sociale. Il précise la manière dont la notion « d’autorité » peut être entendue, et comment les concepts de déférence et de réputation viennent l’étayer. La nécessité pour un agriculteur, pour pouvoir agir, de s’insérer dans un ou des collectifs professionnels de référence est soulignée. Il est ainsi parlé « d’épistémologie du témoignage » ou « d’épistémologie de la réputation » des autorités, ces témoignages et ces réputations permettant de filtrer les informations et connaissances pour accéder à celles techniquement ET socialement pertinentes. Il est montré comment la structure des collectifs de référence est elle-même dynamique, conduisant au cours du temps à un repositionnement des personnes et à des changements à la fois des cadres épistémiques et des autorités qui les portent et les défendent. Introduisant la notion de conflits épistémiques, il est observé comment à un niveau macrosocial ces conflits sont générés par des transformations propres à la société post-moderne, à la place de la recherche et à l’usage de médias socionumériques.
Mots clefs : Rationalité sociale, autorités épistémiques, réseaux sociaux, déférences, conseil agricole, recherche, médias socionumériques
Abstract
The purpose of this paper is to show how social rationality can guide the way farmers change practices, and how this social rationality allows them to rely on epistemic or social authorities. It clarifies how the notion of "authority" can be understood, and how the concepts of deference and reputation support it. The need for a farmer, in order to be able to act, to be part of one or more professional reference groups is specified. We thus speak of the "epistemology of testimony" or the "epistemology of the reputation" of authorities, as these testimonies and reputations make it possible to filter information and knowledge in order to access those that are technically AND socially relevant. It is shown how the structure of reference collectives is itself dynamic, leading over time to a repositioning of people and to changes in both the epistemic frameworks and the authorities that carry and defend them. Introducing the notion of epistemic conflicts, it is observed how at a macrosocial level these conflicts are generated by transformations specific to the post-modern society, to the place of research and to the use of socionumeric media.
Keywords: Social rationality, epistemic authorities, social networks, deferences, agricultural advice, research, socionumeric media
Introduction
Le but de cet article[1] est de montrer comment la rationalité sociale[2] mise en œuvre par les agriculteurs joue dans la manière dont ils orientent leurs pratiques, et de faire apparaître comment cette rationalité sociale les conduit à se référer, dans l’orientation de ces pratiques, à des personnes ou organisations qui possèdent une autorité épistémique[3].
En effet, pour développer des pratiques agricoles qui conviennent, les agriculteurs sont amenés à apprécier précisément la situation à laquelle ils sont confrontés, cette situation étant inextricablement de nature matérielle et sociale. Les agronomes et agroéconomistes, dans leur approche des pratiques des agriculteurs, vont s’intéresser aux raisonnements techniques ou économiques déployés pour évaluer les situations par les agriculteurs afin de mettre en œuvre des pratiques techniquement ou économiquement pertinentes. Ils soulignent ainsi comment les agriculteurs développent un jugement de la pertinence technico-économique de leurs actions. Mais ces actions ne se déroulent pas dans un espace déconnecté du monde social, lui-même fait de liens et de règles, mais se trouvent enchâssées dans ce monde social, lieu de ressources et de contraintes (Granovetter, 1985 ; Grossetti, 2015). Dans ce sens, ces agriculteurs s’appuient dans leurs pratiques à la fois sur une rationalité sociale et une rationalité technico-économique ou, dit autrement, mettent à la fois en œuvre une intelligence du social et une intelligence du technique et de l’économique. Cet enchâssement de leurs pratiques dans le social va conduire les agriculteurs à se référer à d’autres acteurs pour savoir ce qu’ils doivent faire, à la fois, pour mener leur pratique à bien, accéder aux connaissances pertinentes pour pouvoir le faire, s’inscrire socialement dans des collectifs qui vont contribuer à définir le sens de leur action et à structurer leur identité professionnelle.
Quels processus sociaux sont alors à l’œuvre dans l’établissement du jugement de pertinence sociale des pratiques des agriculteurs ? Comment dans ce processus en viennent-ils à se référer à certaines personnes ou organisations agricoles qui ont le statut d’autorité plutôt qu’à d’autres dans l’orientation de leurs pratiques ? Quel rôle jouent ces personnes ou organisations dans l’outillage épistémique des agriculteurs ? Comment résolvent-elles les conflits épistémiques qui peuvent émerger ?
Pour répondre à ces questions nous conduirons une réflexion théorique et conceptuelle illustrée par des résultats de travaux empiriques que nous avons pu, en particulier, menés et qui fondent notre réflexion. Après avoir différencié deux types d’autorité (épistémique et sociale), nous décrirons le processus de déférence qui, à partir de la réputation d’une personne, conduit à se fier à son autorité pour orienter ses pratiques. Nous verrons ensuite, dans une perspective plus dynamique, comment des conflits épistémiques et normatifs peuvent exister et être résolus, et comment les structures sociales, lieux de ces conflits, se transforment au cours du temps. Nous terminerons enfin sur des transformations plus macrosociales, sociétales et techniques, pour comprendre les nouvelles formes de conflictualité entre autorités épistémiques.
Autorités, déférences et réputations
Autorités épistémiques et autorités sociales
Qu’entend-on par « autorité » ? Pour R. Boudon et F. Bourricaud (1982, p. 24), « On parle de l’autorité d’une personne, d’une institution, d’un message, pour signifier qu’on leur fait confiance, qu’on accueille leur avis, leur suggestion ou leur injonction, avec respect, faveur, ou du moins sans hostilité ni résistance, et qu’on est disposé à y déférer ». Par exemple, on dira qu’une science fait autorité lorsqu’on a affaire à une parole concordante des scientifiques qui se trouve être acceptée dans la société sans contestation notable (Israel-Jost, 2015). Il en va ainsi aujourd’hui de la climatologie largement mise sur le devant de la scène par les rapports du GIEC et les alertes répétées de ses experts dans les médias.
L’autorité est donc un pouvoir légitimé qui non seulement échappe à la contestation mais est aussi l’objet d’une reconnaissance, d’une considération respectueuse. Par extension, on qualifie « d’autorités » les personnes ou les organisations qui possèdent ce pouvoir « d’autorité ». Dans ce sens, comme dans le langage courant, on peut, à la fois, avoir une autorité, c’est-à-dire avoir le pouvoir d’orienter l’action des autres du fait de l’usage d’arguments d’autorité, et être une autorité, c’est-à-dire être reconnu par les autres comme ayant ce pouvoir.
La littérature fait apparaître deux principaux types d’autorité bien que leur différenciation analytique ne dise pas précisément la manière dont ils s’agencent concrètement. Par exemple, J. Coenen-Huther (2005) va distinguer deux figures de la modernité politique - confrontées selon lui aujourd’hui à une érosion de la légitimité du pouvoir - : l’homme politique comme expert, qui se prévaut de l’autorité du savoir, et l’homme politique comme leader, qui se prévaut du pouvoir de la décision. É. Broudoux (2017) parle, quant à elle, dans le champ scientifique, d’« autorité épistémique » et d’« autorité scientifique », la première concernant l’expertise des savoirs alors que la seconde est liée aux personnes et relève donc d’un « pouvoir social ». Ou encore, E. Lazega (2011), dans son analyse - sur laquelle nous nous appuyons ici - sur la façon dont des acteurs élaborent des jugements de pertinence sociale de leurs actions, va différencier des arguments d’autorité hiérarchique et des arguments d’autorité d’expert.
On retrouve donc bien, chez les uns et les autres, une autorité qui tient au pilotage du savoir et une autre qui tient au pilotage du social. Dans le premier cas, les arguments d’autorité portent sur les connaissances utiles que peut apporter une personne à une autre sur ce que sont les choses ; dans le deuxième cas, ils portent sur ce qu’il faut faire au regard des règles ou des normes qui animent le collectif dans lequel une personne inscrit ses pratiques. Dans le cadre d’une organisation formelle hiérarchisée, la possession de cette autorité sociale est ainsi liée à l’occupation d’une place prédéfinie dans l’organigramme qui spécifie des rapports de subordination de supérieur hiérarchique à subordonné. Mais si autorité épistémique et autorité sociale peuvent se cumuler en une seule et même personne dans des structures sociales très hiérarchisées, elles peuvent aussi être relativement distribuées dans des structures sociales plus égalitaires, comme nous avons pu le constater dans des réseaux de viticulteurs, céréaliers ou éleveurs (Compagnone, 2019).
Toutefois, la dimension épistémique et la dimension sociale de l’autorité ne sont jamais déconnectées l’une de l’autre. D’une part parce qu’une personne qui incarne l’autorité sociale est toujours dotée, elle-aussi, d’une certaine autorité épistémique, au moins dans sa maîtrise du cadre épistémique global qui étaye les pratiques du collectif qu’elle représente. D’autre part, parce que la ou les autorités épistémiques d’un collectif développent leur expertise de manière cohérente avec la norme pratique qui permet aux uns et aux autres de se reconnaitre comme membres du même collectif.
Cette position singulière de certains acteurs a été identifiée très tôt dans les études de diffusion des innovations, en particulier en agriculture, que ce soit chez E. Rogers (1983[1962]), principal théoricien de la théorie sociologique de la diffusion des innovations, ou chez H. Mendras (1967), qui a développé ces mêmes analyses en France sur la diffusion du maïs hybride. L’un et l’autre identifient nettement deux catégories de premiers adoptants des innovations : il y a tout d’abord les « innovateurs » qui, à l’affût des innovations, vont les repérer et les tester rapidement, et les « premiers utilisateurs » qui ne les adoptent que dans un deuxième temps, après le travail de la première catégorie d’acteurs. Si les premiers ont des caractéristiques socio-économiques proches de la moyenne, les seconds ont un statut social plus élevé. L’analyse des réseaux sociaux (Degenne et Forsé, 2004) a fait ensuite apparaître comment cette diffusion des innovations dans un espace social donné tenait à la forme de la structure sociale créée par tous les liens qui lient ensemble les individus dans cet espace et aux positions que pouvaient occuper les porteurs d’innovations dans cette structure. Si les « innovateurs » sont identifiés comme ayant des positions périphériques au sein de telles structures, les « premiers utilisateurs » occupent des positions centrales et ont un statut d’autorité sociale.
Déférence épistémique, sémantique ou sociale
Il n’y a pas d’autorité sans processus de déférence par lequel celui qui est orienté dans ses pratiques émet envers l’autorité qui l’oriente un certain nombre de signes de reconnaissance. Traiter de cette question de la déférence - dans ses dimensions épistémique, sémantique[4] et sociale - et de la réputation permet de mieux préciser la notion d’autorité.
Pour L. Kaufman (2006), la déférence, dans un sens restreint, est un acte délibéré et justifiable – c’est-à-dire que l’on peut expliquer avec des raisons socialement acceptables - d’allégeance à un statut ou à une compétence détenue par certains membres influents de la communauté. La déférence repose donc sur le prestige ou la réputation que détiennent ceux dont le jugement fait autorité. La déférence devient un élément de la transaction dans la relation avec une autorité : des marques de reconnaissance sont rationnellement échangées contre des informations, qui peuvent alors aussi bien porter sur ce que sont les choses que sur les règles à suivre. La déférence sociale marque à la fois l’appartenance à un collectif dont on accepte de suivre les règles et à la fois la distance sociale qui sépare le membre ordinaire de l’autorité sociale.
Selon L. Kaufman (2006), la déférence épistémique correspond au fait de suivre délibérément le jugement d’une autorité supérieure en renonçant à sa capacité propre de jugement sur les choses. Ainsi, quand une autorité épistémique d’un collectif de céréaliers dit, « il y a de la fusariose sur le blé », l’agriculteur « déférant » ne va pas vérifier s’il y a de la fusariose. Il sait qu’il y en a. Dans le cadre des travaux que nous avons conduits en viticulture (Compagnone, 2004 ; 2014), nous avons ainsi repéré des viticulteurs qui délèguent la décision du moment de traitement, soit explicitement en demandant conseil à des pairs considérés comme experts, soit en les observant et en les imitant, c’est-à-dire en procédant comme eux. Il est alors plus rationnel pour eux de se fier à l’avis de ce pair considéré comme expert, et donc de lui déléguer le jugement, plutôt que de s’appuyer sur leurs propres intuitions ou connaissances.
Cette question de la déférence épistémique est la question centrale de « l’épistémologie[5] du témoignage » qui cherche à savoir « à quelles conditions, et en vertu de quoi, un sujet est rationnellement autorisé, et donc justifié, à croire une proposition qui lui est transmise par autrui, sans la vérifier par ses propres moyens » (Worms, 2015, p 22). Cette épistémologie fait apparaître que la déférence épistémique peut se doubler d’une déférence sémantique. Cette dernière survient quand, non seulement un acteur ne peut pas vérifier par lui-même la véracité d’une proposition, mais qu’il n’en maîtrise pas entièrement la signification. Pour reprendre l’exemple du traitement des vignes, ce n’est pas la même chose de ne pas pouvoir identifier le bon moment de traitement que de ne pas savoir exactement pourquoi il faut traiter. C’est du fait de cette déférence sémantique que, pour L. Kaufman, un acteur « déférant » acceptera une croyance ou une orientation pratique proposée par une autorité envers laquelle il a confiance.
Ce processus de déférence sémantique est observé dans un certain nombre de relations de conseil entre agriculteurs et conseillers agricoles, lorsque les agriculteurs ne possèdent pas les compétences suffisantes pour la réalisation de certaines tâches techniques, économiques ou administratives (Compagnone et al., 2009). Avec l’usage plus massif des outils d’aide à la décision, cette déférence sémantique peut d’ailleurs ne plus concerner le conseiller mais l’algorithme qui évalue la situation et propose un type d’action de manière impersonnelle (Di Bianco et al., 2022). Si elle est aussi relevée dans le cadre de collectifs d’agriculteurs animés par la construction de connaissances complexes (Compagnone, 2019), elle joue alors d’une toute autre manière. Dans ce dernier cas, la confiance épistémique sous-tend le travail collectif d’agriculteurs ayant des compétences propres différentes. Cette confiance n’est alors guère différente de celle qui anime des chercheurs de domaines différents dans le travail de la science contemporaine (Worms, 2015).
La déférence sociale peut aussi être dénuée de toute déférence épistémique. Ainsi, comme nous avons pu l’observer dans des réseaux de viticulteurs, un déférant peut accepter de mettre en œuvre la confusion sexuelle des papillons des vers de la grappe sur son exploitation alors qu’il sait que cette technique n’est pas efficace chez lui (Compagnone, 2014). Il consent à le faire par déférence sociale envers celui ou ceux qui détiennent l’autorité sociale dans son collectif et pour rester inséré dans ce collectif. Cette déférence assure, par là-même, le maintien de l’ordre établi. Comme le dit L. Kaufman (2006, p 112) « l’individu s’incline devant les êtres étranges que reconnaît sa communauté en se reconnaissant comme la partie d’une totalité qui le dépasse ». Il endosse « le point de vue impersonnel et anonyme de [son] groupe d’appartenance ».
Une épistémologie de la réputation
Pour s’orienter et agir dans un milieu social, créer des liens et bénéficier de l’appui des autres, et enrichir ou déplacer leur identité sociale, les agriculteurs sont amenés à identifier les individus les plus centraux dans les échanges, c’est-à-dire à repérer les autorités épistémiques, qui l’informeront sur les choses et les autres, et les autorités sociales, qui défendront la norme. Ils s’appuient donc sur la réputation que ces personnes ont dans leur espace social.
G. Origgi (2013, p. 102) définit la réputation comme « une trace informationnelle que laisse notre conduite dans les opinions des autres », c’est-à-dire « une étiquette qui nous accompagne dans notre vie sociale, qui stabilise notre identité et favorise ou défavorise nos interactions futures ». La réputation n’est pas à proprement parler une qualité individuelle mais plutôt le résultat d’une interaction entre acteurs. Le repérage de la réputation des individus d’un espace social a, pour un individu qui s’inscrit dans cet espace, une visée épistémique. En effet, comme l’indique G. Origgi (2006), dans une société caractérisée, non pas par un manque d’informations, mais par son foisonnement, il nous faut être en capacité d’opérer un filtrage pour identifier celles qui nous sont pertinentes pour pouvoir agir. Une des manières d’opérer ce filtrage est de passer par le biais « d’autorités » représentantes d’un collectif dans lequel on se reconnait, et donc de s’appuyer sur des critères indirects qui portent sur l’aptitude des personnes à filtrer l’information qui compte. Le collectif prioritaire dans lequel un agriculteur se reconnait joue le rôle de système principal de sélection et de récupération de l’information.
L’accès à la connaissance ou l’information pertinente passe donc, de manière indirecte, par l’accès à la réputation de ceux capables de définir qu’elle est l’information ou la connaissance pertinente. Il y a ainsi une « épistémologie de la réputation » car « la réputation est un critère rationnel d'extraction de l'information de n'importe quel corpus de savoirs, scientifique ou pas » (Origgi, 2013, p. 106). C’est donc en s’appuyant sur les jugements et les évaluations des autorités épistémiques de leur collectif de référence que les agriculteurs arrivent à extraire de l'information pertinente d'un corpus de savoirs. Accéder au bon filtrage leur demande une intelligence du social car ils doivent évaluer la réputation de l’autorité, son plus ou moins haut statut épistémique, et en quoi sa position est la meilleure en tant qu’autorité. Il s’ensuit, comme nous l’avons vu avec le processus de déférence, une forme de dépendance épistémique (Origgi, 2013) ou informationnelle (Mugny et al., 2006).
Conflits des normes et dynamiques des structures sociales
Appartenance et multi-appartenance à des collectifs
En suivant E. Lazega (2011), on peut ainsi dire que dans leur pratique ordinaire, pour savoir quoi faire, les agriculteurs prennent appui sur un ou des groupes de référence, identifient les autorités qui représentent ces groupes et suivent la règle ou norme qui a cours dans ces groupes. En effet, quand un agriculteur contextualise socialement son action, il la positionne dans une structure d’interactions et d’interdépendances entre acteurs que constituent ces groupes. Comme dans d’autres groupes professionnels, certains agriculteurs ont, dans ces groupes de référence, un statut social supérieur aux autres, sont mieux écoutés et apparaissent comme des représentants du collectif de référence. Ce sont ces agriculteurs que l’on va qualifier de manière traditionnelle de leaders d’opinion. D’une certaine façon, l’adhésion à leur personne se confond avec l’adhésion aux objectifs, règles ou normes qu’ils défendent au nom du collectif. Cette adhésion se matérialise par la centralité qu’occupent ces représentants dans la structure des relations du groupe.
Toutefois, les agriculteurs, comme d’autres professions, gravitent souvent, comme nous le montrent les enquêtes effectuées sur leurs dynamiques de changements, dans différents collectifs professionnels, groupes ou réseaux (Compagnone, 2014 ; Compagnone et Hellec, 2015), les agriculteurs pouvant selon les thèmes ou les objets se situer par rapport à plusieurs groupes. En cela, ils développent une multi-appartenance faite avec certains de liens faibles et avec d’autres de liens forts (Degenne et Forsé, 2004). Cette multi-appartenance les expose à des façons de faire et de penser différentes d’un espace social à un autre. Si cette exposition est à l’origine de l’introduction d’innovations d’un espace social à un autre, elle oblige aussi les agriculteurs à arbitrer pour déterminer quel est leur collectif de référence, c’est-à-dire leur collectif principal, au sein duquel ils pourront bénéficier, en particulier de la part des autorités représentantes de ces collectifs, d’appuis pour l’orientation de leur pratique.
Un tel mécanisme permet de comprendre que la mise en œuvre ou non d’une pratique par un agriculteur ne découle pas purement d’un processus cognitif, conduit individuellement ou collectivement, sur la compréhension et la portée de la pratique, mais aussi d’un processus social d’arbitrage de l’agriculteur entre des collectifs et des normes ou règles que ces collectifs défendent respectivement. Ainsi un groupe Dephy d’Ecophyto, au sein duquel de nouvelles pratiques économes en usage de produits phytosanitaires sont élaborées ou partagées, peut, en bout de course, quand un agriculteur membre de ce groupe hiérarchise ses collectifs de référence, être déclassé par rapport à d’autres collectifs où la norme pratique ne correspond pas à celle qui se stabilise dans le collectif Ecophyto. Ce type de situation peut conduire à ce que les psychosociologues qualifient de dissonance cognitive, c’est-à-dire à l’observation d’un écart entre ce que les personnes pensent et ce qu’elles font. L’attention aux structures sociales dans lesquelles ces personnes se trouvent insérées amènera plutôt à interpréter cette situation comme le résultat d’une tension entre des normes différentes du fait d’une multi-appartenance de la personne (Compagnone, 2014).
Dans des enquêtes que nous avons pu ainsi conduire auprès de réseaux de viticulteurs ou de céréaliers (Compagnone, 2019), il apparait clairement que certains acteurs ne mettent pas en œuvre des techniques qu’ils jugent pourtant techniquement intéressantes pour ne pas enfreindre la norme pratique de leur groupe professionnel de référence et ne pas prendre le risque de voir les liens entretenus avec les autres acteurs de ce groupe se distendre ou se rompre. Inversement, d’autres agriculteurs peuvent mettre en œuvre des pratiques qu’ils considèrent comme techniquement ou économiquement moins appropriées pour eux pour les mêmes raisons. D’une certaine manière, ils répondent à une pression sociale à la norme pour éviter des sanctions sociales. Parler de « pression sociale » signifie qu’ils sont l’objet d’un contrôle de la part des autorités de leur collectif, contrôle qui permet à ces dernières d’apprécier l’alignement des pratiques de l’agriculteur avec les normes qui ont cours dans le collectif.
Certaines études de réseaux nous ont permis d’observer que si des agriculteurs pouvaient développer une multi-appartenance d’autres pouvaient être socialement faiblement intégrés, voire isolés, en ce qui concerne les échanges qu’ils peuvent entretenir avec d’autres sur leurs pratiques. Ce faible degré d’intégration sociale et la sollicitation d’une plus grande diversité de conseillers agricoles que pour les autres agriculteurs apparaissent souvent positivement corrélés. Des types de déférence variés peuvent alors être relevés avec ces conseillers : déférence sémantique dans le cas où, par manque de compréhension des choses, l’agriculteur exécute simplement ce que lui dit de faire le conseiller ; déférence épistémique dans le cas où il manque simplement à l’agriculteur l’information pertinente pour apprécier la situation ; déférence sociale dans le cas où il s’avère que le collectif de référence de l’agriculteur se trouve être constitué des techniciens d’une structure (par exemple, d’une Chambre d’agriculture pour un responsables professionnel).
L’appel à des conseillers de structures différentes (Chambres d’agriculture, coopératives, négoces, cabinets de conseil…) apparaît souvent comme une stratégie des agriculteurs socialement faiblement intégrés pour avoir accès à une diversité d’informations et limiter une trop forte dépendance épistémique à un seul d’entre eux. Toutefois une telle stratégie, les contraint aussi à arbitrer entre des conseils potentiellement divergents (par exemple, en matière d’usage de produits phytosanitaires, sur les seuils de traitement) (Compagnone et Golé, 2011).
Transformation des structures sociales et conflits épistémiques
Si une rationalité sociale est mise en œuvre dans l’orientation des pratiques, pour autant, tout n’est pas figé : il y a une dimension temporelle et dynamique dans le jugement de pertinence sociale de l’action. En effet, les structures sociales se transforment, des personnes antérieurement présentes peuvent disparaitre, d’autres arriver, des outsiders peuvent devenir des insiders et les normes se modifient au cours du temps. Le suivi longitudinal de réseaux, c’est-à-dire l’identification de la structure des liens entre acteurs à des pas de temps différents, ou le récit des acteurs de ces réseaux sur leur position au cours du temps permettent de rendre compte de cette dynamique. Ainsi dans le cas d’un réseau de viticulteurs que nous avons pu étudier (Compagnone, 2004, 2014), nous avons relevé le passage au cours du temps d’un viticulteur de la périphérie au centre du réseau. Possédant une ressource rare, celle de la maitrise du désherbage mécanique du sol qui avait été déclassé par l’usage des herbicides, il devient, dans son réseau de référence, une autorité épistémique sur la question quand ce désherbage mécanique se trouve promu par l’encadrement technique alors que les autres membres du réseau n’ont pas ou plus la compétence pour maitriser sa mise en œuvre.
La forme des structures sociales d’interrelations se modifient donc au cours du temps ainsi que le statut des acteurs. Des acteurs peuvent revendiquer une forme d’autorité afin d’acquérir un statut plus élevé et faire valoir leurs conceptions. Ces revendications vont conduire à des conflits épistémiques et normatifs sur la définition de ce que sont les choses et sur ce qu’il est possible de faire dans le collectif social dans le lequel ces acteurs s’inscrivent. On peut ainsi observer comment, dans des collectifs d’agriculteurs en agriculture conventionnelle, le passage de certains agriculteurs à d’autres modèles d’agriculture, comme l’agriculture biologique ou l’agriculture de conservation, peut mener localement à ce type de conflits. Cette concurrence entre sous-communautés, leaders et cadres épistémiques peut aboutir localement au remplacement d’une élite par une autre porteuse d’un nouveau jugement de pertinence.
Concurrence et conflits entre formes macrosociales d’autorités
Si des autorités épistémiques émergent dans les collectifs professionnels agricoles, une question se pose, d’une part sur l’étendue sociale de ces collectifs et, d’autre part, sur la place de l’autorité épistémique institutionnellement constituée qu’est la recherche. La première question amène à se demander si le processus d’émergence d’autorités épistémiques dans des collectifs professionnels agricoles ne vaut que pour des réseaux d’interdépendances locaux, c’est-à-dire géographiquement positionnés et numériquement calibrés pour permettre l’interconnaissance. La deuxième question conduit à s’interroger sur la spécificité de la recherche en matière d’exposition du processus de production de la connaissance scientifique aux contingences et jeux sociaux. Le traitement de ces deux questions devrait nous permettre d’entrevoir comment l’émergence de l’usage des outils numériques et des médias socionumériques et les transformations sociétales peuvent conduire à donner à la question des conflits épistémiques une envergure bien plus large que celle esquissée jusqu’à présent.
Autorité épistémique de la recherche
Commençons par la question de l’exposition du processus de la recherche aux contingences et jeux sociaux. La réflexion de V. Israel-Jost (2015) autour d’une conception de la science néopoppérienne – c’est-à-dire d’une conception poppérienne renouvelée - nous permet d’étayer ce point. En effet, dans la conception poppérienne, le critère de réfutabilité (ou falsifiabilité) permet de démarquer la science des autres formes de connaissance. Pour K. Popper (1985 [1963]), la science est constituée de théories qui ne sont jamais absolument certaines et auxquelles les faits peuvent donner tort et conduire ainsi à la révision des théories. Ces dernières sont réfutables (ou falsifiables) dans le sens où les faits peuvent les contredire. Pour être qualifiée de scientifique, toute hypothèse doit donc pouvoir être réfutable, c’est-à-dire pouvoir être mise à l’épreuve des faits.
Toutefois, comme nous le montre V. Israel-Jost, cette approche poppérienne de la science s’est tout d’abord trouvée critiquée sur le lien équivoque existant entre théorie et fait observé. D’une part, parce que toute observation se trouve elle-même conditionnée par le cadre épistémique qui structure le regard de celui qui observe (charge théorique de l’observation). D’autre part, parce que des théories concurrentes peuvent exister pour des mêmes faits (la théorie n’est pas totalement déterminée par l’expérience). Finalement, c’est une dimension sociale du travail de la science qui réhabilite la place de l’observation dans la conception néopoppérienne. C’est « la reproductibilité d’un résultat par une autre équipe, en un lieu différent et sur un autre dispositif expérimental, [qui] confère une autorité beaucoup plus grande à ce résultat. C’est la robustesse d’un résultat expérimental qui lui donne le statut d’observation et lui confère l’autorité qui rend rationnel de lui accorder la priorité par rapport à la théorie » (V. Israel-Jost, 2015, p. 66). La reproductibilité des résultats et leur acceptation par différentes équipes de chercheurs contribuent donc à assoir l’autorité de l’observation.
Si d’un côté cette dimension sociale sauve la ligne de démarcation posée par K. Popper, d’un autre côté et simultanément, elle l’érode. Le processus même du travail scientifique contemporain, conduit en effet de plus en plus les chercheurs de différentes disciplines ou ayant des compétences variées à œuvrer ensemble dans des collectifs de recherche qui les obligent pour produire à se soumettre à une déférence sémantique et à une confiance épistémique mutuelles. La dimension sociale implique donc, contrôle par les pairs de la même discipline (reproductibilité des résultats) et confiance en leurs compétences dans des agencements interdisciplinaires originaux. De plus, comme le fait apparaître G. Origgi (2006), les processus de déférence épistémique ou sociale, liés à des choix de collectifs de référence et à l’identification des personnes représentantes de ces collectifs, sont présents dans la recherche comme dans d’autres communautés professionnelles, les chercheurs étant confrontés aux mêmes difficultés d’inscription sociale dans leur communauté professionnelle.
Mais de manière plus profonde c’est la forme même de l’orientation, consciente ou inconsciente, de la recherche par des contraintes sociales qui lui sont externes qui affectent sa production. Elle dépend ainsi de plus en plus des agendas politiques et de l’orientation des plans de financement, et elle est impactée par des biais culturels. Mais l’élément que V. Israel-Jost met le plus en avant est la vulnérabilité intrinsèque de la recherche du fait même de sa logique de la découverte. C’est parce qu’elle est par nature caractérisée par son ouverture à la critique et à la remise en question, qu’elle s’expose aussi à des formes de manipulation. Des « marchands de doutes » (Oreskes et Conway, 2012) peuvent ainsi intentionnellement introduire des hypothèses réfutables dans le débat scientifique, non pas pour élargir la connaissance mais pour retarder le moment où une proposition stable sur les faits pourra être formulée. Au-delà de l’examen critique de toute hypothèse, c’est donc la question de l’identification de « la bonne hypothèse », c’est-à-dire de l’hypothèse qu’il est pertinent d’explorer au regard des enjeux du moment, qui se pose.
Ces éléments de mieux en mieux documentés de la marche de la science affectent sa supposée neutralité, et donc son autorité et celle de ses représentants. Ils contribuent au relativisme cognitif et moral (Coenen-Huther, 2009 ; Valendier, 1988) propre aux sociétés pluralistes post-modernes qui admettent une diversité de normes et de valeurs, portées par des collectifs variés. Les conflits épistémiques, comme nous l’avons vu précédemment, naissent alors de l’émergence d’une multiplicité d’autorités épistémiques propres à une multiplicité de collectifs. Aucune institution surplombante n’étant là pour centraliser cette autorité, ce sont des mécanismes de coordination intégrant l’ensemble des acteurs, et donc l’ensemble des compétences disponibles, qu’il reste à mettre en place pour évaluer et contrôler les différents types de savoirs (Lazega, 2011).
Usage des médias socionumériques comme dispositif réputationnel
En agriculture, l’usage des médias socionumériques va, dans un contexte d’isolement géographique des agriculteurs, élargir les espaces sociaux dans lequel des autorités épistémiques peuvent émerger tout en reconfigurant ces espaces. En effet, par le biais de ces outils numériques, les agriculteurs peuvent échanger sans forcément être physiquement présents sur le même lieu. Des collectifs translocaux et potentiellement transprofessionnels apparaissent, que les interactions entre leurs membres soient exclusivement entretenues par le biais des outils numériques ou qu’ils soient aussi associés à des rencontres en présence (Goulet et al., 2008 ; Rénier et al., 2022 ; Thareau et Daniel, 2019). L’usage des médias socionumériques tient à la fois de la création de collectifs « pas déjà-là » autour de certaines questions techniques précises (la lutte contre certaines maladies des végétaux, par exemple), de l’inscription dans un type de collectif présent ailleurs mais pas localement (pour le développement de l’agriculture de conservation ou de la permaculture, par exemple), d’élargissement de collectifs constitués ou de mise en relation de collectifs différents (par exemple, entre CUMA ou GIEE), voire de publicisation de l’activité agricole ordinaire auprès du grand public. Ces collectifs donnent accès à des ressources, cognitives ou sociales, et à des formes d’appui, dont certains tiennent au partage d’émotions (Prost et al., 2014), autrement inaccessibles, sur un mode de proximité cognitive, sociale ou émotionnelle choisie (Prost et al., 2017 ; Rénier et al, 2022).
L’usage de ces médias socionumériques dans la constitution ou l’élargissement des collectifs va jouer de plusieurs façons dans le processus d’émergence d’autorités et de déférences épistémiques. Tout d’abord, il augmente la possibilité des agriculteurs à accéder à des collectifs divers, et donc leur multi-appartenance. Cette augmentation les amène donc potentiellement, pour pouvoir agir en s’inscrivant dans un collectif qui filtre l’information pertinente, à devoir arbitrer entre un plus grand nombre de collectifs pour déterminer le ou les collectifs de référence. Mais l’articulation entre des collectifs formés à distance et d’autres en présence facilite aussi une forme d’ubiquité sociale peu tenable dans des groupes fréquentés physiquement (Colonomos, 1995).
Un autre point porte sur une position d’autorité épistémique qui se trouve plus fermement assise. Les agriculteurs engagés dans le cadre de collectifs à visée épistémique sont placés soit dans un processus d’apprentissage instructionnel (relation expert-novice), soit dans un processus d’apprentissage collaboratif (co-construction entre pairs de connaissances nouvelles). Selon, B. Conein, (2007), la nature socionumérique de ces réseaux joue sur l’apprentissage instructionnel en élargissant l’accès des novices aux experts, et donc la centralité des autorités épistémiques, et impacte l’apprentissage collaboratif en favorisant une organisation collégiale entre experts, et donc la collaboration entre autorités épistémiques.
Enfin, ces médias vont jouer le rôle de dispositifs numériques réputationnels qui vont permettre aux agriculteurs identifiés comme des autorités épistémiques non seulement d’être suivis par un grand nombre de personnes mais aussi de quantifier ce suivi et de s’en faire valoir. L. Rénier et al. (2022) montrent ainsi comment certains agriculteurs youtubeurs captent durablement des dizaines de milliers d’abonnés en formant eux-mêmes communauté entre eux. Ces agriculteurs concentrent donc, par l’usage de l’outil numérique, un grand nombre de liens et promeuvent, au-delà de la simple présentation de ce qu’ils font, le cadre épistémique qui anime leurs pratiques. Le processus apparait analogue à celui des dispositifs numériques citationnels dans la recherche scientifique. Ces dispositifs ont une valeur épistémique dans le sens où, en permettant de repérer les acteurs les plus cités, et donc les plus centraux, ils donnent en même temps accès aux cadres épistémiques valorisés par ces acteurs.
Cette situation singulière rend bien compte de la façon dont l’autorité scientifique se trouve concurrencée par d’autres formes d’autorité dont la légitimité épistémique est assurée par un dispositif réputationnel. Elle montre comment le pluralisme des idées fait rentrer en concurrence, si ce n’est en conflit, des cadres épistémiques dont la légitimité n’est pas assise de la même façon.
Conclusion
Le but de cet article était de mettre en avant la rationalité sociale des agriculteurs à l’œuvre pour orienter leurs pratiques. Notre position n’est donc pas ici cognitiviste dans le sens où nous ne mettons pas à jour les processus de raisonnement individuels ou collectifs. Le parti pris est plutôt de rendre compte spécifiquement de la dimension sociale de l’orientation des pratiques et de montrer que cette prise en compte du social par les agriculteurs est profondément rationnelle. Si la question de la déférence de la décision à une autre personne peut être perçue comme une forme d’abandon de son autonomie décisionnelle, elle prend une toute autre coloration lorsqu’elle est replacée dans son cadre social. Or cette dimension sociale, si elle est perçue par les agronomes, reste traditionnellement méconnue ou largement sous-estimée. Cette méconnaissance ou sous-estimation, qui amène à des formes d’incompréhension des échecs de l’intervention technique ou du rôle de la recherche, peut bloquer la capacité d’action propre à cette intervention. Face à la nécessité d’une transition écologique, il paraît impératif de mieux articuler rationalité technique et rationalité sociale dans la compréhension des pratiques des agriculteurs.
[1] Cet article fait suite à deux présentations orales, l’une aux Entretiens agronomiques Olivier de Serres en 2022, l’autre à un Colloque de Cerisy en 2019 (Compagnone, 2022), sur ce thème des autorités épistémiques en agriculture.
[2] La rationalité sociale est une rationalité qui s’appuie sur une connaissance des règles qui régissent les relations et rapports sociaux entre les individus.
[3] Est « épistémique » ce qui se rattache à une épistémè, c’est-à-dire à un cadre de connaissances particulier. Une autorité qui est épistémique repose sur la maitrise d’un ensemble de connaissances pertinentes.
[4] Est dit sémantique ce qui se rattache au sens ou la signification des choses. La sémantique porte en linguistique sur l’étude du sens des mots.
[5] L’épistémologie doit être entendue ici au sens anglo-saxon de théorie de la connaissance générale.
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