Innovations en système de polyculture-élevage : témoignages et réactions
Hélène BRIVES*, Benoît DEDIEU**, François KOCKMANN***
*Sociologue-ISARA, **Zootechnicien, INRAE, *** Agronome, ex-Chambre Agriculture
Pour construire le présent article, nous avons pris le parti de prendre appui sur les deux témoignages qui ont ouvert la table ronde intitulée « Deux exemples de systèmes productifs polyculture-élevage considérés innovants » pour ensuite reprendre et développer nos points de vue respectifs en qualité d’agronome, de sociologue et de zootechnicien , tous trois invités à discuter ces deux témoignages, le premier réfléchi à l’échelle de l’entreprise , le second orienté à l’échelle du territoire ; puis nous concluons brièvement sur la généricité des deux exemples, aux trajectoires très contrastées.
Les encadrés 1 et 2 comprennent chacun un résumé du témoignage oral ainsi qu’une fiche descriptive de l’exploitation ; le premier concerne Hubert Mony , agriculteur du GAEC « l’Abrepin » , le témoignage a été préparé et réalisé par Laurent Solas, conseiller ; le second encadré résume le témoignage de Yann Bertin, agriculteur en EARL mais aussi Gérant de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) « Graines Equitables » ; c’est au demeurant surtout en cette qualité qu’il partage son expérience.
Témoignage au sujet de l’exploitation de H. Mony, réalisé par L. Solas, conseiller ovin à la chambre d’agriculture de Saône et Loire
Laurent Solas présente la ferme de Mr et Mme Mony, GAEC de l’Abrepin, dans Châtillonais en Côte d’Or. Les terres sont à faible potentiel, de faible profondeur et avec beaucoup de cailloux, et fortement exposées au stress hydrique. L.Solas rend compte d’un travail de relance de la polyculture élevage par association céréales-élevage ovin au sein de la région Bourgogne à travers différents exemples.
L’exploitation du Gaec de l’Abrepin a une SAU de 225 ha et un troupeau de 500 brebis Romane ; le troupeau est géré en conduite intensive caractérisée par la recherche d’un rythme de reproduction individuel de 3 agnelages en deux ans, ce qui implique l’organisation de trois sessions d’agnelages dans l’année, chaque session étant positionnée en fonction des travaux sur les cultures (novembre, janvier et mai). L’assolement comprend 64ha en prairies permanentes (les terres les plus superficielles), environ 20 ha de luzerne, qui pousse bien sur les plateaux calcaires, et le reste, 140 ha en grandes cultures : blé, orge, colza.
Le projet de développer un atelier ovin visait à sortir de la fragilité d’un système de production céréalier basé sur un nombre de cultures très restreint, avec des sols à faible potentiel.
D’un côté, les ovins génèrent la production de 550 tonnes de compost/an, qui sont épandues sur les 50ha de colza et sur 10ha de prairies. Cela a conduit à arrêter la fumure PK en tête d’assolement et à réduire la fertilisation azotée, d’où une économie annuelle de plus de 5000 €.
De l’autre côté, l’atelier d’élevage a permis d’allonger la rotation, avec les 20ha de luzerne et de nouvelles surfaces de légumineuses (comme le pois, 4ha) : les charges de désherbage globalement sur la rotation sont ainsi réduites d’environ 6300 €/an, avec la suppression du problème de résistance au vulpin dans les céréales, et par là, la diminution de l’IFT système.
L’économie apportée par l’atelier ovin sur l’atelier grandes cultures est d’environ 11500€, sans compter que les rendements des cultures deviennent beaucoup plus réguliers grâce à l’apport de matière organique.
En même temps, les grandes cultures ont des répercussions sur l’atelier ovin, avec des achats extérieurs d’alimentation limités à 10 tonnes de tourteau de colza, 3 tonnes de lait en poudre et 1 tonne de compléments minéraux et vitaminés.
L’objectif du GAEC, en développant une activité d’élevage, est d’aller de plus en plus vers une autonomie face aux intrants extérieurs d’une part, et de permettre le développement, par la femme de l’exploitant, d’une activité de ferme pédagogique, d’autre part. Elle reçoit environ 1500 enfants sur l’année, et cela permet d’expliquer ce que font les éleveurs, et facilite l’acceptation des nuisances en zone péri-urbaine (par exemple, la présence de mouches en été mentionnée par L. Solas). Enfin, le couple d’exploitants prévoit l’installation du fils, qui a une activité de tondeur et qui va développer une activité d’éco-pâturage en faisant pâturer son troupeau chez les voisins céréaliers qui souhaitent remettre de l’herbe dans certaines parcelles.
Quant à l’évolution des ateliers, on constate, pour l’assolement, en se référant à la figure ci-dessous, que le colza va disparaître, pour deux raisons : le risque de sécheresse et les risques sanitaires, qui font plafonner le rendement. A court terme, il est ainsi prévu de poursuivre la diminution des cultures de vente, en augmentant les légumineuses (pois de printemps), et de développer les couverts végétaux en hiver qui pourront être valorisés par les brebis en laissant 20ha supplémentaires au fils pour assurer le développement de son atelier.
Témoignage de Yann Bertin, céréalier dans l’Hérault, Gérant de la SCIC Graines équitables
Yann Bertin se présente comme un céréalier sans terre, dans la zone viticole du Minervois. A la suite des arrachages massifs de vigne après la crise en 2009, après avoir été éleveur, il s’est trouvé de nombreuses friches viticoles disponibles, et a décidé de s’installer comme céréalier en cultivant les terres disponibles, mais dans un souci de coopération avec les éleveurs. Il a lancé une SCIC, « Graines équitables », dont le but est de permettre l’approvisionnement des éleveurs directement par des céréaliers locaux. En 2013, cette coopérative a été créée par 7 agriculteurs-viticulteurs, avec au début un client principal, la société GermLine. Le système cultural est plutôt simple, extensif, avec 50% de légumineuses fourragères et 50% de graines alimentaires. La rotation est constituée de luzerne ou sainfoin et de céréales. Avec un 2ème client, les Maîtres de mon Moulin, ont pu se développer des associations luzerne-variétés anciennes de blé dur, améliorées par sélection participative avec D. Desclaux (Garcia-Parilla et al, 2016).
En marge du système cultural extensif, ont ensuite été développés des systèmes de culture plus intensifs, aux rotations plus courtes, avec pois chiche, lentille, pois, moutarde, en intégrant des engrais verts. La SCIC compte actuellement 26 agriculteurs, avec 7 clients principaux. La diversification de la clientèle se poursuit, en particulier récemment pour des circuits courts avec des paysans meuniers boulangers. Les grains produits peuvent aussi intéresser les éleveurs, en particulier le méteil. La SCIC est relativement étendue sur le plan géographique, de la Camargue au Gers. Cela permet de pouvoir répondre aux exigences de clients qui ont besoin d’être sécurisés dans leur approvisionnement, comme les filières de graines germées par exemple. La gamme de grains aujourd’hui est assez large, avec du blé dur, du blé population, du blé moderne, du blé Corazan (Kamut), différentes avoines (nue, blanche, noire), diverses légumineuses (lentille corail, lentille noire, pois chiche, pois, pois carré en association), cameline, moutarde, tournesol. Et beaucoup de légumineuses fourragères à destination des éleveurs : luzerne, sainfoin, lotier, minette.
Le partenariat avec les éleveurs a été engagé pour l’intérêt des parcours ovins en hiver sur les terres de culture, d’une part car cela diminue la pression adventice et d’autre part car ils peuvent nettoyer les parcelles en engrais verts ; le partenariat vise également l’approvisionnement des éleveurs en luzerne fourragère et en sainfoin. Plusieurs partenariats ont été mis en place, avec un réseau CIVAM et des GIEE. Le réseau CIVAM a mis en place une bourse aux fourrages. Les éleveurs récoltent la 1ère coupe et les céréaliers récoltent la graine de la 2ème coupe. Un enjeu important est le respect des contraintes de chaque métier, et c’est la confiance dans la durée entre éleveurs et producteurs végétaux qui permet de poursuivre ce partenariat. En hiver, les parcours ovins représentent plus de 3000 brebis dans l’Aude, avec également des parcours dans les vignes, et ce partenariat se développe désormais dans le Gers. Il faut dans ce cas avoir des bergers compétents, mais également de bonnes relations avec les municipalités pour favoriser le passage des moutons dans différents endroits et faire en sorte que les populations acceptent certains désagréments liés à la proximité des moutons.
L’enjeu territorial est très fort désormais car on raisonne en écosystème associant les céréaliers, les éleveurs, les viticulteurs, les bergers, mais aussi les apiculteurs (pour les cultures porte-graines). Cette coopération est essentielle aujourd’hui en zone viticole, où la majorité des sols sont à nu. Un enherbement des vignes où l’on associe des troupeaux ovins est un bon moyen de maîtriser l’enherbement et d’enrichir les sols viticoles en matière organique. Et si par ailleurs, les terrains communaux et les zones de lande peuvent être également pâturées pour éviter les incendies, on a alors un écosystème d’acteurs cohérent et complet, avec des échanges de fumier, de paille, d’herbe, …
Le point de vue d’un agronome
Les deux expériences, très contrastées , ont toutefois un fil conducteur commun , le « couplage » entre cultures et élevage , en l’occurrence ovin : les effluents du troupeau fertilisent les terres ; les cultures fourragères diversifient les successions culturales, atout pour maîtriser les adventices ; les légumineuses et protéagineux contribuent à réduire les achats en azote et de même, l’intra-consommation de céréales et autres cultures renforce l’autonomie alimentaire et en paille du troupeau, avec réduction des achats d’aliments (Boiffin et al, 2017). Les systèmes en Polyculture-Elevage recouvrent en réalité une très forte diversité de situations [1] : le couplage peut aller d’une simple cohabitation entre deux soles, localisées sur des parcelles différenciées, les unes toujours en cultures de vente et les autres toujours en prairies, à une très forte intrication entre cultures de vente et intra-consommées en alternance sur un même lot de parcelles ; la seule connaissance des assolements sans la localisation des productions végétales est insuffisante pour évaluer le couplage, qui peut s’opérer à l’intérieur d’une exploitation ou entre exploitations sur un territoire.
Ainsi, le Gaec de l’Abrepin illustre une intensification croissante et continue du couplage entre les deux ateliers sur l’exploitation familiale. La dynamique se fait par innovations successives analogues aux « boucles d’amélioration continue » : si les prairies permanentes sont localisées de longue date sur les terres les plus superficielles, H. Mony enrichit progressivement le système de culture initial, très simplifié - Colza-blé-orge - en diversifiant et en allongeant la succession culturale sur 8 ans, avec une part notoire de légumineuses tel qu’illustré par la figure n°1. C’est une évolution stratégique, dans la mesure où elle s’affranchit de l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui le système en grande culture Colza-blé-orge avec la résistance du vulpin, problème régional majeur. Le retrait à venir du colza, motivé par la multiplication des traitements ne peut que réduire le recours aux produits phytosanitaires (Tresch et al, 2017). De même l’intégration conséquente et croissante de légumineuses ne peut que réduire les achats en azote minéral (et sans doute de concentrés, mais il faut également, pour ce dernier critère, considérer l’impact du changement de rythme de reproduction et la suppression de la session de mise bas de janvier, fortement coûteuse en stocks). A noter que la gestion des intercultures participe à la maîtrise des adventices mais aussi à l’autonomie alimentaire du troupeau, c’est même une ressource stratégique pour le fils en phase d’installation. Si le témoignage ne renseigne pas, au niveau agronomique, (i) ni sur l’évolution du modèle d’action relatif à la gestion des adventices, qui est un révélateur de la richesse et de la complexité du raisonnement des agriculteurs (Munier-Jolain et al, 2005), (ii) ni sur la régression de la consommation en unités d’azote par hectare, il a le grand mérite de chiffrer les gains économiques induits sur l’atelier de cultures par le troupeau, environ 11000 euros / an (cf Encadré 1). Dans leurs travaux portant sur les interactions du couplage entre ateliers d’élevage et de polycultures, Mischler et al. (2017) montrent qu’au niveau environnemental, les performances s’améliorent avec un couplage élevé : le bilan N diminue de -62% (kgN/ha), la consommation de pesticides régresse de -40% (€/ha) et celle de carburant de -27% (l/ha). Quant aux performances économiques, un couplage élevé maintient le Résultat Courant par Unité de Main d’Œuvre exploitant (RC/UMOe), améliore de +17% l’Excédent Brut d’Exploitation sur le produit brut (EBE/PB) et réduit de -21% des Charges Opérationnelles/PB.
En conséquence, les évolutions envisagées par le Gaec de l’Abrepin, en renforçant le couplage, amélioreront à priori les performances agronomiques et économiques du système encore plus autonome. L’exploitation conforte une trajectoire à contre -courant de la très forte majorité des exploitations orientées vers la grande culture, encadrée par la Coopérative, qui mise sur la méthanisation pour diversifier les cultures. Au demeurant, la divergence de visions et de stratégies transparaît dans l’encadrement de H. Mony : des prescriptions normatives dans une logique de conduite plutôt intensive des cultures prônées par l’agent technico-commercial versus l’accompagnement d’une dés-intensification de l’atelier ovin intégrant l’évolution globale de l’exploitation recherché par L. Solas. Plus largement c’est la question de l’articulation entre zootechniciens et agronomes qui est posée (Prost et al., 2016) ; les démarches d’accompagnement des exploitations en polyculture- élevage font l’objet d’un inventaire de l’offre existante en outils et méthodes de conseil et d’une identification des attentes des conseillers relatives au couplage entre ateliers (Fourcin, 2017) ; cette initiative pourrait contribuer à corriger la prédominance d’un conseil par atelier , sans prendre en considération les interactions à rechercher entre ateliers. Un autre frein est lié au cloisonnement entre structures (voir entre services techniques d’une même structure) de conseil, à l’image de l’accompagnement du Gaec de l’Abrepin.
Y. Bertin, initialement éleveur, illustre une dynamique d’innovation de rupture en créant un système d’exploitation inédit par sa taille et sa dispersion géographique extrême ; par contre, son orientation en agriculture biologique s’inscrit dans la dynamique régionale : l’agriculture biologique se trouve en pleine expansion en Occitanie, première région de France (25% des exploitations, 15% de la SAU, Source Agreste Occitanie, DRAAF, 2020). Les deux systèmes de culture identifiés par l’exploitant reposent sur un couplage entre son exploitation et un collectif d’éleveurs pour valoriser les cultures fourragères associées aux cultures de vente. Le système de culture dominant, qualifié d’« extensif » par Y. Bertin, se caractérise après la phase de conversion par le pilotage de l’association de deux cultures, luzerne et blé ou autre culture à graines : c’est en soi une innovation en rupture avec l’agriculture conventionnelle marquée par des décennies d’expérimentation sur des variétés et des cultures monospécifiques. C’est en cohérence avec l’agriculture biologique où la complémentarité entre légumineuses et céréales a constitué de longue date un sujet central d’exploration. Mais de mon point de vue, l’innovation tient à la durée de l’alternance luzerne-culture à graine avec maitrise de la compétition entre les deux espèces : 8 à 10 ans, parfois douze sur certaines parcelles ! Enfin, une innovation en rupture par les exigences de coordination entre l’exploitant, qui prend les décisions pour piloter l’itinéraire technique de la culture à graines et le collectif d’éleveurs en charge de la valorisation de la luzerne à des moments précis. Quant au second système de culture, très diversifié, l’innovation agronomique tient au nombre considérable d’espèces cultivées, de l’ordre d’une trentaine incluant là encore des légumineuses variées : la biodiversité cultivée est ici pléthorique ! Par ailleurs, le pilotage de ce système de culture aux multiples variantes obéit à une logique de marché caractérisé par de fortes fluctuations en exigences posées par les clients (nature des cultures, nombre d’hectares) : cela requiert pour l’agriculteur une très forte capacité à gérer les imprévus et sûrement beaucoup de pragmatisme ! Enfin, un troisième système de culture correspond à l’enherbement des vignes, pratique devenue fréquente pour gérer les adventices et limiter l’érosion dans certaines régions : l’originalité tient à la valorisation en pâturage par un troupeau d’ovins, exigeant le savoir-faire du berger ! Donc encore une articulation à gérer entre viticulture et élevage. Enfin, au niveau environnemental, la performance globale des systèmes de culture pratiqués tient à leur mode de gestion en agriculture biologique mais aussi à la valorisation de terres en friche, limitant ainsi le risque d’incendie.
Une question non renseignée par le témoignage concerne l’accompagnement technique : la gestion des trois systèmes de culture requiert des connaissances considérables sur les cultures et leurs exigences ; un outil tel que le schéma d’élaboration du rendement et ses composantes, (Combe L., Picard D., 1997) si utile et pertinent est probablement absent pour la majorité des cultures retenues dans le système très diversifié : à défaut, l’exploitant bénéficie-t-il d’une expertise par un ou des conseillers ? Comment s’opère le pilotage des cultures avec une telle diversité et une telle dispersion géographique, sachant qu’en Agriculture Biologique, la nutrition azotée et la maîtrise des adventices sont particulièrement sensibles ? Les savoir-faire des praticiens sont probablement précieux : comment sont-ils capitalisés ?
Le point de vue d’un zootechnicien
Les témoignages des deux agriculteurs sont brefs, ils privilégient un ou deux messages sur ce qui fait innovation (le système, l’action collective) : ils laissent dans l’ombre des pans entiers de la caractérisation des systèmes. J’insisterai sur deux points, en lien avec la cohérence du système d’exploitation : une lecture via l’organisation du travail, une lecture par les niveaux d’échelle. Ma position est ici celle d’un zootechnicien des systèmes d’élevage (Dedieu et al., 2008). Mais chaque témoignage apporte de nombreuses pistes de discussion, notamment, sur le rôle que pourrait jouer l’espèce ovine, dans de nouvelles interactions éleveurs – agriculteurs dans les vignes comme dans les champs.
Une lecture par le travail
L’organisation du travail est plutôt marquée i) par la complexité et le haut niveau d’enjeux techniques dans l’exploitation de Mr Mony (troupeau Romane en sélection, 3 agnelages en deux ans – la conduite de la reproduction ovine la plus exigeante en travail ; rotations complexes et forte intégration culture –élevage ; ferme pédagogique), ii) par le nombre d’hectares (400) et iii) une double activité chez Mr Bertin, agriculteur et responsable d’une SCIC.
Nous avons proposé un cadre d’analyse des systèmes d’élevage où l’organisation du système technique agricole et l’organisation du travail sont les deux faces d’une même pièce, le chef d’exploitation (vu ici comme figure managériale simplifiée, recouvrant une ou plusieurs personnes) met en œuvre des pratiques qui sont aussi des tâches à exécuter, ayant leur caractéristique temporelle propre (par exemple régulière chaque jour, saisonnière), et dont l’exécution est faite par une ou plusieurs personnes de l’exploitation ou en dehors (sous-traitant) avec du matériel plus ou moins performant (Cournut et al., 2018).
La qualification de la main-d’œuvre en équivalent temps plein (ETP) : les témoignages des agriculteurs ne donnent guère d’informations sur :
- qui intervient réellement sur l’exploitation : on pourrait imaginer chez Mr Bertin une entreprise de travaux agricoles allégeant son travail pour certaines opérations culturales par exemple,
- quelles sont les compétences associées (par exemple d’animalier chez Mr Mony sélectionneur, d’animateur- dirigeant d’un ensemble coopératif chez Mr Bertin).
- comment s’agencent les choix techniques, les choix d’équipement et les choix de main d’œuvre ; choix que réalise l’agriculteur (Dedieu et Servière, 2000), pilote technico économique mais aussi organisateur du travail au plan stratégique, comme au plan saisonnier (gestion des pointes) ou quotidien (agencement entre les activités d’astreinte, de saison et les activités non agricole). Les choix de main d’œuvre font, comme les choix techniques, l’objet de l’expression de valeurs ou de principes (Madelrieux et al., 2016), : certains agriculteurs veulent être autonomes sur le plan du travail ou refusent d’être patron d’un salarié, certains agriculteurs plébisciteront la mono-traite quotidienne pour alléger les tâches à faire, d’autres le refuseront comme une atteinte à l’expression du potentiel laitier qui est un principe fondamental des raisonnements d’élevage.
Mes questions tournent autour de la face B du système, celle de l’organisation du travail, pour pouvoir caractériser les deux situations de façon plus complète et avoir une grille de lecture des projets de l’évolution des exploitations. Chez Mr Mony, l’heure est à la simplification technique sur l’élevage Romane par la réduction du nombre de périodes d’agnelages ; plusieurs études ont montré que c’était un choix significatif en terme d’implication sur les temps de travaux et sur la distribution des périodes de pointe. Le projet du fils dans le GAEC consolide le besoin d’une compétence de berger conduisant son troupeau dans différentes terres (de l’exploitation et d’ailleurs) dans le cadre d’un éco-pâturage. Il peut être géré avec des clôtures mobiles, ou alors en gardiennage (avec alors des durées de travail conséquentes). Chez Mr Bertin, on pourrait évoquer la façon dont il gère la priorisation entre les journées de travail Scic inclus les négociations clients – fournisseurs et les journées de travail de cultivateur (subordination de l’un à l’autre ? en parallèle avec de la sous-traitance - délégation de tâches à d’autres ? En cumulé avec des journées plus longues ? )
Deux archétypes d’organisation du travail ont été mis en évidence (Cournut et al., 2011). Le premier (A1) où les choix techniques sont raisonnés selon des visées technico économiques (efficience), l’organisation du travail (choix d’équipement, recours à de la main d’œuvre, porfolio de compétences) devant faire face aux besoins en travail et permettre le bon déroulement du programme technique. C’est ce modèle qui, implicitement le plus souvent, guide la recherche agronomique et le conseil. Mais nous avons pu mettre en évidence en élevage un autre modèle (A2), où le programme technique est ajusté, simplifié (sur les raisonnements), allégé (sur le plan des temps de travaux ou des périodes de concurrence entre travaux). L’organisation du travail ne repose pas uniquement sur les équipements et la main-d’œuvre (l’offre en travail), mais également sur l’adaptation de la conduite du troupeau visant la diminution de la « demande » en travail. La réduction du nombre de périodes d’agnelages chez Mr Solas en est un exemple, au prix d’une baisse de productivité du troupeau, qui est sans doute assumée comme une contrepartie acceptable. Ces adaptations techniques sont beaucoup moins étudiées dans leurs justifications (elles ont une raison - alléger le travail du collectif ou d’un acteur particulier, simplifier les raisonnements quand la complexité devient éreintante) et dans leurs implications (que peut-on simplifier ou alléger, avec quelles contreparties ?). Ainsi je formule l’hypothèse que les dynamiques d’agrandissement des exploitations agricoles accroissant les pressions sur le travail ont favorisé la simplification des assolements, le recours aux intrants et la grande mécanisation, ensemble, comme une association logique, face aux pressions de travail (grandes surfaces par unité de main-d’œuvre) (Dedieu 2019). Objectifs d’accroissement des rendements et accroissement des surfaces par travailleur (rappel autour de 2,5 – 3 % par an depuis les années 80) mènent aux mêmes pratiques : simplifiées, inclus l’achat d’intrants, qui sont une façon de ne pas avoir à faire (ce que l’on peut acheter et mobiliser avec des machines performantes).
On peut penser que les conduites plus agroécologiques, présentées comme plus complexes à gérer et nécessitant plus d’opérations techniques, notamment dans une visée d’intégration entre cultures et élevage sont aujourd’hui raisonnées selon l’archétype 1 (les choix techniques priment, le travail doit suivre) et qu’il y a des situations où elles sont effectivement mises en œuvre avec des formes d’organisation de la main-d’œuvre (permanents / temporaires) et des équipements spécifiques qu’il serait utile d’explorer. Mais on peut également penser que dans les exploitations contraintes par la pression en travail (dimensions, autres activités), les agriculteurs sont soit bloqués (le travail, un frein à la transition) soit dans l’exploration de formes simplifiées d’agro-écologisation qu’il faudrait alors également comprendre et évaluer à la lumière d’une lecture « travail » : à quoi répond la simplification et quelles en sont les implications (Dedieu et al., 2006) ?
Les échelles de l’agro-écologisation par la polyculture - élevage
Les témoignages abordent deux échelles de cohérence agroécologique : celle de l’exploitation et celle du territoire.
Celle de l’exploitation est bien illustrée par le témoignage de L. Solas et les interactions complexes entre l’atelier ovin et l’atelier cultures montrant une formule d’intégration forte entre les deux ateliers (Mischler et al., 2017). Trois questions demeurent posées dans de telles situations de complexité polyculture – élevage où chaque atelier rend des services à l’autre mais obéit en même temps à sa logique propre de filière :
- Comment évaluer de tels systèmes dans ces deux dimensions (finalités de production et d’insertion dans des filières et finalités de services rendus pour l’autonomie et le fonctionnement écologique du système), comment identifier des indicateurs permettant de déceler des marges de progrès ? Nos approches sont aujourd’hui insuffisantes : i) cloisonnées par atelier d’une part dans le registre technique avec une réelle difficulté à aborder les intégrations entre activités (même si des progrès sont en cours) ; ii) compartimentées d’autre part selon des cadres d’analyse des systèmes productifs vs des cadres d’analyse des services rendus (approvisionnement, régulation etc…) sans que les intersections soient convaincantes.
- Comment évaluer la vulnérabilité et les capacités adaptatives de tels systèmes dans des gammes variés d’aléas (climatique, prix, sanitaire). Une évaluation centrée sur la performance en année moyenne et en référence à un optimum technico-économique sans tenir compte des capacités adaptatives des systèmes est aujourd’hui totalement insatisfaisante, alors que montent les aléas (sécheresse), les chocs (Covid-19) et les incertitudes sur l’avenir (Rigolot et al., 2019).
- Quels seraient les besoins d’indicateurs de pilotage, c’est-à-dire des indicateurs qui permettent de gérer le système dans le temps calendaire et de vérifier que le fonctionnement du système ne sort pas de son domaine de viabilité ? Une suggestion serait de tester le « modèle de comportement pour l’action » (Girard et Hubert, 1999) en l’appliquant au cumul des différents ateliers. Ce modèle est une version de modélisation proche du modèle d’action de Sebillotte et Soler, conçue dans des situations d’élevage pastoral, adaptée pour traiter de pilotage complexe, couplant la mobilisation de ressources hétérogènes dans le temps pour la production animale et les besoins de renouvellement de ces ressources. Ici, il s’agirait d’exprimer l’enchainement des différents enjeux saisonniers autour de la production agricole et de la production de services de régulation.
L’échelle du territoire est très présente dans les deux témoignages, via l’éco-pâturage du fils de Mr Mony et par l’objet même de la SCIC de Mr Bertin. Il s’agit de mettre en réseau agriculteurs, meuniers et éleveurs pour consolider des filières agronomiques alternatives indispensables à la diversification des cultures et pour favoriser le pâturage de vignes ou de chaumes par les ovins. Les coordinations mises en place peuvent être analysées dans leurs déterminants, règles de fonctionnement et sur ce qui fonde les accords (partage de valeurs et de projets). Plusieurs travaux explorent ces coordinations (Moraine et al., 2016). Ils mettent en jeu de la mobilité (fumure, aliments, paille mais aussi animaux). La mobilité des animaux, contrairement à la logistique des produits des cultures et de l’élevage (camions, tracteurs, remorques) nécessite d’élargir l’ensemble des parties prenantes aux acteurs publics et privés qui gèrent les chemins ou qui seront en voisinage des troupeaux. On sort ainsi des coordinations strictement professionnelles pour explorer, et c’est un sujet en soi, des coordinations plus larges avec des acteurs non agricoles dont le rôle est de faciliter cette mobilité. Plusieurs études ont montré que ce rôle de facilitateur par exemple de collectivités territoriales sur des dimensions foncières (comme décrites dans les Cévennes par Barriere (2015)) et que ces coordinations entre acteurs agricoles et non agricoles s’appuient sur un partage de valeurs. Elles expriment l’intérêt que des acteurs non agricoles portent à des fonctions de l’élevage, fonctions et intérêts territoriaux qu’il serait utile de préciser pour penser le développement de cette activité.
Le point de vue d’une sociologue
Pour comprendre les processus d’innovation relatifs aux deux témoignages, j’aurais eu besoin de m’appuyer sur des récits. Des récits qui inscriraient ces systèmes de polyculture-élevage innovants dans une histoire, celle de leur construction, les épreuves surmontées et ce qui résiste encore, et dans l’histoire des acteurs de cette construction, ce qui leur tient à cœur, leurs choix, leurs contraintes. L’exercice du témoignage en temps restreint explique le choix de mettre en avant ce qui fait innovation, à savoir les systèmes de production actuels mais n’en raconte pas l’histoire. Ces descriptions, portées par un agriculteur et par un conseiller, mobilisent le langage de l’agronomie et mettent ainsi à distance l’expérience ou l’histoire de ceux qui nous les livrent. Le système du Gaec de l’Abrepin est présenté par son conseiller élevage qui ne nous dit pas comment il intervient sur cette exploitation, dans une relation qu’on imagine de proximité mais dont on ne saura rien. Monsieur Bertin nous dit seulement, au détour d’une phrase, qu’il a été « éleveur à une époque ».
Un processus de transition vers l’agroécologie est le plus souvent un processus d’innovation pas à pas, chemin incertain qui n’est pas écrit à l’avance, plein de bifurcations possibles au gré des rencontres, des épreuves et des apprentissages (de Tourdonnet et Brives, 2018). Il semble ici que ce chemin soit guidé chez M. Mony par la recherche d’une exploitation plus autonome et plus économe qui va conduire à une intégration toujours plus poussée des activités d’élevage et de culture.
Ces processus d’innovation, longs et incertains, se font rarement de manière isolée sur une exploitation. Les styles d’accompagnement(rapport à la prescription, aux risques, aux apprentissages…) impactent directement les possibilités de changements agroécologiques et les innovations sont grandement facilitées par l’échange d’expériences au sein de collectifs (Brives et al., 2015). M. Bertin ne fait part d’aucune forme d’accompagnement mais travaille avec plusieurs collectifs (deux CIVAM bio, au moins un GIEE) dont le fonctionnement repose sur l’échange d’expériences et fait part d’une collaboration avec des chercheurs d’INRAE sur la sélection participative ou rechercheaction (Garcia-Parilla et al., déjà cité). Le fait que le Gaec de l’Abrepin soit présenté par le conseiller élevage de la chambre d’agriculture dit assez le choix de M. Mony de se faire accompagner de manière individuelle et rapprochée. Malgré la spécialisation en élevage du conseiller, il est celui qui porte l’approche systémique de l’exploitation nécessaire à la transition et la collaboration avec d’autres conseillers intervenant sur l’exploitation ne semble pas évidente.
Derrière les histoires de vie professionnelle qui resteront mystérieuses et face à deux systèmes de production complètement différents, les trajectoires de ces systèmes ont un point commun. Elles s’inscrivent toutes deux socialement très en rupture avec les systèmes agricoles localement dominants. M. Solas présente M. Mony comme un « passionné d’élevage » issu d’une famille où cette passion se transmet de père en fils. Manière d’expliquer qu’un troupeau ovin a été maintenu quand la grande majorité des exploitations de la région, le plateau du Châtillonnais, se spécialisait en grandes cultures. On peut supposer que cette orientation apparaissait très à contre-courant à une époque où l’autonomie de l’exploitation et l’intégration des activités ne faisaient pas partie des critères d’excellence professionnelle. Aujourd’hui le fils de M. Mony va reprendre l’exploitation, réaffirmant le choix de l’élevage quand la coopérative locale propose la solution du méthaniseur pour diversifier les systèmes céréaliers.
Quant à M. Bertin, il se présente d’entrée comme « céréalier sans terre ». La formule est choisie, brouillant instantanément les repères des modèles professionnels agricoles, elle retient l’attention du public et marque la rupture. M. Bertin présente un système de polyculture-élevage à l’échelle d’un territoire sur lequel il n’a pas la maitrise foncière – le plus souvent seulement des accords oraux sur l’usage. Ce système relève de nombreux défis agronomiques (agriculture biologique, exceptionnelle diversité des cultures (une trentaine), cultures associées, pâturage des vignes) à grande échelle (400 ha, 3000 brebis) et repose sur une forme d’organisation collective originale et complexe. Cette organisation coordonne les activités d’une diversité d’acteurs : 22 agriculteurs membres de la SCIC « Graines équitables » et une trentaine d’éleveurs qui travaillent de manière coordonnée sur les parcelles en cultures associées, des prestataires pour le triage et le conditionnement des graines, un GIEE de viticulteurs et les bergers de quatre troupeaux, au moins sept clients demandeurs de spécifications particulières et de cultures de niche, des apiculteurs). On comprend que cette organisation repose sur un grand nombre d’arrangements avec les propriétaires fonciers (bénéficiaires des aides PAC) d’un côté et les réponses aux demandes multiples des clients, en particulier concernant les graines pour l’alimentation humaine de l’autre. M. Bertin évoque la figure professionnelle de « l’entrepreneur rural » décrite par Pierre Muller dès la fin des années 80 (Muller, 2000). Un « entrepreneur rural » déploie des compétences plurielles et au-delà de la maitrise de la production pour assurer la cohérence de l’ensemble de l’organisation, il met en place des stratégies d’entreprise complexes et sa fonction commerciale devient une dimension déterminante de son activité. L’activité de la SCIC est largement structurée par la vente. Cette figure professionnelle déborde du cadre sectoriel de l’activité agricole et s’inscrit plutôt dans l’espace des réseaux d’acteurs de son territoire. Ainsi M. Bertin travaille à tisser des liens entre de nombreux acteurs dont les activités se retrouvent interdépendantes. Ce maillage du territoire par les activités agricoles semble s’étendre toujours : il interpelle par exemple les collectivités locales pour faciliter les conditions de logement des bergers dont le travail est un maillon clef de l’organisation globale.
Dans les deux témoignages, apparait en creux le renouvellement d’une conception du métier d’agriculteur, posée soit délibérément en rupture comme figure « d’entrepreneur rural », soit inscrite dans la continuité d’une tradition familiale mais en rupture avec le modèle dominant et qui se trouve aujourd’hui revalorisée par une lecture agroécologique. Ces enjeux de renouvellement des conceptions du métier engagent les modèles productifs des agriculteurs et la reconnaissance de ces modèles au sein de la profession agricole, mais également la manière dont ces modèles répondent aux attentes sociétales (Lémery, 2003). Même si on ne dispose pas de tous les éléments pour l’analyser, on peut penser que les deux systèmes agroécologiques présentés ne construisent pas leur légitimité de la même manière, dans les mêmes sphères professionnelles. Même en rupture avec les systèmes de production dominants dans sa région, le Gaec de l’Abrepin demeure dans la logique sectorielle de la profession agricole et de ses modes d’accompagnement. Pour autant, légitimer les activités du Gaec auprès de ses voisins apparait nécessaire. Pour cela, la ferme pédagogique développée par la femme de M. Mony devient un outil précieux de communication. En accueillant les enfants, elle crée un lien avec les voisins qui accepteront plus facilement les désagréments provoqués par la proximité d’un élevage. La légitimité de la SCIC « Graines équitables » explose les cadres d’une logique sectorielle de l’agriculture. La SCIC définit sa stratégie pour répondre aux attentes très spécifiques de transformateurs demandeurs de produits de niche et la multiplicité de ses activités sur le territoire la met en lien avec de nombreux acteurs au-delà du secteur agricole.
En conclusion
Les deux témoignages illustrent que l’innovation dans le développement agricole recouvre plusieurs dimensions , technique , organisationnelle et sociale , rejoignant la définition de l’OCDE (2005) : « une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un processus nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures ».
L’innovation apparaît permanente chez Hubert Mony, exploitation de polyculture-élevage ovin certes à contre-courant de la stratégie régionale dominante en grande culture, toutefois l’innovation est incrémentale, inscrite dans une histoire intergénérationnelle familiale où l'élevage a toujours été présent (même s'il y a eu un moment donné moins d'élevage et moins d'intégration avec le/les systèmes de culture).
L’innovation peut être qualifiée de « rupture tous azimuts » chez Yann Bertin, exploitation atypique : très dispersée géographiquement, caractérisée par une histoire récente mais par un rythme effréné des innovations radicales allant de la génétique à l’insertion sociale des bergers, avec des systèmes de cultures alternatifs et originaux ; une exploitation pilotée avec une forte réactivité aux opportunités offertes par le territoire, par les politiques publiques comme aux contraintes de marché.
Les deux expériences sont à contre-courant mais se situent dans des contextes territoriaux très différents, obéissent à des déterminants singuliers mais sont portées l’une et l’autre par de fortes motivations, comme en témoignent les deux encadrés, indispensables à sa compréhension puisque nous y faisons largement référence.
Quant à la généricité de chacun de ces modèles, pour le premier, c’est probablement l’argument économique qui peut prévaloir dans une région comme le Châtillonnais si nous en référons au travail de Mischler et al. (2017) sur le couplage des activités dans les exploitations de polyculture – élevage : « la performance économique constatée est d’autant plus remarquable que les fermes les plus couplées ont plus souvent un potentiel de rendement des terres plus limité que celles qui sont moins couplées. Les fermes plus couplées ont maintenu leur stratégie qui leur a apporté une relative stabilité des résultats depuis plus de 10 ans » ; toutefois la reconversion de céréaliers en éleveurs paraît improbable ; par contre l’installation en cours suggère qu’il y a un espace pour l’insertion d’éleveurs dans le réseau d’exploitations en grande culture et contribuer à l’amélioration de la biodiversité régionale.
Pour le second, le potentiel de terres en friche en Occitanie paraît conséquent ; souhaitons que l’environnement économique ne constitue pas un frein à leur mise en valeur, car ce sont des espaces très utiles pour limiter le risque incendie. Toutefois l’exploitation analysée ici est la création d’un « entrepreneur rural » au dynamisme peu commun ! Dans quelle mesure peut-il essaimer ? En nous référant à l’exposé de C. Soulard, lors de la session portant sur « La diversité des activités agricoles dans l’espace : qu’en font les agronomes ? » nous devons intégrer de nouveaux acteurs en capacité notamment de valoriser ces surfaces en friche souvent enclavées dans le péri-urbain.
Note
[1] Cf le colloque co- organisé en 2017 par RMT et ASD « Les polycultures-élevages Valoriser leurs atouts pour la transition écologique à AgroSup Dijon »
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