Transition énergétique et agriculture : quels enjeux pour l’agronomie ?
Résumé
La transition énergétique du pays aura des impacts forts sur l’évolution des systèmes de production agricole, et concerne l’ensemble des filières de production actuellement présentes. Il s’agira de réduire, ou dans certains cas de supprimer la dépendance des exploitations agricoles aux énergies fossiles, et par ailleurs de contribuer à la réussite du déploiement des énergies renouvelables en France. Si cette transition énergétique est incontournable pour le monde agricole, les enjeux pour l’agronomie sont multiples. Les objectifs sont de développer ou réinventer des systèmes de production moins dépendant aux ressources fossiles (carburants, intrants…), d’intégrer une production d’énergie renouvelable dans les exploitations agricoles et les territoires ruraux en trouvant les bons équilibres avec les fonctions agricoles, et d’évaluer au mieux les services rendus et impacts des installations d’énergies renouvelables dans les écosystèmes. Il est ainsi probable que la transition énergétique nécessaire du pays contribue à transformer en profondeur les systèmes agricoles comme ça a déjà été le cas avec l’arrivée massive de l’énergie en agriculture dans la deuxième moitié du XX siècle. Face à ces changements inévitables, les métiers d’agronomes sont au cœur de ces réflexions, et ont un rôle essentiel pour contribuer à guider ces évolutions dans des approches globales et systémiques.
Mots-clés : Energie, Énergies renouvelables, Agriculture, changement climatique
Abstract
The energy transition will have strong impacts on the French agriculture. It concerns all the production sectors. It implies reducing, and in some cases eliminating, the dependence of farms on fossil fuels, and contributing to the successful deployment of renewable energies in France. While this energy transition is unavoidable for the agricultural sector, the challenges for agronomy are multiple. The objectives are (i) to develop or reinvent production systems that are less dependent on fossil resources (fuel, synthetic fertilizers, etc.), (ii) to integrate renewable energy production into farms and rural areas by finding the right balance with agricultural functions, and (iii) to evaluate the services provided and the impacts of renewable energy facilities to ecosystems. It is thus likely that the country's necessary energy transition will contribute to the in-depth transformation of agricultural systems, as it was already the case with the massive arrival of fossil energy in the second half of the 20th century. Agronomists have an essential role to play in integrating these inevitable developments in global and systemic approaches.
Keywords : Energy, Renewable energy, Agriculture, Climate change
Introduction
L'urgence climatique et la nécessité de reprendre en main notre souveraineté énergétique appellent à réduire notre consommation d’énergie et à développer les énergies renouvelables (EnR) à un rythme jamais égalé (2022, Programmations pluriannuelles de l’énergie). Le cap est clair, il faut accélérer la réduction de nos consommations d’énergie et le développement des énergies renouvelables qui deviendront la principale source d’énergie. Ainsi, dans tous les scénarios « Transition(s) 2050 » étudiés par l’ADEME, la part des EnR dans l’approvisionnement énergétique en 2050 est comprise entre 70 % et 88 %. A cet horizon, le fossile disparait pratiquement du mix énergétique en 2050. C’est en effet une des conditions nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone.
L’agriculture se trouve souvent au centre de multiples débats de la transition énergétique et écologique du pays. Les enjeux pour ce secteur sont majeurs, multiples, complexes et dépassent très largement les questions d’énergie (biodiversité, stockage carbone, réduction des gaz à effet de serre, pesticides, alimentation…). Les orientations des systèmes agricoles ne peuvent s’appréhender que dans le cadre d’approches globale et systémique permettant de prendre en compte l’ensemble des dimensions environnementales, économiques et sociologiques de ce secteur. C’est bien sous ces principes que l’orientation des systèmes alimentaires et agricoles a été abordée dans les scénarios « Transition(s) 2050 » étudiés par l’ADEME (ADEME, 2022. Transition 2050).
Parmi ces enjeux, l’impact de la transition énergétique sur les systèmes agricoles est néanmoins une question spécifique à part entière. La crise énergétique actuelle met en exergue la fragilité des modèles économiques construits sur des importations d’énergie à bas coût, et souligne la nécessité d’accélérer la transition énergétique. Pour le monde agricole, les transformations attendues pour les prochaines années sont probablement des bouleversements de même ampleur que ceux observés dans les dernières décennies du XXe siècle avec l’utilisation massive de l’énergie. Aussi, si l’utilisation de l’énergie en agriculture a conditionné et orienté en profondeur les modèles agricoles des précédentes décennies (mécanisation, intrants, systèmes hors sols, transport…), il va sans dire que cette transition énergétique va réorienter à nouveau en profondeur les systèmes agricoles. Difficile de prévoir quel sera exactement le modèle énergétique des exploitations agricoles en 2050, mais il ne pourra être que faiblement dépendant aux ressources fossiles, pour certains totalement autonome, et pour la plupart contributeur au mix énergétique du pays.
Rappel des enjeux de la transition énergétique
La part des énergies renouvelables (EnR) est en croissance régulière depuis de nombreuses années, avec une production en hausse de 70 % entre 2005 et 2020 en France métropolitaine. Leur part dans la consommation finale d’énergie représentait près de 15 % en 2015 et 19,1 % en 2020. La France reste néanmoins très en retard sur le déploiement des énergies renouvelables qui avait pour objectif d’atteindre 23% d’EnR en 2020. A l’horizon 2030, la loi fixe l’objectif de 33 % d’EnR.Une accélération du rythme de déploiement des EnR en France est donc indispensable (ADEME, 2022. Marchés et emplois concourant à la transition énergétique dans les secteurs des énergies renouvelables et de récupération, des transports terrestres et du bâtiment résidentiel). Par ailleurs, au niveau de l’Europe, la Commission vient de relever l’objectif à 2030 de 40 % à 45 % d’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie finale.
Pour atteindre ces taux, une forte réduction de la consommation énergétique est incontournable, avec un objectif de réduction de 50 % d’ici 2050 par rapport à la référence 2012. Le développement des EnR et la réduction de la consommation permettront de réduire notre recours aux énergies fossiles, dont l’objectif fixé dans la loi est de -40 % d’ici 2030, par rapport à 2012.
La transition énergétique et l’objectif de neutralité carbone en 2050 transforment et vont continuer à transformer en profondeur l’ensemble de notre société. L’accélération des EnR permet en partie de relocaliser sur notre territoire la production d’énergie et représente donc aussi un atout de taille pour l’économie et la création d’emplois locaux, notamment dans les zones rurales. Ainsi, le poids des EnR dans l’économie française s’est accru : elles sont ainsi à l’origine, en 2019, de 10,3 Md€ d’investissement et de 107 000 emplois en équivalent temps plein directs, soit une hausse de 21 % par rapport à 2017[1]. Dans le cadre de France 2030, la France prévoit par ailleurs d’investir près d’un milliard d’euros pour soutenir l’innovation et le développement sur le territoire français d’entreprises de fabrication d’équipements d’énergies renouvelables, dont 500 M€ pour l’innovation et 400 M€ pour l’industrialisation.
Cette vision de long terme doit permettre aux entreprises, et notamment à l’agriculture de s’investir en confiance dans la transition. Néanmoins, au-delà des aspects techniques et économiques, cette transition profonde du modèle énergétique de la société pose aussi la question clé de son acceptabilité sociale par l’ensemble de la population et des acteurs économiques et notamment du monde agricole. L’appropriation des objectifs de la transition par les citoyens et les acteurs économiques constitue donc aussi l’un des enjeux stratégiques des prochaines années, et une des conditions de réussite de ces transformations nécessaires.
Quelle contribution du monde agricole à la transition énergétique ?
Plusieurs études ont été conduites ces dernières années sous différents angles de la question énergétique dans le monde agricole. L’analyse reprend les principaux enseignements et conclusions de ces analyses.
Réduire la dépendance énergétique de l’agriculture
Avec 3,43 millions de tonnes équivalent pétrole par an, la consommation d’énergie finale du secteur agricole en 2020 représente 3 % de la consommation totale d’énergie de la France et une facture énergétique d’environ 3,2 milliards d’euros. A cela s’ajoute la consommation indirecte d’énergie liée à la fabrication des intrants, et en particulier des engrais azotés et des aliments. A noter qu’au niveau des émissions de GES, la contribution du secteur agriculture-forêt est nettement plus significative avec environ 20 % des émissions nationales. Même si les enjeux du secteur sont globalement plus orientés vers l’atténuation des émissions de GES que vers la maîtrise de l’énergie (contrairement aux secteurs d’activité pour lesquels les enjeux énergie et GES sont corrélés), la maitrise de la consommation d’énergie et l’amélioration de l’efficacité énergétique constituent des leviers importants et des enjeux majeurs de performance économique pour plusieurs systèmes de production (production sous serre et bâtiments d’élevage par exemple).
Le bilan énergétique du secteur (énergie directe) est dominé par les produits pétroliers qui représentent 72 % de la consommation énergétique agricole en 2015, suivis par l’électricité (17,6 %) et le gaz (10,5 %). Le principal poste de consommation, et donc de dépense énergétique, est le machinisme agricole avec les tracteurs, engins automoteurs et véhicules utilitaires (60 % de la consommation d’énergie). Viennent ensuite le poste bâtiments d’élevage (11 %) et les serres et abris hauts (10 %). Les exploitations en grandes cultures, en bovins lait et en maraîchage sous serres totalisent les plus fortes consommations d’énergie et charges économiques liées. Elles sont de ce fait les plus sensibles aux variations des prix de l’énergie. Selon les scénarios, le potentiel de réduction de la consommation d’énergie en agriculture à l’horizon 2050 a été estimé entre -26% et -45% (ADEME, 2019. Agriculture et efficacité énergétique).
Contribuer au déploiement des énergies renouvelables
En 2018, l’ADEME a publié une étude visant à objectiver la place du monde agricole dans le développement des énergies renouvelables (ADEME, 2018. Agriculture et énergies renouvelables). Elle montre que le monde agricole contribuait déjà à la production de 20% des EnR nationales (sans compter la contribution du secteur de la forêt). Avec 4,6 Millions de Tonnes Equivalent Pétrole (Mtep), les exploitations agricoles participaient dès 2018 davantage à la production d’EnR qu’elles ne consommaient d’énergie. L’analyse estimait qu’environ 15% des exploitations agricoles contribuaient déjà à la production d’énergies renouvelables sous différentes formes.
Parmi plus de 50 modèles économiques différents analysés, il ressort quatre grands modes de contribution de l’agriculture au développement des énergies renouvelables :
- L’autoconsommation de chaleur et d’électricité pour réduire la facture énergétique de l’exploitation (géothermie, solaire thermique, photovoltaïque, méthanisation) ;
- La production et la vente de biomasse pour la production d’énergies renouvelables (cultures pour les biocarburants et la méthanisation, bois pour la chaleur) ;
- La vente d’électricité ou gaz directement sur les réseaux (photovoltaïque, méthanisation) ;
- La mise à disposition de surface pour les installations de panneaux solaires ou d’éoliennes.
En 2015 cette activité représentait un chiffre d’affaires d’1,4 milliard d’euros soit l’équivalent de 2% du chiffre d’affaires de l’agriculture française. Ce chiffre d’affaires était essentiellement porté par la biomasse, pour 1 milliard d’euros, suivi du photovoltaïque, pour 109 millions d’euros, de la méthanisation et de la biomasse chaleur, pour respectivement 88 et 85 millions d’euros et, dans une moindre mesure, 34 M€ pour la mise à disposition d’espaces permettant l’installation d’éoliennes. Ces premiers résultats soulignent que la transition énergétique est déjà une réalité pour le monde agricole, et qu’elle constitue aussi une opportunité économique avec des filières en développement
Les analyses prospectives mettent en évidence un potentiel important de développement des EnR en agriculture. La production d’énergies renouvelables pourrait être multipliée par 2 à l’horizon 2030 (et 3 à l’horizon 2050) grâce au développement de la méthanisation, du photovoltaïque et de l’éolien notamment. Ces perspectives de fort développement se renforcent avec la crise énergétique, la volonté politique d’accélérer le développement des EnR et le dynamisme d’innovation sur ce secteur. Par ailleurs, les sondages montrent un réel intérêt des agriculteurs pour les EnR. Un récent sondage réalisé par l’ADEME montrait par exemple que 74% des agriculteurs estiment pouvoir réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par leur exploitation, et qu’un agriculteur sur deux envisage des projets EnR sur leur exploitation.
Questionnements pour l’agronomie
La transition énergétique va donc inévitablement impacter en profondeur les systèmes de production agricole, et cela sur des rythmes d’évolution très soutenus. En 2050, l’agriculture sera nécessairement faiblement dépendante des ressources fossiles et fortement contributrice au mix énergétique de la France. Ces transformations profondes impactent les systèmes de production dans leur ensemble et posent donc de multiples questions aux métiers de l’agronomie. Sans être exhaustif et au regard des questions récurrentes, nous pouvons souligner quelques thématiques importantes.
Améliorer les bilans environnementaux des filières EnR agricoles
La justification du développement des EnR repose sur le principe d’un bilan environnemental meilleur que les énergies conventionnelles, donc d’un service environnemental rendu. L’évaluation environnementale des filières EnR constitue donc une question stratégique qui conditionne les orientations politiques. Dans le domaine agricole, ces questions sont complexes, et se heurtent souvent à des problématiques d’agronomie. A titre d’exemple, on peut mentionner le questionnement sur : l’impact des installations photovoltaïques ou éoliennes sur les sols et la biodiversité locale, l’impact des prélèvements de biomasse sur les écosystèmes (forêts, haies…) et sur les puits de carbone, l’impact du développement des usages de la biomasse sur les pratiques agricoles (fertilisation, irrigation…), sur les changements d’affectation des sols et sur les modifications d’assolement, les risques de concurrence avec les filières alimentaires, la gestion du retour aux sols des digestats et des cendres… Certaines filières amènent sur le marché de nouveaux intrants pour l’agriculture qu’il faut caractériser (composition, méthodes d’utilisation/application…), comme le biochar avec la pyrogazéification de la biomasse. Quelle que soit la filière considérée (biogaz, PV, éolien, bois énergie, biocarburants…), l’expertise des agronomes est indispensable à la construction du bilan environnemental complet, et à l’objectivation des forces et faiblesses du service environnemental rendu.
En termes de méthode, l’Analyse de Cycle de Vie est régulièrement utilisée pour analyser et comparer la performance environnementale des EnR avec les ressources classiques. La contribution de l’agronomie est ici à deux niveaux. Il s’agit d’une part de participer à l’amélioration de la méthode ACV pour corriger ses points faibles notamment sur la prise en compte des sols et de la biodiversité. L’enjeu est d’autre part pour les agronomes d’apporter par d’autres méthodes et outils des analyses et regards complémentaires à ces évaluations.
Intégration des EnR dans le système de production agricole : Synergie ou concurrence ?
Pour chaque type d’énergie renouvelable, il existe une grande diversité de modalités d’intégration dans les systèmes agricoles. De manière schématique, on peut considérer que la production d’énergie peut être concurrente à l’activité agricole classique, ou au contraire dans d’autres cas, être totalement intégrée au fonctionnement du système agricole. Là aussi, l’expertise des agronomes est essentielle pour faciliter et développer cette synergie.
La question du photovoltaïque en agriculture illustre parfaitement ce débat et cette diversité de situations. L’étude sur le développement du photovoltaïque sur terrains agricoles a identifié 23 modèles d’intégration (ADEME, 2022. Photovoltaïque et terrains agricoles) différents du photovoltaïque dans les exploitations agricoles. A titre d’exemple, on retrouve dans les extrêmes les centrales au sol avec des parcelles dédiées, sans aucune activité agricole, et à l’opposé le modèle « agrivoltaïque » avec une recherche de synergie maximale entre la production d’énergie et l’activité agricole. Dans ce dernier cas, le système photovoltaïque doit répondre à un besoin et apporter un service agronomique à l’activité agricole, notamment de protection des cultures des effets du changement climatique et de renforcement de la résilience du système de production. Dans ce système, et contrairement aux centrales au sol, l’activité agricole de production reste la fonction première de la parcelle accueillant un tel système.
Cette diversité de situations et de niveau d’intégration peut s’observer et s’analyser pour toutes les EnR. Par exemple, pour la méthanisation, on retrouve cette grande diversité avec, dans certains cas, des cultures énergétiques dédiées au méthaniseur et dans d’autres, des méthaniseurs intégrés totalement au système d’élevage pour la gestion biologique des effluents d’élevage. Ainsi, l’introduction du méthaniseur dans une exploitation agricole peut modifier plus globalement le fonctionnement du système agricole dans son ensemble et peut être un levier, dans certaines conditions, pour le déploiement de pratiques agroécologiques. On peut aussi souligner que l’introduction de l’agroforesterie et des haies pour la production de bois énergie est aussi un exemple de synergie recherchée permettant de produire de la biomasse et d’enrichir la biodiversité et la résilience du système de production.
Le développement incontournable des énergies renouvelables dans les exploitations agricoles ne peut se dissocier du fonctionnement global du système agricole. Il suppose la recherche d’une synergie entre les activités de production d’énergie et le fonctionnement agronomique des systèmes agricoles. Là aussi, l’expertise et le conseil des agronomes est indispensable pour la recherche de ces compromis et synergies au niveau de chaque exploitation et de chaque territoire.
Moindre dépendance, voire autonomie, aux ressources fossiles
Le troisième enjeu de la transition énergétique pour l’agronomie porte sur la nécessaire forte réduction de la consommation énergétique de l’agriculture, et le renforcement de son autonomie vis-à-vis des énergies fossiles. Comme souligné précédemment, l’agriculture conventionnelle est très dépendante des énergies fossiles, alors que l’objectif de neutralité carbone en 2050 nous oblige à limiter drastiquement l’utilisation de telles ressources.
De multiples solutions aussi bien technologiques qu’organisationnelles existent et permettraient de réduire significativement la consommation énergétique du secteur agricole. Le potentiel de réduction a été évalué entre 26 à 45 % à l’horizon 2050 selon le niveau de déploiement des solutions. Concernant les consommations de carburant agricole, les économies d’énergie sont principalement possibles par la mise en œuvre de pratiques du sol simplifiées (labour moindre, travail des sols moins en profondeur), de nouvelles associations de cultures et de la modification des modes d’élevage des herbivores. Pour les productions animales, deux orientations se dessinent et se développeront conjointement, l’une basée sur des systèmes d’élevage principalement « en bâtiment » utilisant les technologies économes en énergie (ventilateurs économes, récupérateur ou échangeur de chaleur) et l’autre basée sur des systèmes d’élevage avec plus de phases en extérieur pour les animaux (limitant les consommations des bâtiments). Enfin, l’autonomie énergétique des exploitations pose aussi la question de la réduction de consommation d’engrais de synthèse, et donc la réintroduction des légumineuses dans les assolements, le pilotage fin de la fertilisation azotée et la valorisation des déchets organiques.
Ces évolutions indispensables amènent des modifications profondes sur le fonctionnement du système de production dans son ensemble. On retrouve d’ailleurs dans la plupart des orientations les principes de l’agroécologie.
Changement d’échelle nécessaire : planification territoriale de la transition énergétique
Si la transition énergétique génère des transformations profondes à l’échelle des exploitations agricoles, elle renforce aussi la nécessité de développer des approches d’agronomes à l’échelle des territoires pour l’organisation et la planification de la transition.
Il s’agit notamment de mieux évaluer et suivre les ressources disponibles pour la transition énergétique. La connaissance de la biomasse disponible sur chaque territoire est indispensable pour évaluer les plans d’approvisionnement, et garantir la compatibilité du développement des filières avec le potentiel du territoire et la durabilité de la ressource. L’enjeu est également d’analyser l’impact du changement climatique sur les gisements de biomasse et de construire des stratégies d’adaptation au changement climatique (choix variétaux, itinéraires techniques, gestion de l’eau…) permettant de maintenir durablement le potentiel de production. Cette analyse territoriale constitue une difficulté majeure, pourtant essentielle pour adapter les niveaux d’investissement au potentiel réel de biomasse.
Le changement d’échelle est également nécessaire à la construction et l’accompagnement des projets. De nombreux projets d’EnR sont à construire en collectif, avec plusieurs agriculteurs, mais aussi des collectivités, des entreprises voire des particuliers dans le cas de projets d’énergie partagée. La mise en œuvre de la transition énergétique suppose de décloisonner les secteurs, de favoriser les projets collectifs, et aussi de permettre une implication des riverains et des citoyens dès le début du projet. Des métiers d’accompagnement ou d’animateurs territoriaux émergent de plus en plus pour permettre la réalisation de projets collectifs et créer les conditions d’adhésion et de succès.
Conclusions
La transition énergétique et écologique du pays est en cours, et va s’accentuer dans les prochaines années. Toutes les analyses confirment le rôle essentiel et stratégique de l’agriculture pour la réussite de cette transition. La neutralité carbone ne peut pas être atteinte sans une contribution forte de ce secteur !
Parmi les multiples enjeux, la question spécifique de la transition énergétique amène des changements en profondeur des systèmes agricoles tant pour sortir de leur dépendance aux ressources fossiles, que pour contribuer massivement à la production d’énergies alternatives. On peut raisonnablement considérer que la question énergétique va à nouveau conditionner les orientations agricoles des prochaines décennies, comme cela a été le cas dans le passé.
Les interactions avec le fonctionnement agronomique du système agricole se posent à tous les niveaux, tant dans les changements nécessaires des pratiques agricoles, que dans l’intégration des énergies alternatives. Face à ces transformations inévitables, les métiers d’agronomes ont un rôle essentiel pour guider ces évolutions dans des approches globales et systémiques, et contribuer à donner des perspectives positives et motivantes pour le monde agricole.
Références bibliographiques
Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires, 2022. Programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE).https://www.ecologie.gouv.fr/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe
ADEME, 2022. Transition 2050.https://transitions2050.ademe.fr/
ADEME, 2022. Marchés et emplois concourant à la transition énergétique dans les secteurs des énergies renouvelables et de récupération, des transports terrestres et du bâtiment résidentiel. https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/5841-marches-et-emplois-concourant-a-la-transition-energetique-dans-les-secteurs-des-energies-renouvelables-et-de-recuperation-des-transports-terrestres-et-du-batiment-residentiel.html
ADEME, 2022. Photovoltaïque et terrains agricoles : un enjeu au cœur des objectifs énergétiques.https://presse.ademe.fr/2022/04/photovoltaique-et-terrains-agricoles-un-enjeu-au-coeur-des-objectifs-energetiques.html
ADEME, 2019. Agriculture et efficacité énergétique.https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/912-agriculture-et-efficacite-energetique.html
ADEME, 2018. Agriculture et énergies renouvelables.https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/1545-agriculture-et-energies-renouvelables.html
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