Agriculture low tech : comment innover par les usages ?
Résumé
Comment aller au-delà de la vision économique et productiviste de l’innovation, qui voit l’innovation comme étant uniquement incarnée dans des produits high-tech ? Afin de répondre à cette question, cet article se focalise sur l’innovation par les usages et le low tech en agriculture. Il propose un tour d’horizon du sujet dans la littérature académique, présentera quelques exemples de low tech dans l’agriculture, tout en se concentrant sur un cas d’étude : la coopérative d’auto-construction l’Atelier Paysan. L’article montre que les low tech ne se réduisent pas à leur matérialité et à leur technicité. Il faut, au contraire, les considérer comme des objets culturels et sociaux, qui existent à travers des pratiques, des sensibilités, des valeurs, des choix éthiques. Pouvoir réparer soi-même, s’entraider, s’organiser en tant que coopérative, diffuser des plans sous licence libre, lutter contre le complexe agro-industriel, critiquer la robotisation et le numérique : les pratiques autour du low tech sont indéniablement des pratiques politiques.
Mots-clés : Innovation – agriculture – low tech – atelier paysan
Abstract
How can we move beyond an economic and productivist vision of innovation, a vision that sees innovation embodied solely in high-tech products? In order to answer this question, this article focuses on user innovation and low tech in agriculture. It provides an overview of the topic in the academic literature, presents some examples of low tech in agriculture, while focusing on a case study: the cooperative L’Atelier Paysan. The article shows that low tech cannot be reduced to its materiality and technicality. On the contrary, it must be considered as an ensemble of cultural and social objects, which exist through practices, sensibilities, values and ethical choices. Being able to repair, helping each other, organizing oneself via cooperatives, distributing construction plans under free licenses, fighting against the agro-industrial complex, criticizing robotization and digital technology: the practices concerned with low tech are undeniably political practices.
Keywords : Innovation – agriculture – low tech – farmer’s factory
Introduction
Fermes connectées, drones, applications pour smartphones, robots, big data : quand on parle d’innovation dans le monde agricole, on pense généralement à toute une panoplie de dispositifs techniques. Le numérique et la robotique sont censés résoudre, du moins en partie, les défis actuels de l’agriculture, mais aussi, plus largement, les problèmes énergétiques et écologiques. Il y a cependant des voix qui critiquent cette façon de penser l’innovation. Tout d’abord, l’innovation n’est pas uniquement une pratique technique. Elle se réalise aussi à d’autres niveaux : par de nouvelles professions, de nouvelles compétences, de nouvelles expertises, ou de nouvelles pratiques. Rappelons, au passage, que le Manuel d’Oslo de l’OCDE (1992) parle d’innovation de produit, de procédé, de commercialisation, et d’organisation. En un mot, l’innovation n’est jamais que « technique ».
Ensuite, une innovation ne se présente jamais seule. Toute innovation est liée à une infrastructure de maintenance, à des programmes informatiques, à des contrats avec des fournisseurs, à des engagements avec des experts, à un système de normes et de règlementations. Tout dispositif technique peut tomber en panne un jour ou l’autre et il faut en prévoir la maintenance. Cette dépendance entre les agriculteurs et le monde industriel mérite réflexion et montre qu’il faut saisir l’innovation technologique dans son contexte social, légal et politique plus large. Les exemples qu’on rencontrera dans cet article, tout en portant sur la technologie, seront aussi des lieux où la question de l’autonomie sera soulevée et des critiques du modèle agricole seront faites.
Il est important de garder une distance critique par rapport à l’innovation : l’innovation n’est jamais neutre, ni uniquement bénéfique (voir Akrich, 1989 ; Winner, 1986). Toute innovation est un choix, une question politique. Cet article problématise la notion d’innovation dans le monde agricole. Tout en décentrant le regard sur l’innovation en tant que dispositif purement technique (et forcément « high tech »), la focale sera mise sur les usages et le low tech. Les low tech, ou « basses technologies », peuvent être définies dans un premier temps comme des technologies plus simples, plus durables, plus accessibles et moins chères que les technologies « high tech ». En d’autres termes, ce sont les principes de l’ouverture, de l’accessibilité, du partage et de la participation qui sont recherchés. Plutôt que de miser sur la commercialisation de systèmes techniques de façon descendante, l’idée est donc de faire ce qu’on appelle de l’innovation par le « bas », par les « usages », ou encore innovation « ascendante » (voir, entre autres, Akrich, 1998 ; von Hippel, 2005 ; Cardon, 2006).
L’article est organisé comme suit. Il fera tout d’abord un tour d’horizon du low tech dans la littérature académique. Ensuite, il présentera quelques exemples du low tech dans l’agriculture, tout en se concentrant sur un cas d’étude : la coopérative d’auto-construction l’Atelier Paysan.
Les low tech dans la littérature académique
Les low tech ont été examinées dans divers contextes et domaines d’application (industrie, architecture, médecine, habitat, etc.) et selon une variété de perspectives, allant de l’économie à la philosophie et à l’anthropologie (voir Meyer, 2022a). La majeure partie de la littérature académique s’est concentrée sur les capacités de recherche et d’innovation dans les industries low tech[1] - notamment en comparaison avec les industries high tech (voir notamment Zouaghi et al., 2018 ; Czarnitzki et Thorwarth, 2012). Si cette partie de la littérature s’intéresse aux aspects économiques, financiers et stratégiques de la technologie dans un secteur donné, elle ne questionne et problématise cependant pas ces technologies en tant que telles. La littérature qui se concentre sur les low tech en soi a examiné les utilisations de ces dernières dans divers domaines : des architectes ont testé différentes solutions de toiture low tech en utilisant des déchets ménagers (Dabaieh et Zacharia, 2020), des médecins ont décrit l’utilité d’équipements low tech comme les masques et les boîtes de désinfection pour lutter contre la pandémie due au Covid-19 (Lerner et al., 2020) et les scénarios dans lesquels les low tech sont utilisées au niveau domestique (comme des sacs de douche solaires ou des méthodes de chauffage alternatives) semblent plausibles (Alexander et Yacoumis, 2018). Au sujet des low tech dans l’agriculture, on recense des travaux sur les techniques d’irrigation (Stöber et al., 2018), sur les serres (Salazar-Moreno et al., 2020 ; Passam et al., 2001), sur la culture de géraniums (Brentari et al., 2020) ou encore sur les systèmes d’aquaponie (Maucieri et al., 2020). Les principaux enjeux abordés dans tous ces travaux tournent généralement autour de l’utilité, la robustesse, les effets et les limites des low tech.
Ce qui peut surprendre, c’est que la thématique du low tech soit absente de la littérature en sciences sociales sur les technologies/sciences do-it-yourself. Dans les articles proposant des revues de littérature exhaustives sur le sujet – à savoir Ferretti (2019), Nascimento et al. (2014) et Sarpong et al. (2020) – le terme low tech n’apparaît pas. Parmi les rares travaux qui analysent explicitement des laboratoires low tech citons ceux de Guimbretière et al. (2021) sur la place des connaissances et les formes de collaboration au sein d’ateliers collaboratifs et ceux de Arévalo Moncayo (2018) sur les relations entre le low tech et l’art.
Sur le plan théorique, la notion de low tech est souvent discutée en mobilisant des concepts tels que les technologies « intermédiaires » ou « appropriées » (Schumacher, 1973) et les outils « conviviaux » (Illich, 1973).[2] D’autres concepts ont été récemment proposés pour enrichir ce vocabulaire. Certains auteurs, inspirés par le mouvement slow food, parlent de « slow tech » pour réfléchir à ce que seraient des TIC « propres », « bonnes » et « équitables » (Patrignani et Whitehouse, 2018 ; voir aussi Abrassart et al., 2020), tandis que d’autres ont proposé le terme de « wild tech » pour insister sur le fait que les technologies peuvent être difficiles à classer selon la distinction high tech versus low tech (Grimaud et al., 2017). Si diverses définitions, catégorisations et théorisations des low tech ont donc été proposées, des analyses sociologiques de leur fabrication, leur diffusion ou encore leur caractère collectif sont beaucoup plus rares.
Quelques exemples
Le low tech touche de nombreux domaines – agriculture, mobilité, habitat, énergie, alimentation, matériaux, déchets. Pour avoir une idée du nombre d’initiatives dans le domaine de l’agriculture, l’Annuaire des initiatives low tech du Low-tech Lab est une ressource utile. Cet annuaire recense 209 initiatives low tech dans l’agriculture à travers le monde, dont 84 en France. Parmi ces 84 initiatives, on trouve des bureaux d’études, des fermes, des ecocentres, des associations, des tiers lieux et des petites entreprises. La plupart de ces 84 acteurs œuvrent dans plusieurs des domaines cités plus haut, tandis qu’il n’y a finalement que peu d’initiatives spécialisées uniquement dans l’agriculture, comme l’Atelier Paysan et Farming Soul (tous les deux travaillent sur les outils agricoles). Il faut rajouter au moins deux acteurs à cette liste : Étincelles Paysannes, une association qui organise des formations, des chantiers et fait de la communication sur l’auto-construction, ainsi que la ferme Tournesol en Isère. La ferme Tournesol est une ferme entièrement auto-construite et elle est auto-suffisante en alimentation, en courant et en chauffage ; on y trouve entre autres un concentrateur solaire, des bioréacteurs, des serres et de nombreuses machines auto-construites (voir Grojnowski, 2021).[3]
Mentionnons aussi un exemple qui nous éloigne quelque peu de l’agriculture au sens strict : la boulangerie au four solaire (voir Guimbretière et al., 2022 ; Guimbretière et al., 2021). Les fours à cuisson solaire présentent plusieurs bénéfices : ils sont plus mobiles, plus durables et moins énergivores que les fours à cuisson électrique. En même temps, ils doivent prendre en compte certaines contraintes, comme la dépendance aux conditions météorologiques/géologiques, les pratiques alimentaires des consommateurs et les enjeux économiques. L’utilisation d’un four solaire n’est donc pas seulement un choix technique : « Une modification de l’outil de production implique une modification des produits et de l’organisation du temps de travail » (Guimbretière et al., 2022). Pour le dire autrement, le four solaire est un objet socio-technique (Akrich, 1989). C’est un objet technique, dans le sens qu’il nécessite un processus de construction, un emplacement et un ensoleillement spécifique et qu’il permet certaines températures de cuisson. En même temps, c’est un objet qui recompose le monde social autour du pain : permettant moins de fournées qu’un four classique, il est adapté à la fabrication de pains à conservation longue, mais peu à celle de viennoiseries ou de pains blancs ; il incarne une vision plus artisanale, humaine, et écologique de la boulangerie ; et il est tributaire d’un certain type de consommateur, avec ses goûts, choix et engagements.
Etude de cas : l’Atelier Paysan
Innover autrement
Des ateliers d’auto-construction sont organisés à partir de 2011 au sein de l’association ADABio autoconstruction, donnant lieu à la création de la coopérative L’Atelier Paysan en 2014. La coopérative est implanté à Renage, près de Grenoble, et dans deux antennes en Occitanie et en Bretagne, et dispose également de sept « camions-ateliers » lui permettant de proposer des formations dans tout le pays. Une grande diversité de techniques est traitée, que ce soit des serres mobiles, des brosses à blé, ou encore des dérouleuses de plastique - avec des utilisations pour le maraichage, la viticulture, la meunerie et la boulangerie.
L’Atelier Paysan mène différentes actions pour documenter et diffuser les technologies paysannes : des formations ; la réalisation et la diffusion de plans de construction sous licence libre ; et le partage de connaissances via des livres, tutoriels, un site web et un forum (Chance et Meyer, 2017). En même temps, l’Atelier Paysan organise des Tournées de Recensement d’Innovations Paysannes pour dénicher et recenser les innovations faites par les paysans eux-mêmes afin que « les bricoles isolées puissent servir, être améliorées et inspirer d’autres paysans » (L’atelier paysan, 2016/2017, Proposition de Guide méthodologique pour les TRIP Tournées de Recensement d’Innovations Paysannes, p. 10). Depuis sa création, les membres de l’Atelier Paysan ont recensé autour de 1000 technologies, formé environ 1700 personnes, et réalisé environ 80 tutoriels. La coopérative forme actuellement près de 600 stagiaires par an et emploie entre 25 et 30 salariés.
L’Atelier Paysan utilise plusieurs terminologies pour parler d’innovation, comme « innovation paysanne », « innovation collective », ou encore « innovation par les usages ». La coopérative met le doigt ici sur un élément important pour les agronomes et les chercheurs en sciences humaines et sociales : il faut qualifier et préciser ce que l’on entend par innovation. Si les termes comme « paysanne » permettent de qualifier et de défendre une certaine vision de l’innovation, ils permettent, en même temps, d’aller au-delà d’une approche trop techniciste et économique de l’innovation.
L’Atelier Paysan défend une position qu’on peut qualifier de humble et modeste par rapport à l’innovation. La coopérative ne se présente pas elle-même comme innovante, mais souligne que « Les paysannes et paysans innovent déjà ! ». Sur le site web de l’Atelier Paysan on peut lire :
« Les innovations sont partout. Dans les fermes, les paysans et paysannes bricolent, adaptent, créent, modifient, améliorent : outils, machines, bâtiments, aménagements… Et bien plus encore ! ».
L’objectif de l’Atelier Paysan n’est donc pas d’innover en tant que tel, mais plutôt de constituer « un pot commun des expériences » (L’atelier paysan, 2016/2017, Proposition de Guide méthodologique pour les TRIP Tournées de Recensement d’Innovations Paysannes, p. 8). L’Atelier Paysan vise à faire changer de statut et d’échelle l’innovation paysanne : des « bricoles isolées », non documentées et peu visibles, sont transformés en récits documentés et illustrés, mis en commun, et rendus accessibles à un public plus large. Soulignons que l’Atelier Paysan ne parle que rarement de « bien commun », mais plutôt de « pot commun », pot qu’il faut constituer et enrichir. C’est à travers toute une série d’opérations – interviewer, photographier, illustrer, filmer, écrire, indexer, publier – que les innovations paysannes deviennent des biens communs. Soulignons aussi l’importance du « pot » : l’infrastructure internet de l’Atelier Paysan, hébergeant un forum, des textes, des photos, des vidéos, ainsi que ses nombreuses publications. L’Atelier Paysan prône une « autonomie équipée » (Meyer, 2020) : une autonomie qui se réalise à travers des équipements et, en même temps, une autonomie qui se réalise en équipe, c’est-à-dire qui se transmet, diffuse, concrétise et cultive au sein de dynamiques collectives. Lors d’un séminaire, l’Atelier Paysan a expliqué qu’il vise à constituer une « plateforme de ressources pour favoriser des dynamiques collectives » et que les machines « libérées » par la coopérative doivent être « validées collectivement », c’est-à-dire par les usagers (notes, Maison des éleveurs, Paris, 17 mars 2016).
Toutefois, alors que la coopérative affiche un discours politique axé sur l’autonomie, Cardinael (2017) a montré que les stagiaires qui suivent ses formations ont généralement des préoccupations plus économiques et pragmatiques. La maintenance est un élément important : « la maintenance des machines, plus que leur construction, […] constitue l’intérêt premier : savoir bricoler, c’est avant tout s’économiser les frais facturés par les réparateurs, et pouvoir réagir rapidement sans dépendre d’un prestataire extérieur du dispositif » (Goulet et al., 2022 : 403).
Technologies paysannes versus technologies industrielles
Pour l’Atelier Paysan, il y a deux sortes de technologies. D’une part, il y a celles qui sont démesurées, chères, standardisées, impossibles à réparer et à ajuster par les agriculteurs eux-mêmes. De l’autre, il y a les technologies « à taille humaine », appropriées, réparables et adaptables. D’un côté des machines brevetées, de l’autres des machines « libres ». Comme l’Atelier Paysan se positionne à contre-courant des pratiques agricoles conventionnelles, il est régulièrement critiqué dans les médias et les réseaux sociaux, car il serait pour un « retour à la bougie » et un « retour en arrière ». Paradoxalement, c’est ici que les critiques de l’Atelier Paysan et l’Atelier Paysan lui-même se rejoignent, car ils pèchent tous les deux par leur façon caricaturale de décrire le monde technique - un monde où seulement deux visions de l’innovation existeraient (« en avant » versus « en arrière » ; industriel versus humain ; low tech versus high tech). Pour reprendre Latour (2020), il faut se débarrasser du cliché d’une « voie unique vers le progrès », qui serait irréversible, mais faire « buissonner les innovations au maximum […] dans toutes les directions à la fois. » Comme les low tech peuvent être associées aux high tech, il faut « multipolariser » les voies possibles (Grimaud et al., 2017 : 14).
Prenons deux exemples de technologies paysannes documentées et diffusées par l’Atelier Paysan. Le Semoir Viticole à Engrais Vert a été développé par un viticulteur du Jura. En 2016, l’Atelier Paysan a organisé un premier stage de formation sur le semoir, toujours dans le Jura. Ensuite, en 2017, des viticulteurs dans le Périgord ont prototypé une autre version du semoir pour le rendre plus modulable (notamment en rajoutant des rallonges pour le rendre utilisable par/pour des producteurs et écartements inter-rangs différents). Actuellement, la machine en est à sa 4ème version. Une formation pour construire ce semoir dure 5 jours, ne nécessite pas de prérequis, et coûte entre 300 et 400 euros. Les plans de la machine, diffusés sous licence libre, contiennent des vues générales, des détails sur le cadre, les extensions, les disques semeurs, etc. et des tableaux avec les listes des fournitures. La dernière page des plans contient des remerciements aux collectivités publiques pour leurs contributions et signale « la contribution bénévole et décisive des nombreux(ses) paysan(ne)s ».
Un deuxième exemple est le Four à Pain 100 (voir figure 1). Si une formation pour construire le four dure aussi 5 jours et ne nécessite pas de prérequis, sa construction est nettement plus technique et chère (autour de 4000 euros) que celle du semoir viticole à engrais vert. Les plans comportent des vues générales, des détails sur les fournitures, ainsi que les différentes pièces, portes, armatures, etc. L’historique du four mérite d’être détaillée :
« À l’origine de ce projet, Jean-Philippe, un producteur du Trièves (maraîchage et brebis allaitantes) souhaitait diversifier son activité en y ajoutant un atelier pain. Il s’est donc inspiré de ces fours en acier qu’on trouve dans le commerce, et a reproduit, chez lui, avec le matériel qu’il avait à disposition, une version simplifiée et peu coûteuse. Un an plus tard, un groupe de producteurs installés sur la ZAD de Bure contacte l’Atelier Paysan et soumet l’idée de reproduire et améliorer ce four lors d’une formation prototypage. Se met alors en branle toute la dynamique R&D collaborative entre le groupe de producteurs de Bure, le maraîcher du Trièves et l’Atelier Paysan qui aboutira, fin 2016, à la réalisation de plans et à la programmation d’une première formation à l’autoconstruction d’un four à pain en acier. Des pistes d’amélioration ont été identifiées sur cette première version, par les utilisateurs, en particulier le besoin d’améliorer le contrôle de la température de cuisson (l’absence d’inertie du four rend la chose difficile).
Ainsi, la contribution des utilisateurs, en particulier Jean-Philippe et Mickaël (maraîcher à Notre-Dame-Des-Landes) a permis la modélisation et la mise en plan d’une deuxième version. Ce four V2 a été construit lors de 2 formations encadrées par l’Atelier Paysan en 2017. […] De nouvelles recherches ont été faites pour simplifier la fabrication du four tout en le renforçant aux endroits stratégiques.
[…] Eric Labbé, boulanger qui a suivi la première formation à [Bure], fabrique quelques fours, pour lui et des [copains] boulanger·ères du réseau. Au fil des constructions de fours qui s’enchainent (il y a du monde d’intéressé !), ainsi que son utilisation de ses fours en tant que boulanger mobile, il y apporte de nombreuses améliorations. Ainsi, fin 2018, l’Atelier Paysan collabore avec Eric et Farming Soul afin de synthétiser les différentes améliorations dans une nouvelle version des plans : la V5. […]
Grâce à tout ce travail collectif et la participation de boulangers et de boulangères, cette version est tout à fait satisfaisante et fonctionnelle. Toutefois, les fours restent longs et techniques à fabriquer, surtout pour le format de formation de l’Atelier Paysan sur une semaine. Un nouveau travail est donc effectué du côté de l’Atelier Paysan en 2020, pour tenter de simplifier au maximum cette fabrication tout en conservant les fonctionnalités et les qualités du four […]. C’est cette dernière version, la V6, qui est actuellement proposée […]. » (L’Atelier Paysan, 2022).
Cette description est intéressante à plusieurs niveaux. Premièrement, les paysans à l’origine de la machine et de ses améliorations sont clairement identifiés et nommés. Deuxièmement, on s’aperçoit des nombreux allers-retours et liens entre les paysans et l’Atelier Paysan. Le Four à Pain 100 n’est pas une innovation qui provient d’un unique endroit, mais une machine qui a été pensée, améliorée, prototypée et documentée dans différents endroits et à l’aide de différents acteurs. Par conséquent, on voit que l’innovation est collective, participative, et collaborative et que le four à pain est régulièrement mis à épreuve par les premiers concernés, les usagers.
C’est la première page du plan de construction (qui est par ailleurs commune à quasiment tous les plans de l’Atelier Paysan) qui est la plus explicite sur la nature collective et sociale de l’innovation :
« La présente version est le résultat des évolutions par l’usage, d’expérimentations paysannes quotidiennes, des ajustements pratiques issus des retours des participants aux nombreuses formations et journées de terrain collectives. L’autoconstruction de votre outil à l’aide de ce tutoriel n’est que le début de votre aventure. Si cette machine est pertinente en l’état pour de nombreux contextes, vous allez devoir l’adapter, la régler, la modifier pour l’ajuster à votre projet agronomique, vos itinéraires techniques, vos conditions pédo-climatiques. Vous allez donc faire vivre cette machine. […] Merci de nous faire parvenir vos retours, vos découvertes, vos réussites. Vos expériences individuelles, vos tâtonnements de terrain viendront enrichir le pot commun paysan, sous même licence libre que les présents plans. »[1]
Cette trace et revendication du caractère collectif et distribué de l’innovation recensée par l’Atelier Paysan est importante. Il n’y a pas d’auteur à proprement parler ici, même si le logo de l’Atelier Paysan est visible sur les planches. Il n’y a en fin de compte que des contributeurs, les paysans. Les plans de construction sont la traduction – en schémas, en chiffres, en tableaux, en mesures – des innovations produites par ces paysans.
Si à ses débuts, l’Atelier Paysan s’était surtout concentré sur ce travail technique, au fil des années, sa volonté de « faire société » s’est cristallisée. C’est lors de l’assemblée générale de 2019 que ce positionnement plus « volontariste » avec des « ambitions de transformation sociale » a été acté (L’Atelier Paysan, 2019, pp. 64-65). Comme pour le cas de l’élevage au pâturage, les questionnements excèdent la question agricole et l’échelle locale, et se font par rapport à un projet de société plus global (Dupré et al., 2015). En effet, même si le pâturage est une pratique locale, il soulève des questions plus larges autour de la préservation de l’environnement, de l’écologie, des politiques territoriales et de l’identité sociale des éleveurs. L’Atelier Paysan en appelle ainsi à un « mouvement social » et une « transformation sociale ». Cette transformation passera nécessairement par la lutte et le conflit : « Enquêter, discréditer, saboter : qui veut combattre les robots avec nous dans les années 2020 ? » demande la coopérative (l’Atelier Paysan, 2021, p. 228)
De la critique du high tech au modèle de société :
Écoutons la co-gérante de l’Atelier Paysan formuler sa critique du monde agricultural actuel :
« Nous remettons en cause le système agro-industriel délétère pour les sols, les paysans et la population […] Il faut reprendre la terre aux machines, toujours plus démesurées, puissantes, complexes, difficiles à réparer soi-même. Pour être rentables, elles nécessitent des surfaces de plus en plus grandes. D’où l’engrenage de l’endettement. La dépendance des paysans. Nous voulons leur redonner une souveraineté technologique. Soutenir l’agroécologie paysanne, une agriculture à taille humaine » (Marie Mardon, citée dans Krémer, 2021).
La liste des constats et critiques de l’Atelier Paysan est longue : augmentation des surfaces moyennes des fermes, diminution de la population active agricole, surendettement des agriculteurs, déclin de la biodiversité, vision d’une agriculture trop productiviste, dépendance envers les acteurs privées, forte production de déchets, dévaluation et disparation des savoir-faire, dégâts environnementaux et sanitaires, dégradation des sols, augmentation de l’utilisation des pesticides, machinisme croissant et démesuré, mauvaise alimentation.
L’Atelier Paysan n’est pas le seul acteur qui, tout en défendant une philosophie low tech, critique ouvertement les high tech. Prenons deux autres exemples. Premièrement, en réponse au hackathon organisé par le Ministère de l’Agriculture et son programme autour de la robotique, du numérique et de la génétique, la Confédération Paysanne de la Drôme a organisé un contre-concours critique et ludique, baptisé « cacathon » (Confédération Paysanne de la Drôme, 2021). D’un côté, une remise de prix du hackathon qui se tenait à la chambre d’agriculture de Bourg-lès-Valence. Au même moment : un concours invitant des paysans à venir avec leur fumier et compost pour gagner des prix comme une « bouse d’or », de la « reconnaissance » et de la « satisfaction ». Le contre-concours était l’occasion de formuler des critiques – via des prises de parole et des pancartes – dénonçant la « lubie technologiste » et le « productivisme ». Le mot high tech a même été réapproprié pour l’occasion : « Venez donc avec votre meilleur fumier, compost, jus de lombric qui nourrissent nos semences paysannes et autres innovations paysannes libres de droit de propriété industrielle pour défendre l'agriculture paysanne et son système high-tech depuis 6000 ans » (Confédération Paysanne de la Drôme, 2021). En d’autres mots, le positionnement de la Confédération Paysanne est que le système agricole est déjàet depuis longtemps très technologisé et qu’il faut soutenir une agriculture paysanne.
Un deuxième exemple est le groupe des « déserteurs » d’AgroParisTech. En avril 2022, un groupe de huit diplômés de l’école d’ingénieur AgroParisTech a prononcé un discours très remarqué lors de la cérémonie de remise de diplôme de leur école (Meyer, 2022b). Dans leur discours, ils dénoncent les jobs « destructeurs », les « ravages sociaux et écologiques » en cours et la « guerre » au vivant et à la paysannerie menée par l’agro-industrie. Si le complexe agro-industriel est directement pointé du doigt, de nombreux concepts et notions sont aussi critiqués, comme « défis », transition « écologique », ou énergies « vertes ». La critique des déserteurs d’AgroParisTech s’adresse aussi au monde high tech et aux gens qui visent à « trafiquer en labo des plantes pour des multinationales qui renforcent l’asservissement des agricultrices et les agriculteurs ». En même temps, ils appellent à un mode de vie qu’on peut qualifier de « low tech » : « Vous pouvez bifurquer maintenant. Commencer une formation de paysan-boulanger, […] vous investir dans un atelier de vélo autogéré […] ».
Notons que ce n’est pas la première fois que des élèves d’AgroParisTech se prononcent de telle façon en public. En 2018, deux élèves anonymes ont critiqué le « rapprochement » entre leur école et le monde industriel, avec des critiques similaires à celles des « déserteurs ». Dans leur article, ils/elles critiquent les liens entre AgroParisTech et des entreprises comme Vinci et Syngenta, tout en dénonçant l’« ambiance propagandiste […] drapée de grands discours sur le ‘développement durable’, ‘l’écologie’, ou encore l’agriculture ‘verte’ » du salon de recrutement Forum Vitae (Deux étudiant-e-s d’AgroParisTech, 2018).
La critique du high tech et l’éloge du low tech sont aussi l’occasion de réfléchir au rôle de l’agronomie et des sciences humaines et sociales au sein des écoles d’ingénieur et des universités. Comment rendre les élèves et les étudiants plus sensibles aux dimensions socio-culturelles de la technologie et les faire saisir ses impacts sur la société ? Comment partir de ces débats et controverses pour réfléchir aux systèmes agroalimentaires alternatifs ? Comment encourager plus de réflexivité ? Comment réaliser une double analyse : resituer et contextualiser la critique du high tech, tout en examinant les engagements et les choix professionnels autour du low tech ?
Conclusion
Pour les agriculteurs tout comme pour les agronomes, la question de la relation avec l’innovation se pose donc. Comment aller au-delà d’une vision économique et productiviste de l’innovation, une vision qui voit l’innovation uniquement incarnée dans des produits ? Quels sont les effets et conséquences d’une innovation pour les acteurs, les hiérarchies, les organisations, les filières du monde agricole ? Comment, donc, penser l’innovation ? En un mot, en la concevant de manière intégrée : pas comme technique, mais comme à la fois technique, sociale et culturelle ; pas comme une fin en soi, mais comme un moyen ; pas comme une nécessité, mais comme une question ; pas comme un objet en soi, mais comme faisant partie d’un ensemble de liens entre pratiques agricoles, valeurs sociales, choix économiques, politiques publiques et dynamiques institutionnelles. Au delà des exemples technologiques traités dans cet article, cette vision plus intégrée de l’innovation est aussi pertinente pour d’autres pratiques basées sur des échanges et modes de gouvernance plus horizontaux. On pense notamment au partage de semences via le Réseau Semences Paysannes, aux Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), au Groupe d’Expérimentation et de Recherche - Développement et Actions Localisées (GERDAL) et aux multiples autres projets de recherche liant le monde académique et le monde rural.
Les low tech offrent un point de mire fertile pour réfléchir à l’innovation. Les low tech – que ce soit une toilette sèche ou une machine agricole – ne se réduisent pas à leur matérialité et à leur technicité. On peut difficilement mesurer leur « succès » ou les chiffrer en termes de part de marché. Il faut, au contraire, considérer les low tech comme des objets culturels et sociaux, qui existent à travers des pratiques, des sensibilités, des valeurs, des choix éthiques. Pouvoir réparer soi-même, s’entraider, s’organiser en coopérative, diffuser des plans de construction sous licence libre, lutter contre le complexe agro-industriel, critiquer la robotisation et le numérique : cet article a montré que les pratiques autour du low tech sont indéniablement des pratiques politiques. Parmi les nombreuses questions qu’un tel constat ouvre, citons-on en deux : comment traduire ces pratiques en problème de politique publique ? Et comment les traduire à un public d’élèves et d’étudiants ?
[1] La fabrication de ces plans soulève aussi la question de l’utilisation de technologies et d’outils numériques, comme Internet et les logiciels informatiques pour pouvoir dessiner des plans en 3D. En d’autres termes, se pose la question d’outils qu’on peut qualifier de « high-tech ». Si l’Atelier Paysan est conscient de ces questions et enjeux, il ne porte pas un discours officiel sur le sujet.
Références bibliographiques
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