Évaluation de la disponibilité et la gestion du phosphore dans les agrosystèmes : avancées scientifiques et techniques
Alain Mollier*, Pascal Denoroy*, Christian Morel*
* ISPA, INRA, Bordeaux Sciences Agronomiques, 33140 Villenave d’Ornon, France
Résumé
La gestion de la nutrition phosphatée des cultures est une problématique importante en agriculture. L’objectif de cet article est de montrer comment les avancées scientifiques sur l’étude du cycle biogéochimique du P dans les agrosystèmes permettent de renouveler les bases du raisonnement de la fertilisation P, en identifiant et quantifiant les processus qui contrôlent le transfert sol-plante du P.
Deux nouveaux indicateurs, la concentration en ions phosphate dissous de la solution du sol et le transfert des ions phosphate diffusibles à l’interface sol-solution permettent d’estimer le P disponible du sol sur des bases mécanistes. Ils améliorent le diagnostic du comportement des cultures en expliquant l’influence du type sol sur la définition de seuils pour le raisonnement de la fertilisation. Ils permettent de prédire le prélèvement de P et l’effet des pratiques de fertilisation P.
Mots-clés : phosphore, cycle biogéochimique, agrosystème, gestion, fertilisation
Abstract
Assessment of soil phosphorus availability and its management in agrosystems: scientific and practical advances
The crop phosphorus nutrition management is a challenging issue in agriculture. The objective of this paper is to illustrate how the scientific progresses on the analysis of the biogeochemical P cycle in agrosystems make it possible to renew the P fertilisation recommendations and practices by identifying, quantifying and ranking the main processes that govern the soil-plant P transfer. Two new mechanistic-based indicators, the concentration of phosphate ion in soil solution and the transfer of diffusible phosphate ions at the solid-to-solution interface make it possible to assess the soil P availability. These new soil P availability indicators improve the diagnosis of crop P response by taking account mechanistically of the soil type effects on the definition of thresholds for P fertilisation management. The recent development of mechanistic models of biogeochemical of P cycle based on these two indicators of soil P availability allows to predict crop P uptake and the soil P availability dynamic on short and long term. Such models are useful to develop and test innovative P fertilisation strategies to improve P acquisition and utilisation efficiencies.
Keywords : phosphorus, biogeochemical cycle, agrosystem, management, fertilization
Introduction
La gestion de la nutrition phosphatée des cultures par la fourniture du sol et la fertilisation raisonnée est une problématique importante en agriculture. L’agriculture doit relever plusieurs défis : maintenir voire accroître la productivité primaire des écosystèmes cultivés pour satisfaire la demande croissante en biomasse alimentaire et non-alimentaire ; limiter les impacts environnementaux ; gérer durablement les ressources indispensables à la production agricole.
Le phosphore (P) est un élément nutritif indispensable aux végétaux et non substituable (Raghothama, 1999). Le P est peu abondant dans la nature. Il est présent dans les sols, les sédiments et les eaux de surface suite à l’altération des roches minérales phosphatées (Stevenson et Cole, 1999). Le P est fréquemment le nutriment le moins disponible dans le sol en raison de ses fortes interactions avec les constituants du sol et de la faible solubilité des minéraux phosphatés (Vitousek et al., 2010). À l’échelle planétaire, 30-40% des terres arables sont considérées limitées par la disponibilité en P impactant la production agricole (Kvaki? et al., 2018, Runge-Metzger, 1995).
Dans les agrosystèmes cultivés, les exportations répétées de P par les récoltes conduisent à une baisse de sa disponibilité dans les sols. Ce phénomène a été mis en évidence en Europe avant la découverte des engrais phosphatés au XIXe siècle (Boulaine, 2006). Dans les années 1840, J.B. Lawes a montré sur sa propriété de Rothamsted en Angleterre que l’application de phosphate de calcium solubilisé par un traitement acide pouvait améliorer le rendement des cultures. Depuis cette découverte, l’apport de fertilisants phosphatés inorganiques a été considéré par les agronomes comme la principale stratégie pour pallier la faible disponibilité du P dans les sols.
D’un point de vue environnemental, le P est un facteur déclencheur de l’eutrophisation des eaux continentales. Les modifications du cycle du P par les activités anthropiques ont conduit à une augmentation des flux de P vers ces écosystèmes et des risques d’eutrophisation (Pinay et al., 2018). Des niveaux élevés de P dans le sol impactent également la biodiversité des écosystèmes terrestres comme la richesse spécifique des prairies (Ceulemans et al., 2014).
D’un point de vue économique, le P est une ressource limitée et sujet à des tensions socio-économiques (Obersteiner et al., 2013). Les engrais minéraux P sont fabriqués à partir de dépôts sédimentaires phosphatés. L’extraction de P dans les mines a été multipliée par 4 entre 1950 et 2000. Cette tendance devrait se poursuivre voire s’accentuer. Plusieurs études prédisent un pic de production d’engrais P vers les années 2030 et un épuisement des ressources d’ici trois siècles (Cordell et White, 2011). De plus, les ressources minières sont de qualité variable et localisées dans quelques pays seulement. Même s’il subsiste des incertitudes sur ces estimations (Van Vuuren et al., 2010), la conjonction de l’augmentation de la demande alimentaire et du caractère limité de la ressource en P devraient conduire à une augmentation du prix des engrais (Scholz et Wellmer, 2013).
Nos objectifs sont de rappeler l’historique des bases du raisonnement de la fertilisation P et de montrer comment les avancées sur les connaissances du fonctionnement du cycle biogéochimique du P dans les agrosystèmes permettent de l’améliorer, en s’appuyant sur une approche mécaniste. Les perspectives de cette approche innovante sont discutées au regard des nouvelles pratiques de fertilisation notamment avec l’accroissement du recyclage des produits résiduaires organiques et de conduite des agrosystèmes.
Rappels historiques du raisonnement de la fertilisation phosphatée
Les décennies passées ont vu des progrès de connaissance importants sur la physiologie des cultures relative au P, et sur la dynamique du P dans les agrosystèmes. Cela s’est-il traduit dans les outils et pratiques de gestion du P dans les agrosystèmes ?
Une gestion essentiellement dirigée vers la satisfaction des besoins des cultures
La finalité de la gestion du P dans les agrosystèmes est l’alimentation des cultures. Le P reste un facteur limitant géré sur le moyen terme (quelques années) qu’il faut lever pour optimiser l’usage d’intrants gérés à plus court terme : eau, azote, protection phytosanitaire.
Une gestion de la fertilisation P ajustée aux besoins des cultures, combinée à une gestion des sols visant à limiter l’érosion, devrait limiter les pertes vers les eaux continentales (Nemery et al., 2005). De plus, il n’y a pas intérêt à sur-fertiliser les cultures en P, car la teneur en P des récoltes n’est pas un critère qualitatif.
L’ordre de grandeur des pertes de P est de 0.5 ±0.3 kg P ha-1 an-1 (Dupas et al., 2015), très inférieur aux pertes de N (18 ±11 kg N ha-1 an-1). À l’inverse de N, les surplus de P (0.5 à 8 kg P ha-1 an-1) s’accumulent surtout dans le sol.
Pour la gestion environnementale du P, les pays d’Amérique et quelques pays d’Europe du Nord ont développé des indices comme indicateurs semi-quantitatifs du risque de transfert de P vers les eaux de surface. Ces indices intègrent la disponibilité en P du sol, des éléments de bilans du P, des facteurs de transport (érosion, ruissellement, drainage de subsurface, distance au réseau hydrographique). Calibrés localement sur des temps courts, leur validation sur des temps longs reste limitée et leur grande hétérogénéité reste source de confusion (Buczko et Kuchenbuch, 2007).
Le P assimilable du sol : une partition chimique bicompartimentale du P du sol basée sur une analyse de terre avec des réactifs variables et non sélectifs
Le raisonnement de la fertilisation en P se base sur des relations empiriques entre le P extrait chimiquement du sol censé représenter le compartiment de « P assimilable » et le rendement des cultures. De ces relations, un « seuil de réponse/non-réponse du rendement » associé à un niveau de risque de perte de rendement par rapport au potentiel de rendement est déterminé.
Pour la gestion de la fertilisation P, l’analyse de terre reste l’indicateur le plus largement utilisé. L’analyse de plante pourrait être envisageable, mais cette approche est compliquée à mettre en œuvre en culture annuelle. L’apport de P pouvant y faire suite serait trop tardif pour être valorisé du fait de la faible mobilité du P dans le sol. En prairie permanente par contre, l’analyse d’herbe est utilisée en routine pour le pilotage de la fertilisation, la teneur en P de l’herbe étant interprétée en lien avec l’état de nutrition N (Thélier-Huché et al., 1999).
C’est par l’écart entre une teneur analytique mesurée et une teneur jugée optimale que le diagnostic de disponibilité en P du sol est établi. Généralement, les doses à apporter sont calculées sur la base des quantités de P exportées par les récoltes ou bien sont des doses forfaitaires associées au système de culture (Jordan-Meille et al., 2012). Le stock de P disponible dans lequel se dilue l’apport de l’année est beaucoup plus important que cet apport. L’apport de l’année modifie peu ce stock, mais il le fait dans sa composante la plus rapidement disponible donc efficace. D’autre part, le sol porte sur sa phase solide les ions orthophosphate qui sont très peu mobiles. Aussi un léger excédent de fertilisation est tolérable dans la mesure où il est contrôlé par des analyses à de terre à fréquence suffisante (4-5 ans). À l’inverse les marges de sécurité prises dans l’établissement des seuils pour l’interprétation des analyses font qu’un léger déficit de fertilisation n’a guère d’impact sur les cultures à court terme.
Les outils de calcul de dose pour gérer la fertilisation en France
L’observation en situation de fertilisation, d’un bilan « analytique » (variation de la teneur en P extrait à l’analyse de terre multipliée par la masse de terre correspondante) inférieur au bilan apports – exportation par les récoltes a conduit à la notion largement popularisée du « pouvoir fixateur » du sol. On en a retenu l’idée que le sol a rendu indisponible (fixé) du P apporté. Toutefois, dans de nombreux sols, ce « pouvoir fixateur » est un « pouvoir tampon » car il s’exprime également en sens inverses en situation de déstockage. La « fixation » observée est essentiellement l’expression de l’incapacité des extractants chimiques à rendre compte de la dynamique réelle des ions P. Mais cela a conduit à la croyance de la nécessité de sur-fertiliser systématiquement par rapport aux exportations. Toutefois, dans des sols carbonatés, la précipitation de formes de phosphate de calcium correspond effectivement à une perte durable, voire irréversible, de disponibilité du P. La gestion de la fertilisation P est plus problématique dans ces sols.
En France, jusqu’aux années 1980-1990, on a recherché à enrichir la terre jusqu’à un niveau non limitant pour la culture la plus sensible, la plus rémunératrice de la rotation. C’était l’approche « redressement & entretien » où on visait à « redresser » par des apports massifs le niveau d’offre du sol jusqu’à des niveaux élevés, puis l’entretenir en compensant les exportations majorées pour tenir compte de la « fixation ». C’était la mise en œuvre des deux équations suivantes :
ERROR: Content Element with uid "772" and type "JBdesign_IMGalone" has no rendering definition!
Avec Fr la fumure de redressement, Fe la fumure d’entretien, le coefficient de fixation (>1), Tobjectif et Tactuelle les teneurs analytiques visée et actuelle et M la masse de terre à fertiliser et E la quantité de P exportée par la récolte.
Plus de 90 essais P de longue durée ont été mis en place par de nombreux partenaires du développement et de la recherche peu après le choc pétrolier de 1973. Leur exploitation, en partie dans le cadre de la Relance Agronomique, et le constat que des agriculteurs pratiquaient l’« impasse » de fertilisation sans dommage, a conduit le Comifer [1] à revoir en 1993 ce raisonnement qui avait conduit à des apports souvent excessifs et à l’accumulation de P dans les sols. Quatre critères ont été retenus pour définir le calcul de la dose de P phytodisponible à apporter (COMIFER groupe PKMg, 1995, 1997) :
- La sensibilité des cultures à la carence (« exigence ») : certaines cultures expriment une plus forte baisse relative de rendement que d’autres, pour un même niveau de P du sol,
- La valeur de l’analyse de terre (pour une méthode bien identifiée) : « teneur du sol »,
- Le « passé récent de fertilisation » : à même niveau (limitant) d’analyse de terre, l’état de nutrition des plantes est d’autant meilleur que le dernier apport d’engrais est récent,
- La gestion des résidus du précédent.
Deux seuils de référence de valeur d’analyse de terre, sont utilisés par type de sol et classe d’exigence des cultures : (i) un « seuil d’impasse » (Timp) au-dessous duquel l’absence de fertilisation induit une perte de rendement, (ii) un « seuil de renforcement » (Trenf) en dessous duquel l’apport d’une dose de P égale à la quantité exportée par la récolte ne suffit pas. Le croisement critères et seuils (« grille COMIFER ») conduit à donner la valeur d’un coefficient (de 0 à 3.7, mais les valeurs les plus courantes sont autour de 0 & 1) par lequel on multiplie la quantité de P exportée par la récolte prévue (Fig. 1). Cette préconisation brute peut être ajustée pour tenir compte de reliquats, d’arrières effets de minéralisation d’apport de produits résiduaires organiques…
La grille a connu une évolution en 2007 pour tenir compte d’une diminution d’environ 20 % des teneurs en P des récoltes par rapport aux références plus anciennes (COMIFER groupe PKMg, 2009b). Mais par prudence, les coefficients multiplicateurs ont été augmentés en proportion afin de maintenir les doses préconisées (grille actualisée de 2009, COMIFER groupe PKMg, 2009a).
Fin des années 1990, un logiciel d’interprétation des analyses de terre RegiFert réalisé par l’INRA et le Laboratoire Départemental d’Analyse et Recherche (LDAR) de l’Aisne reprend les principes formulés par le COMIFER (Denoroy et al., 2004). Il se distingue toutefois de la « grille COMIFER » par :
• 2 classes d’exigence au lieu de 3, pas de seuil de renforcement ;
- une autre définition du seuil d’impasse, seuil d’obtention d’au moins 95 % du potentiel de rendement au moins 9 années sur 10 ;
- un calcul de la fertilisation à apporter tenant compte du besoin de « complément à l’offre du sol » (fc) quand cette disponibilité est insuffisante, et de la « compensation des pertes par exportation » (fe).
En comparaison au système de préconisation « redressement-entretien » l’application de RegiFert conduit à des doses deux fois moindres en moyenne (Pellerin et al., 2000), avec une stratégie de déstockage du P du sol lorsque que celui-ci est très pourvu. Les préconisations par RegiFert sont du même ordre que celles de la grille COMIFER, à échelle de la succession de culture.
Le point faible de ces approches reste le faible nombre de références expérimentales validant les paramétrages des seuils, coefficients et classes. Ainsi le paramétrage disponible pour la France reste beaucoup lié à la moitié Nord du Pays et à la culture du blé et du maïs. Les outils étaient censés être paramétrés localement ou régionalement, mais cela n’a généralement pas été le cas faute d’essais dédiés et qui répondent à P. Par prudence, les seuils et les facteurs de calcul de dose sont définis de façon sécuritaire (Pellerin et al., 2014), ce qui laisse supposer la persistance de sur-fertilisations dans certains cas (Senthilkumar et al., 2012a, 2012b). Il y a eu très peu de tests de validation au champ de ces raisonnements.
ERROR: Content Element with uid "387" and type "JBdesign_IMGalone" has no rendering definition!
Les fondamentaux scientifiques sous-jacents à cette méthode sont questionnés. Plusieurs études ont montré que les extractions chimiques n’étaient pas capables d’estimer correctement la disponibilité pour les sols (Fardeau et al., 1988 ; Zehetner et al., 2018), différentes cultures, pratiques ou contextes pédoclimatiques. En conséquent, les relations statistiques entre cet indicateur et l’indice de rendement sont très lâches et permettent difficilement d’en déduire des seuils (Morel et al., 1992). Ce cadre conceptuel du raisonnement de la fertilisation est aujourd’hui dépassé. Il y a un besoin de rénovation des démarches de diagnostic et de prescription pour mieux prendre en compte les relations entre fertilisation, production, gestion de l’environnement, des ressources renouvelables et non-renouvelables.
Changement de paradigme nécessaire : comment mieux évaluer la quantité de P phytodisponible ?
Spéciation du phosphore dans les sols
La spéciation chimique [2] du P dans les sols est composée d’un grand nombre de familles, de formes minérales et organiques.
Spéciation chimique du P en solution
Le P dans la solution de sol peut être sous formes d’espèces ioniques libres, colloïdales minérales et de composés organiques. Les deux espèces d’ions orthophosphates présentes en solution sont l’ion dihydrogénophosphate (H2PO4-) et l’ion monohydrogénophosphate (HPO42-), désignées par ions-oP dans ce texte. Leur proportion varie avec le pH du sol. Des composés organiques contenant du P associé à des colloïdes et des polyphosphates ont été identifiés en proportions variables suivant le type de sol et l’historique de fertilisation. La concentration des ions-oP dissous (après mise en suspension et filtration <0.2 µm) varie entre 0.001 mg P L-1 dans des sols non fertilisés et plus de 1 mg P L-1 dans des sols ayant reçu des apports massifs et répétés de P.
Spéciation chimique du P de la phase solide
Pour le P inorganique de la phase solide on distingue des minéraux phosphatés plus ou moins cristallisés et des groupements phosphates associés aux constituants du sol par des liaisons plus ou moins énergétiques. Plusieurs centaines de minéraux phosphatés ont été dénombrés dans les sols (Gérard, 2016 ; Lindsay et al., 1989). La majorité contient du calcium, du fer et/ou de l’aluminium. Les ions-oP peuvent réagir avec les oxydes et hydroxydes de fer (goethite et ferrihydrite) et d’aluminium (gibbsite), les minéraux argileux (montmorillonite ou kaolinite), les carbonates de calcium et la matière organique. Les ions-oP sont liés à ces diverses surfaces par des liaisons plus ou moins énergiques jusqu’à éventuellement précipiter et former des liaisons covalentes fortes.
Le groupement orthophosphate (PO4) entre également dans la composition de différentes familles de composés organiques (Cade-Menun et al., 2010). La plus fréquente dans les sols est l’acide myo-inositol hexaphosphate (phytate), forme de réserve du P. Les autres composés organiques phosphatés appartiennent à la famille des orthophosphates mono-, di- ou polyesters comme les acides nucléiques (ADN, ARN), les phospholipides, les sucres et les composés aromatiques. Les phosphonates caractérisés par une liaison directe C-P sont en très faible concentration dans les sols (Turner et al., 2005).
Contribution et hiérarchisation des mécanismes d’acquisition à la nutrition phosphatée
Le flux majeur de P est le prélèvement de P par la culture dont l’essentiel est exporté dans les organes récoltés (20 à 40 kg P ha-1 an-1 suivant les rendements) et une autre fraction restituée au sol. Ce flux provient de la fraction du P du sol susceptible de participer à la nutrition P des cultures, désignée par le P phytodisponible du sol. Ce flux est sous le contrôle de nombreux mécanismes physico-chimiques et biologiques (Hinsinger, 1998). Le P est prélevé par les racines dans la solution du sol à l’état ionique orthophosphate dissous. Un calcul d’ordre de grandeur montre que la solution du sol de la couche labourée ne contient à l’implantation d’une culture qu’environ 0.2 kg P ha-1, soit moins de 1% du prélèvement. Par conséquent, la quasi-totalité du P prélevé a pour origine les constituants solide<s>s</s> du sol.
Du fait de ses nombreuses interactions avec la phase solide du sol, le P est dit « peu mobile ». L’exploration du sol par les racines et les mycorhizes éventuellement associées est déterminante pour intercepter le P disponible du sol (Mollier, 2014). Dans la majorité des cas, le flux d’absorption racinaire est supérieur aux flux de réapprovisionnement à la surface racinaire, ce qui conduit à une baisse de la concentration en ions-oP et à l’établissement d’un gradient de concentration induisant un flux de diffusion et une désorption depuis la phase solide du sol (Barber, 1995). L’étape clef qui conditionne la nutrition P est donc le renouvellement des ions-oP de la solution depuis la phase solide du sol.
L’équilibre phase solide-solution dépend de plusieurs types de réactions comme l’adsorption et la complexation des ions-oP avec certains constituants du sol, de réactions de précipitation-dissolution de minéraux phosphatés, de la diffusion d’ions-oP dans la phase solide du sol dans la micro- et nano-porosité du sol (Fig. 2). Pour le P des composés organiques, leur minéralisation peut contribuer à libérer des ions-oP dans la solution. L’immobilisation-(re)minéralisation de P par la biomasse microbienne du sol est également un processus susceptible d’affecter la concentration des ions-oP en solution. La contribution relative de ces différents mécanismes rhizosphériques à la nutrition P des plantes pourrait varier suivant les contextes agropédoclimatiques et les espèces cultivées.
Afin d’évaluer le P phytodisponible sur des bases mécanistes et proposer des indicateurs fiables, la quantification de la contribution relative des différents processus susceptibles de contrôler le transfert des ions-oP entre les deux phases liquide et solide du sol et leur hiérarchisation dans un contexte agronomique sont nécessaires.
Au sein de la fraction inorganique, le mécanisme dominant qui régule le transfert des ions-oP à l’interface solide-solution de sols non carbonatés est la diffusion moléculaire (Barbier et al., 1971 ; Fardeau 1981 ; Morel et Plenchette, 1994 ; Frossard et al., 1994). Cette diffusion tend à homogénéiser le système dès que des gradients de concentration se manifestent, ce qui est le cas lorsque la racine appauvrit la solution par l’absorption des ions-oP. Ce sont donc les cinétiques rapides et lentes de réapprovisionnement de la solution de sol par des ions-oP arrivant par diffusion aux racines qu’il convient de chiffrer au mieux.
En première analyse, la minéralisation du P organique du sol (Morel et al., 2018) et la dissolution du P apatitique (Morel et al., 2002) semblent jouer un rôle faible voire négligeable dans le contexte des sols labourés. L’exsudation d’acides/anions organiques de bas poids moléculaire (citrate, malate) serait capable de mobiliser du P inorganique et organique en favorisant la dissolution de minéraux peu solubles contenant du P, en modifiant les caractéristiques des surfaces d’échange de ligand, en formant des complexes avec des ions de Fe, Al et Ca de la phase solide, réduisant ainsi les sites de réactions avec les ions-oP. L’étude récente de Wang et al. (2016) montre que ce processus ne joue qu’un rôle mineur dans la capacité des espèces cultivées à absorber le P des sols agricoles.
Des recherches sont encore nécessaires pour élargir ces connaissances à d’autres types de sols et de cultures. Cependant en l’état actuel des connaissances, à la question comment mieux évaluer la quantité de P phytodisponible du sol ? La réponse est donc de mesurer les réserves du sol en ions-oP dissous et diffusibles.
ERROR: Content Element with uid "385" and type "JBdesign_IMGalone" has no rendering definition!
De nouvelles bases scientifiques et nouveaux indicateurs de disponibilité du P du sol pour les plantes cultivées : ions-oP dissous et diffusibles à l’interface solide-solution
L’évaluation des cinétiques de transfert des ions-oP associées à un gradient de concentration constitue une base mécaniste pour quantifier la fraction phytodisponible du P du sol. Plusieurs approches expérimentales ont été développées pour chiffrer les ions-oP dissous et leur réapprovisionnement par diffusion. Dans tous les cas, elles consistent à préparer des suspensions de sol pour déterminer :
i.) soit le flux net avec des expériences de sorption (introduction d’une quantité croissante d’ions-oP), et/ou de désorption (technique des résines échangeuses d’ions ; papier imprégné d’oxyde de fer ; gradients de diffusion en couches mince : DGT) ;
ii.) soit le flux brut des ions-oP diffusibles en traçant les ions-oP avec un isotope radioactif du P (32P, 33P) (Fardeau, 1993 ; Fardeau et al., 1991 ; Morel et al., 2000). Avec ces expériences les deux flux bruts de sorption et de désorption sont mesurés en même temps.
Quelle que soit l’approche méthodologique, le transfert sol-solution des ions-oP dépend à la fois du temps et de leur concentration en solution.
Pour rendre compte de l’effet conjugué des deux variables, elles doivent être étudiées ensemble en couplant des expériences de sorption-désorption avec des cinétiques de dilution isotopique (Morel et al., 2000). Un exemple de dynamique du transfert des ions-oP diffusibles à l’interface solide-solution dans des suspensions de sol à l’état stationnaire (Pr, mg P kg-1) en fonction de la durée de transfert et de leur concentration dans la solution du sol (CP, mg P L-1) est présenté dans la Fig. 3.
Figure 3. Dynamique du transfert des ions-oP diffusibles à l’interface solide-solution (Pr) en fonction de la durée de transfert (t = 3, 30 et 300 minutes) et de leur concentration dans la solution du sol (CP). Valeurs expérimentales (symboles) et calculées (lignes) de la quantité brute d’ions phosphates diffusibles (Pr). La gamme de CP a été obtenue en ajoutant 0, 5, 10, 20 et 50 mg P kg-1 de KH2PO4 et après 40 h de mise à l’équilibre. La fonction cinétique de Freundlich est : Pr = 6.1 CP 0.29 t 0.35.
Les valeurs expérimentales sont précisément ajustées par la fonction cinétique de Freundlich qui suppose une décroissance exponentielle de l’affinité avec la saturation des sites de réaction (Barrow, 1983) :
ERROR: Content Element with uid "774" and type "JBdesign_IMGalone" has no rendering definition!
t (min) est la durée de dilution isotopique. Les paramètres v, w et p sont obtenus par régression non-linéaire et varient avec les propriétés physico-chimiques du sol. Pminéral (mg P kg-1) désigne la quantité de P minéral du sol et représente la valeur limite maximale de Pr.
L’équation 3 décrit les cinétiques des réactions rapides et lentes entre les ions-oP dissous et ceux de la phase solide du sol. Le paramètre v rend compte des réactions immédiates des ions-oP en solution avec les sites à la surface des constituants du sol. Le paramètre w (<1) intègre la diminution exponentielle de l’affinité avec la saturation des surfaces en ions-oP (répulsion électrostatique). Le paramètre p rend compte des réactions lentes dues à la diffusion dans la phase solide (micro- et nano- porosité et dans l’état solide).
Ce modèle permet de chiffrer le processus de diffusion dans l’approvisionnement de la solution en ions–oP quel que soit le gradient de concentration et quelle que soit la durée de transfert. Par exemple, le tableau 1 présente les stocks de P susceptibles d’approvisionner la solution du sol après 28 années de différenciation du statut P de la couche labourée (sol sableux fertilisé en moyenne annuelle avec 0, 44 et 96 kg P ha-1 sous forme de triple-superphosphate). Le stock de P total du sol diffère significativement entre les trois traitements tandis que le stock de P organique ne diffère pas significativement mais représente 19% et 39% du total dans les traitements 96 et 0 kg P ha-1 an-1 respectivement. Les effets sont également très marqués sur la concentration des ions-oP en solution et la spéciation/compartimentation cinétique associée des stocks d’ions-oP susceptibles d’approvisionner la solution sur des pas de temps de plus en plus longs (Pr). Tous les compartiments augmentent avec les niveaux de concentrations. L’approvisionnement de la solution ions-oP est donc un processus continu au cours du temps. Le stock d’ions-oP diffusibles entre un jour et un an représente 88% du stock d’ions-oP diffusibles entre une minute et un an. Ce résultat démontre le rôle crucial des réactions lentes dans le processus de diffusion des ions-oP et la nécessité de chiffrer au mieux les cinétiques réactionnelles de ce processus.
Tableau 1. Spéciation cinétique des stocks d’ions-oP diffusables à l’interface solide-solution du sol (kg P ha- 1) en fonction de la concentration (CP) des ions-oP dans la solution et de la durée (t, min) du transfert en fonction du régime de fertilisation phosphatée. La fertilisation annuelle moyenne est de 0, 44 et 96 kg P ha- 1 pour les traitements P0, P1.5 et P3 respectivement sur une période de 28 années d’expérimentation. Les valeurs Pr (1 minute), Pr (1 jour), Pr (3 mois) et Pr (1 an) ont été calculées pour des durées de transfert d’une minute, un jour, trois mois et un an, respectivement (Fardeau, 1993). Dans ce sol sableux la valeur de Prest calculée avec l’équation : Pr = 1.90 Cp0.72 t0.26 avec Pr < Pminéral (Morel et al., 2014). Les valeurs de CP sont de 0.44, 1.60 et 2.65 mg P L-1 pour les régimes de fertilisation de P0, P1.5 et P3, respectivement. La masse de terre dans la couche labourée est de 3400 t ha-1 (25 cm de labour avec une densité apparente de 1.36). Les valeurs entre parenthèses sont les stocks de Pr exprimés en pourcentage du P minéral.
Fonctionnement biogéochimique du cycle du phosphore et sa modélisation dynamique
Le fonctionnement biogéochimique du cycle du P est complexe puisqu’il dépend de nombreux processus physiques, chimiques et biologiques. La hiérarchisation des processus, des stocks et flux de P à l’échelle de l’agrosystème permet de simplifier sa représentation et de le modéliser.
Stocks et flux de phosphore
Le cycle biogéochimique du P d’un agrosystème désigne la circulation de P entre le sol et la plante à l’échelle de la parcelle agricole. Il comprend des stocks de P dans les différents compartiments inorganique, organique et microbien du sol, des flux de P entre ces stocks, et des flux entrants et sortants de P (Fig. 4). Le cycle du P diffère notablement de celui de N. Le P n’a pas de formes gazeuses émises en quantités significatives. Dans les sols cultivés de longue date, le P est majoritairement sous forme inorganique alors que le N est presque totalement sous forme organique. Le devenir du P dans les sols est donc essentiellement sous le contrôle de processus physico-chimiques alors que pour N, il s’agit de processus biologiques. Sous grande culture, le cycle du P est ouvert puisqu’il existe plusieurs voies d’entrées et de sorties de P. Les valeurs de la Fig. 4 sont indicatives des stocks et des flux de P dans les parcelles de grandes cultures de régions tempérées, mais ne rendent donc pas compte de l’extrême variabilité suivant les sols, leur mode d’occupation et les pratiques agricoles.
Les flux de P peuvent entrer dans l’agrosystème soit sous forme d’engrais minéraux ou de ferme, de produits résiduaires organiques ou encore des dépôts atmosphériques sans oublier le P contenu dans les semences. Sous grande culture, le flux sortant le plus important est la quantité de P exporté avec les récoltes. Parmi les autres flux sortants possibles figurent les pertes par transfert latéral liées au processus d’érosion, de ruissellement et d’écoulement de sub-surface ainsi que la migration de P en profondeur par lixiviation [3] et lessivage [4].
Figure 4. Représentation du cycle biogéochimique du P à l’échelle de la parcelle cultivée. Les flux de P annuels exprimés en kg P ha-1 an-1 sont indiqués entre parenthèses. Les stocks de P en kg P ha-1 dans la couche labourée sont indiqués en italique. Les valeurs sont une compilation de données publiées pour des grandes cultures sous climat tempéré et de données statistiques de l’UNIFA (Morel, 2002).
Méthode du bilan appliquée au cycle du P : modélisation dynamique
La description du fonctionnement du cycle biogéochimique du P repose sur de nombreuses mesures :
ERROR: Content Element with uid "780" and type "JBdesign_IMGalone" has no rendering definition!
où kphy,. est le coefficient de phytodisponibilité des différents flux.
Le stock Sti de P phytodisponible pour la masse de terre M par hectare est évalué par la quantité d’ions P dissous (Qw) et diffusibles à l’interface solide-solution (Pr). La concentration des ions-oP dissous est mesurée et Pr calculé à partir de la fonction cinétique de Freundlich paramétrée (équation 3).
En considérant une durée de transfert sol-solution d’un an et en ne retenant que les flux quantitativement importants l’équation 4 peut se simplifier en :
ERROR: Content Element with uid "781" and type "JBdesign_IMGalone" has no rendering definition!
Applications et simulations
Le modèle CycP permet de simuler différentes situations agronomiques, par exemple les différents scenarios de fertilisation P, dans différents sols sur plusieurs décennies. L’évaluation de CycP a été faite sur un ensemble d’essais au champ, en France ou à l’étranger, dédiés à l’étude de la fertilisation P apportée sous forme de triple superphosphate sur grandes cultures ou prairies (Messiga et al., 2012, 2015 ; Morel, Butler, et al., 2011; Morel et al., 2014; Stroia et al., 2007). Dans le cadre d’un projet impliquant une douzaine de partenaires du développement agricole, le modèle CycP a été appliqué pour évaluer la disponibilité en P et adapter la fertilisation P. Les résultats ont mis en évidence les avancées de cette approche fonctionnelle par rapport aux méthodes fondées sur une extraction chimique non sélective (Denoroy et al., 2012 ; Morel, Butler, et al., 2011; Morel et al., 2011).
Ces résultats encourageants attestent de la capacité prédictive de CycP. Deux questions majeures demeurent : quelle est la contribution à la nutrition P de la couche labourée de sol et celle située sous le labour ? Quelle est la valeur limite de la quantité totale d’ions-oP diffusibles associés à la phase solide du sol lorsque l’équilibre sol-solution est atteint ? Ce modèle a été adapté au contexte de l’agriculture de conservation en intégrant les gradients de l’interception racinaire et de P phytodisponible avec la profondeur du sol (Li et al., 2019).
Perspectives
Les pistes d’évolution
Les développements récents de nouveaux indicateurs de la disponibilité en P du sol basés sur une modélisation mécaniste du fonctionnement du cycle biogéochimique du P comme le modèle CycP ouvrent des perspectives innovantes pour améliorer le raisonnement de la fertilisation en P des cultures. En effet cette approche est robuste et généralisable pour une large gamme de contextes agropédoclimatiques. Une étape limitante à la généralisation de cette approche peut être la nécessité d’acquérir pour chaque sol le paramétrage de la dynamique des ions-oP diffusibles à l’interface solide-solution. Des travaux sont en cours pour établir une fonction de pédotransfert pour calculer cette dynamique à partir de propriétés mesurées en routine par les laboratoires d’analyse de terre (pH, teneur en argile, matière organique, CEC et cations échangeables, états du Fe et Al…)(Achat et al., 2011).
L’intégration d’un modèle de transfert sol-plante du P simulant la croissance et le flux de prélèvement de P par les racines (Mollier et al., 2008) dans le modèle CycP est envisagé pour simuler conjointement les réponses des cultures et l’évolution de la disponibilité en P, et établir un référentiel pour une large gamme de combinaisons de cultures x sols x climats. Le couplage avec un modèle de culture tel que STICS (Brisson et al., 1998) permettra d’aborder les interactions entre la nutrition P et les autres facteurs biotiques et abiotiques et tester différents scénarios de successions culturales ou de changement climatique (T°, CO2, régime hydrique).
Prise en compte de la diversité des intrants et l’amélioration du recyclage du P
Les engrais minéraux P sont plus ou moins solubles. Les engrais organiques présentent une grande diversité de contenu ce qui induit une méconnaissance sur la valeur fertilisante P. Ce sont des produits composites avec de multiples formes de composés phosphatés et d’autres éléments susceptibles d’influencer la phytodisponibilité du P. Leur typologie n’est pas encore complètement fixée et leur valeur fertilisante P doit être évaluée au cas par cas. Le P dans les matières fertilisantes d’origine résiduaire (Mafor), effluents d’élevage, boues d’épuration, déchets organiques urbains, digestats de méthanisation, cendres… se trouve principalement sous forme minérale. La valeur fertilisante P des Mafor est globalement équivalente à celle des engrais minéraux (Houot et al., 2014), à l’exception des Mafor contenant des minéraux phosphatés insolubles (les cendres par exemple). Le raisonnement des apports de Mafor se heurte à la difficulté de gérer les apports respectifs de N/P/K. Néanmoins le gisement de P associé aux Mafor est en constante augmentation et pourrait couvrir la totalité des prélèvements annuels de P par la production agricole en France.
Leviers agronomiques
Pour améliorer l’efficience d’utilisation du P apporté, diverses pistes ont été étudiées comme sa localisation à proximité des racines et du stock de P du sol via des réactions chimiques et des interactions biologiques.
Au cours des dernières décennies, différents « activateurs du P du sol » (bactéries solubilisatrices, de phosphatases, d’acides organiques ou de biochars) ont été proposés avec des résultats peu convaincants (Pellerin et al., 2007 ; Zhu et al., 2018). Des produits « bio-stimulants » ou des inoculums de champignons mycorhiziens sont d’ores et déjà diffusés, avec entre autres effets revendiqués, une plus forte croissance racinaire et exploration du sol (Richardson et al., 2009). Si des effets ont été observés en conditions contrôlées, en conditions de plein champ ils sont rares et parfois décevants (Karamanos et al., 2010 ; Vericel et al., 2018).
Un autre levier largement répandu en France, est l’utilisation de cultures intermédiaires multi-services (CIMS) (Justes et Richard, 2017). Cette pratique permet de réduire les externalités négatives de l’agriculture et d’augmenter les services écosystémiques (gestion de l’azote, structuration du sol, stockage du carbone, contrôle des adventices…). Pour le P du sol, l’impact des CIMS a été peu étudié. La quantité annuelle de P transitoirement immobilisée par les CIMS est faible (quelques kilogrammes) mais sur le long terme la présence de CIMS pourrait améliorer le fonctionnement biogéochimique du cycle du P. Le P maintenu dans la biomasse végétale redevient assez rapidement phytodisponible dans le sol après sa destruction. Cette pratique pourrait être particulièrement intéressante en contexte de sol carbonaté, en protégeant temporairement les ions-oP du risque de précipitation et/ou en favorisant la dissolution par des espèces de type crucifères et légumineuses via l’excrétion de protons. Cet aspect des CIMS est encore à l’étude. L’association de cultures est une autre approche pour favoriser la « facilitation » (amélioration par l’activité racinaire d’une plante, de l’acquisition du P par une autre plante). L’association céréale-légumineuse facilite l’acquisition de P uniquement aux stades précoces de la céréale et en situation de sol nettement carencé (Betencourt et al., 2012).
Conclusions
Historiquement, la disponibilité du P du sol pour les cultures a été évaluée par une extraction chimique. Sur la base d’essais agronomiques au champ, des relations statistiques entre le rendement et ces indicateurs ont été établies et utilisées comme outils pour le diagnostic et le raisonnement de la fertilisation P. La grande variabilité de ces relations en fonction des types de sol, des espèces cultivées et des pratiques ont conduit à définir des seuils sécuritaires par excès se traduisant par des apports excessifs de P. L’analyse du fonctionnement du cycle biogéochimique du P dans les agrosystèmes a permis de renouveler les bases du raisonnement par une approche mécaniste. Des modèles ont été développés afin de prédire dans une gamme large de contextes pédoclimatiques, le prélèvement de P, le rendement des cultures en relation avec l’évolution à long terme du stock de P disponible induites par des pratiques de fertilisation P. Cette démarche de modélisation permet d’explorer in silico et in situ les effets de diverses pratiques (agriculture biologique, agriculture de conservation…) sur le cycle biogéochimique du P et adapter le raisonnement de la fertilisation. Dans la pratique, deux nouveaux indicateurs fondés sur des bases mécanistes, la concentration des ions-oP de la solution du sol et le transfert des ions-oP diffusibles à l’interface sol-solution permettent de mesurer le P disponible du sol. Ces nouveaux indicateurs améliorent le diagnostic du comportement des cultures et le raisonnement de la fertilisation P.
Notes
[1] Comité Français d’Étude et de Développement de la Fertilisation Raisonnée, créé en 1980
[2] La spéciation chimique d’un élément désigne l’ensemble des différentes molécules contenant cet élément
[3] Lixiviation : mouvement de substances dissoutes causé par le déplacement de l’eau dans le sol
[4] Lessivage : mouvement de particules solides non dissoutes
Bibliographie
Achat, D.L., Augusto, L., Morel, C., Bakker, M.R., 2011. Predicting available phosphate ions from physical-chemical soil properties in acidic sandy soils under pine forests. Journal of Soils and Sediments, 11, 452–466.
Barber, S.A., 1995. Soil nutrient bioavailability: a mechanistic approach. New York USA: John Wiley and Sons.
Barbier, G., Fardeau, J.-C., Marini, P., 1971. Sur la diffusivité des ions P du sol. Annales Agronomiques, 22(3), 309?342.
Barrow, N.J., 1983. A mechanistic model for describing the sorption and desorption of phosphate by soil. Journal of Soil Science, 34(4), 733?750.
Betencourt, E., Duputel, M., Colomb, B., Desclaux, D., Hinsinger, P., 2012. Intercropping promotes the ability of durum wheat and chickpea to increase rhizosphere phosphorus availability in a low P soil. Soil Biology and Biochemistry, 46(0), 181?190.
Boulaine, J., 2006. Histoire de la fertilisation phosphatée 1762-1914. Etude et Gestion des Sols, 13(2), 129?137.
Brisson, N., Mary, B., Ripoche, D., Jeuffroy, M.H., Ruget, F., Nicoullaud, B., Gate, P., Devienne-Barret, F., Antonioletti, R., Durr, C., Richard, G., Beaudoin, N., Recous, S., Tayot, X., Plenet, D., Cellier, P., Machet, J.M., Meynard, J.M., Delecolle, R., 1998. STICS: a generic model for the simulation of crops and their water and nitrogen balances. I. Theory and parameterization applied to wheat and corn. Agronomie, 18(5/6), 311?346.
Buczko, U., Kuchenbuch, R.O., 2007. Phosphorus indices as risk-assessment tools in the U.S.A. and Europe—a review. Journal of Plant Nutrition and Soil Science, 170(4), 445?460.
Cade-Menun, B.J., Carter, M.R., James, D.C., Liu, C.W., 2010. Phosphorus forms and chemistry in the soil profile under long-term conservation tillage: a phosphorus-31 nuclear magnetic resonance study. Journal of Environmental Quality, 39(5), 1647?1656.
Ceulemans, T., Stevens, C.J., Duchateau, L., Jacquemyn, H., Gowing, D.J.G., Merckx, R., Wallace, H., van Rooijen, N., Goethem, T., Bobbink, R., Dorland, E., Gaudnik, C., Alard, D., Corcket, E., Muller, S., Dise, N.B., Dupre, C., Diekmann, M., Honnay, O., 2014. Soil phosphorus constrains biodiversity across European grasslands. Global Change Biology, 20(12), 3814?3822.
COMIFER groupe PKMg, 1995. Aide au diagnostic et à la prescription de la fertilisation phosphatée et potassique des grandes cultures. Paris, France.
COMIFER groupe PKMg, 1997. Éléments complémentaires à la méthode de raisonnement de la fertilisation PK permettant d’aider à sa mise en œuvre. Paris, France.
COMIFER groupe PKMg, 2009a. Fertilisation PK, grille de calcul de dose?: actualisation. Paris, France.
COMIFER groupe PKMg, 2009b. Teneurs en P, K et Mg des organes végétaux récoltés pour les cultures de plein champ et les principaux fourrages. Paris, France.
Cordell, D., White, S., 2011. Peak Phosphorus: Clarifying the key issues of a vigorous debate about long-term phosphorus security. Sustainability, 3(10), 2027?2049.
Denoroy, P., Butler, F., Castillon, P., Champolivier, L., Duval, R., Fourrie, L., Hanocq, D., Kouassi, A.S., Metraille, M., Morel, C., Rabourdin, N., Raynal, C., Savoie, T., Souplet N., 2012. Vers un raisonnement innovant de la fertilisation phosphatée. Innovations Agronomiques, 25, 219-230.
Denoroy, P., Dubrulle, P., Villette, C., Colomb, B., Fayet, G., Shoeser, M., Pellerin, S., Pellerin, F., Boiffin, J., 2004. Régifert?: interpréter les résultats des analyses de terre. Versailles, France, QUAE.
Dupas, R., Delmas, M., Dorioz, J.-M., Garnier, J., Moatar, F., Gascuel-Odoux, C., 2015. Assessing the impact of agricultural pressures on N and P loads and eutrophication risk. Ecological Indicators, 48, 396?407.
Fardeau, J.C., 1981. Cinétiques de dilution isotopique et phosphore assimilable des sols. Thèse de Doctorat d’Etat. Université Pierre et Marie Curie, Paris 6.
Fardeau, J.C., 1993. Available soil phosphate: its representation by a functional multiple compartment model. Agronomie, 13(4), 317?331.
Fardeau, J.C., Morel, C., Boniface, R., 1988. Pourquoi choisir la méthode Olsen pour estimer le phosphore «?assimilable?» des sols?? Agronomie 8: 577–584.
Fardeau, J.C., Morel, C., Boniface, R., 1991. Phosphate ion transfer from soil to soil solution: kinetic parameters. Agronomie, 11(9), 787?797.
Fardeau, J.C., Stengel, P., 1998. Sol et échanges avec le couvert végétal, in P. Stengel et S. Gélin (Éd.), Sol: Interface fragile. INRA,Paris, France, 41?63.
Frossard, E., Fardeau, J.C., Brossard, M., Morel, J.L., 1994. Soil isotopically exchangeable phosphorus: a comparison between E and L values. Soil Science Society of America Journal, 58, 846–851.
Gérard, F., 2016. Clay minerals, iron/aluminum oxides, and their contribution to phosphate sorption in soils — A myth revisited. Geoderma, 262, 213–226.
Hinsinger, P., 1998. How do plant roots acquire mineral nutrients? Chemical processes involved in the rhizosphere. Advances in Agronomy, 64, 225?265.
Hinsinger, P., Bengough, A.G., Vetterlein, D., Young, I., 2009. Rhizosphere: biophysics, biogeochemistry and ecological relevance. Plant and Soil, 321(1?2), 117?152.
Houot, S., Pons, M.-N., Pradel, M., Tibi, A., Aubry, C., Augusto, L., Barbier, R., Benoit, P., Brugère, H., Caillaud, M.A., Casellas, M., Chatelet, A., Dabert, P., De Mareschal, S., Doussan, I., Etrillard, C., Fuchs, J., Genermont, S., Giamberini, L., Helias, A., Jardé, E., Le Perchec, S., Lupton, S., Marron, N., Menasseri, S., Mollier, A., Morel, C., Mougin, C., Nguyen, C., Parnaudeau, V., Patureau, D., Pourchet, A.-M., Rychen, G., Smolders, E., Topp, E., Vieublé, L., Viguie, C., 2014. Valorisation des matières fertilisantes d’origine résiduaire sur les sols à usage agricole ou forestier, impacts agronomiques, environnementaux, socio-économiques (MAFOR). Expertise scientifique collective, Paris, France, INRA
Jordan-Meille, L., Rubæk, G.H., Ehlert, P.A.I., Genot, V., Hofman, G., Goulding, K., Recknagel, J., Provolo, G., Barraclough, P., 2012. An overview of fertilizer-P recommendations in Europe: soil testing, calibration and fertilizer recommendations. Soil Use and Management, 28(4), 419?435.
Justes, E., Richard, G., 2017. Contexte, concepts et définition des cultures intermédiaires multi-services. Innovations Agronomiques, 62, 1?15.
Karamanos, R.E., Flore, N.A., Harapiak, J.T., 2010. Re-visiting use of Penicillium bilaii with phosphorus fertilization of hard red spring wheat. Canadian Journal of Plant Science, 90(3), 265?277.
Kvaki?, M., Pellerin, S., Ciais, P., Achat, D.L., Augusto, L., Denoroy, P., Gerber, J.S., Goll, D., Mollier, A., Mueller, N.D., Wang, X., Ringeval, B., 2018. Quantifying the limitation to world cereal production due to soil phosphorus status. Global Biogeochemical Cycles, 32, 143?157.
Li, H., Mollier, A., Ziadi, N., Messiga, A.J., Shi, Y., Pellerin, S., Parent, L.-É., Morel, C., 2019. Long-term modeling of phosphorus spatial distribution in the no-tilled soil profile. Soil and Tillage Research, 187, 119?134.
Lindsay, W.L., Vlek, P.L.G., Chien, S.H., 1989. Phosphate minerals. In J. B. Dixon et S. B. Weed (Éd.), Minerals in Soil Environments, Madison, Wisconsin USA, SSSA, 1089?1130.
McGechan, M.B., Lewis, D.R., 2002. Sorption of phosphorus by soil, part 1: Principles, equations and models. Biosystems Engineering, 82(1), 1?24.
Messiga, A.J., Ziadi, N., Belanger, G., Morel, C., 2012. Process-based mass-balance modeling of soil phosphorus availability in a grassland fertilized with N and P. Nutrient Cycling in Agroecosystems, 92(3), 273?287.
Messiga, A.J., Ziadi, N., Mollier, A., Parent, L.E., Schneider, A., Morel, C., 2015. Process-based mass-balance modeling of soil phosphorus availability: Testing different scenarios in a long-term maize monoculture. Geoderma, 243, 41?49.
Mollier, A., 2014. La modélisation des relations sol-plante?: l’exemple du phosphore. In S. Pellerin, F. Butler, C. Van Lathem, et S. Recous (Éd.), Fertilisation et Environnement: Enjeux et perspectives pour l’aide à la décision, Paris, Quae, 202?216.
Mollier, A., De Willigen, P., Heinen, M., Morel, C., Schneider, A., Pellerin, S., 2008. A two dimensional simulation model of phosphorus uptake including crop growth and P response. Ecological Modelling, 210(4), 453?464.
Morel, C., 2002. Caractérisation de la phytodisponibilité du P du sol par la modélisation du transfert des ions phosphate entre le sol et la solution. Mémoire d’habilitation à diriger des recherches, INPL-ENSAIA Nancy.
Morel, C., Plenchette, C., 1994. Is the isotopically exchangeable phosphate of a loamy soil the plant-available P. Plant and Soil, 158, 287–297.
Morel, C., Butler, F., Castillon, P., Champolivier, L., Denoroy, P., Duval, R., Hanocq, D., Kouassi, A.S., Kvarnstrom, E., Messiga, A.J., Métraille, M., Rabeharisoa, L., Rabourdin, N., Raynal, C., Savoie, T., Sinaj, S., Ziadi, N., 2011. Gestion à long terme de la dynamique à long terme du phosphore dans les sols cultivés. In COMIFER (Éd.), p. 11
Morel, C., Castillon, P., Champolivier, P., Denoroy, P., Duval, R., Hanocq, D., Kouassi, A.S., Kvarnstrom, E., Métraille, M., Raynal, C., Rabeharisoa, L., Savoie, T., Sinaj, S., 2011. Comment les nouveaux indicateurs rendent-ils compte de l’évolution pluriannuelle de l’offre de P par le sol à moyen terme? Présenté à Journée restitution projet CasDAR RIP.
Morel, C., Denoroy, P., Mollier, A., Pellerin, S., Sinaj, S., Ziadi, N., 2018. Cycle biogéochimique du phosphore. In Guide de la fertilisation raisonnée. Paris, France, France Agricole, 130?139.
Morel, C., Plenchette, C., Fardeau, J.C., 1992. The management of phosphate fertilization in wheat crops. Agronomie, 12(8), 565?579.
Morel, C., Tunney, P., Plenet, D., Pellerin, S., 2000. Transfer of phosphate ions between soil and solution: Perspectives in soil testing. Journal of Environmental Quality, 29(1), 50?59.
Morel, C., Ziadi, N., Messiga, A., Bélanger, G., Denoroy, P., Jeangros, B., Jouany, C., Fardeau, J.C., Mollier, A., Parent, L.-E., Proix, N., Rabeharisoa, L., Sinaj, S., 2014. Modeling of phosphorus dynamics in contrasting agroecosystems using long-term field experiments. Canadian Journal of Soil Science, 94(3), 377?387.
Nemery, J., Garnier, J., Morel, C., 2005. Phosphorus budget in the Marne Watershed (France): urban vs. diffuse sources, dissolved vs. particulate forms. Biogeochemistry, 72(1), 35?66.
Obersteiner, M., Penuelas, J., Ciais, P., van der Velde, M., Janssens, I.A., 2013. The phosphorus trilemma. Nature Geoscience, 6(11), 897?898.
Pellerin, S., Mollier, A., Morel, C., Plenchette, C., 2007. Effect of incorporation of Brassica napus L. residues in soils on mycorrhizal fungus colonisation of roots and phosphorus uptake by maize (Zea mays L.). European Journal of Agronomy, 26, 113–120.
Pellerin, F., Pellerin, S., Vilette, C., Boiffin, J., 2000. Évolution du raisonnement de la fertilisation phosphatée des grandes cultures. Etude par simulation des préconisations de fumure sur un échantillon test représentatif des sols et des successions de culture du nord du Bassin Parisien. Étude et Gestion des Sols, 7(1), 53?71.
Pellerin, S., Recous, S., Boiffin, J., 2014. De la fertilisation raisonnée à la maîtrise des cycles biogéochimiques. In S. Pellerin, F. Butler, C. Van Lathem, et S. Recous (Éd.), Fertilisation et Environnement?: Quelles pistes pour l’aide à la décision?? Paris, France, Editions Quae, 17?41.
Pinay, G., Gascuel, C., Ménesguen, A., Souchon, Y., Le Moal, M., Levain, A., Etrillard, C., Moatar-Bertrand, F., Pannard, A., Souchu, P., 2018. L’eutrophisation Manifestations, causes, conséquences et prédictibilité. Paris, France, Editions Quae.
Raghothama, K.G., 1999. Phosphate acquisition. Annual Review of Plant Physiology and Plant Molecular Biology, 50, 665?693.
Richardson, A., Barea, J.-M., McNeill, A., Prigent-Combaret, C., 2009. Acquisition of phosphorus and nitrogen in the rhizosphere and plant growth promotion by microorganisms. Plant and Soil, 321(1), 305?339.
Runge-Metzger, A., 1995. Closing the cycle: obstacles to efficient P management for improved global security. In H. Tiessen (Éd.), Phosphorus in the global environment: transferts, cycles and management. Chichester, UK, John Wiley and Sons, 27?42.
Scholz, R.W., Wellmer, F.W., 2013. Approaching a dynamic view on the availability of mineral resources: What we may learn from the case of phosphorus ? Global Environmental Change-Human and Policy Dimensions, 23(1), 11?27.
Senthilkumar, K., Nesme, T., Mollier, A., Pellerin, S., 2012a. Conceptual design and quantification of phosphorus flows and balances at the country scale: The case of France. Global Biogeochemical Cycles, 26(2), GB2008.
Senthilkumar, K., Nesme, T., Mollier, A., Pellerin, S., 2012b. Regional-scale phosphorus flows and budgets within France: The importance of agricultural production systems. Nutrient Cycling in Agroecosystems, 92(2), 145?159.
Shen, J., Yuan, L., Zhang, J., Li, H., Bai, Z., Chen, X., Zhang, W., Zhang, F., 2011. Phosphorus dynamics: from soil to plant. Plant Physiology, 156(3), 997?1005.
Stevenson, F.J., Cole, M.A., 1999. Cycles of soils: carbon, nitrogen, phosphorus, sulfur, micronutrients. John Wiley & Sons.
Stroia, C., Morel, C., Jouany, C., 2007. Dynamics of diffusive soil phosphorus in two grassland experiments determined both in field and laboratory conditions. Agriculture Ecosystems & Environment, 119(1?2), 60?74.
Thélier-Huché, L., Farrugia, A., Castillon, P., 1999. L’analyse d’herbe?: un outil pour le pilotage de la fertilisation phosphatée et potassique des prairies naturelles et temporaires, , Institut de l’élevage-ACTA.
Turner, B.L., Cade-Menun, B.J., Condron, L.M., Newman, S., 2005. Extraction of soil organic phosphorus. Talanta, 66(2), 294?306.
Van Vuuren, D.P., Bouwman, A.F., Beusen, A.H.W., 2010. Phosphorus demand for the 1970-2100 period: A scenario analysis of resource depletion. Global Environmental Change-Human and Policy Dimensions, 20(3), 428?439.
Vericel, G., Bouthier, A., Helias, R., Soenen, B., 2018. Activateurs de la vie biologique des sols. Des résultats peu probants. Perspectives Agricoles, 454, 32-35.
Vitousek, P.M., Porder, S., Houlton, B.Z., Chadwick, O.A., 2010. Terrestrial phosphorus limitation: mechanisms, implications, and nitrogen-phosphorus interactions. Ecological Applications, 20(1), 5?15.
Wang, Y., Krogstad, T., Clarke, J.L., Hallama, M., Øgaard, A.F., Eich-Greatorex, S., Kandeler, E., Clarke, N., 2016. Rhizosphere Organic Anions Play a Minor Role in Improving Crop Species’ Ability to Take Up Residual Phosphorus (P) in Agricultural Soils Low in P Availability. Frontiers in Plant Science 7, 1664, 1-14.
Zehetner, F., Wuenscher, R., Peticzka, R., Unterfrauner, H.. 2018. Correlation of extractable soil phosphorus (P) with plant P uptake: 14 extraction methods applied to 50 agricultural soils from Central Europe. Plant Soil and Environment, 64, 192–201.
Zhu, J., Li, M., Whelan, M., 2018. Phosphorus activators contribute to legacy phosphorus availability in agricultural soils: A review. Science of The Total Environment, 612, 522?537.
Les articles sont publiés sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 2.0)
Pour la citation et la reproduction de cet article, mentionner obligatoirement le titre de l'article, le nom de tous les auteurs, la mention de sa publication dans la revue AES et de son URL, la date de publication.