Quels sont les indicateurs relatifs au travail mobilisables dans une évaluation multicritère ?
Résumé
A l’heure même où le travail en agriculture connait des évolutions majeures, la transition agroécologique nécessite de profonds changements dans la nature et le nombre des opérations à effectuer et remet donc en question non seulement les systèmes de culture mais l’organisation du travail dans les exploitations agricoles. Ces mutations supposent de fournir aux acteurs des références sur leurs conditions et leurs impacts sur le travail ainsi que des indicateurs permettant leur évaluation. Nous recensons les indicateurs relatifs au travail de onze méthodes d’évaluation multicritère. Nous tentons de préciser les situations dans lesquelles ils seraient pertinents et mobilisables et de confronter cette offre avec les besoins exprimés par les agriculteurs. Nous puiserons dans la littérature sur le travail en élevage pour enrichir la réflexion des agronomes et esquissons quelques perspectives pour les évaluateurs, les concepteurs de méthodes d’évaluation multicritère et les agronomes préoccupés par les questions méthodologiques.
Mots clés : évaluation multicritère, travail, système de culture, exploitation agricole, transition agroécologique
Abstract
Support the agroecological transition in a context of profound change in agricultural work requires being able to provide stakeholders with the necessary information and therefore give them the means to raise awareness, to provide references on the conditions and impacts on work of the changes then plan, to report, to identify improvements, to simulate changes... In other words, the multi-criteria assessment must include work-related criteria.
We identify and classify the indicators relating to work identified in 11 multi-criteria evaluation methods available in France, which can be used for different purposes, ex ante and/or ex post, individually or collectively. We will try to specify the evaluation situations in which these indicators seem relevant and mobilizable. We will compare this offer with the needs expressed by farmers for information about the work to operate and succeed the agroecological transition. We will look for inspiration in the publications on work in livestock sector to enrich agronomists thought. Finally, we will identify some perspectives for agronomists who conduct assessments or develop methods or address the methodological issues raised by multi-criteria assessment.
Introduction
L’objectif de transition agroécologique se superpose à des évolutions majeures du travail en agriculture : croissance du salariat, de la délégation et de l’automatisation, émergence de projets collectifs complexes, poursuite du découplage entre vie professionnelle et vie privée, arrivée de néo-agriculteurs, renouvellement des générations, diversification des conceptions du métier sur fond de controverses sur les pratiques, conflits de voisinage avec une population sans culture agricole, accroissement de la charge administrative, augmentation de la fréquence et de l’amplitude des aléas climatiques et des variations des prix.
Accompagner la transition agroécologique dans ce contexte suppose d’être en mesure de fournir aux acteurs les informations nécessaires et donc de se doter des moyens de sensibiliser et fournir des références sur les conditions des changements envisagés et leurs impacts sur le travail, rendre compte, identifier les éléments à améliorer, simuler les changements… En d’autres termes, l’évaluation multicritère doit inclure des critères relatifs au travail.
Nous recensons ici et classons les indicateurs relatifs au travail identifiés dans 11 méthodes d’évaluation multicritère disponibles en France, utilisables pour différentes finalités, a priori et/ou a posteriori, de manière individuelle ou collective. Nous tenterons de préciser les situations d’évaluation dans lesquelles ces indicateurs nous paraissent pertinents et mobilisables. Nous confronterons cette offre avec les besoins exprimés par les agriculteurs en matière d’informations concernant le travail pour opérer et réussir la transition agroécologique. Nous chercherons dans les réflexions sur le travail en élevage des sources d’inspiration pour enrichir celles des agronomes. Enfin, nous dégagerons quelques perspectives pour les agronomes qui réalisent des évaluations, qui conçoivent des méthodes ou traitent les questions méthodologiques que pose l’évaluation multicritère.
Les méthodes retenues
Une caractérisation de méthodes et des outils d’évaluation de la durabilité -multicritères ou non- a été menée de 2012 à 2019 notamment dans le cadre du RMT ERYTAGE (Evaluation de la duRabilité des sYstèmes et Territoires AGricolEs) et a permis de mettre à disposition de tous, via une plateforme web, une information sur la diversité des méthodes et outils utilisés (Surleau-Chambenoit, 2013). Le travail mené alors nécessiterait une actualisation ; des méthodes et outils ne sont plus utilisés ou entretenus et d’autres restent confidentiels. Nous limitons donc cet état de l’art aux méthodes pour lesquelles nous disposons d’une information suffisante à travers des publications ou de la documentation technique accessible[1].
Les méthodes retenues sont caractérisées par le(s) niveau(x) d’organisation évalué(s), le type d’évaluation, les finalités et le cadre d’utilisation pour lesquels elles ont été conçues (Fig 1).
Quels sont les indicateurs relatifs au travail dans les méthodes d’évaluation multicritère ?
L’analyse des 11 méthodes et outils étudiés fait apparaître une grande diversité d’indicateurs relatifs au travail, au niveau de l’exploitation agricole ou de la parcelle / du groupe de parcelles (Fig 2). Ils peuvent être classés selon les thèmes suivants :
- Productivité du travail
- Rémunération du travail
- Temps de travail
- Temps libre
- Pénibilité et satisfaction au travail
- Insertion dans le milieu professionnel
- Insertion dans le milieu local
- Contribution à l’emploi et gestion de la main d’œuvre salariée
Temps de travail, temps libre, rémunération et productivité
Le temps de travail global par unité de main d’œuvre et la rémunération du travail ne font l’objet d’indicateurs -économiques- que dans des méthodes dédiées à l’échelon « exploitation agricole » et conçues par des réseaux militants (notamment RAD et Agriculture Paysanne ou, dans une moindre mesure, IAD). La surface / unité de travail ne constitue qu’une donnée d’entrée d’IDEA.
Il en va de même, pour le temps libre (à l’exception d’IndicIADes et, inversement, de DEXI-PM qui considère l‘équilibre de la charge de travail).
Ces méthodes (sauf IndicIADes) s’attachent aussi à l’évaluation de la productivité de la main d’œuvre. C’est également le cas d’autres méthodes du niveau exploitation (Cassiopé Performanceâ, SYSTERREâ) et également, au niveau parcelle, de CRITER, ou du calculateur de la démarche STEPHY qui distingue le temps de travail / ha avec les outils mécaniques et avec le pulvérisateur. A noter enfin que SYSTERREâ et CRITER partagent un indicateur spécifique concernant la nature du travail en caractérisant le temps de veille technico-économique.
On notera que la répartition du travail dans l’année n’est évaluée par aucun indicateur ni constitue une donnée d’entrée explicite pour un indicateur.
Conditions de travail, pénibilité et satisfaction
Plusieurs méthodes du niveau exploitation agrègent dans un même indicateur conditions de travail et intégration dans l’environnement (IndicIADes), voire temps de travail (Cassiopée Performanceâ ) ou conditions, intérêt du travail et stress (Diag Ago Eco) mais, sauf le Diag AgroEco, considèrent aussi la satisfaction au travail. Celle-ci est également abordée par CRITER (et IDEA en tant que donnée d’entrée pour le calcul d’un indicateur plus large).
En revanche, le Diag AP distingue la satisfaction globale sur l’activité et ses contraintes de la qualité de la vie professionnelle (qui inclue pénibilité et ressenti notamment vis-à-vis de tâches récurrentes) quand IDEA et DEXI-AF évaluent la difficulté physique et la pénibilité.
Enfin, la charge mentale liée à la complexité des systèmes apparaît comme un critère commun aux méthodes issues de CRITER-MASC même si, une fois encore, IDEA la mobilise comme donnée d’entrée pour l’évaluation de l’intensité et qualité au travail.
De même ces méthodes pointent les risques sanitaires pour les travailleurs résultant de l’usage de pesticides voire le risque de contamination par une mycotoxine (DEXI-PM) ou la sécurité des installations (IDEA).
Environnement de travail
Les méthodes au niveau exploitation, notamment Diagnostic de durabilité du RAD et DiagAP, accordent une place à l’environnement de travail comme contexte, familial ou professionnel, pour le DiagAP, ou sous l’angle de l’insertion dans le milieu professionnel et/ou local (Diagnostic de durabilité du RAD : 3 indicateurs, IDEA et Cassiopée Performanceâ : 1 indicateur). Cette dimension du travail semble ignorée dans les autres méthodes.
Contribution à l’emploi et gestion des salariés
Enfin, la contribution à l’emploi ne figure que dans CRITER et dans le DiagAP ou, indirectement mais par plusieurs items, dans IDEA. Cette dernière méthode est la seule à intégrer dans son évaluation la gestion des salariés : accueil et hébergement de la main-d'œuvre temporaire et des stagiaires, origine, accident du travail ou maladie professionnelle, diversité des tâches : autonomie et responsabilité dans les missions confiées aux salariés.
Dans quelles situations d’évaluation ces indicateurs sont-ils pertinents et mobilisables ?
En l’absence d’une typologie des usages actuels de l’évaluation multicritère, nous nous proposons de discuter la pertinence et les conditions de mobilisation des indicateurs présentés précédemment dans des situations d’évaluation identifiées par leurs finalités telles que définies dans le guide de l’évaluation multicritère (Lairez et al., 2015).
Sensibiliser
Par la diversité de leurs indicateurs, les méthodes élaborées par le RAD ou l’Agriculture Paysanne et destinées à l’autodiagnostic, comme IDEA au moins dans ses premières versions, permettent à l’agriculteur de s’interroger sur le travail dans l’exploitation sous divers angles. Par extension, elles peuvent servir de support de réflexion collective et de formation des apprenants, par exemple à l’occasion de stages.
Vérifier que des plans d’action ont produit des résultats conformes aux objectifs ou rendre compte de la conformité à une réglementation / un cahier des charges ou promouvoir une image, une réputation, des valeurs ne paraît pas répondre à une demande. Si des politiques ou des projets s’intéressent au travail en élevage, nous n’avons pas connaissance de plans d’action, réglementation, cahier des charges …mentionnant des objectifs de cet ordre en production végétale, hormis la réglementation qui s’applique aux salariés.
Produire des références par comparaison de systèmes de culture
Par-delà l’évaluation des temps de différents types de travaux au champ, l’indicateur temps de veille technico-économique de SYSTERREâ et de CRITER défini comme « l’investissement en temps pour acquérir les connaissances nécessaires à la maîtrise du système » a le mérite de donner une indication du temps consacré « hors champs » aux systèmes de culture ou à leur évolution.
Certains publics peuvent être sensibles à la satisfaction au travail dont CRITER propose une évaluation certes subjective mais qui peut peser sur les choix de systèmes ou, en tout cas, est soulignée, par exemple, par les agriculteurs après une conversion à l’agriculture biologique. De même, la complexité du système de culture ou des interventions, évaluée par les méthodes de la famille DEXI, peut constituer un frein à l’adoption de nouvelles pratiques et, à ce titre, mérite de figurer par les références sur des systèmes de culture comparés, par exemple dans une expérimentation système.
Enfin, apprécier la difficulté physique, la pénibilité du travail et les risques pour la santé semble cohérent avec l’attention croissante de la société, des acteurs de la protection sociale sinon de tous les agriculteurs à leur santé. Avec l’indicateur « risque de contamination par les mycotoxines », DEXI-PM élargit le champ des risques sanitaires résultant des choix des de culture.
Produire des références par comparaison de systèmes d’exploitation agricole
Hormis les critères quantitatifs de rémunération ou de productivité du travail, l’évaluation du temps de travail ne repose sur une mesure effective que pour des salariés, soit une partie de la main d’œuvre (sauf dans le cas de fermes expérimentales dédiées à la production de références). Elle comporte donc une marge d’erreur. Les autres indicateurs proposés par les méthodes étudiées, reposent sur une appréciation subjective et ne peuvent permettre de constituer des références solides que formulées en termes de classement des systèmes et établies sur des effectifs suffisants via des réseaux ou par compilation des retours d’évaluation organisés comme pour IDEA4 et facilités par la mise à disposition d’outils numériques.
Cette dernière exigence sera limitée si l’on cherche à produire des références par le suivi de systèmes de culture ou d’exploitations en termes de sens de variation et à travers des fermes expérimentales ou des dispositifs de type observatoire ou enquête récurrente.
Identifier les points à améliorer
La mise en évidence de voies d’amélioration suppose un diagnostic qui dépasse l’évaluation. Identifier voire hiérarchiser les facteurs en cause n’est possible que sur la base d’hypothèses qualitatives sinon quantitatives. Les méthodes et outils examinés ne fournissent pas de modèle d’analyse permettant de tester différentes explications des performances en matière de travail. Si on peut sans trop de risque d’erreurs remonter du temps de travail/ ha, de la complexité du système de culture ou des risques pour la santé qu’il fait courir aux successions culturales et aux itinéraires techniques, la complexité de l’organisation du travail dans l’exploitation agricole rend le diagnostic plus délicat à cet échelon. La figure 3 propose une représentation des déterminants et des relations de cause à effet entre les différents groupes d’indicateurs mis en évidence précédemment au niveau de l’exploitation.
Simuler de nouveaux systèmes
Pour les mêmes raisons, l’évaluation ex ante des impacts de nouveaux systèmes de culture sur le travail au champ est relativement simple tant dans une démarche de co-conception avec un agriculteur ou un groupe que lors d’un prototypage de systèmes de culture en préalable à une expérimentation système. Les temps des travaux au champ sont calculés par les outils de l’évaluation multicritère sur la base des itinéraires techniques et des caractéristiques du matériel disponible. L’évolution des indicateurs de pénibilité et de risques pour la santé peut être déduite des modifications d’itinéraires techniques à condition de les définir jusqu’au choix des substances actives).
En revanche, la simulation des conséquences de modifications des systèmes de culture sur le travail au niveau de l’exploitation requiert la prise en compte de nombreux facteurs et interactions et les méthodes et outils examinés ne sont pas conçus pour l’évaluation ex ante. Le recoursà un outil spécifique, tel que DiagOrgaApp issu de la méthode Mécagro, devient nécessaire dans l’aide à la décision mais suppose notamment le recueil des règles de décision de l’agriculteur concernant dates et conditions d’intervention par culture.
Parmi les utilisateurs ou bénéficiaires des résultats de l’évaluation multicritère des systèmes de culture et des exploitations agricoles, les agriculteurs constituent une cible prioritaire.
Que disent les agriculteurs de leurs besoins en termes de références et d’outils pour changer leurs pratiques ?
Si les usages de l’évaluation multicritère restent à décrire comme l’ont été ceux des méthodes et outils de l’évaluation agro-environnementale (Leclercq et al., 2011), Delecourt et al. (2019) ont mené une enquête sur les données relatives au travail que les agriculteurs jugent nécessaires pour la transition vers plus de durabilité. Nous reprenons ici largement leurs conclusions. Les auteurs identifient 4 types de changements dans le travail engendrés par l’introduction de pratiques plus respectueuses de l’environnement. D’après les enquêtes menées, les changements de pratiques se traduisent par des modifications en termes de :
- nature et nombre des opérations, et donc temps et calendrier de travail,
- besoins en main d’œuvre et en compétences,
- concurrence et priorités entre tâches et donc gestion de la main d’œuvre,
- pénibilité (horaires de travail, charge mentale …) ou épanouissement (autonomie …)(Delecourt et al., 2019).
Les agriculteurs interrogés jugent facilement disponible mais insuffisante voire erronée l’information sur le temps de travail /ha nécessaire à de nouvelles pratiques (par exemple travail du sol réduit ou traitements bas volume), notamment par défaut de prise en compte des trajets ou de la préparation. Surtout, le calendrier de l’opération et sa flexibilité sont essentiels car susceptibles d’entraîner l’accumulation de concurrence entre opérations. Pour prévoir ces compétitions, ils ont besoin d’information sur l’ordonnancement des opérations en cause mais aussi sur celles qui précèdent et suivent (« annexes ») et celles qui se trouvent indirectement modifiées (« affectées ») (Delecourt et al., 2019).
Les agriculteurs regrettent aussi de ne pas avoir eu connaissance, avant de tester de nouvelles techniques :
- du nombre de passages nécessaire pour obtenir le résultat attendu, qui influe sur le calendrier de travail et donc les concurrences entre tâches,
- de précision, difficiles à trouver, sur les opérations « annexes » et « affectées »,
- de la pénibilité ou des satisfactions que ces techniques suscitent (Delecourt et al., 2019).
On le constate, hormis la pénibilité et la satisfaction, les références souhaitées, de nature technique et très précises, sont envisagées pour concevoir des systèmes via une simulation, plus ou moins formelle, de leur fonctionnement (Delecourt et al., 2019).
Compte tenu de la complexité de l’organisation du travail qui dépend de paramètres nombreux, à différents niveaux et à fort impact (météorologiques, pédologiques, humains…) :
- une simulation même approchée nécessite un modèle complexe et de multiples données d’entrée peu compatibles avec une évaluation multicritère via un outil unique ;
- les données plus globales acquises dans des systèmes (systèmes de culture ou exploitations) jugés comparables restent peu transposables ;
- les échanges entre pairs alimentés par des autodiagnostics ne peuvent répondre que partiellement à la demande (Delecourt et al., 2019).
Or la nature et le nombre des opérations, leurs interactions et la gestion des concurrences entre tâches constituent les données d’entrée d’un simulateur comme DiagOrgaApp (Fig 4).
L’apprentissage expérientiel reste donc indispensable pour produire ces informations voire des règles de décision à tester par simulation. Accompagner le changement revient alors à équiper les agriculteurs pour évaluer les conséquences de leurs choix d’organisation du travail, par exemple, comme en témoigne un agriculteur interrogé, par un dispositif associant les retours d’un groupe de pairs et l’accompagnement régulier et méthodique d’un conseiller (Delecourt et al., 2019).
Quelle inspiration l’agronomie peut-elle trouver dans les réflexions menées en matière d’évaluation du travail dans le secteur de l’élevage ?
Le temps de travail, sa pénibilité, l’astreinte constituent depuis longtemps des préoccupations cruciales dans le monde de l’élevage, notamment laitier, car responsables de nombreux abandons de cette activité. Le travail en production animale fait donc l’objet de travaux approfondis comme, par exemple, le Bilan Travail (Dedieu et Servière, 1999). Ainsi Cornut et Servière (2018) proposent-ils un cadre d’analyse de la durabilité sociale en élevage (Fig 5) que l’on peut comparer aux thèmes abordés par les indicateurs des méthodes étudiées. Apparaît ainsi un thème absent, au moins explicitement, de ces méthodes : le sens du métier que les auteurs déclinent en « choix du métier », « ce que les éleveurs recherchent dans leur métier » et « la reconnaissance qu’ils tirent de leur métier ». Nous l’avons intégré comme déterminant dans le modèle d’analyse proposé pour un diagnostic du travail dans l’exploitation agricole (Fig 3).
Par ailleurs, la comparaison des items de chaque dimension proposée par Cornut et Servière avec les indicateurs recensés suggère également de nouveaux critères -au moins descriptifs-concernant
- l’organisation du travail : amplitude, astreinte et répartition dans l’année, infrastructures (foncier, équipements et bâtiments) ;
- socialisation et partage : famille (travail bénévole, tâches familiales, soutien moral et financier), voisins (cohabitation, rôles des politiques, des mouvements associatifs), collègues éleveurs (promotion de l’élevage) ;
- insertion territoriale : services rendus par l’activité (emploi, paysage, diversité), services attendus par l’activité (infrastructures, emploi pour conjoints, activités pour enfants), complémentarité des modèles d’exploitation (densité agricole, synergie élevage et production végétale).
Si les thèmes ou critères « infrastructures de l’exploitation », « services attendus par l’élevage », « socialisation et partage » constituent plutôt des conditions et facteurs de l’organisation du travail, de la qualité de vie, du bien-être et de la santé, leur connaissance est nécessaire lorsqu’un diagnostic doit être posé notamment dans une démarche d’accompagnement du changement.
Les autres thèmes et critères peuvent fournir aux agronomes des pistes de réflexion pour enrichir les évaluations voire les méthodes à différents niveaux d’organisation. Les services rendus et la complémentarité des modèles d’exploitation pourraient relever de l’évaluation du travail au niveau territorial ?
Quelles perspectives pour l’évaluation multicritère ?
Ce début d’inventaire de l’offre d’indicateurs relatifs au travail dans les méthodes d’évaluation multicritère reste à compléter d’une part via un recensement exhaustif des méthodes et des indicateurs, notamment à l’aide de la base INDIC[1], d’autre part via un inventaire des indicateurs mobilisés dans le cadre d’évaluations multicritères faisant appel à plusieurs méthodes et outils spécifiques.
Il offre néanmoins aux utilisateurs de méthodes d’évaluation multicritère une première palette d’indicateurs pour compléter leurs évaluations même si leur intégration dans des outils d’évaluation multicritère n’est pas prévue. Il fournit aussi des sources d’inspiration ou au moins des pistes de réflexion pour les concepteurs de méthodes.
Il serait utile de caractériser toutes les situations d’usage de l’évaluation multicritère par leurs finalités, mais aussi les contraintes, moyens et ressources disponibles, exigences en termes de précision, fiabilité, afin de préciser les lacunes de l’offre.
Dans le contexte de la transition agroécologique et d’évolution des modes de vie qui concerne aussi les agriculteurs, le travail mérite que les lieux de réflexion sur l’évaluation multicritère (par exemple le groupe Evaluation Multicritère du GIS Grandes Cultures) se saisissent de ce thème pour initier un chantier de travail sur l’évaluation sociale et notamment les questions de « changement d’échelle » en la matière et dialogue avec les sciences humaines et sociales : sociologie, ergonomie, droit, par exemple.
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