Vers un diagnostic agronomique stratégique traitant de questions agro-environnementales
M. Cerf *, V. Parnaudeau **, R. Reau ***
*UMR 1326 LISIS, INRAE, CNRS, ESIEE Paris, UPEM, Université Paris-Est, 77454 Marne-La-Vallée, France - Courriel : marianne.cerf@inra.fr
**UMR 1069 SAS, INRAE, AGROCAMPUS OUEST35000 Rennes, France
***UMR 1248 Agronomie, INRAE, AgroParisTech, Bâtiment EGER, BP 1 F-78 850 Thiverval Grignon- France
Résumé
Le diagnostic est un élément central d’une démarche clinique. Ce texte dessine les contours d’un diagnostic stratégique, et ce que modifie le fait d’intégrer les enjeux environnementaux dans les systèmes agricoles. L’activité de diagnostic y est analysée à l’aide des cadres de l’ergonomie cognitive et de l’agronomie. Nous nous intéressons à ce qu’implique le diagnostic orienté vers l’action que l’agronome, qu’il soit chercheur, conseiller, agriculteur, pratique quand il envisage de piloter un système biotechnique dynamique et ouvert comme le système de culture dans son champ. L’accent est mis sur l’importance du couplage entre le système et le ou les acteurs qui le pilote(nt), qui agissent en fonction d’une visée. Pour faire usage de l’outil de diagnostic, ceux-ci mobilisent leurs propres représentations du système et des indices orientés par ou vers l’action afin d’analyser la situation et son évolution éventuelle. Deux exemples illustrent des démarches de diagnostic que nous qualifions ici de stratégique car il vise à mener une enquête pour concevoir et piloter des systèmes intégrant des objectifs de performance environnementale. Le premier exemple permet de montrer comment le diagnostic, lors de tours de plaine entre conseillers et agriculteurs, se transforme dès lors qu’il s’agit d’intégrer des enjeux environnementaux et de repenser l’ensemble du système de culture. Le tour de plaine devient l’occasion de discuter ce que l’observation révèle des dynamiques d’évolution sur le long terme, et des critères d’évaluation d’un « beau champ ». Le second exemple repose sur les usages qui sont faits de l’outil Syst’N. L’analyse de ces usages montre l’importance que prend, dans un diagnostic visant à évaluer les pertes azotées, la possibilité de se représenter les flux d’azote pour comprendre l’origine des pertes dans la situation donnée ou encore pour identifier et tester virtuellement des pistes d’action. La discussion finale ouvre la réflexion sur l’enjeu de mieux appréhender la diversité des enquêtes à mener « sur le champ » dans un contexte de transition agroécologique et sur la nécessité de revoir les dispositifs organisationnels pour développer une activité de diagnostic stratégique dans ce contexte.
Mots Clés : agronomie clinique, pilotage de processus dynamiques, diagnostic, conseil stratégique, tour de plaine, Syst’N®
Introduction
Comme le soulignent Benoit et Knittel (2016) en prenant appui sur des travaux de Foucault (1963 cité par les auteurs), c’est au 18ème siècle que se construit le lien entre diagnostic et clinique et qu’émerge l’importance de la démarche de diagnostic dans l’approche clinique. Ainsi ils écrivent « le terme clinique est directement emprunté [par Mathieu Dombasle] au vocabulaire médical. C’est une notion qui s’impose progressivement en médecine entre 1750 et 1800, [….] et qui consiste à mettre en avant l’observation attentive du malade par le médecin, le diagnostic étant élaboré à partir des lésions visibles (Foucault, 1963, p. IX, 2 et 56-57) ». Si dans cet article Benoît et Knittel (2016) précisent ce qu’ils entendent par une démarche clinique et la façon dont celle-ci se met en place avec Mathieu de Dombasle, ils précisent que le diagnostic au cœur de cette démarche repose sur l’observation et l’analyse du fonctionnement du système ou de symptômes, avec une analyse de causes à l’origine de ce fonctionnement pour le comprendre, puis prendre une décision d’actions à réaliser pour corriger ce qui est perçu comme un dysfonctionnement de ce système. La notion de diagnostic peut ainsi être vue comme une démarche permettant de suivre la dynamique d’un système ouvert et non totalement contrôlable par l’action humaine en vue de le piloter, ou comme une démarche permettant d’interpréter des symptômes pour corriger la trajectoire et retrouver certains équilibres pour garantir le fonctionnement recherché du système. Nous proposons de nous arrêter sur ce point de vue dans une première partie en mobilisant la façon dont les activités de diagnostic sont étudiées en ergonomie cognitive [1].
En agronomie (comme en médecine), outils et démarches de diagnostic sont des enjeux de production de connaissances comme d’enseignement. Ainsi, en agronomie, de nombreux travaux proposent : (i) des indicateurs à observer ou mesurer voire à introduire dans des modèles de fonctionnement du système biophysique pour simuler des variables peu observables ou mesurables dans les conditions de la pratique, (ii) des démarches pour recueillir ces indicateurs dans les conditions de la pratique en intégrant l’hétérogénéité spatiale et temporelle par exemple ; (iii) des démarches pour interpréter ces indicateurs (pris isolément ou dans une perspective plus systémique) impliquant de mobiliser une représentation fonctionnelle du système, des interactions entre les différents compartiments, et entre le système étudié et son environnement, etc. Ces outils et démarches ont été proposées aussi bien à l’échelle de la plante (par exemple : indicateur du jus de base de tige) dans une perspective de pilotage et d’ajustement en cours de culture, de la parcelle (par exemple démarche d’analyse de l’élaboration du rendement d’une culture) dans une perspective d’analyse ex-post d’une dynamique au champ, d’un territoire (par exemple diagnostic régional des systèmes de culture) dans une perspective d’identification de modifications possibles et souhaitables.
Ces outils et démarches ont été proposés pour être mis en œuvre par les agriculteurs directement, par des conseillers ou à l’occasion de dialogues entre praticiens. Si, au cours des années 80 et 90, ils se sont développés dans un contexte où dominait la recherche d’une efficacité technico-économique, les années 2000 voient apparaître un renouvellement de ces outils et démarches pour intégrer des enjeux environnementaux, des enjeux de résistance aux pesticides et plus globalement des enjeux de multi-performances et de durabilité. Le parallèle pourrait être fait avec la médecine qui voit aussi apparaître des questions de résistance des antibiotiques et donc de santé publique au-delà du strict problème à traiter au niveau d’un patient. Dans ce cas, ne faut-il pas alors repenser les démarches de diagnostic pour pouvoir décider des actions nécessaires au pilotage de la dynamique propre au système unitaire considéré (pour l’agronome la parcelle, l’exploitation ou le territoire) pour intégrer ces enjeux ? De fait, cela invite à intégrer les interdépendances entre les systèmes unitaires et les rétroactions négatives éventuelles (cas des antibiotiques par exemple) et sans doute à se doter d’autres représentations pour guider le processus de diagnostic et les actions qui en découlent.
Nous proposons d’illustrer, dans la deuxième partie de cet article, la façon dont cela vient modifier la démarche de diagnostic. Cela nous permettra de mettre en avant certains points qui nous aideront à dessiner les contours d’un diagnostic stratégique, qui est ici orienté par l’intégration d’enjeux environnementaux dans les systèmes agricoles. Le premier exemple évoque ce qui est pratiqué en tour de plaine aujourd’hui par certains conseillers avec « leurs » agriculteurs et travailler avec eux à la re-conception de leurs systèmes ou plus modestement à l’évolution de leurs pratiques pour intégrer des enjeux environnementaux. Le tour de plaine est un outil classique pour faire des observations sur les parcelles en vue de prendre des décisions d’action, dont Michel Sebillotte en 1969 a énoncé certains principes que rappellent Benoît et Knittel dans leur article de 2016. Il est aussi un service souvent proposé par les structures de conseil à des agriculteurs, en individuel ou en collectif, avec là encore le souci d’observer des états de la parcelle à des moments jugés clés par rapport aux interventions possibles sur les cultures. Comment l’outil a-t-il été revisité pour permettre des débats sur la façon de produire des inférences [2], de conduire des observations dès lors qu’il ne s’agit pas de décider des actions à réaliser à court terme, mais pour questionner la prise en compte de nouveaux enjeux et discuter de la gamme d’actions possibles à moyen et long terme (logique de diagnostic stratégique) ? Le second est la démarche mise en œuvre par les conseillers ou gestionnaires de territoires confrontés aux problèmes de pollution de l’eau par les nitrates, qui utilisent l’outil Syst’N pour évaluer les pertes d’azote dans les systèmes de culture et en comprendre l’origine. Dans ce cas de figure, le « symptôme » observé initialement et qui fait problème est par exemple la concentration en nitrate dans un captage en eau potable qui dépasse une norme sanitaire. Ainsi le logiciel Syst’N (Reau et al., 2011, Parnaudeau et al., 2012) est actuellement utilisé par les praticiens pour évaluer les pertes d’azote, comprendre l’origine de ces pertes dans la situation donnée, et identifier et tester virtuellement des pistes d’action, ce que nous décrirons plus loin. Nous nous interrogerons sur la place de l’outil dans le dispositif plus général de la démarche de diagnostic, qui est généralement non explicitée par les praticiens.
Nous conclurons en discutant comment ces deux exemples illustrent le lien fait par les praticiens (agronomes-agriculteurs et agronomes-conseillers) entre diagnostic et clinique dans un contexte de transition des systèmes agricoles vers la haute performance environnementale tout en tenant compte d’autres enjeux portés par les acteurs.
Un diagnostic au service du pilotage stratégique d’un système biophysique dynamique et ouvert
Dire que le diagnostic suppose observation, analyse du fonctionnement du système pour en déduire des actions, c’est se placer d’emblée du point de vue du pilotage d’un système.
Le diagnostic est orienté par une visée[3] et tourné vers l’action
Le diagnostic est tourné vers l’action : il répond moins à une logique de compréhension du fonctionnement du système considéré que celui-ci soit « la personne malade » ou « le système agricole » ou encore « le bassin versant » qu’à une logique d’action sur, ou avec, le système. L’objectif est bien de piloter sa dynamique en lien avec une visée qui oriente la conduite du système (dans nos exemples les visées peuvent être respectivement : une bonne santé, un système durable, une eau de qualité). La visée n’est pas neutre dans la construction du diagnostic sur des systèmes complexes. De fait, il est difficile d’embrasser l’ensemble des interactions qui peuvent intervenir dans la dynamique du système. La visée contribue à faire des choix dans ce qui sera observé, même si ces choix ne sont pas toujours conscients. Ainsi, l’examen des nombreux outils d’aide à la décision qui ont été produits dans les années 80 et 90, met en lumière qu’ils sont orientés par l’optimisation technico-économique par technique élémentaire de production. L’arrivée des enjeux environnementaux vient potentiellement remettre en cause tant les indicateurs que la façon de les interpréter (voir encadré 1) et surtout à développer des activités de diagnostic des systèmes complexes combinant plusieurs techniques. La prise en compte de ces enjeux vient bouleverser la façon de piloter le système et le diagnostic à réaliser : il s’agit de reconstruire une stratégie et des indicateurs permettant d’observer les effets de cette stratégie à court et long terme en lien avec la visée fixée par le ou les acteurs concernés. Il s’agit donc de proposer des outils ou démarches de diagnostic que l’on peut qualifier de stratégique, au service d’un pilotage lui-même stratégique (Lorino, 1991, Hemidy et al., 1993).
Encadré 1 : Evolution du diagnostic pour intégrer des enjeux environnementaux au raisonnement technico-économique : vers un diagnostic stratégique
Exemple 1 : Prenons l’enjeu qui consiste à ne plus traiter systématiquement avec des substances de synthèse un couvert végétal pour éviter une résistance accrue de certains pathogènes ou adventices, ou limiter la présence des substances actives dans l’eau ou dans le sol avec des effets toxicologiques sur certaines populations. Un indicateur qui servait à détecter la présence d’un pathogène peut ne plus donner lieu à la même décision, si on l’interprète en privilégiant le risque pris à traiter alors que cela n’aurait pas été nécessaire et non plus en privilégiant le risque de ne pas traiter alors qu’il aurait fallu. L’observation dans certains cas, peut s’orienter non uniquement sur les symptômes, mais aussi sur la façon dont le couvert peut « résister », par son hétérogénéité, par les auxiliaires présents, etc. ou sur la façon de réduire l’inoculum préexistant, impliquant des arbitrages entre court et moyen terme.
Exemple 2 : si l’on privilégie de faibles fuites en azote dans le milieu, on peut chercher à disposer d’un indicateur visuel permettant d’évaluer les quantités d’azote présentes en début d’hiver, dans le sol d’une part et dans les cultures en place d’autre part. En effet, comme la lixiviation se produit en fin d’automne et en hiver et qu’il y a souvent peu d’apports d’azote minéral dans le sol à cette saison, le stock d’azote minéral présent à la fin de l’été peut être considéré comme un potentiel de pertes de nitrates, potentiel qui va s’exprimer plus ou moins suivant l’importance des pluies et de la lame d’eau drainante. Mais si cette quantité d’azote minéral dans le sol est mesurable, elle n’est pas facile d’accès pour un agriculteur. L’observation des repousses de colza, leur densité, leur hauteur et leur couleur peut être utilisée comme un indicateur de la quantité d’azote présente dans le sol (voir par exemple, Prost et al., 2018), sachant que des repousses présentant des symptômes de carence en azote révèlent un sol où il y a peu d’azote minéral dans la partie du profil colonisée par les racines. Quand il s’agit de savoir si les repousses spontanées sont réussies, l’évaluation intègre une visée d’avoir peu d’azote minéral dans le sol à l’entrée de l’hiver. Cela bouscule l’observation et son interprétation : ici il ne s’agit pas seulement de savoir si le couvert est volumineux ou pas (indicateur de l’azote qu’il a absorbé), mais aussi de savoir s’il présente des symptômes de carences en azote (indicateur d’une faible quantité d’azote restante dans la partie du sol explorée par les racines) : plus il présente des symptômes de carence en azote, plus les risques de perte sont faibles ; plus la biomasse des repousses est faible, plus la fertilisation azotée semble avoir été maîtrisée en entrainant de faibles reliquats d’azote minéral après la récolte du colza par exemple.
Par ailleurs, dire qu’il y a une visée, introduit nécessairement une interrogation : qui la définit ? Si l’on reste à l’échelle de l’interaction entre un pilote du système et ceux qui le conseillent on peut se demander si la visée est construite par le premier ou le second : le patient ou le médecin ? L’agronome-agriculteur ou l’agronome-conseiller ? Et si les deux dialoguent dans la construction du diagnostic, comment s’assurent-ils qu’ils s’entendent réellement sur la visée ? Est-ce que retrouver la santé pour le patient, c’est supprimer le symptôme et éliminer l’agent pathogène, ou apprendre à vivre avec, et avoir des pratiques qui permettent d’en réduire leurs effets jugés problématiques ? Est-ce que pour le médecin retrouver la santé pour son patient, c’est uniquement prendre en compte ce que veut le patient, ou doit-il aussi prendre en compte des considérations de santé publique ? Le parallèle vaut en agriculture : aller vers un système durable, est-ce pour l’agriculteur uniquement produire et assurer la transmission de son patrimoine ou c’est gérer des compromis entre vie professionnelle, familiale, sociabilité et entre services de production et services environnementaux par exemple ? Là encore pour le conseiller, s’agit-il pour lui de considérer uniquement l’intérêt de l’agriculteur ou doit-il aussi prendre en compte des considérations liées aux enjeux environnementaux par exemple ?
Le diagnostic mobilise une représentation du fonctionnement d’un système
Comment caractériser la classe de situations dont nous souhaitons parler et qui pourrait en médecine recouvrir un système comme le corps d’un individu malade, une communauté d’individus confrontés à une épidémie, et en agronomie, un champ infesté par du mildiou ou un territoire confronté à un enjeu de pollution des nappes ? D’un point de vue ergonomique, ces situations seraient qualifiées de conduite de processus dynamiques et ouverts : dynamiques car évoluant indépendamment des actions que le pilote peut réaliser, ouverts car soumis à des actions qui sont hors du champ de contrôle du pilote. Certes le degré d’ouverture varie entre une culture hydroponique sous serre et un territoire dont il faut piloter la qualité de l’eau, mais de manière dominante en agriculture, et encore plus si l’on se place dans une perspective agro-écologique, il faut apprendre à faire avec ces actions non humaines (les événements climatiques, les vols d’insectes nuisibles, le cycle de l’azote dans le sol, l’apparition d’une sensibilité nouvelle de la plante à un ravageur,…) qui font partie du fonctionnement du système qu’on cherche à piloter. Le diagnostic est alors un élément clé pour actualiser sa représentation du système, de son état et de sa dynamique, mais aussi pour l’interpréter en vue de décider effectivement des actions à mettre en œuvre. Cette interprétation mobilise des inférences à partir de ce qui est recueilli comme indices [4], symptômes et de ce que l’on sait sur les évolutions passées, ou ce qu’on projette pour des évolutions futures. Ces inférences ne sont pas toujours simples à réaliser d’autant que certaines variables clés pour porter un diagnostic ne sont pas nécessairement observables directement et supposent de faire des liens entre des indicateurs observables et ces variables, d’où parfois le recours à des modèles pour outiller l’analyse des chaînes causales et des interactions. Ce que nous voudrions pointer ici c’est que ces inférences sont contingentes de la représentation qu’on se donne du système y compris de la façon dont, dans cette représentation, on intègre l’action humaine (les pratiques agricoles par exemple) et les buts et plus largement la visée qui orientent cette action. En effet, qui dit action de pilotage dit implicitement l’existence d’un pilote qui oriente son action en lien avec des objectifs qu’il se donne ou que d’autres lui fixent (par exemple viser un blé à 70 quintaux et produire un blé de force peuvent-être des objectifs que se donne l’agriculteur mais que lui demande aussi la coopérative pour assurer le prix négocié avec l’agriculteur et remplir son contrat avec son meunier).
La représentation du fonctionnement du système est orientée par l’action
Dire que le diagnostic est orienté vers l’action conduit aussi à soulever la question des rapports qui s’instaurent entre celui qui agit, les conditions dans lesquelles il agit, et la façon dont il réalise un diagnostic. Les travaux réalisés par Hoc et Amalberti (1997) ou Cerf (1996) sur les activités de diagnostic pour la conduite de processus dynamiques et ouverts peuvent être mobilisés pour traiter cette question. Ces différents travaux soulignent que le diagnostic s’appuie certes sur des observations, mais que ces dernières sont orientées par les actions, ou procédures à respecter, que les acteurs connaissent. Par exemple Cerf (ibid.), travaillant sur les choix d’actions pour préparer le sol et semer les betteraves en Picardie, suit les tours de plaine des agriculteurs et leur soumet des simulations à base de photos et de scénarios climatiques. Elle identifie le rôle clé que joue ce qu’elle appelle « une procédure de routine » : ce que l’agriculteur fait habituellement pour préparer le lit de semences et semer oriente le choix des indicateurs et l’analyse qui en est faite. Hoc et Amalberti (ibid.) ont proposé un schéma pour rendre compte de la diversité des stratégies de diagnostic qu’ils observent. Ce schéma exprime les liens entre ce qui est observé, le raisonnement tenu, la décision prise, et l’action réalisée. Il pointe que les opérateurs prélèvent des indices pour analyser l’état et la dynamique en cours du système. Ce n’est que lorsque ces indicateurs ne leur permettent pas d’agir conformément à ce qu’ils font usuellement (inférences fondées sur des routines d’action) ou à des alternatives connues (inférences basées sur des règles qui relient ces indices à une pratique que l’opérateur a déjà mise en œuvre dans des situations jugées analogues) que les opérateurs remontent vers une analyse du fonctionnement du système pour produire des inférences sur la base des connaissances qu’ils ont du système. Ils cherchent davantage à contrôler si le système est dans un régime de fonctionnement qui permet la mise en œuvre et l’adaptation tactique des moyens connus, qu’ils n’engagent un diagnostic des causes qui ont produit l’état ou la dynamique observés. Ces travaux sont néanmoins essentiellement basés sur des activités de diagnostic pour un pilotage tactique d’un système. Néanmoins, Amalberti (2001) s’est intéressé à la façon dont des pilotes d’avions de chasse construisent leur stratégie de vol pour la transmettre à la tour de contrôle avant leur départ. Il pointe qu’ils intègrent à la fois des connaissances sur leurs compétences de vol ou plus précisément les actions qu’ils maîtrisent comme une certaine courbure du vol, et sur les contraintes d’un vol en territoire ennemi pour analyser leur environnement de vol et construire leur plan de vol à transmettre à la tour de contrôle. Ainsi, même dans le cas où le diagnostic a une visée stratégique, il intègre déjà ce que le pilote du système sait ou non faire, et ne se fait pas uniquement à partir d’une recherche des causes de ce qui est à l’origine de l’état ou de la dynamique du système observé.
Par ailleurs, comme le soulignent certains travaux conduits dans des centrales nucléaires, la recherche des causes peut être aussi une stratégie qui s’avère sinon coûteuse mais aussi peu pertinente si le pilote a une représentation erronée du régime dans lequel fonctionne le système (Pastré et al., 2009). Ainsi, des novices dans la conduite d’une centrale ne perçoivent pas certains indices leur permettant de considérer que ce qu’ils observent relève d’un régime de fonctionnement dégradé (par rapport à ce qui est attendu en termes de production et de sécurité) et leurs interprétations en termes d’action à entreprendre sont erronées. Il y a donc, même dans ce cas où les inférences reposent sur une recherche des causes de l’état observé, une dépendance forte à la représentation que les pilotes du système se font du régime de fonctionnement du système par rapport à ce qui est attendu et aux actions possibles. Comme l’illustre l’encadré 2, c’est le cas lorsqu’en agriculture, il s’agit de se représenter le système non plus à partir d’un régime de fonctionnement associé à des pratiques orientées vers l’optimisation technico-économique uniquement, mais d’un régime qui va être associé à des pratiques intégrant une prise en compte de certains enjeux environnementaux par exemple.
Encadré 2 : Illustration de la nécessité d’un changement de représentation du système pour intégrer des enjeux environnementaux
Les acteurs du conseil agricole ont appris à raisonner la fertilisation azotée sur la base d’une optimisation technico-économique des doses afin d’obtenir un rendement objectif en évitant les surcoûts d’une fertilisation excédentaire. Considérant que la pollution des eaux à l’automne après un blé était due à la sur-fertilisation de cette culture au printemps, les premiers travaux pour lutter contre la pollution des eaux ont porté sur le raisonnement de la fertilisation (ex. Ferti-Mieux dans les années 1990). Cela présupposait que la limitation de la lixiviation reposait sur la maitrise de l’azote apporté au système sol-plante.
Mais la maitrise de la lixiviation via le raisonnement de la fertilisation ne garantit pas de faibles pertes d’azote et la limitation des doses d’azote est perçue comme une prise de risque en termes de production par les agriculteurs. En prenant du recul sur la dynamique de l’azote minéral dans le sol au cours d’une rotation dans les années 2000, les scientifiques ont néanmoins considéré qu’un point clé de la maîtrise de la pollution des eaux en hiver en France était d’avoir peu d’azote minéral dans le sol à la fin de l’automne. Il a alors pu être envisagé que la limitation de la lixiviation puisse résulter du prélèvement par les cultures à l’automne et que c’était cette partie du système qui devait être maitrisée.
Ce nouveau point de vue a permis de bâtir des façons de gérer les systèmes de culture et de diversifier les stratégies pour avoir de l’eau moins chargée en nitrate : si la maitrise de la fertilisation est une solution efficace mais pas toujours suffisante, d’autre solutions sont efficaces et notamment le développement des repousses ou des cultures intermédiaires en été en inter-culture courte, qui ont permis à des agriculteurs d’avoir peu d’azote minéral dans leur sol, y compris chez ceux qui avaient beaucoup d’azote minéral dans leur sol au début de l’été, lorsque les couverts se développent.
Cela permet d’aider les agriculteurs à moins opposer la maîtrise de leur production et la maîtrise de la pollution autour du choix de la dose optimale d’engrais azoté, et les risques qu’ils prennent compte tenu des incertitudes de la prévision des doses. Cela a donc permis de distinguer le besoin d’avoir suffisamment d’azote dans le sol au printemps pour leur culture d’hiver pour la production, et le besoin de maîtrise de la pollution les incitant à avoir peu d’azote dans le sol à l’automne. La question de la double maitrise de la gestion de l’azote est devenue alors comment arriver à gérer le niveau d’azote du sol pour en avoir suffisamment au printemps et peu à la fin de l’automne. Cela a permis d’ouvrir le champ des possibles lors de la construction d’une stratégie dans les aires d’alimentation de captage (Prost et al., 2018).
Le diagnostic intègre la prise en compte du couplage entre l’acteur et le système [5]
In fine, faire un diagnostic pour agir signifie que le rapport qu’entretient le pilote au système n’est pas nécessairement prioritairement orienté par le « bon fonctionnement du système biophysique » qu’il pilote mais aussi par des compromis entre ce qu’il veut faire, peut faire, voudrait faire et qui contribue à façonner pour lui « le bon fonctionnement du système ». Richard (1990) distingue, pour rendre compte de deux formes de couplage entre un opérateur et un système technique ce qu’il appelle la logique de fonctionnement et la logique d’utilisation. Prenons l’exemple d’un garagiste. Lorsqu’il est dans son atelier pour réparer un moteur, il va faire un diagnostic fondé sur ce qu’il connaît du fonctionnement d’un moteur pour le modèle qu’il a sous les yeux. Néanmoins, pour le propriétaire du véhicule, le diagnostic sera plus souvent formulé à partir de l’usage qu’il a fait ou voulait faire de son véhicule, des circonstances d’apparition d’un défaut du moteur, etc. Le premier est dans une logique de fonctionnement, le second d’utilisation. Cette distinction rejoint celle proposée par Sebillotte (1990) qui suggérait de distinguer le diagnostic externe (fondé sur la logique de fonctionnement agronomique du système) et le diagnostic interne (porté du point de vue de la logique d’action de l’agriculteur formalisée dans le modèle d’action). Cela invite alors la personne qui conseille un autre sur les actions à réaliser pour piloter un système (médecin généraliste ou agronome-conseiller par exemple) à se poser la question suivante : quel rapport le patient ou l’agriculteur entretient-il avec le système biophysique ? Comment parle-t-il du couplage entre son action et le système biophysique sur lequel il exerce son action ? Quand le patient parle de sa maladie et de la façon dont il aimerait retrouver la santé, comment perçoit-il ce qu’il fait au quotidien pour s’alimenter, bouger, comme étant partie intégrante ou pas de sa maladie et de sa santé ? Quand il parle du résultat de l’examen de son taux de sucre dans le sang, s’intéresse-t-il à ramener ce taux de sucre dans des valeurs « normales » pour un individu moyen, ou bien se préoccupe-t-il de savoir comment éviter certains troubles qui l’empêchent de vivre « normalement » selon ses critères à lui ? De même quand l’agriculteur parle de la présence de Sclérotinia dans son colza, comment relie-t-il les choix de cultures, les actions sur ses cultures et ses champs à l’apparition du symptôme ou à la santé de ses cultures ? Quand il parle de la teneur en azote du jus de base de tige, s’intéresse-t-il à ramener la teneur à une certaine valeur « normale » ou bien se préoccupe-t-il de savoir comment éviter d’avoir des problèmes de nutrition azotée de ses plantes ? Met-il sur le même plan les actions qu’il réalise et celles d’événements climatiques, ou de vols d’insectes, actions associées au caractère ouvert et dynamique du système qu’il pilote ? Comprendre cela est un enjeu pour ceux qui accompagnent le patient dans un cas, ou l’agriculteur dans l’autre, dans le diagnostic et l’action qui en découle [6].
De même, comprendre la relation que le pilote entretient au système est aussi nécessaire dès lors qu’il s’agit d’en modifier le couplage, par exemple pour éventuellement permettre au pilote d’intégrer de nouveaux enjeux en sus des compromis qui sont déjà les siens pour piloter son exploitation, et en déduire des actions qu’il se sent en mesure de réaliser. Par exemple, si certains agriculteurs peuvent choisir, sur la base d’une meilleure appréhension de la dynamique de l’azote, de limiter leur sur-fertilisation et prendre le risque d’un défaut de teneur en protéine alors même que cette teneur justifiait à leurs yeux cette sur-fertilisation, d’autres peuvent opter pour le maintien de cette dernière, mais développer des actions de captage ultérieur de cet apport en excès pour limiter les pertes en automne et hiver par des couverts, si les conditions climatiques permettent leur développement. Intégrer de nouveaux enjeux comme les enjeux environnementaux, c’est au fond changer le système à prendre en compte dans le pilotage, et donc repenser le couplage entre l’acteur et le système. Mais il faut aussi réinterroger le pilotage. Car in fine, qui pilote : est-ce toujours celui qui agit ? Quelles relations entretiennent le (ou les) pilote(s) et celui (ceux) qui agissent ? Ne faut-il pas aussi s’interroger sur les différents niveaux d’action qui contribuent à faire face aux évolutions non souhaitées et à orienter vers celles recherchées ? Cela induit aussi la question de la rémunération possible pour ce changement de pilotage tout en gardant à l’esprit qu’au-delà de l’exploitation, d’autres acteurs pourraient pâtir de ce changement.
Quel travail des agronomes pour des diagnostics stratégiques avec les agriculteurs ?
Dans la suite, nous présentons deux exemples. Le premier vise à illustrer la façon dont des conseillers s’y prennent pour travailler avec des agriculteurs la représentation qu’ils se font de leur système et les inciter à repenser leur couplage au système. Le second illustre la place que peut trouver un outil conçu pour le diagnostic dans un dispositif multi-acteurs agronomes (conseillers et agriculteurs) et collectivités qui le fait évoluer et qu’il fait évoluer pour repenser des systèmes de culture à faible émissions d’azote.
Le tour de plaine « à froid » : une pratique émergente pour retravailler l’enquête sur le système de culture en lien avec des enjeux environnementaux
Le tour de plaine est installé dans les pratiques de conseil en grandes cultures dans de nombreuses organisations de conseil. Il est essentiellement réalisé au printemps, pour prendre des décisions tactiques comme l’apport d’azote ou la réalisation des traitements phytosanitaires. Il est donc un des outils classiques pour réaliser un diagnostic agronomique partagé entre un agriculteur (ou un groupe d’agriculteurs) et un conseiller. Le tour de plaine restait, jusqu’il y a peu, dédié à ce « conseil de saison » pour une intervention immédiate, ce que des conseillers réunis dans le cadre d’une action de formation-action réalisée par le RMT SdCi entre 2009 et 2011 ont qualifié de « conseil à chaud ». C’est d’ailleurs dans le cadre de cette même formation qu’a émergé la notion de « conseil à froid ». Confrontés, dans cette formation, à la réalisation d’un diagnostic dans un champ en novembre et sans l’agriculteur, les conseillers pointent alors ce que cette situation de tour de plaine, inhabituelle pour eux, leur permet de mettre en œuvre comme enquête sur le champ (Guillot et al., 2013). Quels indices prélever pour comprendre ce qui a produit la situation observée ? Quels indices se donner pour définir ce qui serait souhaitable comme actions pour ici semer le blé à venir et résoudre certains problèmes qu’ils repèrent ? Le débat qui s’installe entre conseillers, tant sur la parcelle qu’ensuite en salle quand ils partagent leurs indices, met en lumière qu’ils n’ont pas nécessairement privilégié les mêmes compartiments du système : certains sont plus attentifs à la vie du sol ou à sa structure, d’autres à la présence de certaines adventices ou à leur quantité, etc. Ils débattent sur ce qu’ils appellent un « beau champ ». Bref, un tel tour de plaine a été pour eux l’occasion de débattre de leurs représentations respectives du système, de ce qui l’oriente du point de vue de la dynamique souhaitée et souhaitable du champ en regard de normes qu’ils ont sur ce qu’est « un beau champ ». Certains conseillers sont alors intéressés pour transposer ce qui s’est joué là de façon à faire évoluer leur pratique de tour de plaine dès lors qu’ils ont pour mission d’accompagner les agriculteurs dans des changements de pratiques intégrant des enjeux environnementaux, en particulier dans les aires d’alimentation de captage. Comme le montre Duhamel (2019), ces conseillers vont modifier la façon de cadrer le tour de plaine et vont aussi modifier ce faisant leur façon d’interagir avec les agriculteurs à l’occasion de ce tour de plaine. Ils incitent les agriculteurs à cheminer dans les parcelles et à conduire leur enquête, soit autour d’une problématique initiale (par exemple la gestion des adventices), soit sans guider nécessairement l’observation mais en invitant les agriculteurs à produire un rapport d’étonnement.
Dans le premier cas, le débat peut s’engager sur la façon dont chacun évalue le « salissement » du champ mais aussi sur ce qui en est à l’origine d’une part, ce que cela pourrait avoir comme effets à long terme d’autre part. Il s’agit alors de pointer les différences dans les évaluations faites sur ce qu’est un champ propre, sur les facteurs mis en avant pour expliquer la situation et les inférences conduites à cette occasion. Il s’agit aussi de remettre le champ dans son contexte (par exemple une aire d’alimentation de captage présentant des taux élevés de telle ou telle substance active dans l’eau captée, une petite région présentant un fort taux de résistance à telle ou telle substance active) pour permettre un débat sur la façon d’articuler ces enjeux qui dépassent le strict intérêt de l’agriculteur avec ce qui lui tient à cœur. In fine, cela déplace le conseil d’une décision tactique (traiter ou non dans le cas présent et choix de la substance active) vers une réflexion stratégique (quelles actions/leviers pour éviter que la situation problématique réapparaisse ou pour maintenir une situation jugée satisfaisante) et la production d’indicateurs permettant de suivre la dynamique du système.
Dans le second cas, il s’agit de mettre en débat ce qu’est pour chacun le « bon fonctionnement » d’un système, et d’interroger aussi les limites éventuelles que certains dessinent au système. Il peut se réaliser à des moments où « il n’y a rien à faire » dans les champs, mais où il est possible de s’interroger sur ce qui a conduit à la situation observée comme cela avait été le cas dans la formation-action évoquée. Il peut aider aussi à pointer sur quoi porte le regard : reste-t-on à observer ce qui se trouve dans le champ ? Comment sont intégrés d’autres éléments du paysage et qu’en tire-t-on comme information sur le fonctionnement d’un système plus large que celui de la parcelle et la façon dont cela peut influer sur les décisions à cette dernière échelle ou sur les coordinations à mettre en place entre agriculteurs ?
Ainsi, ce type de diagnostic privilégie l’enquête dirigée par une problématique à résoudre, et l’instauration d’un débat orienté vers un échange sur la représentation du système, son bon fonctionnement, ses limites à considérer, les leviers d’action disponibles pour le piloter sur le long terme. Il ne s’agit plus d’un tour de plaine « à chaud » pour décider d’actions sur le court terme, mais « à froid » (voir encadré 3) et susceptible d’accompagner une réflexion stratégique. S’il aide à penser à l’action, il vise surtout à aider à déconstruire certaines façons de se représenter le système et à en construire de nouvelles en lien avec de nouveaux leviers qui pourraient être mobilisés. Il reste ancré dans l’observation, mais cette dernière est moins orientée par des actions ou règles d’action connues que vers l’enquête permettant d’explorer de nouveaux possibles. Et s’il se réalise souvent en groupe, c’est pour susciter le débat et permettre à chaque participant d’échanger sur ses propres représentations du système et de les questionner si besoin pour aider chacun à reconsidérer le couplage entre lui et le système biophysique qu’il pilote.
Encadré 3 : une nouvelle façon de réaliser le tour de plaine expérimentée par des conseillers en Bourgogne Franche Comté « faire le bilan des adventices qui dépassent dans une parcelle, chez un agriculteur »
Temps 1 : rappel des règles = bienveillance à l’égard de l’agriculteur qui a accepté que sa parcelle serve de support de réflexion, rester dans la critique constructive
Temps 2 : par petits groupes, les agriculteurs circulent dans la parcelle et formulent un diagnostic en remplissant une fiche : 1/ Trouvez-vous la maîtrise des adventices satisfaisante ? 2/ Quels indices vous font dire cela ? 3/ Comment les avez-vous observés ?
Temps 3 : mise en commun des diagnostics : ici, 5% de zones où le vulpin conduira à des pertes de rendement (50 pieds/m²) et pas de perte sur le reste. Risque de forte contamination par des graines sur 20% de la surface (plus de 5 vulpins/m²). Moins de vulpin sur le croisement des rampes de traitement (origine ? passage de moissonneuse ? réglage pulvérisation ?)
Temps 4 : évaluation individuelle de la situation à la fois pour la culture en cours et pour l’avenir (mettre une note de 0 = très sale à 10 = très propre)
Temps 5 : que feriez-vous si vous aviez à reprendre cette parcelle ? Lister les solutions envisagées dans le groupe, puis faire discuter le groupe sur l’intérêt de ces solutions du point de vue de l’efficacité contre le vulpin, de la qualité de l’eau (on est dans une aire d’alimentation de captage). Faire évaluer la faisabilité des solutions par l’agriculteur dont la parcelle a servi de support.
Syst’N : une démarche outillée pour aider à construire une stratégie d’action dans un territoire à enjeu eau fondée sur un diagnostic de la dynamique des pertes azotées
Les années 2000 ont vu se poursuivre la dégradation de la qualité de l’eau du point de vue de leur teneur en nitrate dans les aquifères terrestres et littoraux, malgré les progrès liés au raisonnement de la fertilisation et la mise aux normes des bâtiments d’élevage et des systèmes d’assainissement. Des démarches prenant en compte le niveau du système de culture et le contexte pédoclimatique ont alors émergées, visant d’une part à évaluer les pertes d’azote nitrique sous les différents systèmes, et d’autre part à comprendre l’origine de ces pertes. Or contrairement au rendement, les pertes de nitrate par un champ ne sont pas faciles à appréhender par un agriculteur, car leur mesure au champ suppose un équipement coûteux. Pour dépasser ce problème, des agronomes ont eu recours aux outils de simulation permettant de quantifier des flux d’azote en mobilisant les modèles de culture qui avaient vu le jour dans les années 1990. C’est dans ce cadre que l’outil Syst’N a été conçu pour réaliser le diagnostic des pertes d’azote sous différentes formes (nitrate, mais aussi les pertes gazeuses comme l’ammoniac et le protoxyde d’azote). Cet outil, co-conçu entre l’INRA, des instituts techniques et des conseillers agricoles, est un logiciel qui simule les pertes d’azote de façon dynamique dans les systèmes de culture situés dans un contexte pédo-climatique. Il comporte un modèle agronomique qui permet le calcul des pertes d’azote au pas de temps journalier en fonction de la description du système modélisé (système de culture x climat x sol) et permet d’en faire des synthèses à différentes périodes que le modèle permet d’identifier comme cruciales sur les pertes observées. Il cristallise une représentation du système partagée entre agronomes (chercheurs, ingénieurs et conseillers) dans le but d’identifier ou concevoir des systèmes à faibles pertes d’azote. La fonction de diagnostic de Syst’N est d’une part « intrinsèque » à l’outil en lien avec la problématique ciblée, celle de l’azote. L’outil Syst’N propose des indicateurs qui renseignent l’utilisateur sur l’état du système et enrichissent sa représentation du fonctionnement de ce même système. En effet, il permet de quantifier les pertes, et de mettre en regard l’intensité de ces pertes avec la dynamique de l’azote minéral du sol dans le système de culture via les interfaces graphiques de l’outil. La fonction de diagnostic est d’autre part liée à des fonctionnalités de l’outil qui facilitent les tests virtuels : cela permet à l’utilisateur de faire une hypothèse sur la cause des pertes et de tester si celles-ci diminuent lorsque l’on modifie le ou les facteurs supposés affecter les pertes. On voit ici que les connaissances de l’utilisateur, qui s’enrichissent par l’outil, sont indispensables à chaque étape du diagnostic avec l’outil. C’est l’utilisateur qui va pouvoir intégrer la problématique donnée dans une vision plus large des enjeux qu’intègrent les acteurs quand ils conçoivent leurs systèmes de culture.
Une analyse des usages de Syst’N par des conseillers et animateurs d’aires d’alimentation de captage a été réalisée au bout de 3 ans (Hannebert, 2015). Elle a d’abord montré que tous les utilisateurs passent par une 1e étape d’évaluation des résultats de l’outil qu’ils confrontent aux résultats qu’ils ont en tête pour les situations qu’ils connaissent, voire à des mesures qu’ils ont réalisées dans des expérimentations ou chez des agriculteurs. Les résultats de l’outil évalués ne sont pas forcément les résultats de pertes d’azote mais des « sorties intermédiaires » proposées par l’outil telles que l’absorption par les cultures ou la minéralisation de l’azote du sol. Cela leur permet de se rassurer sur la validité de l’outil dans leurs situations ou bien les inciter à s’interroger sur les ajustements à réaliser pour pouvoir utiliser l’outil ensuite : l’utilisateur peut mettre en question la façon dont il a décrit son système, mais il peut aussi s’agir des conditions que le modèle prend mal en compte. Dans ce cas les ajustements nécessitent une bonne compréhension de la dynamique de l’azote telle qu’elle est représentée dans le modèle : en effet, il peut s’agir de « forcer » des paramètres pour arriver à un résultat intermédiaire connu (comme le rendement par exemple), afin de simuler des pertes d’azote correctes. Grâce aux sorties intermédiaires proposées par l’outil, les utilisateurs peuvent donc faire une recherche des causes, identifier si c’est l’estimation des paramètres qui est peu pertinente dans leur situation ou si c’est leur propre représentation qui omet certains facteurs clés pour l’évaluation des pertes. Cette analyse des usages pointe ainsi que ces utilisateurs peuvent faire évoluer leur représentation du système en particulier lorsque l’outil ne répond pas comme cela aurait été attendu, car même en phase de diagnostic et de simulation (après la phase d’évaluation), la plupart des utilisateurs confrontent de façon plus ou moins consciente les résultats à leurs connaissances du fonctionnement du système. En lien avec cela, l’analyse des usages a montré aussi que l’utilisation de l’outil permet aux utilisateurs de mieux connaitre leur système parce qu’ils sont incités à rechercher des informations (sur les sols, les modalités de fertilisation, etc…) pour décrire le système dans le logiciel.
Encadré 4 : Mise en œuvre d’un conseil stratégique basé sur un diagnostic des pertes de nitrate dans des exploitations des baies « Algues vertes » en Bretagne
Un dispositif lié au plan de lutte contre les algues vertes permet l’identification annuelle des parcelles ou exploitations en situation de surfertilisation via des mesures de reliquat à l’automne, et l’estimation d’un risque de lixiviation avec l’outil Syst’N. Sur demande des agriculteurs (volontariat), la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne met en œuvre un conseil qu’elle appelle « stratégique » car il propose des modifications des systèmes de culture des exploitations pour diminuer les pertes de nitrate. Ce conseil mobilise un diagnostic réalisé avec l’outil Syst’N :
Etape 1 : description du système de culture en place, évaluation des pertes d’azote dans ce système et analyse de la dynamique des pertes
Etape 2 : identification des périodes où les pertes d’azote sont les plus intenses, et des causes en lien avec les systèmes de culture (cultures de la rotation et itinéraires techniques)
Etape 3 : proposition d’un nouveau système
Etapes suivantes : itération sur les étapes 1, 2 et 3 jusqu’à l’obtention d’un système à faibles émissions d’azote
Ces diagnostics et propositions successives sont restituées aux agriculteurs et discutées avec eux.
L’analyse des usages pointe aussi que l’outil peut être utilisé comme simple outil de calcul des pertes à l’échelle de la parcelle ou d’un territoire pour avoir un chiffre à fournir ou comme un outil de prévision chiffrée des pertes si l’on opère tel changement du système (expérimentation virtuelle). L’outil en lui-même ne permet pas forcément d’engager l’ensemble des utilisateurs dans une démarche de diagnostic pour les éclairer sur les performances azotées des systèmes, en termes de pertes d’azote, pour pointer ce qui en est à l’origine et permettre l’exploration d’un plan d’action pour changer de pratiques, voire pour reconcevoir leurs systèmes de culture en vue de limiter si besoin les pertes observées. Quelle pourrait être alors une telle démarche ? L’exemple si dessous permet de l’illustrer.
Utilisé pour réaliser le diagnostic des pertes de nitrate dans les aires d’alimentation de captages (AAC), Syst’N a permis de rendre lisible le fait que le point clé pour avoir de faibles pertes de nitrates sous notre climat en système non irrigué, reposait avant tout sur un sol pauvre en azote au début de l’automne. Cela se traduit par le fait que l’on puisse dans certaines situations compenser un mauvais effet précédent d’une culture (blé sur-fertilisé, légumineuse annuelle comme le pois qui restitue beaucoup d’azote au sol après la récolte) par une culture suivante ayant un « bon » effet en terme de capacité de prélèvement d’azote en été et début d’automne. Il a ainsi ouvert la piste à des mesures réalisables au champ et assez peu coûteuses, au moins dans les sols peu caillouteux : la quantité d’azote minéral dans le sol à l’automne (appelée dans la pratique « reliquat début drainage » ou « reliquat entrée hiver ») n’est pas directement une estimation de l’azote perdu vers les aquifères, mais cela peut être considéré comme lié au potentiel de lessivage de la parcelle (Vandenberghe et al., 2013). L’outil a ainsi permis d’identifier un indicateur qu’il serait intéressant de mesurer pour permettre de mieux comprendre la dynamique de l’azote en situation et le risque de pertes de nitrates. Et en rétroaction, ces mesures qui se sont développées en France depuis 2010 permettent maintenant de fiabiliser les simulations avec Syst’N car elles permettent d’ajuster certaines simulations. Pour cette activité agronomique de diagnostic, les conseillers et les animateurs d’AAC ont maintenant divers outils complémentaires (mesures, observations, simulations…). Dans des projets en partenariat, les chercheurs et les conseillers travaillent actuellement à développer des démarches pour apprendre à les choisir, les combiner et les articuler selon les problématiques et les dispositifs locaux.
Discussion
Si le diagnostic est bien au cœur de la clinique en agronomie, nous avons souhaité dans ce texte revenir sur ce qu’implique le diagnostic orienté vers l’action que l’agronome, qu’il soit chercheur, conseiller, agriculteur, pratique quand il envisage de piloter un système de culture. Nous avons ensuite illustré, à partir de deux exemples, la façon dont est revisité le diagnostic orienté vers l’action quand il s’agit non plus seulement d’un diagnostic tactique tiré par l’action immédiate, mais d’un diagnostic visant à définir une stratégie et un pilotage stratégique du système permettant d’intégrer des enjeux technico-économiques et sociaux propres aux agriculteurs et de nouveaux enjeux environnementaux ou plus largement liés à des ressources partagées (nous incluons par exemple l’enjeu du maintien de résistances variétales). Ces exemples permettent ainsi de dessiner les contours d’un diagnostic que nous qualifions de stratégique et plus largement d’une démarche qui insère ce diagnostic dans une remise en cause des représentations qui le guident et qui soutiennent les inférences produites en vue d’agir. Ces démarches visent alors à produire un débat entre agronomes sur ces représentations, sur ce qu’on appelle un « bon fonctionnement » d’un système, ses limites et ses interdépendances avec d’autres systèmes, et sur la façon dont les actions du pilote jouent sur la dynamique du système. De fait, elles visent à outiller les praticiens qui réalisent un diagnostic de telle sorte qu’ils puissent non pas uniquement porter un diagnostic sur le système, mais plus radicalement sur le couplage entre l’acteur (ou les acteurs) et leur système et les interdépendances entre différents systèmes. Une telle démarche doit non seulement questionner les couplages antérieurs et les représentations qui les soutiennent à l’aune des nouveaux enjeux à intégrer, mais doit aussi permettre d’aller vers la reconstruction d’indicateurs pertinents pour évaluer l’action sur le système et la façon dont elle influe sur le maintien des équilibres et dynamiques recherchés.
Une telle approche clinique mettant au cœur le couplage entre l’acteur (les acteurs) et le système à piloter nous semble à même de mieux tenir compte de la singularité des situations, autant celles liées à des logiques d’action que celles propres au système biophysique, et d’être en mesure de soutenir les agriculteurs dans des processus de transition vers une plus grande durabilité à différentes échelles (la parcelle, l’exploitation, le territoire). Néanmoins, la perspective qui a été retenue dans cet article privilégie une approche plutôt « cognitiviste » c’est-à-dire abordant ce couplage sans intégrer l’ensemble des dimensions du couplage, en particulier les éléments sensibles qui contribuent à façonner l’expérience au sens que ce terme prend dans une approche « pragmatiste » inspirée des travaux de Dewey (1938). Dans cette perspective, les transitions sont vues comme une rupture dans l’expérience et l’enjeu est alors d’outiller les agriculteurs pour qu’ils parviennent à reconstruire une continuité même si cela nécessite de repenser le couplage qu’ils ont à leur environnement. Des travaux comme ceux de Deffontaines (1982) et Landais et Deffontaines (1988) comme plus récemment ceux d’Anglade et al. (2018) ouvrent la voie à une démarche clinique plus ancrée dans le sensible. Comment ce type de démarche pourra-t-il s’intégrer dans le conseil ou l’accompagnement des transitions vers l’agroécologie ? Quelle diversité des démarches d’enquête sur le champ est à promouvoir pour soutenir les praticiens dans leur dynamique de transition en tenant compte de leur diversité et de la diversité de leurs situations agricoles ?
Par ailleurs, la mise en œuvre de ces démarches, même celles décrites dans ce texte, ne va pas de soi aujourd’hui. Elle se heurte à des routines organisationnelles dans les structures de conseil, en particulier au niveau des modes de production et de vente des connaissances utiles à l’action (voir Cerf et al., 2016 ; Labarthe, 2010) ou à des cadres de l’action publique comme ce qui s’observe dans les aires d’alimentation de captage ou le plan Ecophyto (Cerf et al., 2017 ; Guichard et al., 2017). De fait, ces routines comme ces cadres n’ont pas été conçus en vue : (i) d’outiller le processus de transformation du couplage entre l’acteur et son système pour tenir compte de nouveaux enjeux ici à dimension collective voire publics, (ii) de favoriser une reconfiguration des représentations et valeurs qui prévalent pour observer et évaluer le « bon fonctionnement » d’un système, (iii) de soutenir les débats sur ce qu’on entend par « bon fonctionnement » et « bon état », (iv) d’initier l’exploration de nouveaux leviers d’action et d’indicateurs utiles pour enquêter sur la dynamique du système et renouveler la façon d’évaluer les effets des actions.
Ainsi, outre le développement de nouvelles démarches de diagnostic telles que nous avons souhaité l’illustrer dans ce texte, se pose la question des conditions opérationnelles économiques et organisationnelles permettant aux agronomes de les mettre en œuvre au quotidien dans leur environnement professionnel. Bien sûr se pose la question du temps disponible pour mettre en œuvre ces diagnostics stratégiques dans le contexte du conseil actuel, comme celle du développement des compétences que cela nécessite. Mais plus largement, cela questionne la façon dont le service (ici le diagnostic stratégique) est produit et en particulier les connaissances qui viennent l’enrichir. Dès lors que le service est de soutenir un dialogue entre acteurs dans la construction d’une représentation utile à leur action, dans le choix des indices pertinents au regard de leur visée tout en intégrant possiblement une visée sur une ressource commune (qualité ou quantité d’eau, résistance variétale, biodiversité sauvage, etc.), quelle évolution cela nécessite-t-il dans la production des connaissances utiles pour le travail du conseiller ou de l’animateur ? Comment concevoir et mettre à disposition les dispositifs classiques de production de connaissances agronomiques comme les expérimentations ou les enquêtes pour alimenter le travail de ceux et celles qui vont, avec les agriculteurs, réaliser des diagnostics stratégiques ? Quelle place pourrait prendre des données issues d’observatoires mis en place en lien avec tel ou tel enjeu environnemental pour créer des opportunités de nouvelles démarches de diagnostic stratégique ? Comment le chercheur agronome peut-il assurer une fiabilité suffisante de modèles déterministes comme Syst’N dans un contexte d’évolution rapide des systèmes de culture et comment des données d’observation peuvent venir soutenir ce travail de modélisation ? Comment capitaliser ce qui est développé collectivement lors des diagnostics pour préciser des indices pertinents, les relier à des logiques d’action et à des indicateurs d’évaluation ? Autant de questions qui invitent à penser de nouveaux dispositifs partagés pour favoriser l’émergence d’une hybridation des connaissances scientifiques et empiriques pour améliorer les outils et démarches de diagnostic dont une partie reste encore à inventer dans un contexte de transition vers des systèmes à haute valeur environnementale et respectant les autres enjeux que se fixent les acteurs.
Enfin, l’intégration des enjeux environnementaux dans l'évolution de l'agriculture des territoires devrait conduire à rechercher leur complémentarité des systèmes de culture et des exploitations pour une organisation territoriale collective. Transposer ce type de diagnostic stratégique à l’échelle du territoire constitue une perspective de réflexions sur les outillages et les démarches à développer.
Notes
[1] L’ergonomie est la discipline qui s’attache à analyser le travail et à améliorer les conditions de travail. L’ergonomie cognitive adopte un regard sur les connaissances et raisonnements mobilisés par les acteurs quand ils réalisent leur travail, en s’attachant à comprendre aussi la façon dont l’environnement de travail (outils, organisation, etc.) soutient ou au contraire limite leurs capacités à faire face à la variabilité de leurs situations de travail.
[2]Nous entendons par inférence le processus qui permet de passer d’indices observés à une identification des causes à l’origine de ce qui est observé et ce que cela révèle sur le fonctionnement du système.
[3] Nous utilisons le terme « visée » de préférence à « objectif » pour dire que l’orientation n’est pas nécessairement définie de façon précise et quantifié ce qui est souvent entendu avec la notion d’objectif.
[4] Nous parlons d’indices plutôt que d’indicateurs car il s’agit d’observations faites sans qu’elles aient été nécessairement particulièrement mises en forme à partir d’un raisonnement agronomique. Ici, on s’approche plus de l’enquête policière qui cherche des éléments qui attirent l’attention sur ce qui permettrait d’avancer vers une résolution du problème sans très bien savoir encore ce qu’il faut chercher comme information.
[5] Parler du couplage entre l’acteur et le système, c’est s’intéresser à la fois à la façon dont l’acteur met en œuvre des actions, construit sa relation avec les objets et autres êtres vivants présents dans le système, se représente ces derniers, se projette sur la façon de faire évoluer le système en regard de ses propres intentions, etc. Trop souvent ce couplage reste une boîte noire qui n’est plus questionnée ni par l’agriculteur pour qui « cela va de soi », ni par le conseiller qui peut projeter ses propres conceptions et modes d’action. Un exemple typique est de croire que l’animal constitue toujours l’unité de base du raisonnement de l’éleveur. Des travaux ont montré que c’est parfois le troupeau, parfois un sous-ensemble… Ces unités sont significatives pour l’éleveur en fonction de certaines des actions qu’il met en œuvre. Parler du couplage, c’est aussi pouvoir repérer ces constructions que l’acteur se fait du système pour agir selon ses intentions.
[6]Notons que le parallèle entre le patient et l’agriculteur doit être manié avec précaution. Le patient a une relation intime à son corps, il fait un avec lui. Dans le cas de l’agriculteur, si le sensible est présent dans sa relation aux autres vivants qui peuplent le champ, son action s’inscrit dans une relation sans doute en partie plus distante avec ces autres vivants que ce qu’un patient ressent. Mais ceci mériterait certainement d’être analysé plus finement que nous ne pouvons le faire dans le cadre de cet article.
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