Indicateurs fonctionnels et mécanistes pour évaluer le phosphore phytodisponible du sol
Christian Morel*
* INRAE Bordeaux, ISPA, 33140 Villenave d’Ornon, France
Contact auteur : christian.morel@inrae.fr
Résumé
Le raisonnement de la fertilisation phosphatée des grandes cultures repose pour beaucoup sur la quantité de phosphore (P) du sol disponible pour les plantes (P phytodisponible), évaluée en routine avec des extractions chimiques. Mais leur manque de pertinence et de fiabilité questionne sur leur bien-fondé scientifique. Leurs limites conceptuelles, qui expliquent ces insuffisances, sont de ne pas considérer le fonctionnement du système sol-solution-racines lors de la nutrition phosphatée des plantes.
Cet article vise à présenter en quoi des recherches ont fait évoluer la compréhension de la nutrition phosphatée des plantes pour enrichir le raisonnement de la fertilisation phosphatée dans le contexte de la transition agroécologique. Des indicateurs fonctionnels et mécanistes du P phytodisponible, i.e., ions phosphates dissous et diffusibles à l’interface solide-solution déterminés dans des suspensions sol-eau, ont été progressivement développés et testés pour des sols cultivés en grandes cultures. Quelques résultats importants sont présentés dans ce document. Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour généraliser la valeur agronomique de ces indicateurs et leur transfert vers les laboratoires d’analyse de sol par la construction de fonctions de pédotransfert.
Mots-clés : phosphore phytodisponible, indicateurs, sol, agroécosystème, gestion, fertilisation, grandes cultures, France métropolitaine
Abstract
Managing phosphorus fertility in cropped soils under annual crops is a major concern for agronomic and environmental purposes. It relies heavily on assessments of the amount of plant-available soil phosphorus (P), which are routinely carried out by soil analysis laboratories using chemical extractions. Their lack of relevance and reliability, due to conceptual limitations, questions their scientific validity. Their main shortcoming is that they do not consider the functioning of the soil-solution-root system during plant phosphate nutrition.
This article aims to present how the research has changed our understanding of phosphate nutrition in plants. To support the agroecological transition, functional and mechanistic indicators of plant-available soil P have been developed. These indicators, i.e., dissolved and diffusive phosphate ions at the solid-solution interface of soils, which are determined in soil-water suspensions, significantly improve the reliability of multisite diagnosis of maize response by taking into account the kinetics of phosphate ion replenishment in the solution. The physicochemical determinism of these indicators in non-carbonate soils is largely controlled by clay and fine silt content. Further research is needed before these indicators can be transferred to soil analysis laboratories.
Keywords: plant-available soil phosphorus, indicators, agroecosystems, management, fertilization, annual crops, France
Introduction
Le phosphore (P) du sol est un des éléments nutritifs majeurs du sol, indispensables à la croissance et au développement des cultures. C’est pourquoi la recherche agronomique s’est intéressée de longue date à la question de l’évaluation de la quantité de P du sol, disponible pour les plantes (désignée dans ce texte par P phytodisponible), définie comme la fraction du P total du sol susceptible de participer à la nutrition des plantes après avoir été prélevée par les racines et ses auxiliaires (champignons mycorhiziens du sol). Cette problématique est au centre d’enjeux importants, de nature agronomique (production durable, substitution des engrais de synthèse par des produits résiduaires organiques (Fuchs etal., 2015), environnementale (qualité des eaux de surface (Dorioz etal., 2006 ; Pinay etal., 2018), de risque de pénurie des réserves fossiles de roches phosphatées (Cordell et White, 2011 ; Obersteiner etal., 2013), et de perte de biodiversité des agroécosystèmes (Ceulemans etal., 2014).
Cet article propose une synthèse des connaissances sur les indicateurs du P phytodisponible. Il rappelle brièvement les insuffisances des méthodes d’extraction chimique du P du sol, le fonctionnement des racines pendant l’absorption de P du sol et comment, sur ces bases fonctionnelle et mécaniste, des indicateurs ont été mis au point à partir de la prise en compte des processus importants. Cet article présente ensuite un exemple de l’intérêt scientifique de ces nouveaux indicateurs, puisque ceux-ci améliorent notablement le diagnostic multisite de la réponse d’une culture donnée. Pour conclure, une première étude est présentée sur le déterminisme physico-chimique de ces nouveaux indicateurs en utilisant les propriétés du sol déterminées en routine.
Insuffisances du P extrait par des réactifs chimiques
Les méthodes, utilisées en routine dans les laboratoires d’analyse de sol, pour évaluer le P phytodisponible et élaborer un conseil de fertilisation phosphatée, consistent à extraire le P du sol avec des réactifs chimiques. Il en existe de très nombreuses (Jordan-Meille et al., 2012 ; Ziadi etal., 2013 ; Steinfurth etal., 2021). Celles couramment utilisées en France pour des échantillons de terre, issus de parcelles cultivées en grandes cultures, sont les extractions Dyer (solution d’acide citrique à 2 % avec un pH d’extraction de 2,0), Joret-Hébert (solution d’oxalate d’ammonium 0,2 N avec un pH d’extraction d’environ 7,0) et Olsen (solution de bicarbonate de sodium 0,5 M tamponnée à un pH de 8,5) (Boniface et Trocmé, 1988).
Des courbes diagnostiques du comportement des cultures ont été élaborées pour ces méthodes en exploitant les séries chronologiques de données produites par des essais de longue durée sur la fertilisation phosphatée, implantés dans des situations (sols × cultures × climats) variées et représentatives de celles rencontrées en France métropolitaine. En général, des doses croissantes (incluant un traitement sans apport) de superphosphate y sont apportées chaque année pendant plusieurs décennies. Pour chacun d’eux, le rendement annuel et le prélèvement de P sont étudiés et analysés en fonction de l’évolution de la teneur de P chimiquement extrait avec les années de culture et les régimes de fertilisation (Boniface et Trocmé, 1988 ; Steinfurth etal., 2021). Malheureusement, en regroupant les résultats de ces essais, la courbe de réponse est généralement peu explicative. Une part de la variance résiduelle inexpliquée est prise en compte par la notion d’exigence[1] en P des cultures. Mais, même en considérant une seule culture, la dispersion des points expérimentaux reste très élevée puisque plus de 50% de la variabilité expérimentale n’est pas prise en compte (Morel etal., 1992 ; Tang etal., 2009). Un exemple typique est présenté dans la Fig. 1 pour huit essais P de longue durée. Cette variabilité expérimentale résiduelle importante empêche de définir un seuil précis de raisonnement ayant une portée générale. Pour la Figure 1, après conversion des stocks en teneurs, la teneur en P-Olsen dans la couche labourée[2] correspondant à 95% du rendement maximum varie entre 6,0 (S8) et 36,1 (S2) mg P kg-1 selon les essais. Pour surmonter cette difficulté et éviter tout risque de perte de rendement, des seuils excédentaires ont été utilisés afin de sécuriser la production (Pellerin etal., 2009).
L’absence ou le peu de corrélation entre le P prélevé par une culture de blé et le P extrait a également été clairement montré par Zehetner etal. (2018) dans un ensemble de 50 sols agricoles d’Europe centrale. Plus l’extraction est agressive, plus le P extrait est important mais moins il est corrélé au prélèvement. Par contre, après mise en suspension dans de l’eau ou une solution saline diluée, la quantité extraite est très significativement corrélée à la nutrition phosphatée bien qu’elle soit beaucoup plus petite.
L’explication de cette insuffisance est qu’une extraction chimique mobilise des formes non phytodisponibles de P du sol dans des proportions importantes et variables suivant le réactif chimique, le type de sol et l’historique de fertilisation (Fardeau etal., 1988).
Les recherches des dernières décennies ont donc apporté leur lot de connaissances pour faire évoluer régulièrement le raisonnement de la fertilisation phosphatée : abandon des notions de fumure de redressement et d’effet « vieille graisse » ; notion d’exigence des cultures vis-à-vis du P phytodisponible (Boniface et Trocmé 1988) ; utilisation de la méthode Olsen (Fardeau etal. 1988) plutôt que les méthodes Dyer ou Joret-Hébert ; construction de référentiels régionaux par types de sol ; mise à jour des teneurs de P dans les organes récoltés. Pour plus de détails, le lecteur se reportera aux travaux du groupe PKMg du Comifer (https://comifer.asso.fr/phosphore-potassium-magnesium/). Dans le même temps, l’extraction chimique du P du sol a révélé au fil des recherches ses limites conceptuelles, son manque de pertinence et de fiabilité, faute de ne pas intégrer le fonctionnement du système sol-solution-racines lors de la nutrition des plantes. Un renouvellement des bases scientifiques du raisonnement était dès lors nécessaire pour espérer gérer durablement la fertilité phosphatée des sols (Pellerin etal., 2009 ; 2014).
Le P est présent dans les sols sous une très grande diversité de formes en quantité variable
La teneur totale de P dans la couche labourée de sols cultivés sous grandes cultures est généralement comprise entre 50 et 1000 mg kg-1, et peut atteindre des valeurs très supérieures dans des situations extrêmes, selon les types de sols, notamment selon leur âge, leur degré d’altération et leur historique de fertilisation. Il existe de nombreuses formes minérales et organiques qui contiennent du P que ce soit dans la solution ou dans la phase solide des sols (Cade-Menun, 2017).
La solution contient des espèces ioniques, d’autres formes minérales et des composés organiques (Chapman etal., 1997). Compte tenu de la gamme de pH des sols cultivés, généralement comprise entre 5,0 et 8,2, sont présents dans la solution de sol l’ion dihydrogénophosphate (H2PO4-), majoritaire pour des pH acides, et l’ion hydrogénophosphate (HPO42-), majoritaire pour des pH alcalins. L’acide phosphorique (H3PO4) et l’ion orthophosphate (PO43-) ne sont pas présents dans ces conditions de pH. D’autres composés, i.e. du P associé à des colloïdes, des polyphosphates, du P organique dissous, ont également été identifiés en solution mais en moindre quantité, en particulier après mise en suspension (Chapman etal., 1997). Après mise en suspension (1g sol/10 cm3 eau) et filtration, la concentration (CP) des ions phosphate dissous dans la solution est généralement comprise entre 0,001 mg P dm-3 dans des sols tropicaux acides, très réactifs vis-à-vis des ions phosphates et jusqu’à des valeurs supérieures à 1 mg P dm-3 dans des sols fertilisés de longue date. En considérant une valeur moyenne de 0,2 mg P dm-3, la quantité d’ions phosphates dissous ne représente donc qu’une toute petite part du P total du sol.
Dans la couche labourée de sols sous grandes cultures, de l’ordre de 70% du P total est sous forme inorganique (Morel, 2002), cette proportion variant avec le type de sol et, bien sûr, l’historique de fertilisation. Le restant est sous forme organique (le groupement phosphate est lié au carbone par une liaison ester, voire deux liaisons ester), majoritairement des phosphates monoesters (phytate, phospholipides…), dans une moindre proportion des phosphates diesters (ADN, ARN…) et quelques pourcents de phosphonates (Raguet etal. 2023).
Le P inorganique associé à la phase solide du sol peut être sous forme de minéraux phosphatés plus ou moins cristallisés dans lesquels le groupement phosphate est associé par des liaisons covalentes à du fer (Fe), de l’aluminium (Al), du calcium (Ca) ou du manganèse. Plusieurs centaines ont été identifiés (Nriagu et Moore, 1984). Les différents phosphates de Ca ont des solubilités dans l’eau qui varient de plusieurs ordres de grandeur entre les différentes minéraux (Dorozhkin, 2009). Par ailleurs, les ions phosphates dissous peuvent réagir avec les oxyhydroxydes de Fe (goethite et ferrihydrite) et d'Al (gibbsite), les minéraux argileux (par exemple montmorillonite, kaolinite…), les carbonates de Ca et la matière organique (Gérard, 2016 ; Sigg etal., 2022). Le transfert sol-solution des ions phosphates dépend de leurs réactions et interactions avec les surfaces à charge variable de ces constituants. Plusieurs processus sont impliqués : l’échange d’anions, la complexation avec les oxyhydroxydes de Fe et d’Al, la précipitation/dissolution, la diffusion dans la phase solide. Ces réactions et interactions électrostatiques correspondent à des énergies de liaison plus ou moins fortes et conditionnent largement les vitesses de transfert à l’interface solide-solution. Les ions phosphates peuvent par exemple interagir avec les sites des surfaces et former des complexes de surface de sphère externe ou interne dont les constantes de formation dépendent de la charge électrique de surface, variable selon le pH et la concentration en Ca dissous. La formation de complexes de phosphates avec des ions Ca et Mg associés à des oxyhydroxydes de Fe et d’Al, à des argiles (porteuses de charge permanente négative et de charge variable), et à de la matière organique est également possible (Mendez et Hiemstra 2022).
Cycle biogéochimique du P dans des parcelles cultivées sous grandes cultures
Le cycle biogéochimique du P dans les agroécosystèmes désigne l’ensemble des stocks dans le sol, des flux entrants et sortants impliqués dans sa circulation entre les différentes composantes de l’agroécosystème et leurs modifications sous l’effet des réactions de transformation par des processus biologiques, physiques et chimiques (Ziadi etal., 2013).
L’apport de P au sol se fait généralement sous forme d’engrais minéraux de synthèse (superphosphates, phosphates d’ammonium), obtenus après dissolution du minerai broyé de phosphates naturels, et/ou de matières fertilisantes organiques de nature diverse (fumiers, fientes, lisiers, composts urbains, boues de stations d’épurations urbaines…). Le P apporté peut varier entre 0 et parfois plus de 100 kg ha-1 an-1. Cependant, en raison notamment de la baisse de l'application des engrais minéraux de synthèse depuis le début des années 1970, le P apporté en France est aujourd’hui en moyenne assez proche du P exporté hors des parcelles agricoles même s’il existe encore de fortes disparités inter-régionales avec des régions toujours excédentaires en matière de bilan de P (Senthilkumar etal., 2012 ; Pellerin etal., 2014). Les retombées atmosphériques et l’altération du P du sol sont généralement négligeables à l’échelle de l’année.
Le flux majeur de P exporté est le P exporté dans les récoltes (auquel il faut éventuellement ajouter le P des résidus de récolte s’ils sont exportés). La production de 6-7 t ha-1 de grains de céréales exporte environ 20 kg P ha-1 (46 kg P2O5 ha-1) et restitue au sol de l’ordre de 10 kg P ha-1 (23 kg P2O5 ha-1) dans les résidus de récolte. Les autres flux sortant possibles sont de bien moindre importance sauf conditions particulières. La migration de P est faible compte tenu des réactions des ions phosphates avec la phase solide du sol. L’apport de P affecte la concentration des ions phosphates dans la solution de la couche labourée mais pas ou peu au-delà. Ainsi, dans un sol très sableux recevant entre 0 et 70 kg P ha-1an-1 de triple superphosphate pendant 12 ans, la concentration des ions phosphates dissous de la couche labourée a nettement varié (entre 0,1 et 1,5 mg P dm-3) alors que la quantité de P dans les eaux drainées à un mètre est restée assez stable de l’ordre de 0,35 kg ha-1 (Fourrie etal., 2011). Les sorties de P des parcelles agricoles vers les eaux de surface sont majoritairement associées aux écoulements de surface pendant des périodes de pluie entrainant des processus d’érosion et des quantités potentiellement importantes de P associées aux particules de sol érodées. Les pertes de P par érosion peuvent être réduites en aménageant les berges des cours d’eau par exemple avec des zones tampons de végétation (Dorioz etal., 2006) et en supprimant la fertilisation phosphatée dans les sols par trop enrichis.
Mécanismes d’absorption du P du sol dans la rhizosphère
L’objectif est d’identifier les mécanismes de mobilisation du P du sol au sein de la rhizosphère[3] et de chiffrer leur contribution relative à la nutrition phosphatée des plantes afin d’en déduire des indicateurs pertinents et fiables pour évaluer le P phytodisponible (Morel 2002).
Les racines et les champignons mycorhiziens associés prélèvent le P sous la forme d’ions phosphates directement dans la solution. La quantité de P que celle-ci représente à un instant t est cependant très loin de couvrir les besoins des cultures. Plus ou moins 99% des ions phosphates prélevés par une culture ont pour origine la phase solide du sol qui doit réalimenter la solution du sol en ions phosphates selon des processus et cinétiques variés. Comme les autres nutriments, ils peuvent être mobilisés de plusieurs façons. L’augmentation de la surface des racines est très efficace pour explorer le sol et aller chercher des éléments qui diffusent très peu, comme les ions phosphates (Barber, 1995). Le transport par convection (déplacement de l’eau) est également un moyen d’alimenter les racines mais qui ne joue qu’un rôle minime pour le P contrairement à l’azote, le Ca et le magnésium, qui sont présents à concentration élevée dans la solution.
L’activité des racines et des organismes associés est susceptible de modifier le P phytodisponible du sol rhizosphèrique par rapport au sol non rhizosphérique en solubilisant ou insolubilisant des formes de P (Hinsinger et al., 2009, 2011 ; Plassard et al., 2017 ; Wang et al., 2022). Compte tenu de leur diversité (voir ci-dessus), plusieurs mécanismes rhizosphériques pourraient contribuer à alimenter la solution de sol en ions phosphates. Il y a par exemple la diffusion sol-solution des ions phosphates ; les modifications de pH et des équilibres chimiques ; l’exsudation de carboxylates, petits anions organiques (malate, citrate…), qui augmenterait la présence d’ions phosphates dans la solution en s’échangeant avec des phosphates associés à des sites de réaction de la phase solide du sol, et/ou en complexant des cations ; l’exsudation de phosphatases, enzymes qui catalysent l’hydrolyse des molécules organiques phosphatées en libérant des ions phosphates.
Suite à l’absorption d’ions phosphates dissous, leur concentration est plus faible au voisinage des racines et plus élevée au niveau de la phase solide du sol (Barber, 1995). Ce gradient induit le transfert d’ions phosphates diffusibles depuis la phase solide vers la solution (Barbier et al., 1971). La diffusion est un mécanisme universel qui désigne le déplacement associé à une différence de concentration dans un système afin de le rééquilibrer et l’homogénéiser. Ce processus existe même sans déplacement d’eau (convection). L’emploi de techniques isotopiques appliquées soit à des systèmes sol-solution-plante (pots de cultures), incluant des processus rhizosphériques, soit à des systèmes sol-solution (suspensions de terre), sans les processus rhizosphériques, montre que la diffusion à l’interface solide-solution du sol rend très largement compte du P phytodisponible du sol dans une large gamme de systèmes (sol-plante) et de niveau de fertilité phosphatée des sols (Valeur L comprise entre 9 et 358 mg P kg-1) (Figure 2). Ces études ont été faites en utilisant le traçage isotopique des ions phosphates et application du principe de dilution isotopique soit au P prélevé par la culture (valeur L), soit aux ions phosphates dissous et diffusibles (valeur E).
La contribution des autres mécanismes rhizosphériques dans le réapprovisionnement de la solution de sol en ions phosphates a rarement été évaluée dans les conditions réelles ou proches de celles du champ cultivé. Un effort est donc nécessaire pour apporter des connaissances chiffrées. Cependant, dans les rares cas où cette évaluation a été faite, la contribution est apparue secondaire. Ainsi, l’exsudation de carboxylates ne semble jouer qu’un rôle mineur dans le prélèvement de P (Wang et al., 2016). L’ajout répété de phosphates naturels broyés, roche phosphatée contenant de l’apatite (phosphate de Ca très insoluble dans l’eau), dans un limon de pH neutre, tend à insolubiliser le P du sol (Morel, 2002) et non pas à le dissoudre sous l’effet d’activités rhizosphériques acidifiantes. Le récent travail de Raguet (2023), réalisé en exploitant les bases de données de plusieurs essais de longue durée, montre que la libération d’ions phosphates par minéralisation du P organique du sol dans la couche labourée de sols, cultivés en grande cultures, est faible en comparaison du processus de diffusion à l’interface solide-solution du sol. Par exemple, la minéralisation du stock de 368 kg P ha-1 de P organique libère seulement 1.7 kg P ha-1 an 1 quel que soit le traitement de fertilisation (Raguet et al., 2023) alors que la diffusion sol-solution des ions phosphates varie de 540 à 2 200 kg P ha-1 an-1 avec les traitements.
Des interactions racines-microorganismes pourraient aussi être impliquées dans la nutrition phosphatée des plantes. Par exemple, l’association symbiotique entre racines et champignons mycorhiziens du sol contribue à la nutrition phosphatée pour la plupart des espèces de grandes cultures, sauf par exemple, chez les Brassicacées (colza, choux...,) et Chénopodiacées (betterave…,) qui ne forment pas cette symbiose. Si les formes absorbées de P du sol ne diffèrent pas significativement entre des plantes mycorhizées ou non (Morel et Plenchette, 1994 ; Bolan, 1991), l’exploration du P du sol par les hyphes au-delà de la zone d’épuisement de la racine (de l’ordre de quelques millimètres) explique l’amélioration du prélèvement (Plenchette, 1982). L’effet est d’autant plus important que le sol est déficient en P et diminue avec la fertilisation phosphatée (Morel et Plenchette, 1994). D’autres pratiques (labour, pesticides, introduction de plantes non mycorhizogènes dans la rotation) abaissent également l’efficacité des mycorhizes (Plenchette et al., 2005).
D’autres interactions racines-microorganismes, comme les bactéries fixatrices d’azote, les bactéries PGPR (Plant Growth-Promoting Rhizobacteria), ou les PSM (phosphate solubilizing microorganisms), pourraient également contribuer à améliorer la nutrition phosphatée (Zhu etal., 2018). Les résultats, souvent obtenus dans des conditions expérimentales très éloignées de la réalité (sols très carencés non représentatifs du statut phosphaté des sols cultivés dans des régions tempérées, conditions très particulières de culture), sont difficiles à interpréter et à transposer aux conditions du champ. L’efficacité d’activateurs de la vie des sols, évaluée dans un réseau d’essais au champ, a montré des résultats peu probants et non rentables (Véricel etal., 2018).
Indicateurs fonctionnels et mécanistes pour évaluer le P phytodisponible du sol
Ces indicateurs sont la quantité d’ions phosphates dissous et celle diffusible à l’interface solide-solution (Pr, mg P kg-1 sol) et leurs interrelations. Ils permettent d’imiter et de reproduire l’effet du processus de diffusion par le calcul de la quantité mobilisée pour tous gradients de concentration maintenus pendant des durées plus ou moins longues (Schneider et Morel, 2000 ; Morel etal., 2014 ; Morel etal., 2021). Ces effets sont calculés en utilisant une technique très performante, développée à partir des travaux de Georges Barbier (Barbier etal., 1971) puis de Jean-Claude Fardeau (Fardeau, 1981 ; 1993 ; Fardeau etal., 1985 ; 1991). Celle-ci consiste à associer dans des suspensions de sol[4] à l’état stationnaire, l’utilisation d’ions phosphates marqués avec du P radioactif, l’application du principe de dilution isotopique et la modélisation des valeurs expérimentales. Les suspensions de terre sont filtrées (<0.2 µm) pour recueillir quelques millilitres de solution de sol, utilisés pour déterminer les ions phosphates dissous et la radioactivité. Les valeurs expérimentales de Pr (mg P kg-1 sol) et CP (mg P dm-3 solution) sont calculées et utilisées pour paramétrer la fonction mathématique suivante qui donne la valeur de Pr pour toutes valeurs de CP et du temps (Stroia etal., 2007 ; Morel etal., 2021) :
Pr = v × CPw × tp avecPr < Pr-équilibre [1]
dans laquelle t (minutes) désigne la durée de dilution isotopique. Le paramètre v est la valeur de Pr après une minute et lorsque CP vaut 1 mg P dm-3. Le paramètre w (< 1) rend compte de la diminution exponentielle de l’affinité avec la saturation des surfaces en ions phosphates (répulsion électrostatique) et le paramètre p (< 0,5) rend compte de l’effet des réactions lentes probablement associées à la diffusion intraparticulaire dans la micro- et nano- porosité des agrégats et les constituants du sol. La valeur de Pr est bornée par la valeur d’équilibre (Pr-équilibre). L’équation (1) a également été proposée avec d’autres approches expérimentales (Chardon et Blaauw, 1998 ; Barrow, 2023).
À titre d’exemple, la Figure 3-gauche présente les valeurs de CP en fonction du bilan cultural de P (Bcum), cumul du P apporté moins celui exporté dans les récoltes. Après 17 années de monoculture de maïs dans un sol de texture sablo-limono-argileuse recevant 0, 27 et 79 kg P ha-1 an-1 de triple superphosphate, la moyenne de CP est comprise entre 0,21 et 1,89 mg P dm-3. CP diminue avec des valeurs négatives de Bcum, ne varie pas quand Bcum est proche de zéro et augmente avec des valeurs positives de Bcum. Dans des sols non carbonatés, ces évolutions sont généralement décrites par une droite dont les coefficients varient entre essais (Morel etal., 2000 ; Stroia etal., 2007 ; Morel etal., 2014).
Pour le même site expérimental, les valeurs de Pr sont présentées pour trois durées de dilution isotopique et les valeurs de CP pour chaque parcelle expérimentale (Figure 3-droite). La valeur de Pr augmente moins que proportionnellement avec les valeurs de t et CP et l’Éq. 1 décrit très précisément l’ensemble des valeurs expérimentales.
La cinétique de l’Éq. (1) a été validée pour des durées de transfert de plusieurs mois (Fardeau etal., 1985). Les paramètres caractéristiques de ces cinétiques peuvent être déterminés sur des pas de temps beaucoup plus courts et être utilisés pour simuler par extrapolation les valeurs sur des pas de temps beaucoup plus longs (Fardeau, 1993). L’Éq. 1 a été obtenue dans des échantillons de sols de grandes cultures (Morel etal., 2014 ; Morel etal., 2021), de prairies (Stroia etal., 2007 ; Messiga etal., 2012) et de sédiments de fleuves (Némery etal., 2005). Les paramètres (v, w, p) dépendent des propriétés physico-chimiques du sol. Le paramètre v (0,6-162) varie largement. Les paramètres w (0,32-0,58) et p (0,15-0,45) varient également mais dans une moindre mesure (Mollier etal., 2019). L’intérêt de connaître les paramètres de l’Éq. (1) est de quantifier et de prévoir le rôle de la diffusion solide-solution des ions phosphates dans le réapprovisionnement de la solution ou leur rétention par la phase solide du sol pour tout gradient de concentration et toute durée de transfert y compris pour des temps longs. Ainsi, une application possible est de compartimenter l’offre du sol en P en considérant des périodes de plus en plus longues de transfert sol-solution des ions phosphates (par exemple, un jour, trois mois et un an (Fardeau, 1993)) pour calculer des vitesses de réapprovisionnement à différentes échelles de temps. D’autres grandeurs du comportement des ions phosphates à l’interface solide-solution du sol peuvent être calculées pour toutes valeurs de CP et de t à partir de l’Éq. (1), comme par exemple, des courbes de sorption-désorption, le pouvoir tampon du sol vis-à-vis des ions P, le coefficient de distribution sol-solution…
Un modèle a été construit afin d’intégrer les flux et processus majeurs impliqués dans le cycle du P. Ce modèle couple le bilan cultural de P avec le P phytodisponible et permet de simuler au pas de temps de l’année ses évolutions sur plusieurs décennies (Morel etal., 2017). Il est utile pour prévoir les évolutions du P phytodisponible en l’absence de tout apport de P ou pour des apports équivalents aux exportations (Messiga etal., 2012 ; Morel etal., 2014 ; Messiga etal., 2015)
Conséquences opérationnelles
Ces nouveaux indicateurs d’évaluation du P phytodisponible améliorent-ils le diagnostic multisite du comportement des cultures ?
Pour répondre à cette question, les neuf dispositifs de longue durée de la Figure 1 ont été utilisés pour étudier la corrélation entre la courbe de réponse du rendement du maïs en fonction du stock de P phytodisponible, évalué par les indicateurs (CP, Pr) et leurs interrelations ou par l’extraction chimique Olsen.
Pour un site donné, le rendement relatif en grain augmente rapidement avec CP avant d'atteindre une valeur maximale.La courbe de réponse varie entre les essais (Figure 4-gauche). En intégrant le réapprovisionnement, progressif dans le temps, de la solution de sol en ions phosphates diffusibles provenant de la phase solide du sol, les neuf courbes se rapprochent et tendent à se superposer pour une durée de transfert sol-solution proche de la journée (Figure 4-droite). Pour juger la qualité des différents indicateurs, il est courant d’utiliser un critère statistique, le coefficient de détermination (R²), qui rend compte de l’adéquation entre les valeurs calculées par la régression exponentielle (Éq. 2) et celles obtenues au champ. Le R² est bien moindre avec CP (R²=0,40) qu’avec (QW + Pr1600) (R²=0,68) pour les 202 observations expérimentales des neuf essais. Ce dernier explique donc beaucoup mieux la variabilité expérimentale du rendement relatif. Cette courbe de réponse multisite est à comparer à celle obtenue avec l’extraction Olsen (Figure 1) également moins explicative et prédictive avec un R² de 0.63 pour seulement 181 observations expérimentales (absence de données de P-Olsen pour le Site 6). Ce résultat obtenu avec la culture du maïs a été également obtenu avec la culture de légumes comme le haricot vert et la carotte (Kouassi, 2011).
Les indicateurs (CP et Pr) et la modélisation de leurs interrelations améliore significativement le diagnostic multisite car la vitesse de réapprovisionnement de la solution par des ions phosphates de la phase solide du sol est prise en compte. Cette vitesse varie avec les propriétés physicochimiques des sols. Par exemple, pour une valeur donnée de CP, elle est plus faible dans un sol sableux (sites S1 et S2 des Figures 1 et 4) que dans un sol argileux (sites S8 et S9 des Figures 1 et 4). Pour avoir un même stock d’ions phosphates diffusibles sur la phase solide du sol, il faut donc une valeur de CP plus élevée dans un sol sableux que dans un sol argileux (Morel et al., 2000).
L’évaluation fonctionnelle et mécaniste du P phytodisponible rend mieux compte que la méthode Olsen des courbes de réponse observées dans les essais de longue durée étudiés. Il faut cependant noter l’existence d’une variabilité expérimentale résiduelle dont l’origine est probablement multifactorielle. En dehors de considérations méthodologiques (la mise en suspension du sol affecte-t-elle la détermination de CP et le transfert sol-solution des ions phosphates ?) et de la question, déjà évoquée, de la contribution d’autres processus rhizosphériques, un autre facteur probablement important est celui de la contribution du sous-sol, sol situé en dessous de la couche labourée, à la nutrition phosphatée. Dans la grande majorité des études agronomiques, les relations entre le P phytodisponible du sol et le rendement relatif d’une culture donnée ont été établies en ne considérant que la couche labourée. La contribution à la nutrition des plantes du sous-sol est implicitement négligée en raison d'une exploration racinaire beaucoup plus faible au-delà de la couche labourée du sol (Li et al., 2017) et d’une teneur de P phytodisponible beaucoup plus faible que dans la couche labourée, généralement fertilisée (Boniface et Trocmé, 1988 ; Shepherd et Withers, 1999). Néanmoins, même si les sous-sols ne fournissent qu’une moindre part du P prélevé chaque année par la culture, cette part peut varier largement entre les sites, par exemple, selon que le sol est mince ou profond et que la couche superficielle de sol est asséchée et/ou avec une teneur déficiente de P phytodisponible (Kautz et al., 2013). Des recherches sont donc nécessaires pour quantifier la contribution des sous-sols à la nutrition phosphatée des cultures et à sa variabilité en fonction des sols, des cultures et de l’historique de fertilisation phosphatée.
Quelle relation entre les propriétés du sol et le transfert sol-solution des ions phosphates diffusibles ?
Pour déterminer les paramètres (v, w, p) de l’Éq. (1), il faut disposer d’un laboratoire ayant reçu l’agrément de l’Agence de sûreté nationale et réservé à la manipulation de radio-isotopes dans un cadre réglementaire. Celui-ci ne peut être utilisé que par du personnel habilité, formé et muni d’une dosimétrie individuelle pour suivre l’exposition aux rayonnements ionisants, et être équipé de matériel de radioprotection. Ces contraintes, coûteuses à mettre en œuvre, ne permettent pas à un laboratoire d’analyses de sol en routine de déterminer les paramètres (v, w, p) empêchant le transfert des connaissances de la recherche vers le développement agricole.
Une alternative pour estimer les paramètres (v, w, p) sans avoir à les mesurer avec des ions phosphates radioactifs consiste à les estimer avec des analyses de substitution et des fonctions de pédotransfert (FPT), définies comme « des outils, basés sur des relations statistiques, qui permettent d'estimer et de prédire des propriétés ou des comportements du sol, difficiles à mesurer directement, à partir d’autres propriétés du sol aisément déterminées en routine[5] »
Un premier travail d’élaboration de FPT des paramètres (v, w, p) a été réalisé pour 54 échantillons de la couche labourée de sols non carbonatés. Les principales propriétés du sol déterminant le transfert sol-solution des ions phosphates (Sharpley 1983 ; Burkitt etal., 2006) ont été analysées. Il s’agit de la texture (5 fractions : argile (Arg), limon fins (Lf), limons grossiers, sables fins et sables grossiers), du pH, des teneurs en carbone organique, oxyhydroxides de fer et d’Al amorphes (extraction à l’oxalate d’ammonium (Fe-ox, Al-ox) et cristallisés (extraction citrate bicarbonate dithionite (Fe-cbd, Al-cbd)), la capacité d’échange cationique cobaltihexamine (CEC) et du Ca échangeable. Ces analyses faites en routine sont décrites à l’adresse du laboratoire d’analyse de sols de l’INRAE[6]. Une synthèse des résultats est présentée dans le Tableau 1.
Tableau 1. Moyenne, valeurs maximale (MAX) et minimale (MIN) des analyses physico-chimiques, réalisées en routine par les laboratoires d’analyses de sol, et des paramètres (v, w, p) de 54 échantillons de la couche labourée de sols cultivés en grandes cultures. | ||||
Analyses |
| Moyenne | MAX | MIN |
Argile (< 2 µm) | g/kg | 179 | 369 | 34 |
Limons fins (2/20 µm) | g/kg | 230 | 409 | 4 |
Limons grossiers (20/50 µm) | g/kg | 268 | 521 | 2 |
Sables fins (50/200 µm) | g/kg | 117 | 239 | 19 |
Sables grossiers (200/2000 µm) | g/kg | 205 | 909 | 2 |
Carbone (C) organique | g/kg | 17,9 | 59,1 | 5,2 |
pH_eau |
| 6,7 | 8,2 | 4,8 |
CEC cobalthihexamine | cmol+/kg | 10,1 | 23,6 | 1,7 |
Ca échangeable | cmol+/kg | 9,4 | 23,5 | 1,1 |
Al-ox | g/kg | 2,2 | 11,1 | 0,3 |
Fe-ox | g/kg | 2,9 | 8,4 | 0,2 |
Al-cbd | g/kg | 2,2 | 8,4 | 0,3 |
Fe-cbd | g/kg | 9,3 | 24,8 | 0,2 |
Paramètre v de l’Éq. 1 |
| 10,9 | 24,7 | 0,1 |
Paramètre w de l’Éq. 1 |
| 0,39 | 0,70 | 0,19 |
Paramètre p de l’Éq. 1 |
| 0,26 | 0,69 | 0,13 |
Parmi les différents traitements statistiques réalisés, la FPT la plus performante pour décrire le paramètre v est l’équation non-linéaire suivante :
ln(v) = 6:23 + 1:25 × ln(Arg) + 0:43 × ln(Lf/2) Éq. (2)
Cette équation, qui rend compte de 93 % de la variabilité expérimentale, indique que le paramètre v augmente avec les teneurs en argile granulométrique et limon fin. Ce sont les particules les plus fines du sol qui développent les surfaces les plus importantes par unité de masse et réagissent avec les ions phosphates par des mécanismes précédemment décrits. Cette relation est parfaitement logique et témoigne simplement de l’importance bien connue des surfaces dans les processus de transfert des ions phosphates à l’interface solide-solution (Sigg etal., 2022). Ce résultat doit encore être confirmé en testant et validant l’Éq. (2) pour une autre série indépendante d'échantillons de sol non carbonaté. Pour les paramètres w et p, aucune FPT de mesures de substitution n’a pu être trouvée. L’explication probable est que les propriétés du sol analysées en routine ne rendent pas compte des processus sous-jacents à ces deux paramètres (répulsion électrostatique et diffusion des ions phosphates dans la phase solide du sol, cinétique chimique…). Il faudrait probablement considérer d’autres analyses, plus spécifiques, telle que la mesure de la charge électrique de surface, la porosité du sol...
Conclusions et perspectives
Le P extrait du sol avec les habituels réactifs chimiques n’évalue pas correctement le P-phytodisponible du sol, ce qui pénalise la qualité des prescriptions de la fertilisation P. L’analyse du fonctionnement des racines pendant l’absorption de P indique qu’il faut quantifier les ions phosphates dissous et leur transfert sol-solution par diffusion, processus très impliqué dans le réapprovisionnement de la solution de sol. A titre d’exemple d’application agronomique, l’utilisation de ces indicateurs a permis d’améliorer le diagnostic multisites du maïs. L’approche expérimentale proposée répond à la nécessité de gérer le P du sol sur la base de connaissances fonctionnelles et mécanistes favorables à la transition agroécologique (Papy et al., 2022). Cette approche devrait être généralisée à d’autres types de culture et de sol afin d’élaborer de nouveaux référentiels d’interprétation pour raisonner les apports de P et éviter plusieurs travers des référentiels actuels : entretenir des teneurs inutilement trop élevées et préjudiciables à l’environnement et à la biodiversité ; économiser l’utilisation d’engrais minéraux phosphatés de synthèse, source d’émission de CO2 lors de leur fabrication.
Les travaux de recherche et de R&D sont à poursuivre et développer afin de permettre le déploiement à grande échelle des concepts et des indicateurs proposés et de construire les référentiels d’interprétation de la fertilisation phosphatée associés en particulier à la diversification végétale dans les démarches de transition agroécologique. On peut recommander les pistes suivantes.
- Étudier l’effet des conditions expérimentales (rapport volume-sur-masse des suspensions de sol ; force ionique de la solution ; etc.) sur la concentration et la spéciation des ions phosphates en solution et le transfert sol-solution par diffusion des ions phosphates.
- Quantifier le rôle des autres processus rhizosphériques (autre que la diffusion sol-solution des ions phosphate) à la nutrition phosphatée des plantes. Sur ce point, le cas des légumineuses, espèces peu étudiées malgré leur grand intérêt écologique et économique en agriculture et fer de lance de la diversification végétale dans le cadre de la transition agroécologique, devrait être privilégié.
- Évaluer la variabilité en fonction des systèmes sol-plante de la contribution à la nutrition phosphatée des couches de sol situées sous la couche labourée. Plus généralement, cette question est majeure et centrale pour construire des référentiels d’interprétation dans des situations sans labour (agriculture de conservation des sols ; prairies permanentes), puisque dans ces situations la teneur en P-phytodisponible varie avec la profondeur du sol de même que l’exploration racinaire.
- Généraliser l’étude et l’analyse du déterminisme physicochimique du transfert sol-solution par diffusion des ions phosphates pour élaborer par chimiométrie les fonctions de pédotransfert des paramètres (v, w, p) pour de grandes séries de sols carbonatés et non carbonatés.
- Poursuivre l’étude de la valorisation des matières fertilisantes organiques et en particulier de leur valeur fertilisante phosphatée
[1] L'exigence d'une culture vis-à-vis du phosphore désigne la plus ou moins grande perte de rendement lorsque l'offre du sol en P est de plus en plus faible.
[2] Le stock de P dans la couche labourée de sol est la teneur en P multipliée par la masse de terre fine dans la couche labourée de sol.
[3] volume de sol influencé par l’activité des racines et des micro-organismes associés (Wang et al., 2022)
[4] mélange de 1 g de sol pour 10 cm3d’eau en présence de biocide pour éviter toute reprise d’activité microbiologique
[5] lorexplor.istex.fr/Wicri/Europe/France/InraMotsAgro/fr/index.php/Fonction_de_pédotransfert
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