Avant-propos
Philippe Prévost (Rédacteur en chef), Antoine Messéan (vice-président de l’Afa) et Adeline Michel (Présidente de l’Afa)
Le nouveau numéro d’Agronomie, environnement & sociétés que nous vous livrons s’inscrit dans la lignée des autres numéros deux des années impaires, en poursuivant la réflexion de l’Afa sur l’approche clinique[1] en agronomie.
Pour ce numéro, le sujet que nous avons choisi de traiter représente un enjeu crucial pour les agronomes, car malgré toutes les évolutions, que ce soit dans les connaissances, les innovations, ou les compétences des acteurs, il est toujours attendu de la part de l’agronomie un accompagnement des agriculteurs pour l’aide à la décision, qu’elle soit stratégique ou tactique. Mais si la production de références techniques a été consubstantielle du développement de l’agronomie, en tant que discipline scientifique et technique, les transitions agricoles en cours pour faire face à un contexte climatique et socio-économique instable et incertain modifient fortement les régimes de production et de diffusion de connaissances, et par voie de conséquence interrogent le rôle, la façon de produire et la diffusion de « références » auprès des praticiens. Si l’expérimentation reste une voie importante de la recherche-développement, l’approche clinique de diagnostic des situations singulières d’agriculteurs en vue de proposer un accompagnement personnalisé fait de plus en plus l’objet de recherches et d’innovations.
Au-delà du glissement sémantique, par la substitution du terme « référence technique » par les termes « référentiels et indicateurs », il faut donc nous interroger collectivement sur la façon de répondre au mieux au besoin de données agronomiques fiables pour les agriculteurs qui, si elles ne constituent plus aussi fréquemment des normes à prescrire, sont des aides essentielles au pilotage stratégique et tactique des cultures et des entreprises, même dans un environnement instable et incertain.
Ce numéro engage ce travail que notre communauté doit mener dans les années à venir pour offrir aux agriculteurs d’autres choix que celui de références techniques qui ne sont plus adaptées au contexte actuel de production et de gestion agricole, ou celui d’accès à une base de données de référentiels et d’indicateurs que seule une minorité d’agriculteurs sera en mesure d’utiliser, compte tenu de la complexité d’appropriation ou de leur faible adéquation aux besoins.
Vous trouverez donc dans ce numéro des premières réflexions très argumentées sur la place et le rôle des références techniques en agronomie et sur les évolutions en cours en contexte de transitions, ainsi que différentes expériences qui rendent compte de démarches de conception et/ou d’usages de référentiels et/ou indicateurs dans des pratiques de recherche, de recherche-développement, d’innovation de terrain et/ou de partage d’expériences et d’observations au sein de collectifs.
A la lecture de ce numéro, il apparaît clairement que la question de la production et de la diffusion de données agronomiques pouvant servir de références aux praticiens n’est pas épuisée. Car ce sujet représente un enjeu autant théorique que pratique pour les agronomes.
Dans sa dimension conceptuelle et méthodologique, le diagnostic et le pronostic à partir d’évaluation multicritères, l’aide à la décision à différentes échelles spatio-temporelles, et les usages potentiels des différents outils (aide à la décision, accompagnement, outils de politique publique...) demandent la clarification des termes de référence technique, de référentiel agronomique, d’indicateur, voire d’indice, ainsi que la conception de nouveaux objets pour accompagner les praticiens.
Et dans sa dimension technique, ce sujet doit approfondir les besoins actuels et à venir des agriculteurs dans leur diversité (références techniques, connaissances actionnables et/ou outils d’aide à la décision) et les moyens de construire la décision du praticien (place de l’observation sensible et rôle de l’analyse de données, dans un contexte de développement de l’intelligence artificielle ; prise en compte des politiques publiques...).
Pas de doute, nous reviendrons dans quelque temps avec un nouveau numéro sur le sujet !
Bonne lecture
[1] Depuis 2017, chaque numéro n°2 de l’année impaire porte sur les démarches cliniques en agronomie. Pour rappel, dans le numéro AES 7-2 de décembre 2017, nous avons précisé dans le texte éditorial (2017) : « L’agronomie clinique n’a pas de définition réellement stabilisée. Dans ce numéro, nous l’entendons comme l’agronomie qui étudie l’agroécosystème en vue d’établir un diagnostic agronomique de son fonctionnement pour proposer des améliorations correspondant aux compromis souhaités par l’agriculteur (intégrant les objectifs écologiques, économiques et sociaux) ». Dans le numéro AES 9-2 de décembre 2019, Kockmann et al. (2019) analysent les spécificités de la démarche clinique en agronomie, d’une part en comparant son usage dans d’autres disciplines, et d’autre part en l’analysant dans la relation agriculteur-conseiller. Et enfin, dans le numéro AES 11-2 de décembre 2021, nous avons traité des démarches cliniques en agronomie à l’échelle des territoires.
Remerciements
Aux membres du comité de numéro :
Christian Bockstaller, Aude Alaphilippe, Aude Ripoche, Guenaëlle Hellou, François Kockmann, Philippe Cousinié, Philippe Prévost
Aux relecteurs et relectrices :
Joël Aubin, Nadine Andrieu, Frédérique Angevin, Elise Audouin, Alain Braumann, Marion Casagrande, Christian Candalh, Benoît Dedieu, Yves François, Philippe Hinsinger, Laure Hossard, François Kockmann, François Laurent, Marianne Le Bail, Christine Leclercq, Gilles Lemaire, Christine Le Souder, Guillaume Martin, Antoine Messéan, Marc Miquel, Christophe Naudin, Thierry Papillon, Elise Pelzer, Etienne Pilorgé, Philippe Prévost, Jean-Luc Régnard, Mathias Sexe, Solène Pissonier
A l’équipe de suivi et réalisation de la chaîne éditoriale :
Philippe Prévost et Marine Descamps
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