L’agriculture est à la fois, une des causes, et également confrontée aux conséquences du changement climatique et du dérèglement associé. Outre le réchauffement moyen, ce changement se matérialise par une fréquence accrue des épisodes de sécheresse prolongés, des précipitations massives à certains moments aboutissant à des excès d’eau, rendant plus irrégulière la pluviométrie pendant la période culturale. Dans le même temps, les systèmes de culture évoluent dans un contexte de transition agroécologique, avec notamment un moindre travail du sol, une couverture végétale plus longue et une diversification des espèces cultivées et de leur assemblage (cultures associées, semis sous couvert, etc.). Au total, l’alimentation en eau des cultures est plus difficile à gérer et les connaissances acquises sur le fonctionnement hydrique des sols remises en cause.

Le sujet de la gestion de l’eau est abordé régulièrement dans notre revue. En 2012, nous avions proposé la synthèse des travaux de l’Unité Mixte Technologique Eau portant sur l’évolution de l’irrigation en relation avec la gestion de l’évolution quantitative de l’eau, puis le thème de l’eau revient de manière récurrente dans d’autres dossiers thématiques d’Agronomie, environnement & sociétés, que ce soit dans la relation de l’agriculture au changement climatique (en 2015) ou aux ressources naturelles (en 2016 et en 2020), dans le rôle des politiques publiques en agriculture (en 2013 et en 2021), ou dans les démarches innovantes d’agronomie clinique dans les territoires (en 2019 et en 2021).

Ce nouveau numéro, totalement consacré à la question de la gestion de l’eau, est original à deux titres. D’une part, il aborde la question de l’eau agricole dans la double perspective de l’adaptation de l’agriculture au changement climatique et d’une approche globale de la gestion de l’eau (stockage et usages).  Et d’autre part, ce numéro associe les compétences des pédologues et des agronomes, à la suite du débat agronomique de mars 2022, pour mieux prendre en compte les interactions entre les différents compartiments du milieu de culture. Du fait de la forte dynamique actuelle des changements structurels du climat et des systèmes de culture, et de la diversité et la complexité accrue des interactions à prendre en compte qui créent une plus forte incertitude, ce numéro vient ainsi contribuer à la révision de certains des concepts établis de longue date par les agronomes et les pédologues et à en inventer de nouveaux.

Ce numéro apporte ainsi un éclairage, à la fois global et local, sur les effets du changement climatique et de la transition agroécologique sur la gestion de l’eau et fait état de recherches, d’expériences et de témoignages sur la façon dont les agronomes et les pédologues font évoluer leurs concepts, approches, démarches, méthodes et outils pour aborder ce double défi.

Il ressort de la lecture que la tâche est immense et à peine amorcée car non seulement il faut tenir des interactions entre systèmes, climat et sol à l’échelle locale mais l’accélération du changement climatique constitue un véritable challenge en soi en remettant en cause la validité des références et des outils de gestion, à peine produits.  Ces travaux invitent les agronomes et pédologues à renforcer leur collaboration pour engager, avec d’autres, le changement de paradigme qui s’impose. Puissent nos organisations de recherche, de développement et de formation trouver l’agilité et la flexibilité nécessaires pour relever ce défi.

Bonne lecture.