La complémentarité de deux méthodes : le Profil Pénétrométrique Interpolé du Sol (PPIS) et le Profil Cultural en contexte de chantiers lourds
Olivier Suc1, Olivier Ancelin1
1Chambre d’agriculture de la Somme, 80000 Amiens, France
o.suc@somme.chambagri.fr ; o.ancelin@somme.chambagri.fr
Depuis 2013, le département de la Somme a été concerné par de nombreux chantiers d’infrastructures (lignes électriques souterraines et gazoducs) réalisés avec des engins lourds impactant fortement les parcelles agricoles traversées. Dans ces chantiers, la perturbation est double : le déplacement de gros volumes de sol et le tassement par le poids des engins de travaux publics, qui peut être très élevé (une succession de plusieurs dizaines d’engins d’un poids parfois supérieur à 80 tonnes). Dans ces situations, les parcelles ont fait l’objet d’une remise en état spécifique. Le suivi de la réhabilitation des parcelles et de la récupération de leur potentiel agronomique a été confié à la Chambre d’agriculture de la Somme pendant trois ans à l’issue des chantiers.
Sur des emprises larges (parfois plus de 30 m) et sur un total de près de 150 km, de nombreuses parcelles de référence ont été sélectionnées. Les différentes situations du chantier (piste, tranchée, dépôts, témoin…) ont été évaluées à chaque fois. Il a donc fallu mettre au point des méthodes innovantes pour rendre compte clairement et rapidement de l’évolution de l’état des parcelles remises en cultures. Par exemple, l’acquisition d’images aériennes par drones a permis d’évaluer la densité et l’homogénéité de la biomasse des cultures et donc de repérer les zones soumises à d’éventuels problèmes de structure impactant l’enracinement et l’infiltration de l’eau.
La méthode du profil cultural a été requise systématiquement lorsqu’il s’agissait de tester et de définir les méthodes de remise en état des parcelles à la fin du chantier. La méthode a permis de préciser la profondeur de travail et les protocoles les plus adaptés pour reconstituer rapidement le potentiel agronomique des parcelles traversées. Mais, si la méthode du profil cultural permet une bonne évaluation des différentes situations, elle s’avère trop longue à mettre en œuvre à une si grande échelle dans le cadre d’un suivi pluriannuel. L’utilisation du pénétromètre nous est apparue comme un bon moyen d’acquérir facilement des données sur un paramètre essentiel : la résistance à la pénétration (Billot, 1982 ; Breune, 1997). En effet, nous avions pu vérifier une corrélation entre les mesures pénétrométriques et l’état structural observé dans les profils culturaux ouverts. L’innovation a donc consisté à rendre ces données faciles à lire et interpréter pour un public très au fait des contraintes des travaux publics, mais bien moins sensibilisé aux enjeux agronomiques.
Aussi, nous avons mis au point la méthode du « PPIS ». (Suc et al, 2019) Elle consiste à réaliser plusieurs transects de mesures de résistance (de 0 à 80 cm de profondeur) selon un axe perpendiculaire aux emprises des chantiers de pose de gazoducs ou de lignes électriques souterraines dans les parcelles agricoles (Figure 1). Les mesures au champ sont effectuées le plus souvent à la sortie de l’hiver alors que les sols sont maintenus à la capacité au champ après plusieurs jours sans pluie (Hillel, 1971). L’ensemble des mesures sont enregistrées grâce à un pénétromètre électronique enregistreur (marque Eijkelkamp) et les informations sont visualisées sous la forme d’une image faisant ressortir clairement les différentes variations de résistance à la pénétration du sol avec des nuances de couleurs de bleus verts, jaunes et rouges selon leur compacité (Figure 2). Le Profil Cultural peut être utilisé lorsque l’agriculteur détecte un dysfonctionnement dans sa parcelle ou après le PPIS lorsque les résultats obtenus avec le pénétromètre dans les différentes zones (piste de roulage, tranchée, dépôts…) sur de grandes largeurs (30 m), nécessitent une investigation plus fine pour évaluer l’état structural des zones qui paraissent les plus tassées (zones ) jusqu’à une profondeur > 1 m.
Généralement les conventions entre les opérateurs et les agriculteurs intègrent le suivi de l’évolution du potentiel agronomique après la réhabilitation de la parcelle. Outre les mesures de rendements ou des observations de biomasse à l’aide de drones, le « suivi agronomique post-chantier » comporte une importante partie d’observation de l’état structural. Or, ce suivi est souvent réalisé alors que la parcelle est en culture. Il est alors compliqué de creuser un profil de sol pour des raisons d’acceptabilité de la part de l’agriculteur mais aussi en raison des réticences exprimées par l’exploitant de la canalisation. Par contre le PPIS apporte une réponse rapide et non destructive. Néanmoins, pour que l’interprétation soit fiable, il faut s’assurer de conditions d’humidité du sol similaires d’une année à l’autre lors des phases de mesures sur le terrain.
En conclusion, la combinaison des deux méthodes nous permet de réaliser un suivi rapide avec en retour des résultats facilement compréhensibles aussi bien pour les opérateurs que les agriculteurs. La mise en œuvre de profils culturaux est un complément important pour mieux objectiver le tassement.
Références
Billot J.-F., 1982. Les applications agronomiques de la pénétrométrie à l'étude de la structure des sols travaillés. Sci. Sol., 3 : 187-202.
Breune, I., 1997. Le Pénétromètre: Un outil de détermination de la qualité structurale des sols? Université de Laval
Hillel, D., 1971. Soil and water: physical principles and processes. Physiological Ecology: A series of Monographs, Texts and Treatises. Academic Press, New York, pp. 162–165.
Suc, O., Ancelin, O., Storme, Q., Bertin A. and Boizard, H., 2019. Development of a Non-Destructive Quick and “Open Source” Method to Render an Image of Soil Compaction. Proceedings of the 21 th ISTRO International Conference, 24-27 September 2018, Paris, France. Eds. H. Boizard and J. Roger-Estrade.
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