Apprentissage et pratique du test bêche VESS par application mobile
Alice Johannes1, Karine Gondret2, Adrien Matter2, Pascal Boivin2
1Agroscope Station fédérale de recherche agronomique, Département d’Agroécologie en Environnement, groupe de qualité et gestion des sols, Reckenholzstrasse 191, 8046 Zürich, Suisse
2HES-SO Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale (hepia), Institut Terre-Nature-Environnement, groupe sols et substrats, 150 route de Presinge, 1254 Jussy, Suisse
alice.johannes@agroscope.admin.ch ; karine.gondret@hesge.ch ; pascal.boivin@hesge.ch
Introduction
Le test bêche VESS se popularise en raison de sa facilité de mise en œuvre, de sa fiabilité et de son utilité (Ball et al., 2017 ; Guimarães et al., 2017 ; Mueller et al., 2013 ; Rabot et al., 2018). Parce qu’il procure en un temps court un score dont le sens physique est vérifié (voir l’article CoreVESS), des projets d’auto-évaluation par les agriculteurs, voire de rémunération de la qualité des sols, sont mis en œuvre et font appel, entre autres indicateurs, au test VESS [1]. Toutefois, systématiser ce test dans le cadre d’un suivi agricole suppose de former des centaines voire des milliers de personnes et de leur donner un support de réalisation et d’archivage. Ceci a notamment conduit la direction de l’agriculture à financer la première version d’une application mobile pour Smartphone à des fins de formation et d’apprentissage.

Cahier des charges de l'application
Intitulée VESS (Figure 1), comme Visual Evaluation of Soil Structure, la technique qu’elle propose de mettre en œuvre, l’application a été réalisée par l’Institut d'ingénierie informatique et des télécommunications de HEPIA [2], école de la Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale sous le pilotage du groupe Sols et Substrats de la même institution. Le cahier des charges rassemblait les éléments suivants : (i) un développement sur plateforme coopérative, permettant ultérieurement à d’autres partenaires de s’impliquer, (ii) une version disponible sur les supports Android® et IOS®, (iii) un téléchargement libre et gratuit, (iv) une interface permettant une utilisation aussi simple que possible dans des conditions de terrain éventuellement difficiles (par exemple ne nécessitant l’emploi que d’un doigt), (v) une interface permettant aux débutants de s’initier, (vi) l’archivage des tests (résultats et images) sur courriel et serveur et (vii) une compatibilité complète avec les versions de la méthode VESS publiées sous forme papier.
Fonctionnement de l'application
L’utilisateur est amené à renseigner des paramètres initiaux : notamment une adresse courriel à laquelle les relevés seront envoyés et la langue d’utilisation (actuellement anglais et français) (Figure 2a). L’adressage des relevés à un serveur est également possible. L’application utilise l’appareil photo et le GPS du smartphone et sollicite donc les autorisations correspondantes.
Les tests sont attribués à des parcelles désignées par l’utilisateur et sont enregistrés par ordre chronologique. Des micro-vidéos (Figures 2b et 2c) permettent de guider les étapes d’extraction et d’ouverture du bloc. Une photo du bloc est prise (Figure 3a). Le nombre de couches et leur épaisseur est alors indiqué (Figure 3b), puis le processus de notation se fait couche après couche (Figure 3c), avec la possibilité de prendre des photos de chaque couche et de détails justifiant la notation. Les critères de notation sont introduits séquentiellement de façon à simplifier l’apprentissage, et à pouvoir noter en n’utilisant que le pouce. La première question porte sur la présence de mottes fermées et la taille des agrégats, ce qui oriente entre score < 2, score = 3 ou score > 3. Puis les autres critères sont introduits séquentiellement (porosités et racines principalement) : des critères diagnostics puis des critères de contrôle (Figures 4 a et b). Lorsque ces critères de contrôle sont insuffisamment cohérents avec les réponses fournies, il est proposé à l’opérateur de revenir sur ces réponses.
Lorsque la dernière couche est notée, l’application présente la note d’ensemble et propose le téléchargement sur un serveur ou l’envoi par courriel des éléments saisis (localisation, parcelle, date, critères de notation et photos).
Utilisation, développements et perspectives
Les étudiants en agronomie à HEPIA sont formés à l’aide de cette application. De même les agriculteurs de différents projets, ou de réseaux connus, se forment et s’en servent. De ce point de vue, l’application atteint ses objectifs. Des structures d’enseignement ou de conseil agricole non francophones (Danemark, Brésil, Russie) ont pris des contacts pour adapter la langue ou participer au développement.
L’application est gratuite et « open source ». Son adoption et son développement par différents utilisateurs / institution sera donc crucial pour assurer son avenir et en particulier sa maintenance. Cette dernière peut-être nécessaire lorsque de nouvelles versions des systèmes de gestion ou de smartphones sont mis en service.
L’interface évolue continuellement suite aux retours des utilisateurs. Des questions de fond sont ouvertes, en particulier sur la profondeur minimale du bloc extrait. Un expert est à-même de juger si 20 cm, par exemple, lui suffisent. Mais on constate que faute de recommandations, un non-initié bloquera sur la semelle de labour, ce qui limitera la profondeur du bloc et pourra entraîner une évaluation optimiste de la qualité de la structure. En effet, cette dernière couche non extraite aurait a priori reçu la plus mauvaise évaluation. Pour éviter ce biais l’application demande à ce que le bloc extrait fasse 30 cm. Mais à l’inverse cette profondeur imposée ne convient pas toujours aux experts. La mise à disposition d’une version « expert » permettrait de résoudre ce dilemne. De même, elle permettrait de gagner du temps, l’expert jugeant fastidieux de répondre aux questions si prendre des photos et enregistrer le score de chaque couche lui suffit. Il est donc envisagé qu’une version expert libérant la profondeur du bloc et permettant une notation accélérée sera proposée.
Remerciements
Le développement de l’application doit beaucoup à Mme D. Barjole (domaine de l’Agriculture) et Mr. F. Fullemann (Environnement) du canton de Vaud, qui ont soutenu financièrement ce travail.
Notes
[1] e.g. https://www.frij.ch/PROJETS/Production-vegetale-et-environnement/Terres-vivantes ; https://www.terresinnovantes.org/linitiative-sols-vivants
[2] Haute École du Paysage, d’Ingénierie et d’Architecture de Genève.
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