Les Obligations Réelles Environnementales
Un outil innovant de politique publique pour protéger sur le long terme des ressources naturelles
Marc Benoît* et Héloïse Boureau*
*Centre d’Ecodéveloppement de Villarceaux
Contacts auteurs : paysagro@gmail.com, heloise.boureau@bergerie-villarceaux.org
Résumé
La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 a introduit les Obligations Réelles Environnementales (ORE) à l’article 132-3 du code de l’environnement. L’ORE est un nouvel outil constitutif de la stratégie foncière, valorisant les propriétaires volontaires, afin de protéger une ressource. Différentes ORE existent aujourd’hui, principalement pour protéger la biodiversité. Leur mise en place nécessite de nombreuses compétences complémentaires (droit, agronomie, écologie, hydrogéologie...) et un travail collectif transparent afin d’adapter le contrat aux contextes locaux. Des ORE protégeant la ressource en eau voient lentement le jour.
Les ORE sont des outils juridiques innovants, permettant aux propriétaires fonciers de redevenir acteurs des territoires. Elles peuvent être un outil de dialogue, de valorisation des actions bénéfiques à la société de façon générale. Les agronomes ont un rôle essentiel à jouer pour que les ORE soit utilisées de façon efficace, sans perdre les objectifs, dans notre cas, de protection de la quantité de l’eau. Ainsi, le métier d’agronome doit d’avantage identifier les systèmes de cultures non polluant en se projetant sur le temps long, afin de préserver les biens communs (eau, sol, biodiversité…), face au dérèglement climatique tout en assurant les services sociétaux attendus.
Mots-clés : stratégie foncière, politique publique, protection de la ressource en eau, bien commun, contractualisation, obligation réelle environnementale
Abstract
In 2016, the new law for biodiversity, nature and landscape introduced the “Obligations Réelles Environnementales” (ORE) through the article 132-3 of Environment Code. This new juridic tool focuses on the volunteer land owners to help them to protect a natural resource. Mainly used for biodiversity protection, their development needs a large range of competencies, as lawyers, agronomists, ecologists, hydrologists, and a collective work to adapt the contract to local context, with a high level of information transparency. Not so far, in the spirit, from the conservation easements, this new tool is a real revolution focusing on the very long term until 99 years).
This paper is organized in three parts: (i) the presentation of current failure in water protection in France, (ii) the juridic content of an ORE, the possible use for water protection, how to implement?, and finally, what are the contribution for agronomists in those cases?
Keywords : public policy, protection of water resources, Commons good, contract, property
Introduction
Les politiques publiques appliquées à l’agriculture en vue de protéger les ressources naturelles, sols, ressources en eau, biodiversité, sont globalement des échecs depuis deux décennies (Koller et Benoit, 2022). Les rapports de la Cour des Comptes, les arrêts du Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 2021), la mobilisation des syndicats d’eau, ne parviennent pas à ce jour à inverser cette tendance lourde. Il y a heureusement des réussites comme la protection de certaines espèces via la politique de zones protégées. Concernant la qualité des ressources en eau, certains progrès ont été réalisés sur les sites industriels ou les stations d’épuration mais sur de nombreuses des aires d’alimentation de captage en territoires agricoles, la situation se dégrade.
La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 a introduit l’outil des Obligations Réelles Environnementales à l’article 132-3 du code de l’environnement. Ce nouvel outil contractuel et foncier offre de nouvelles possibilités pour la protection de l’environnement. Les propriétaires fonciers voulant participer au maintien, à la conservation, ou à la restauration d’éléments de fonctions écologiques, peuvent consentir des obligations sur leurs biens pour une durée de 99 ans maximum, avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement.
Pour les ressources en eau, les pressions augmentent tant qualitativement que quantitativement. Leur gestion de plus en plus délicate mobilise la notion de bien commun, les Obligations Réelles Environnementales s’y insèrent en pointant une obligation partagée de protéger ces ressources.
État des lieux sur l’eau : ressource menacée
En France, sur 34 000 captages en exploitation, 4 811 fermetures de captages ont été recensées entre 1998 et 2008[1]. La principale cause d’abandon est la qualité de l’eau (soit 41 % des captages abandonnés) ; et 19 % d’entre eux sont liés à des pollutions diffuses d’origine agricole (nitrates et/ou pesticides). Si l’on regarde les fermetures de captages en Île de France, la part des abandons d’origine qualitative monte à 56 %, et l’origine par pollution diffuse augmente à 74 % (AESN, ARS Ile-de-France, DRIAAF, DRIEE IF, 2014).
Des épisodes récents de dégradation massive des ressources en eau, sont causés par des molécules d’usage agricole, comme le métachlore-ESA ou le chlorotalonil[1]. On note également que plus de la moitié (60%) de eaux brutes présentes des produits phytosanitaires ou/et métabolites. Le coût supplémentaire de traitement pour la production d’eau potable imputable à la filtration est estimé en 2023 entre 0,4 et 0,6 €/m3 (Castagnet et al., 2023). Ainsi, les coûts de traitement, incluant l’investissement et le fonctionnement, générés par l’utilisation de produits phytosanitaires (entre 260 et 360 Millions d’euros par an) et ceux liés à la dépollution des nitrates agricoles (entre 280 et 610 Millions d’euros) représentent un coût entre un demi et un milliard d’euros par an à la charge des collectivités, donc des consommateurs.
En somme, les dégradations des ressources en eau entraînent des coûts très importants d’investissement et de fonctionnement, répercutés au long terme sur la facture des usagers, et ne débouchent pas, à ce jour, sur une remise en cause des systèmes agricoles étant à l’origine de ces massives dégradations. Les textes importants que sont la Directive Cadre sur l’Eau, et la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques n’ont pas réussi à inverser ces dégradations. Ainsi, sur le bassin Seine-Normandie, si des actions fortes ne sont pas engagées rapidement, 48 des 57 masses d’eau n’atteindront pas l’objectif de reconquête des masses d’eau en 2027, date ultime retenue par la DCE (Agence de l’eau Seine-Normandie, 2019)
Comment préserver la ressource en eau, un bien commun ?
La nécessité d’une gestion collective
Les choses qui nous entourent peuvent être définies, d’après le code Justinien (535 AP JC), selon quatre catégories : n’appartenant à personne (res nullius), pouvant faire l’objet d’une appropriation, publique ou privée (res publicae ou privatae), et enfin les biens appartenant à tout le monde (res communes) (Helfrish et al., 2009). On admet généralement que les ressources naturelles, comme l’eau, font partie de cette dernière catégorie, et qu’à ce titre elles devraient être gérées par tous et pour tous.
L’exploitation d’une ressource naturelle commune, en quantité limitée et en libre accès, conduit nécessairement à sa dégradation, voire à sa disparition (Hardin, 1968). En effet, dans un cadre économique, des stratégies individuelles rationnelles conduisent à une utilisation commune irrationnelle : la surexploitation. Nous pouvons faire le parallèle avec la gestion de la qualité de la ressource en eau, qui dans la cadre de sa libre exploitation conduit vers une baisse de sa qualité (Baechler, 2012).
Le constat d’échec de la protection de la ressource en eau (Delcourt, 2014), décrit préalablement, vient en partie du fait que les gouvernances ne tiennent pas suffisamment compte de la complexité des systèmes homme-technologie-environnement (Pahl-Wostl, 2007), aussi bien dans les interactions entre les différents acteurs concernés, qu’au niveau des caractéristiques intrinsèques aux processus biologiques. Un ancrage des systèmes de gestion à une échelle locale, impliquant les acteurs (Prager et Freese, 2009), saisie par les questions de durabilité des écosystèmes et de réduction des externalités négatives humaines, pourrait permettre d’atteindre ces objectifs de maintien et d’amélioration de l’état de la ressource.
Dans la même dynamique, les travaux d’Elinor Ostrom montrent qu’une gestion collective des ressources est possible, sans leur porter préjudice, à certaines conditions. La coordination des nombreuses structures impliquées dans la production et distribution de l’eau fait apparaître des problèmes spécifiques qualifiés de « dilemme social »[2].Pour éviter que les intérêts individuels se développent au détriment des intérêts collectifs, une organisation collective légitime et partagée semble nécessaire.
Face à ces échecs de la protection de la ressource en eau, une nouvelle approche paraît nécessaire. Deux axes majeurs sont identifiés dans les politiques publiques :
- Tenir compte des latences agronomiques, pédologiques, hydrologiques et géologiques, souvent décennales, pour concevoir des dispositifs d’action sur le temps long,
- Associer plus étroitement les acteurs des territoires, qu’ils soient élus, habitants, propriétaires fonciers, exploitants agricoles, usagers de l’eau….
Pourquoi favoriser des solutions préventives ?
Cet échec, déjà mentionné, n’est pas dû à une stratégie financière car le budget des agences de bassin est conséquent pour protéger la ressource en eau. Le Conseil d’Etat a relevé que les pouvoirs publics avaient mobilisé les “outils les moins efficaces”, parfois même de manière contradictoire, plaidant pour “une agriculture à la fois plus intensive et plus écologique” (Conseil d’Etat, 2010). Le même rapport du Conseil d’Etat relevait l’insuffisante prise en compte des interactions entre les dimensions quantitatives et qualitatives des ressources en eau, en pointant l’impact grandissant du changement climatique sur cet aspect. Par conséquent, aujourd’hui, une part importante de l’origine des pollutions diffuses est d’origine agricole, responsable de 60 % des émissions de phosphates, 70 % de celles de pesticides et 75 % des nitrates (conseil d’État, 2010). Les conclusions de ce rapport éclairent encore aujourd’hui les raisons de l’échec actuel des politiques publiques à protéger les ressources en eau.
Pour lutter contre les dégradations d’une ressource naturelle, trois approches se distinguent : solutions palliatives (déplacer le problème en recherchant un autre site de production par exemple), curatives (réponse technique réduisant les dégradations comme le traitement de l’eau) ou préventives (supprimer ou réduire les dégradations provoquées).
Aujourd’hui, le traitement de l'eau ou l'abandon du captage sont privilégiés par rapport à la prévention des pollutions diffuses dans l'aire d'alimentation du captage (Bénézit et al., 2014).
Les acteurs directement en charge de l’eau, pouvant se sentir démunis pour faire évoluer des pratiques agricoles polluantes, se satisfont de solutions court-termistes “plus simples à mettre en œuvre rapidement et apparemment efficaces à court terme” (Agence de l’Eau Seine-Normandie, Blanchoud et al., 2011) et moins coûteuses en termes de “coût de transaction avec le monde agricole” (Bénézit et al., 2014). Leur mandat est total sur cette gestion de la ressource en eau, et la responsabilité des élus est engagée, quel que soit l’ampleur du recours à des entreprises délégataires du service public de l’eau ou non. En effet, les solutions préventives nécessitent des politiques ambitieuses et sur le long terme. A titre d’exemple, la ville de Munich évalue d’un centime par m3 de mise en œuvre de protection préventive intégrale sur son bassin versant de 9200 ha, comparé à plus de 32 centimes d’euro par m3 pour le traitement curatif nitrate et pesticides.
De plus, d’après une étude menée par l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN, 2011), les solutions curatives semblent rentables lorsque la SAU concernée augmente. En revanche, les solutions préventives semblent pertinentes lorsque le volume d’eau prélevé augmente. Économiquement, à chaque captage, les gestionnaires doivent se questionner.
Toutefois, nous remarquons que les solutions palliatives et curatives ont un horizon temporel limité. En effet, lorsque toutes les eaux seront polluées, et qu’il sera difficile techniquement de traiter l’eau, le prix de l’eau potable augmentera durablement pour les citoyens. Alors, nous aurons la double peine car nous devrons à la fois payer des solutions curatives devenues indispensables à court terme et des solutions préventives nécessaire sur long terme.
Quelles solutions de protection préventive de la ressource en eau, ancrées localement et collectives favoriser ?
La protection des eaux sur le long terme nécessite de maintenir sur le long terme, des pratiques agricoles vertueuses, et de les maintenir. Il existe plusieurs gammes de solutions préventives comme l’ont recensé et expliqué Hermon, Doussan, et Grimonprez (2020).
Les solutions préventives existantes mises en œuvre
Jusque-là, des Paiements pour Services Environnementaux (PSE), dont font partie les Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) sont les seules solutions pour accompagner financièrement les agriculteurs volontaires vers le changement. Ces contrats, d’une durée maximum de cinq ans, engagent l’exploitant à mettre les moyens nécessaires pour atteindre un objectif, sans obligation de résultat. Cet accompagnement financier, centralisé par l’État, n’est pas favorisé dans les zones à enjeux type eau, comme le rappelle le Tribunal Administratif de Rennes dans son arrêt rendu sur les bassins à algues vertes (T.A.R.,2021). Par exemple, les aides accordées à l’agriculture biologique ne sont pas majorées dans les surfaces situées dans une aire d’alimentation de captage.
Compte tenu des investissements financiers réalisés et de l’absence de diminution de pratiques polluantes, ni ces solutions préventives à court terme, avec des exploitants volontaires, ni les lois imposées par les autorités centrales ne semblent efficaces. Par conséquent, nous cherchons à explorer des approches alternatives afin d’atteindre les résultats escomptés.
Les conditions de réussites collectives
Le respect des huit principes de conception (Ostrom E., 1990), facteurs fondamentaux influençant la survie d’une dynamique collective sur le long terme, semble nécessaire. Ainsi, protéger et gérer collectivement un bien commun implique de caractériser la ressource, de cerner les enjeux. Des règles d’usage clairement établies entre les acteurs, des mécanismes de résolution de conflits, une réglementation des pratiques impliquant un dispositif de surveillance et des sanctions graduelles en cas d’infraction sont nécessaires. L’ensemble des parties prenantes concernées, qualitativement ou quantitativement par la ressource, doit être intégré dans un processus équitable, reconnaissant un poids identique à tous, afin de dégager une vision partagée et acceptée sur le territoire (Swallow et al., 2006). La stabilité de ce système repose également sur la légitimité et la transparence d’une autorité moteur et dynamique, coordonnant les actions.
Ainsi, un cadre commun permet de saisir la complexité et les dynamiques locales. Les individus et structures impliquées, informées, inscrites dans une dynamique de coopération collective avec des moyens répartis équitablement, sortent des raisonnements de l’homo-economicus, maximisateur et rationnellement égoïste (Bonvin, 2005) pour que les comportements individuels rationnels ne conduisent pas à des résultats collectivement irrationnels. Une remise en question des systèmes de gouvernance existant est alors nécessaire, afin de relocaliser les réflexions, de responsabiliser et d’adapter l’organisation et les actions à chaque territoire. Cela nécessite un apprentissage collectif développant la capacité des acteurs à construire ensemble une réponse adaptée face à un problème singulier, malgré les incertitudes identifiées.
Les ORE, peuvent-elle être un élément de réponse ?
Pour protéger la ressource en eau, nous cherchons des outils adaptés au pas de temps de cette ressource, à savoir le long terme, privilégiant les actions préventives, où toutes les parties prenantes sont impliquées et s’auto-organisent afin de créer une réponse adaptée à leur contexte.
Les ORE, ne relevant ni strictement de l’État, ni du marché, sont appropriables par toutes les parties prenantes de l’eau des territoires. Ce nouvel outil foncier, volontaire, basé sur le dialogue, pourrait permettre d’instituer une nouvelle forme de gouvernance et de gestion collective de l’eau, en impliquant les acteurs en présence, responsabilisant les territoires.
Les ORE
Origine de l’outil
L’ORE est un outil permettant de protéger un bien commun, dont la qualité se dégrade rapidement, comme l’eau, la biodiversité. Il répond donc à un besoin de société.
La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a introduit l’outil des Obligations Réelles Environnementales dans le code de l’environnement, et vient apporter un nouveau dispositif contractuel et foncier aux outils de protection de l’environnement existants. Il fait écho à l’article 2 de la Charte de l’environnement, « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement », permettant ainsi à tout un chacun, propriétaire d’un fonds, de prendre à sa charge, et à celle des propriétaires successifs, une obligation dont la finalité est de protéger, maintenir ou restaurer l’environnement. Ce nouvel outil vient compenser le manque de moyen à disposition des propriétaires et co-contractants désirant participer à la protection de l’environnement sur le long terme. La genèse de cet outil est le fruit de divers études et propositions[3] en faveur de la création d’une servitude conventionnelle environnementale. Une servitude, en droit français, est « une charge imposée sur un héritage pour l’usage ou l’utilité́ d’un héritage appartenant à un autre propriétaire » (Code civil, article 637). Cependant, contrairement à une servitude, les engagements d’un propriétaire dans une ORE se fait sans besoin de fonds dominant et servant.
La très faible application du principe pollueur-payeur dans les cas de dégradations d’origine agricole des ressources en eau renforce l’intérêt des ORE. Comme la Cours des comptes le soulignait déjà en 2003, la France applique à ses agriculteurs, “non pas le principe pollueur-payeur mais le principe pollueur/pas payeur/bénéficiaire des aides des agences de l’eau”. Aussi, l’ORE est un outil permettant de valoriser les non pollueurs (maintien de pratiques vertueuses), et de ne pas subventionner les pratiques non vertueuses pour les biens communs, comme l’eau.
Ce service pour la protection de biens communs peut s’appliquer aux ressources en eau, aux habitats et à la biodiversité, ou à toute valeur reconnue par les parties. Cette reconnaissance sociétale financière du service rendu est encore en phase de test. Son impact pourra être estimer avec différents territoires d’applications et quelques années de recul.
Un cadre juridique sécurisé, souple et innovant
Les ORE représentent une “innovation importante, à un double point de vue, politique et technique” (Reboul-Maupin et al., 2016) mais aussi juridique. L’invention des ORE répond à des besoins essentiels pour la protection de l’environnement :
- des obligations qui sont réellesc’est-à-dire liée dans notre cas au foncier et non pas au propriétaire. C’est une force importante de ce contrat : une fois actée, l’obligation demeure sur toute la durée prévue, quels que soient les propriétaires. Lors de la vente d’un bien immobilier faisant l’objet d’une ORE, le vendeur doit en informer les acquéreurs potentiels (C. civ., art. 1112-1), toute dissimulation peut entraîner une demande d’indemnisation ou de l’annulation de l’acte de vente (C. civ., art. 1638)
- Une durée longue de contractualisation possible : le choix de la durée reste libre, mais elle ne peut excéder 99 ans. La perpétuité n’a pas été retenue dans le texte conformément au droit commun des contrats (C. civ., art. 1210), bien que retenue par des outils similaires dans d’autres pays. Bien qu’il n’y ait pas de limite inférieure de durée, il semble essentiel que la durée minimale de l’ORE soit calquée sur la durée des cycles biogéochimiques ciblés. Cette durée peut-être également définie selon une stratégie foncière locale globale assurant la continuité des bonnes pratiques.
- Un contrat nécessairement volontaire : le propriétaire ainsi que le co-contractant sont libres de consentir ou non à une ORE : cela demeure un outil fondé sur le volontariat des parties. Ainsi, les contractants de l’ORE, au lieu d’en être une cible, ils en deviennent les auteurs. Mais une fois actée, l’obligation demeure sur toute la durée prévue par le contrat, quels que soient les propriétaires à venir. Ainsi, sans remettre le droit de propriété en cause, l’ORE est un outil initiant des projets collectifs où l’intérêt commun de protection des ressources peut se supplanter à des gestions individuelles.
- des engagements réciproques à définir ensemble : une grande liberté est laissée aux parties concernées pour définir les modalités du contrat, ce qui permet une souplesse de l’outil, adaptable aux contraintes du territoire et aux différents objectifs visés. En particulier le droit des aides publiques s'applique lorsque le "garant" est une personne publique. Une négociation entre le propriétaire et le co-contractant au service du bien commun doit être réalisée afin de trouver un accord adapté au contexte et assurant un impact positif sur la ressource visée. Les ORE sont encadrées par le droit commun des contrats, les clauses établies doivent entre autres respecter la substance de l’obligation essentielle du contrat (Deslauriers-Goulet, 2014) et d’autre part s’abstenir de clauses abusives créant un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat (C. civ., art. 1170 et art. 1171). Ainsi, l’engagement des parties doit être réciproque : la mise en place d’obligation réelle environnementale sur un bien doit être accompagnée d’action de la part du créditeur, sous la forme de prestation financière, technique ou d’accompagnement, en compensation des engagements faits par l’exploitant. L’outil se rapproche d’un contrat de type onéreux pour lequel « chacune des parties reçoit de l'autre un avantage en contrepartie de celui qu'elle procure » (C. civ., art. 1107). La compensation ne doit pas être dérisoire ou illusoire, mais sa nature et son montant sont laissés à l’appréciation des parties. Le contrat peut inclure des obligations de faire (dites “actives” : maintien de bonnes pratiques, conversion de parcelles…) ou de ne pas faire (dites “passives” : interdiction d’épandre des produits phytosanitaires ou de défricher des arbres…).
- intégrant des révisions dues à des changements de contextes importants : il n’y a pas de clauses imposées mais des éléments sont à préciser dans le contrat comme la durée des engagements, leurs natures, ainsi que les modalités de révisions et d’annulation. Le contrat doit prévoir les modalités de révisions des engagements réciproques. En effet, la période relativement longue durant laquelle peut courir les obligations, nécessite une anticipation des problématiques futures, afin d’éviter les situations de blocages. Dans le cas d’évènements particuliers et préjudiciables à la réussite des objectifs, la modification du contrat, sans pour autant le vider de sa substance initiale, doit permettre d’anticiper ces évolutions. Cela comprends aussi bien des difficultés économiques que des difficultés environnementale (évolutions climatiques impactant les écosystèmes par exemple). En cas d’impossibilité de mise en œuvre des obligations, d’une dégradation définitive et irréparable du bien, ou lorsque l’obligation n’a plus lieu d’exister, la résiliation du contrat peut être envisagée. Elle peut, selon les cas et des infractions commises, donner lieu à des dommages et intérêts au profit de la partie non défaillante.
- dans un cadre juridique sécurisant, assure son existence sur le long terme : le contrat est un acte authentique devant être signé par un officier public. Il fait également l’objet d’une publication à la publicité foncière. La loi pour la reconquête de la biodiversité ( LOI n° 2016- 1087, 2016) ayant modifié le décret n°55-22 du 4 janvier 1955 a cet effet : « Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles : 1° Tous actes, même assortis d’une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs : a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l’article L. 132-3 du Code de l’environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au Code civil (…) ». La publicité foncière répertorie et authentifie les droits réels existant sur les immeubles. L’inscription des ORE a ce registre, par un acte notarié, assure donc la traçabilité de ces contrats.
Les acteurs de l’ORE
La mise en œuvre d’ORE repose sur l’engagement réciproque des parties, dans un contrat bilatéral souscrit entre un propriétaire de biens immobiliers, et co-contractant dûment habilité. Pour la bonne réalisation de ce contrat, en cas de fermage, le propriétaire doit avoir l’accord et l’engagement de son locataire. De plus, il est possible que, pour des raisons financières, le co-contractant soit en lien avec un maître d’ouvrage dans une démarche de compensation. Pour mener à bien ce contrat, un animateur, qui peut-être le co-contractant, doit également être désigné. Ainsi, pour tous les acteurs impliqués, la signature d’ORE nécessite du temps de réflexions et d’échanges collectifs.
Les propriétaires sont les seuls à pouvoir consentir de déposséder leur bien d’une partie de leur liberté d’usage, afin d’œuvrer pour la préservation ou la restauration de la biodiversité ou de services écologiques. Les ORE sont donc fondées sur le volontariat du propriétaire. Le propriétaire s’engage à un usage particulier des ressources présentes sur son bien, à l’adoption de pratiques spécifiques ou bien renonce à certaines pratiques ou à certains modes de gestion (Benezech-Sarron, 2023). Comme déjà mentionné précédemment, les propriétaires ayant consenti à un bail rural ne peuvent, sous peine de nullité absolue (C.civ., art. 1179), mettre en œuvre une ORE sans l’accord du fermier. Cela permet de ne pas précariser les locataires dont les activités pourraient être directement impactées par les ORE. Toutefois, tout refus doit être motivé. Le statut du fermage entraînant une maîtrise exclusive du bien par le locataire, le fermier est alors seul à pouvoir mettre en application les clauses de l’ORE, les propriétaires ayant l’« interdiction de pénétrer sur le fonds et d’y accomplir le moindre acte d’usage » (C. civ., art. 1719, 3°). Ainsi, la retranscription des obligations au sein d’un bail apporte, pour le propriétaire, une assurance forte de l’application des mesures, sous peine de résiliation de bail. Autre solution : une convention d’usage, impliquant l’exploitant locataire, est possible, bien que cet outil soit plus fragile car le libre droit de jouissance du bien par le fermier peut entraîner la nullité de la convention. Aussi, la mise en place de baux ruraux environnementaux adaptés aux ORE en question semble pertinente.
Les cocontractants éligibles sont limités dans le cadre de la loi aux collectivités publiques (État, Régions, Départements, EPCI, communes), établissements publics (AFB, ONF, Safer, etc.), et personnes morales de droit privé agissant pour la protection de l’environnement (Associations loi 1901, entreprises chargées d’un site naturel de compensation au sens de l’article L 163-3 C.Env, etc.). Avec ce choix limité de créanciers, le législateur réduit les cocontractants aux organismes dont l’existence est compatible avec la durée des ORE, permettant de garantir la pérennité des mesures dans le temps. De plus, la loi impose que le cocontractant d’une ORE doit « agir pour la protection de l'environnement ». Le caractère lucratif ou non du co-contractant ou les compétences ou agréments nécessaires ne sont pas régies. Les engagements du co-contractant sont d’assurer le suivi de l’ORE sur le long terme, et de financer les frais de notaire. Les contre-parties peuvent être diverses (techniques, financières…). Afin d’assurer des engagements, le co-contranctant peut avoir besoin de financeurs engagés. Ils peuvent être publiques (collectivités, agences de l’eau…) ou privés (entreprises…). Afin de boucler son budget, le co-contractant peut choisir de s’inscrire dans une démarche de compensation avec un maître d’ouvrage. Alors, deux possibilités contractuelles sont envisageables : soit le co-contractant de l’ORE contractualise en parallèle de l’ORE avec un organisme nécessitant une compensation. Cela implique que le co-contractant doit assurer seul la réalisation de l’ORE et le reporting nécessaire à la compensation auprès du maître d’ouvrage ; soit l’organisme ayant besoin de compenser devient co-signataire de l’ORE. Cela le rend aussi responsable de la bonne conduite de ce contrat, en le mettant en contact avec le propriétaire.
Règles de suivi et de mise en œuvre
Modalités de suivi
Le suivi peut être réalisé annuellement, pour des obligations de moyens (comme la certification Agriculture Biologique, le maintien d’une prairie permanente), afin de vérifier régulièrement leur effectivité de mise en œuvre. Pour des obligations de résultat (comme la réduction de lixiviation de nitrate), espacer la fréquence de suivi tous les 2 à 5 ans permet d’avoir un meilleur retour sur la gestion opérée. Pour chaque obligation, une méthode de suivi simple doit être mise en place. Le contrôle visuel ou l’appui de document existant (certification) est favorisé. Le co-contractant est en charge de la bonne réalisation des modalités de suivi.
Incitations
Afin d’inciter et de reconnaître l’action de propriétaires volontaires pour la protection d’un bien commun, différentes mesures peuvent être prises. Un bien faisant l’objet d’une ORE est exonéré de la taxe d’enregistrement à la publicité foncière (prévu aux articles 662 et 663 du Code général des impôts), et peut être totalement ou en partie, exonérer des taxes foncières communales et intercommunales, après délibération des conseils concernés. Des appuis techniques ou administratifs peuvent également être proposés au propriétaire ou au fermier. Toutefois, ces incitations faibles permettent une reconnaissance du geste, mais, la volonté initiale du propriétaire de s’engager demeure nécessaire.
Modalités de résiliation
Pour inciter au respect à long terme des engagements, et ainsi protéger durablement la ressource, des sanctions en cas de non-respect des clauses doivent être incluses au contrat. Toutefois, l’ORE est un contrat volontaire : les sanctions doivent être efficaces sans être dissuasives. C’est donc aux parties prenantes du contrat de négocier un juste milieu qui convient à tous. La non-application des obligations ou la dégradation volontaire du bien, ne devraient cependant pas constituer un motif de résiliation de l’ORE. Le but étant de sanctionner les comportements laxistes et non pas d’offrir une voie de sortie du contrat, pour des acteurs qui souhaiteraient s’en défaire. En cas de compensation financière, l’arrêt des versements doit être la première action à mettre en œuvre. Si une partie vient à détériorer de manière irrémédiable et volontaire l’objet des obligations, une remise en état autant que possible, et de dommages et intérêts sont inévitables. En dernier recours, l’arrêt du contrat pourrait être envisagé avec des conditions suffisamment dissuasives pour éviter cette situation. En cas d’impossibilité de mise en œuvre des obligations, par un évènement indépendant des parties, ou lorsqu’elles n’ont plus lieu d’exister, la résiliation du contrat peut être envisagée. La résiliation peut aussi venir d’un accord mutuel entre les parties. Des outils pour sanctionner un cocontractant manquant à ses engagements peuvent également être inclus : exception d’inexécution (C. civ., art. 1219), résolution (C. civ., art. 1224), ou encore des actions en paiement forcé.
Quels usages possibles de l’ORE ?
Un outil nécessitant une appropriation
Cet outil récent et adaptable à chaque situation, possède des directives, et encadrements souples, l’ORE, avant d’être mise en place, requiert une phase d’apprentissage et d’échanges. En effet, les parties impliquées dans le contrat ORE ont le pouvoir de “définir librement l’ensemble de leurs obligations” (Jaspart, 2023). Cela permet de sortir de “logique autoritaire et descendante publique” (Reboul-Maupin et al., 2016), puisque “l’administration agit davantage en tant qu’autorité entremetteuse d’ouvrage” (Jaspart, 2021).
Ainsi, contrairement aux PSE ou à l’achat foncier, les ORE actuellement méconnues paraissent complexes. Touchant à la fois au domaine juridique, fiscal, économique, agronomique, environnemental et social, leur mise en place, contrainte d’être pluridisciplinaire et volontaire, se doit de se faire dans la concertation, la discussion entre plusieurs acteurs. Cela est le fardeau et la richesse de tous les outils adaptables à chaque territoire sans être centralisé. Une mise en relation des personnes ressources, expérimentant des ORE et échangeant leurs expériences, peut être clé pour permettre leur développement, sans dévoyer l’outil.
Dans quels cadres utiliser les ORE ?
Comme exprimé précédemment, les ORE ne vont pas résoudre les pollutions passées, mais s’attacher à juguler les pollutions à venir. Pour cela, elles nécessitent un exercice de la part des parties prenantes de projection à long terme.
Un outil de politiques publiques...
L’ORE apparaît tout d’abord comme un outil permettant d’appuyer les politiques publiques, notamment dans le domaine de l’eau (gestion des bassins hydrographiques, protection des captages). Ainsi, les ORE permettent aux organismes publics et aux associations de disposer d’un mode de maîtrise du foncier plus économe en ressources (Rapport du Gouvernement, 2021), alternatif, complémentaire et moins coûteux que l’acquisition foncière. La mise en place d’ORE exige donc une volonté politique importante, et doit être intégrée à une stratégie foncière plus large, s’exerçant à différents niveaux.
...Permettant aux propriétaires engagés, d’être acteurs des territoires
Contrairement à la majorité des outils, les ORE rendent actif le propriétaire foncier sur des services dépassant son bien. Elles permettent ainsi une réappropriation par les propriétaires de leur bien et leur offre une fenêtre pour être responsable et engager leur bien, même s’ils sont loués. Les ORE sont donc à mettre en œuvre après information des propriétaires s’ils sont volontaires pour grever leur bien durablement au service d’un bien commun, autrement dit, de limiter leur liberté individuelle pour le collectif.
...En valorisant et faisant perdurer les pratiques vertueuses
L’outil est avant tout utilisé pour maintenir des bonnes pratiques. Par exemple, le Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN), a signé plusieurs ORE avec des propriétaires soucieux de pérenniser la protection d’un milieu au-delà de leur action personnelle sur ce bien foncier. Les ORE permettent de sécuriser des pratiques dont le maintien n’est pas garanti sur le long terme.
Par ailleurs, les ORE, couplées à des PSE, peuvent être un levier intéressant pour les acteurs de l’eau. Contrairement aux Mesures Agro-environnementales (MAE) qui permettent un effet opportuniste, les ORE engagent l’acteur sur le long terme avec des garanties d’application. L’outil permet également d’apporter un cadre sécurisant aux propriétaires, ils mettent en œuvre un contrat à moyen ou longue échéance ce qui leur donne une visibilité sur leurs activités et leur permet de bénéficier d’aides dans le cadre du contrat, financières ou techniques.
Comment déployer les ORE ? Comment lever les différents freins (fiscaux, administratifs, financiers, logistique, politiques...) ?
Informer les acteurs publics locaux co-contractants
Aujourd’hui, de nombreux acteurs institutionnels sont impliqués dans la gestion et la protection de la ressource en eau (Agences de l’eau, départements, Agence Régionales de Santé, Préfectures, Syndicats…sans oublier les Commissions Locales de l’Eau et autres groupes de travail spécifiques). Dans le cas de la protection de la ressource en eau, les acteurs co-contractants d’une ORE semblant le plus pertinent sont les syndicats d’eau ou les collectivités ancrés dans les petits territoires. S’impliquer de façon volontaire dans ce type de démarche, dont ils peuvent réaliser l’animation en toute transparence, redonne toute la légitimité et la place aux acteurs locaux. Pour se faire, ces structures doivent d’une part être informer de l’existence et des modalités des ORE et d’autre part, avoir les moyens nécessaires pour s’engager dans une telle démarche. Un réseau d’échanges d’expérience des ORE, entre acteurs de l’eau (Agences de l’eau, collectivités territoriales en charge de l’eau…) semble pertinent.
Mobiliser et accompagner les propriétaires privés volontaires
L’ORE est méconnue du grand public, et par conséquent des propriétaires fonciers sensibles. Contacter et informer ces acteurs clé est nécessaire à la signature d’un tel contrat. On note que l’ORE a pour but de protéger durablement une ressource traversant un bien immobilier dont les propriétaires sont favorables pour s’inscrire dans cette dynamique. Il ne s’agit, en aucun cas, d’un outil contraint. La projection à long terme est souvent un exercice difficile. Parfois, la crainte des propriétaires est la perte de valeur du bien immobilier, qui est souvent destiné à être transmis aux descendants. Le contenu de l’obligation, et ainsi le niveau de contrainte par rapport aux compensations possibles doit être discuté avec transparence entre les parties.
En France, le dispositif incitatif pour les propriétaires est plutôt faible, comparativement à d’autres pays. A titre d’exemple, au Canada et aux Etats-Unis, les avantages fiscaux sont de quatre types : déduction sur la base imposable servant de calcul à l’impôt dû ; crédit ou réduction d’impôt imputable sur le montant de l’impôt dû ; exonération d’impôt sur les plus-values de cessions immobilières ; allègement des droits de succession. En France, uniquement une réduction de la taxe foncière est envisageable. Aussi, la mise en place d’une ORE est envisageable uniquement lorsque le propriétaire est volontaire et intéressé pour se faire accompagner dans les différentes démarches (SCIC TETRIS, 2021). Ce rôle d’animation, de coordination sera porté par un acteur impartial, ne perdant pas l’objectif initial de préservation d’un bien commun. Il pourra être incarné, de façon privilégiée, par l’organisme co-contractant ayant une utilité publique, ou un prestataire extérieur au contrat.
Il est possible que les collectivités co-contractantes accompagnent les échanges et soient à l’écoute du fermier pour proposer des ORE adaptées aux contextes locaux, voire accompagner la modification du bail rural liant le propriétaire et le locataire. En cas d’absence de volonté du locataire de faire évoluer ses pratiques en vue d’une ORE, aucune ORE ne pourra être signée. La compréhension de freins de chaque acteur est donc importante, afin de pouvoir les lever le cas échéant. Les initiatives visant à changer les pratiques agricoles à grande échelle semblent toutes se solder par un échec car elles entrent “en contradiction totale avec nos modèles économiques et le dogme d’une croissance infinie, génératrice d’externalités négatives” (Laimé M., 2023). Aussi, des échanges locaux permettant la compréhension des enjeux de chacun semblent être un levier nécessaire.
Par une animation pertinente et légitime des réflexions collectives
L’appropriation collective d’un nouvel outil comme les ORE nécessite une animation légitime, compétente et transparente. L’animateur pourra ainsi former et informer les acteurs impliqués dans une telle réflexion des différentes étapes, des retours d’expériences, tout en créant un espace de dialogues et de réflexions communs sécurisé où chacun à son rôle. Il sera le garant du respect des rôles et règles prédéfinies lors de ces temps partagés. De plus, il apportera des bases scientifiques justes et avérées autant que nécessaires afin que le groupe ne perde pas de vue l’objectif commun initial (comme la protection de la ressource en eau).
Ainsi, grâce à un travail collectif, dépassant la concertation, les ORE peuvent être le fruit d’une approche intégrée, nécessaire au bon fonctionnement du dispositif sur le long terme.
Facilitant et sécurisant les négociations des contreparties
La nature de la compensation dépend principalement du caractère de l’obligation et du consentement du propriétaire et du co-contractant. Les compensations peuvent être une aide technique, un soutien administratif, une reconnaissance sociale, un soutien financier (Roux, 2019)
Dans le cadre de la protection de la ressource en eau, l’appui techniquepeut être, en cas de changement de pratiques agricoles, la réalisation d’un diagnostic, du conseil ou le partage de d’expériences. La reconnaissance sociale de l’action privée au service d’un bien commun peut être la valorisation de ses pratiques par la communication autour de ces actions et du contrat. De plus, afin de valoriser cette démarche, les collectivités pourra mettre en avant des productions dans le cadre de marché publiques par exemple. Le soutien administratif peut être réalisé par des citoyens volontaires ou collectivités, selon le bon vouloir de l’exploitant volontaire (propriétaire ou non, s’il est en lien avec une ORE), pour par exemple, réaliser les démarches nécessaires à l’acquisition d‘aides (plantation de haies, conversion à l’agriculture biologique, étude de marchés...). Lacompensation financière est celle qui fait le plus débat. Faut-il financer un service protégeant un bien commun qui est déjà en place ? Quels impacts à long terme une ORE peut-elle provoquer sur le bien considéré ?
Les ORE, au même titre qu’une servitude, font baisser la valeur vénale du bien. Toutefois, la valeur environnementale ainsi créée pourrait être prise en compte à l’avenir (IPBES, 2019). Ainsi, l’ORE n’engendrerait plus qu’une perte de liberté, et pas une baisse de la valeur vénale. Cette compensation financière est une négociation entre les parties, afin d’assurer sur le long terme le respect des obligations de façon équitable entre les signataires, mais aussi, entre les différentes ORE d’un même territoire, pour un co-contractant défini. Cela nécessite donc une réflexion en amont à toutes signatures afin de définir une échelle de valeur adaptée. A titre d’exemple, les Conservatoires d’Espaces Naturels ont choisi de ne signer des ORE uniquement sans compensation financière.
Dans le cadre d’ORE protégeant la ressource en eau dans le Grand Est, un système de points a été mis en place selon la valeur vénale du bien et l’importance de la contrainte estimée. Dans notre réflexion en cours dans le Vexin (Didier, 2021), la compensation financière afin de protéger l’eau serait fondée sur l’impact des pratiques sur la qualité et la quantité d’eau. Afin d’assurer une gestion sur le long terme de la compensation financière, un partenariat avec la Caisse des Dépôts et Consignations soulage notablement le rôle du co-contractant.
Assurer un budget suffisant
La mise en place d’une ORE, son suivi sur le long terme, voire la rémunération des services si elle est considérée comme nécessaire, exige des financements. Parfois, les financements publics suffisent. C’est le cas des CEN et de Parc Naturels Régionaux (PNR) qui ont signé plusieurs ORE protégeant la biodiversité, sans compensation financière auprès du propriétaire, et assurant le suivi en interne, grâce aux subventions publiques. Parfois, les financements publics ne suffisent pas. C’est le cas par exemple dans le domaine de l’eau où ils atteignent 80 % du budget total. 20 % demeurent à trouver, soit en interne aux collectivités concernées, soit par des financements privés complémentaires. Pour compléter le budget, les ORE peuvent être mobilisées à des fins de compensation environnementale, conformément aux objectifs de la séquence “éviter, réduire compenser” (ERC) du plan biodiversité du Gouvernement publié en 2018. L’ORE pour préserver de façon volontaire un bien commun semble timide, il semble que la compensation écologique suscite de l’intérêt, bien que cet outil n’ait pas été pensé pour cela initialement.
Le mécanisme de compensation écologique fait débat. Est-il pertinent de protéger une ressource grâce à la dégradation ailleurs d’une autre ? Le risque de compenser par ORE en certains lieux risque d’autoriser la destruction de biens communs (ressources en eau, biodiversité, …) dont la grande valeur ne sera identifiable qu’ultérieurement. Mais, sachant que toutes les activités humaines provoquent des dégâts sur les ressources, pourquoi ne pas tenter de les limiter en protégeant d’autres ressources ? Les impacts possibles des différentes destructions, cumulés aux incertitudes (en particulier changement climatique) rendent les réflexions complexes. Comment savoir qu’une activité, avant de compenser, a bien tenté d’Éviter et de Réduire ses impacts négatifs ? En effet, la compensation est souvent plus facile à mettre en œuvre que l’évitement ou la réduction.
De plus, selon certains acteurs, les montants pratiqués dans le cadre de la compensation écologique, risquent de biaiser le coût de consentement des propriétaires. Par exemple dans le cadre du contournement de Strasbourg réalisé par Vinci, la conservation de prairies extensives avec fauche tardive, pour la préservation du grand hamster, sont rémunérées jusqu’à hauteur de 750€/ha/an (Besnault, 2018), ce qui correspond quasiment au prix de la valeur foncière dans cette région.
La construction du budget et donc l’acceptation ou non de financements provenant de la compensation écologique est un positionnement fort des co-contractants lors de la mise en place d’ORE, qui doit être pensé et validé par l’ensemble des parties prenantes. Ainsi, grâce aux échanges, aux adaptations des ORE à chaque contexte et à l’intelligence collective, nous espérons que l’ORE ne perde pas son essence même de protection d’un bien commun pour être dévoyée en simple outil de compensation.
Retour d’expériences de territoires
A ce jour, à notre connaissance, concernant la protection de la ressource en eau, une ORE a été signée en Alsace, par la ville de Mulhouse avec un propriétaire foncier sur 45ha, et une autre est en cours de finalisation entre le syndicat d’eau de Magny en Vexin et plusieurs propriétaires pour une surface totale de plus de 60ha.
Les retours d’expériences, permettent de mettre en avant certains avantages des ORE, ainsi que des points de vigilances :
- Une difficulté dans les deux cas concret est de se projeter à long terme, d’oser s’engager, de part et d’autre, sur une échelle de temps nous dépassant, mais qui est cohérente avec le temps de l’eau. Cela nécessite un exercice auxquels les acteurs sont peu habitués, pour lequel il faut prendre du temps de réflexion.
- Les ORE sont un moyen de protéger durablement la ressource en eau, moins coûteuse, aussi bien socialement que financièrement, que l’achat du foncier. Toutefois, il faut que les prescriptions soient ambitieuses pour être impactantes. Aussi, dans les deux cas, aucune ORE n’est compatible avec l’usage de produits phytosanitaires non homologués en agriculture biologique. Cela permet d’éviter toutes les pollutions dues aux herbicides, polluant majoritaire des eaux à ce jour.
- Dans les deux cas concrets, aucune ORE n’aurait vu le jour sans le soutien de l’Agence de l’Eau concernée. Ce soutien financier pour d’une part, penser les ORE, animer les réflexions et d’autre part, financer les ORE concrêtement (coûts notariés, compensation financière…) est essentiel au déploiement pertinent de cet outil.
- Aucune ORE signée ou en cours de signature ne se fait avec des propriétaires exploitants. La sole française étant largement sous bail, un travail en partenariat entre exploitants et propriétaires, tous les deux volontaires, semble essentiel. Le lien à l’exploitant, locataire des terres pour lesquels des ORE sont signées doit être assurées. Par exemple, la ville de Mulhouse a accompagné la rédaction d’un bail rural environnemental entre le bailleur et le fermier, bien qu’elle ne soit pas signataire. Il s’agit d’un bail obligeant l’agriculteur à cultiver en agriculture biologique, lui permettant ainsi d’avoir directement des aides dédiées. De plus, le loyer d’un bail rural environnemental peut-être en dessous des minimum préfectoraux, pour valoriser le service rendu.
- Un suivi de l’ORE est nécessaire pour contrôler le respect des engagements de chacun mais aussi et surtout pour garder le contact, créer un moment d’échanges et de compréhension mutuelle annuel entre les différentes parties, à savoir le co-contractant, le propriétaire et le locataire. Ainsi, un bilan est réalisé chaque année.
- L’exonération de la taxe foncière n’a pas été choisi à Mulhouse. Elle est en cours de discussion pour le SIAEP de Magny en Vexin. Il s’agit d’un point important, symboliquement, mais demandant de nombreuses démarches administratives complexes.
- S’il y a une compensation financière versée au propriétaire, elle doit être corrélée à la valeur vénale du bien foncier. De plus, un unique versement libératoire pour toute la durée de l’ORE (soit minimum 20ans actuellement pour les Agence de l’Eau) pose des questions d’ordre fiscal mais aussi de suivi de l’aide versée. Des solutions sont étudiées afin de verser progressivement l’aide au cours du temps, sur le long terme (maximum 99ans).
Ces retours d’expérience montrent que la mise en place d’ORE nécessite de se projeter et d’avoir différentes compétences. En tant qu’agronomes, nous nous intéresserons d’avantage au rôle que l’agronomie doit jouer pour enrichir et participer au bon usage d’ORE pour protéger durablement des biens communs.
Quels rôles des agronomes pour des ORE durables et pertinentes ?
Pour les ORE appliquées aux terres agricoles, les compétences d’agronomes sont essentielles.
Quels systèmes de agricoles protègent l’eau ?
En zones d’élevage ou de polyculture-élevage, la prairie permanente est reconnue internationalement depuis longtemps comme très protectrice de la ressource en eau (Walther, 1989), et confirmée largement pour les situations françaises. Une synthèse publiée il y a vingt ans, pointait les avantages relatifs de ce couvert pour de nombreux enjeux environnementaux : qualité des eaux, protection des sols contre l’érosion, captation du carbone (Foley et al., 2007). En particulier, l’usage absent ou très limité de pesticides, assure une protection à long terme des ressources en eau à l’égard de ces molécules et de leurs métabolites. L’enjeu pour les agronomes est ici de maintenir les systèmes agraires mobilisant de larges proportions de prairies, comme en zone Comté AOC, et de les réintroduire en remplacement du maïs comme dans le grand ouest français. La valorisation des pratiques vertueuses par des signes de qualité engagés et reconnus, par l’accompagnement pour augmenter la valeur ajoutée pour l’agriculteur par l’évolution de son système agricole, sont des pistes que les agronomes pourraient accompagner.
En zone de grandes cultures, les systèmes agricoles les plus efficaces pour protéger les ressources en eau, sont les systèmes de culture conduits sous cahier des charges de l’agriculture biologique. La faible présence d’engrais minéraux et de produits phytosanitaires nocifs protège l’eau. Cela est permis grâce à des rotations longues et diversifiées intégrant en particulier des légumineuses et un désherbage mécanisé. Le seul risque possible, mais limité par le caractère extensif des systèmes de polyculture-élevage en agriculture biologique, est celui des épandages de déjections animales : les agronomes doivent y être vigilants.
En grandes cultures non biologique, les molécules souvent retrouvées comme contaminantes dans les ressources en eau sont les herbicides (ANSES, 2021). Par conséquent, les stratégies de désherbage des différents types d’agricultures utilisant des produits phytosanitaires est à interroger en premier lieu.
En vignes, maraîchage et productions fruitières, les conduites en agriculture biologique sont celles qui, sur le très long terme, permettent une sécurité de la protection, comme elles l’assuraient avant l’usage des engrais de synthèse et traitements phytosanitaires.
Pour les cultures à biomasse, les couverts comme le Miscanthus et les taillis à courte rotation assurent une protection fort correcte pour les ressources en eau (Lesur 2014).
Enfin, nous reconnaissons que les surfaces forestières sont, pour les ressources en eau, des surfaces très protectrices. Leur présence dans tous les bassins d’alimentation doit être a minima préservée, voire étendue pour assurer une protection à long terme. Par extension, la présence d’arbres au sein des paysages agricoles est favorable au bien commun, qu’il soit la biodiversité ou la ressource en eau.
Penser sur le long terme
De très nombreuses interactions entre les pratiques humaines et les ressources dites naturelles nécessitent une réflexion sur le long terme. Les recharges de nappes souterraines, les qualités d’eau de rivières et fleuves sont des paramètres qui évoluent sur des décennies. Or, les dispositifs de protections de la ressource opérants sur des décennies, voire siècles, sont très rares. De plus "les individus accordent moins de valeur aux bénéfices qu'ils attendent de recevoir dans un avenir lointain qu'à ceux qu'ils obtiendront dans un avenir immédiat" (Ostrom, 1990 p49). En effet, dans le monde agricole, l'importance est excessivement accordée aux préoccupations de court terme et aux avantages acquis, empêchant souvent d’atteindre les objectifs clés à long terme (Bureau et Corsani,2015).
Ainsi, les ORE étant un des rares outils capables d’agir sur une portée temporelle centennale, elles nous apparaissent comme très utiles pour toutes les ressources dont la base temporelle d’évolution est lente, telle que les habitats pour la biodiversité, les systèmes agricoles des bassins d’alimentation, et les usages humains pour les sols. Ce temps qui devient alors opérant pour les acteurs intergénérationnels est le seul apte à porter des politiques publiques efficaces, quand nous devons prendre en charge des teneurs en nitrate dans des nappes d’âge moyen décennal, des teneurs en matières organiques des sols par exemple.
Cette prise en compte du long terme a deux conséquences pour les agronomes :
- Être capables d’identifier des systèmes agricoles capables de produire des qualités d’eau compatibles avec des normes de potabilité, et ceci quelles que soient les conditions précises de mises en œuvre (dates de semis, récolte, …) et les variabilités des sols dans l’aire d’alimentation de captage. Nous notons que les cultures à bas niveau d’intrants ne sont pas forcément à bas niveau d’impact sur la ressource en eau. Les Agence de l’eau n’ont pas de listes de cultures à bas niveau d’impact sur la ressource en eau commune, cohérentes, permettant de construire un système de culture. Quels systèmes agricoles, quelles rotations aujourd’hui peut être à bas niveau d’impact sur la qualité de l’eau ? Cette question de plus en plus vive, avec les aléas climatiques croissants avec le changement climatique, nécessite des dispositifs de mesure en continu des qualités des eaux qui s’échappent du sol et rejoignent les ressources à protéger. Ces dispositifs de type bougies poreuses, plaques lysimétriques positionnées in situ, seront à développer par les agronomes pour couvrir la gamme des situations "systèmes de culture X sol"
- Maintenir cette qualité d’eau, quels que soient les aléas climatiques interannuels. Cette dernière contrainte nécessite un travail d’articulation étroit entre agronomes et climatologues. Les systèmes de cultures sont appelés à évoluer avec le changement climatique. Quels sont les systèmes agricoles à venir qui préserveront la qualité de l’eau, sans impacter la quantité ? Quelles seront les évolutions de qualité d’eau si les répartitions pluviométriques sont modifiées, en particulier si la survenue d’épisodes pluvieux intenses s’accroit ?
Conclusion
Les initiatives visant à changer les pratiques agricoles à grande échelle semblent toutes se solder par un échec car elles entrent “en contradiction totale avec nos modèles économiques et le dogme d’une croissance infinie, génératrice d’externalités négatives” (Laimé M., 2023). Des dispositifs locaux, négociés et de long terme permettraient d’échapper aux logiques économiques souvent très court-termistes.
L’ORE est un outil juridique innovant, reliant droit privé et protection de l’environnement et permettant aux acteurs des territoires (propriétaires et co-contractants) d’être auteurs d’un contrat dont les modalités sont négociées. Cette adaptation possible à chacun contexte particulier permet d’assurer sa pertinence : les habitants des territoires peuvent ainsi redevenir acteurs dans une démarche ascendante. La mise en place d’ORE pour la protection de la ressource en eau nécessite de mobiliser de nombreux acteurs et de toucher à des domaines variés : financiers, juridiques, agronomiques, fonciers, etc.
En permettant de concilier propriété privée et communs environnementaux (Benezech-Sarron, 2023), les ORE semblent représenter une voie pour une gestion durable de la ressource en eau, conformément à la vision des communs d'Ostrom. Cependant, en raison de la souplesse de ce contrat et de sa durée, il est essentiel d'accorder une grande attention au temps de réflexions collectives. La transparence, l’écoute de chaque acteur et sa prise en considération sont des éléments importants. Une animation adaptée et légitime est donc essentielle pour mener à bien ce projet avec des acteurs volontaires. Ainsi, l’ORE, dans sa dimension d’outil de sensibilisation et de valorisation des systèmes de cultures favorables à la protection de ressources en eau, peut constituer un premier pas avant des mises en protection plus structurées.
A l’échelle locale d’une aire d’alimentation de captage, les ORE étant un des rares outils capables d’agir sur une portée temporelle centennale, leur généralisation nous apparaît comme très utile pour toutes les ressources dont la base temporelle d’évolution est lente, telle que les habitats, l’eau, les sols. Notre difficulté commune est de mener, sur le long terme, des politiques publiques efficaces pour prendre en charge ces biens comme l’eau, les sols, les êtres vivants.
Cet outil présente un fort potentiel pour garantir le maintien de pratiques déjà respectueuses de la ressource en eau : faute d’appliquer le principe de pollueur-payeur, les co-contractants valorisent publiquement des bonnes pratiques. Cet outil nous semble moins efficace pour enclencher un changement de pratiques en raison de son faible dispositif incitatif. Pourtant des changements de pratiques sont nécessaires. Afin de lever des freins techniques, sociaux, psychologiques et économiques, pour partager ou limiter le risque dû aux changements, d’autres outils sont à utiliser (PSE par exemple). Ainsi, dans leur applications, les ORE doivent être intégrer à une stratégie plus globale, en complémentarité d’autres outils, qu’ils soient fonciers ou non, pour protéger les biens communs.
A ce jour, cet outil est appliqué à des dizaines de situations de mise en protection de la biodiversité, et quelques cas de montage sont en cours pour la protection de ressources en eau. Mais aucun cas de protection de sols, vus comme ressources fragiles sur le long terme, n’est activée. L’extension du domaine d’application des Obligation Réelles Environnementales aux sols est juridiquement solide, et reste à concevoir (Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité, 2014).
Cet outil étant souple, des risques de déviance sont possibles. La possibilité d’utiliser des ORE dans une démarche de compensation est un risque dans l’efficacité de l’outil à protéger, de façon globale, les biens communs. La limitation des co-contractants à des structures davantage ciblées, engagées pour l’environnement sans autre intérêt, tout comme la limitation du montant des compensations financières pourrait limiter des déviances possibles.
De plus, le contenu du contrat étant issu d’une négociation, l’impact réel des accords pris sur le bien commun pourrait être discutable. Dans ce cadre, les experts techniques (agronomes, écologues, hydrogéologues…) pourraient proposer des gardes fous en qualifiant l’ensemble des « pratiques à venir » afin d’éviter ce type de déviance. Cette responsabilité, qui porte sur une obligation de résultats, comme l’impose la directive européenne (Directive n° 91/676/CEE, 1991), quant au choix des systèmes de culture proposés, est centrale pour élaborer des ORE de protection des ressources en eau.
Ainsi, la création des ORE fait apparaître des tâches nouvelles en particulier pour les agronomes en définissant les impacts des systèmes et pratiques agricoles sur les ressources à protéger (eau, biodiversité, sol…) pour les intégrer dans les discussions et accords écrits au sein des contrats.
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