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Avant-propos

M. BENOÎT Président de l’AFA et O. RECHAUCHÈRE Rédacteur en chef

Nous étions prévenus, par les auteurs de l’ouvrage récent « l’agronomie en action », assumant une posture résolument engagée : l’agronomie se doit d’être action ! Ce numéro d’AE&S consacré aux ateliers Terrain de l’Association Française d’Agronomie satisfait complètement à cette promesse. En effet, il démontre que la mise en situation concrète d’un groupe d’agronomes des différents métiers pour échanger, débattre et faire des propositions partagées à propos d’une situation agronomique locale, est extrêmement fructueuse. De plus, au fil des cas présentés se dégage une vision, certes encore kaléidoscopique, d’une agronomie qui sait aborder une diversité de questions, les mettre à l’épreuve des faits, et non des dogmes, et qui petit à petit construit une base d’expériences pour toutes celles et ceux qui désirent voir l’agronomie en situation d’action. Aux côtés des avancées d’une «agronomie globale», ou de celle des modèles, l’agronomie de terrain, «clinique», apparait ici à la fois dans sa pertinence pour l’action et dans son processus d’enrichissement permanent par sa confrontation des connaissances et compétences d’agronomes aux réalités du terrain. Trois entrées nous permettent de mettre en lumière la pertinence d’un tel numéro d’AE&S :

1. L’histoire de l’agronomie est riche de mises en lecture de faits agricoles que les agronomes observent, enregistrent, interprètent, et traduisent en conseils d’action. Depuis la conférence agricole de Christophe-Joseph-Alexandre Mathieu de Dombasle, jusqu’au profil cultural de Hénin, Rémy et Hébert, l’histoire de l’agronomie peut se lire, aussi, comme une création continue d’outils d’analyse clinique in situ. Les ateliers Terrain sont une récente initiative qui remobilise cette histoire, dans des situations très variées.

2. Les ateliers Terrain sont une démarche maintenant suffisamment mise à l’épreuve de situations diverses pour être validée comme démarche partagée permettant aux agronomes de frotter les acquis de leurs divers métiers des agronomes, pour produire une lecture commune in situ, et se frotter aux visions d’autres disciplines ainsi qu’à un ensemble très diversifié d’acteurs territoriaux.

3. Les situations étudiées, sous un mode clinique, sont très variées. Bien sûr l’agronomie, déjà définie en 1974 par S. Hénin comme une écologie appliquée aux champs cultivés, continue à soigner ses regards sur l’interface milieu-plante cultivée-technique agricole. Mais des ateliers appréhendent des flux bio-géo-chimiques, d’autres creusent des fonctionnements de sous-systèmes d’exploitation, d’autres enfin, des dynamiques d’unités de paysages montrant que les agronomes sont capables d’intervenir à différentes échelles, toujours à la recherche de croisements féconds avec d’autres compétences (par exemple hydrogéologues, pédologues, écologues, zootechniciens, paysagistes). Cette diversité montre que le dispositif des «ateliers Terrain» est maintenant à disposition de notre communauté, et de nos proches passionnés par l’observation clinique in situ de fragments signifiants de notre Terre, tenant compte de l’évolution de la place et du rôle de la production agricole dans la société actuelle.

Enfin, n’oublions pas une dimension anthropologique essentielle de ces ateliers Terrain: l’expérience vécue, pour chacune et chacun des agronomes illuminés par un superbe soleil, ou arrosés par une pluie froide et drue, nous rappelle que le fonctionnement de notre Terre est aussi à vivre ... sur le terrain.