Didier Picard est décédé en octobre 2021. Il fut notamment président du centre Inra Versailles-Grignon de 1997 à 2002, puis directeur de la DARESE (aujourd’hui DESSE). Auparavant il avait été, notamment, chef du département d’agronomie de l’INRA, puis a eu des responsabilités importantes au CIRAD.

Jean Boiffin fournit quelques éléments sur son parcours, par ailleurs détaillé dans le témoignage Archorales de Didier Picard.

- sur sa carrière de chercheur : son thème principal était l'étude de l'enracinement des cultures, d'un point de vue écophysiologique et selon une approche qui préfigurait l'approche architecturale, en s'appuyant notamment sur l'endoscopie pour les observations au champ. Lors d'une séance de l'AAF sur le système racinaire, il avait émis l'idée qu'un modèle d'architecture non perturbée pouvait servir de référence au diagnostic au champ, pour évaluer le degré de "déformation" correspondant à une situation au champ ;

- sur son rôle en tant que Directeur d'Unité puis Chef de Département à partir du moment où il a rejoint l'Inra  :

    > se rattachant à la "filiation" intellectuelle de Hénin, tout en y étant moins inféodé que les disciples du premier cercle, il a énormément et discrètement oeuvré pour rapprocher les différents courants de pensée au sein des agronomes de la recherche et dépasser les controverses entre "écoles" ;

    > là encore avec flegme, bienveillance et discrétion (mais efficacité quand on prend du recul et quand on regarde les documents qui ont été produits, notamment dans la collection "un point sur"), il a énormément contribué à développer l'animation scientifique collective dans une communauté scientifique qui n'en était pas vraiment une à cette époque,et qui était plutôt une fédération de baronnies régionales (les anciennes stations départementales d'agronomie) ;

    > deux contributions majeures : (i) son soutien au développement de l'écophysiologie au sein du département d'agronomie, et ses efforts pour réduire la "fracture" avec les approches plus fonctionnelles qui se développaient au sein de la bioclimatologie. Un fait particulièrement marquant à cet égard est l'élaboration d'une "charte de l'écophysiologie" co-signée avec Alain Perrier.  Ce document fait date car il est à resituer dans le contexte d'alors où l'écophysiologie devait s'affirmer face à l'évolution "réductionniste" de la physiologie végétale ; (ii) son rôle déterminant dans la création de la société européenne d'agronomie (ESA) dont le 1er congrès s'est tenu à Paris en 1990. ;

    > quand nous lui avons succédé Gilles et moi à la tête du département d'agronomie, dans un contexte de forte pression et même d'incertitude sur l'avenir de ce département, il a vraiment tout fait pour nous passer le relais dans les meilleures conditions possibles, et son aide nous a été très précieuse.

    > un souvenir personnel très marquant de travail en commun avec lui par la suite : l'élaboration d'un "keynote paper", dont Eric Malézieux était également coauteur, sur les systèmes de culture, au congrès ESA de Hambourg de 2000. Ce fut l'occasion de présenter la notion dans une communauté  qui à l'échelle européenne, comme au plan international,  était encore avant tout  axée sur l'écophysiologie ;

    > et sur la dernière partie de sa carrière, à travers son investissement sur l'essai-système de La Cage à Versailles-Grignon), mais aussi son rôle éditorial aux "Cahiers Agricultuire", Didier a confirmé cette réorientation vers l'étude des systèmes de culture? Ce qui représente d'un point de vue plus général une trajectoire intéressante, car révélatrice de l'évolution de la discipline : extension et structuration autour de trois grands champs thématiques, l'écophysio, le fonctionnement des agroécosystèmes, les systèmes de culture incluant les processus de décision et se prolongeant par les approches développées au SAD.

Cette trajectoire est vraiment inscrite dans l'histoire de la construction de l'agronomie comme discipline scientifique et technique. Didier en a été un artisan opiniâtre, dont le calme et la gentillesse, en toutes circonstances, ont été pour beaucoup d'entre nous une aide précieuse.