Témoignage d’Alban Saunier, agriculteur-cueilleur (Ardèche)

La prise en compte de la biodiversité est une évidence pour un agriculteur-cueilleur en plantes médicinales.

Installé depuis 2013 sur la commune de Chazeaux en Ardèche, sur les terres de son grand-père qui étaient pour partie abandonnées, A. Saunier a fait le choix d’une double approche de culture et de cueillette. D’une part, les terres cultivables étaient très morcelées, avec peu de possibilité de mécanisation et d’irrigation. D’autre part, certaines parcelles familiales étant plantées en châtaignier et en olivier, il a fait le choix de garder ces cultures, donc de ne pas les dédier aux plantes médicinales. Enfin, la volonté de vendre en direct ses plantes médicinales l’a encouragé à développer une gamme plus importante que les seules espèces cultivées. Le choix des plantes médicinales s’est fait assez naturellement. Le territoire ardéchois étant riche de sa diversité écosystémique, du fait de la variété des milieux (diversité de sols, de climats, d’altitude…), la cueillette constitue une bonne complémentarité aux cultures. Pour les cultures, son travail a été d’adapter les espèces aux parcelles, et non l’inverse par des techniques culturales. Par exemple, dans des parcelles à sol un peu dégradé, exposé plein sud et sans arrosage, il y a planté du romarin et de l’immortelle, et il trouve que ses rendements et la qualité sont satisfaisants. A contrario, dans une parcelle située en clairière d’une forêt, il y a planté de l’hamamélis qui aime bien l’ombre. La mélisse est également une plante qui aime bien l’ombre, et il la plante en bordure de bois également. Cette utilisation des parcelles selon les besoins des plantes lui permet d’intervenir peu dans ses cultures, et il constate que moins il intervient, meilleure est la qualité finale.

Actuellement, il travaille ainsi avec 25 espèces cultivées et autant en cueillette. La diversité spécifique est donc dans son cas la base dans son système de production pensé en interaction avec l’écosystème naturel environnant. Les cultures sont certifiées en agriculture biologique, car produire des plantes médicinales avec des intrants de synthèse ne faisait pas sens pour lui. D’un côté, cela aurait été à l’encontre de la préservation de la biodiversité naturelle du territoire par une modification du milieu plus importante. De l’autre côté, commercialiser des plantes au service de la santé humaine lui paraissait incompatible avec l’utilisation de produits chimiques.

Mais il utilise également la biodiversité comme son réservoir génétique. Le renouvellement des cultures se fait à partir des graines récoltées sur place ou des boutures ou divisions de touffes à partir des plantes qui se comportent le mieux dans ses parcelles. Ce choix est pour lui un gage de résilience, en renforçant l’adaptation de ses cultures aux écosystèmes locaux.

Pour réussir dans ce métier, il considère important de bien connaître non seulement le fonctionnement des plantes dans leur environnement, mais également le lien entre le milieu dans lequel elles poussent et la qualité finale du produit médicinal. La formation d’herboristerie qu’il a suivie avant de s’installer a été cruciale pour cela, car elle lui a permis d’aborder les propriétés des plantes en prenant en compte l’ensemble de la vie d’une plante. Et son expérience de cueilleur est également riche d’enseignements, car elle le force à observer encore plus les plantes dans leur milieu que lorsqu’elles sont en culture. Et enfin, il conclut sur l’intérêt de la formation permanente au sein du réseau collectif de producteurs locaux, car le partage de problèmes et d’innovations est une source de progrès pour tous.