Pour une épistémologie historique de l'agronomie française
Pierre CORNU* et Jean-Marc MEYNARD**
*Université Lyon 2 et INRAE
**INRA, UMR SADAPT Versailles-Grignon
Résumé
L’agronomie se distingue des autres sciences finalisées par la constance et la profondeur de ses interrogations sur l’histoire. Pour autant, le dialogue entre agronomes et historiens a tardé à s’instaurer. Mais depuis l’entrée dans la crise générale du rapport science-société dans les dernières années du 20e siècle, un dialogue s’est installé, qui permet aujourd’hui de penser et de partager une épistémologie historique de la discipline agronomique, susceptible de donner à ses praticiens une réflexivité et une acuité plus grandes pour affronter les défis de la crise systémique à laquelle nous sommes confrontés. Cet article est fondé sur une mise en perspective historique longue, remontant aux origines de la scientifisation de la méthode agronomique, et questionnant les paradigmes successifs à travers lesquels la discipline s’est affirmée. Il conclut sur la nécessité pour l’agronomie, dans la diversité de ses expressions et des espaces où elle se confronte aux enjeux du temps présent, de ne pas renoncer à son ambition de trouver un point d’équilibre entre rigueur scientifique et pertinence sociale et environnementale, face aux nouveaux défis que représentent la révolution numérique ou l’affirmation de propositions épistémologiques et axiologiques de rupture. À travers l’histoire de l’agronomie, c’est de fait la question de la scientificité et de la réflexivité du rapport ingénierique au vivant qui est posée.
Mots-clés : histoire de l’agronomie ; épistémologie historique ; loi du minimum ; agronomie système ; recherche finalisée ; crise environnementale
Summary : For a historical epistemology of French agronomy
Agronomy is distinguished from other finalised sciences by the constancy and depth of its interrogations on history. Even if the dialogue between agronomists and historians was late in coming. It was only after the general crisis in the relationship between science and society in the last years of the 20th century that a dialogue was established. Today, it allows us to think about and share a historical epistemology of the discipline of agronomy, which is likely to give its practitioners a greater reflexivity and acuity to face the challenges of the systemic crisis with which we are confronted. Based on a long historical perspective, going back to the origins of the scientification of the agronomic method, and questioning the successive paradigms through which the discipline has asserted itself, this article concludes on the need for agronomy, in the diversity of its expressions and the spaces in which it is confronted with the issues of the present time, not to abandon its ambition to find a balance between scientific rigour and social and environmental relevance, despite the new challenges posed by the digital revolution and the affirmation of epistemological and axiological breakthrough proposals. Through the history of agronomy, the question of the scientificity and reflexivity of the engineering relationship with the living is raised.
Keywords: history of agronomy; historical epistemology; law of the minimum; system agronomy; finalised research; environmental crisis
Introduction
Si toutes les disciplines scientifiques inscrivent les tâtonnements de leur maturation épistémologique dans une histoire à la fois interne à leur propre communauté et scandée par les évolutions de leurs interfaces, il en est peu qui, à l’instar de l’agronomie, en ont développé une aussi vive conscience et un goût aussi aigu du questionnement de leurs propres pratiques et représentations. Depuis la thèse d’épistémologie soutenue en 1944 par Stéphane Hénin sous la direction de Gaston Bachelard, en passant par l’entreprise de régénération de la pensée agronomique menée par Michel Sebillotte depuis la chaire d’Agronomie de l’Institut National Agronomique Paris-Grignon dans les années 1970, jusqu’aux débats qui ont mené à la création de l’Association Française d’Agronomie en 2008, l’agronomie française s’est illustrée par son souci de la réflexivité, lui conférant une trajectoire profondément originale dans l’évolution générale des biosciences. Sans doute faut-il y voir aussi la clé de sa survie et de sa régénération comme science de l’action, malgré tous les bouleversements qui ont affecté aussi bien la connaissance du vivant que sa valorisation économique, ou son statut dans le débat public depuis un large demi-siècle.
Réciproquement, si toutes les disciplines scientifiques présentent pour l’historien l’intérêt d’une mise en tension diachronique et d’une contextualisation fine de l’émergence et du développement de leur démarche de connaissance et, éventuellement, d’action transformatrice, il en est peu qui, à l’instar de l’agronomie, résonnent aussi fortement avec le projet historien de rendre compte de la façon dont les savoirs et les pratiques ont croisé les évolutions du vivant, pour produire un récit global de l’anthropisation du monde. Dans la recherche historique française notamment, l’histoire agraire représente, depuis l’Entre-deux-guerres, un monde en soi, qui n’a cessé d’approfondir et de renouveler la question de la trajectoire des espaces agricoles et ruraux, au gré des évolutions de l’histoire générale. Cet approfondissement a en particulier engendré une interrogation persistante sur le fait technique, et sur l’équilibre délicat et instable entre part endogène et part exogène dans la production des innovations et le dépassement des contraintes biophysiques.
Pour autant, la rencontre entre agronomes et historiens a été longue à construire, pour partie pour des raisons conjoncturelles, qui tiennent notamment à des institutions de recherche très éloignées, mais pour partie également à des causes plus profondes. Celles-ci sont liées, d’une part, à la difficulté des disciplines ressortissant au domaine des « humanités » à saisir la singularité des sciences et des pratiques ingénieriques, et, d’autre part, à l’attention prédominante accordée par les agronomes à l’histoire des idées (Robin et al., 2007), plus marginalement à l’histoire des techniques (Sigaut, 1989), ce qui les a longtemps tenus éloignés des spécialistes de l’histoire des mondes ruraux et des questions agricoles et alimentaires. Malgré tout, le décloisonnement des identités disciplinaires dans le contexte de la crise du « progrès » technoscientifique et de la mise en débat de la responsabilité de la Recherche dans la production d’une modernité non soutenable, a permis de développer, au tournant des années 2000, les premiers travaux croisés entre historiens et agronomes. Symboliquement, c’est le domaine d’Olivier de Serres au Pradel qui, depuis lors, a constitué le lieu privilégié de ce patient apprivoisement mutuel (Prevost et al., 2020), permettant aujourd’hui de tenter une écriture véritablement interdisciplinaire de l’histoire de l’agronomie, associant les mémoires et les réflexions des historiens et des agronomes. Ceux-ci sont réunis par un même intérêt pour la dimension systémique de l’évolution du monde agricole, et par un même souci d’éclairer les acteurs et les pouvoirs publics sur la pertinence de mobiliser une recherche interdisciplinaire, réflexive, et ouverte au dialogue avec la société, pour espérer favoriser la transition nécessaire des systèmes de production.
Peut-être certains trouveront-ils étrange que la méthode historique, par définition extérieure aux enjeux du présent, serve à une introspection épistémologique ayant l’action pour finalité. D’autres pourront considérer que c’est aller trop loin dans l’exercice réflexif que d’appliquer la méthode agronomique aux archives et à la mémoire des acteurs de la recherche et du conseil. Pour notre part, nous sommes convaincus de la pertinence d’une mise en perspective diachronique large de l’affirmation du « style » épistémologique de l’agronomie française et de la singularité de son évolution vers les approches systémiques. C’est là une voie féconde pour essayer de briser le verrou qui, jusqu’à nos jours, et malgré toutes les urgences du moment historique que nous vivons, condamne les uns à la position de commentateurs impuissants, et les autres à une contribution, pour partie aveugle, aux processus sociotechniques à l’œuvre. C’est donc en assumant un travail doublement à fronts renversés, interrogeant la capacité de l’histoire à penser l’inscription de l’action dans la temporalité, et celle de l’agronomie à se penser comme intelligence des processus historiques, que nous proposons les réflexions qui suivent.
Les enjeux d’une enquête historique sur la trajectoire épistémologique de l’agronomie
Même si l’agriculture est passée, depuis l’entrée dans l’ère industrielle, au second rang des activités économiques et des enjeux d’innovation dans la production de la richesse des nations, elle demeure, par excellence, l’activité par laquelle l’espace et ses ressources sont conquis, domestiqués, valorisés par le travail des sociétés humaines, pour répondre à leurs besoins les plus essentiels. Science de la conduite des cultures, l’agronomie n’a jamais cessé, même dans les sociétés d’abondance, de sentir peser sur elle la question éminemment politique de la sécurité alimentaire. C’est même au nom de l’enjeu de la normalisation et de la massification de l’approvisionnement en bioressources des économies développées qu’elle s’est progressivement construit une fonction d’expertise reconnue, bien au-delà de la simple rationalisation de la conduite des cultures, allant jusqu’à l’aménagement du territoire et à la politique agricole. Dès lors, s’il est important de comprendre comment et pourquoi s’est définie une agronomie stricto sensu dans la seconde moitié du 20e siècle, il est tout aussi fondamental de comprendre comment celle-ci a interagi avec le développement de l’agronomie sensu lato, notamment dans la dynamique issue de la création de l’Inra en 1946, pour s’en tenir à la recherche métropolitaine.
Dès la fondation des premières écoles supérieures d’agronomie (sensu lato) au 19e siècle, l’enjeu était à la fois de former des ingénieurs capables de solutionner les problèmes de tous ordres qui se posaient aux productions agricoles, et de fournir aux États et aux acteurs économiques l’expertise nécessaire à la prévision des disponibilités en bioressources, que ce soit pour en réguler la distribution, ou en faire un levier de gains de compétitivité et de conquêtes commerciales. Spécialistes d’un domaine étroit de la connaissance, les agronomes se sont ainsi précocement trouvés mêlés à toutes sortes d’enjeux connexes, et inscrits dans des réseaux qui, peu à peu, en sont venus à constituer de véritables complexes organisationnels, porteurs à la fois d’opportunités pour les diplômés des écoles d’agronomie, et de menaces pour l’intégrité de la discipline agronomique (sensu stricto), exposée au risque d’être disqualifiée par l’essor de la chimie et de la biologie fondamentales d’une part, et par celui des sciences économiques et de gestion de l’autre.
Interroger l’histoire de l’agronomie implique dès lors de dépasser la seule question de ce qui s’est produit au fil des générations de chercheurs et d’enseignants dans le « cercle ésotérique » de la pensée agronomique : il s’agit d’analyser le faisceau complexe des trajectoires des individus et des collectifs d’agronomes, entre observation au champ, pratiques expérimentales, didactique, productions monographiques, comparées et théoriques, entrées thématiques et transversales, mais aussi fonctions de conseil et d’expertise, et participation à la programmation de la recherche, voire aux politiques agricoles, alimentaires et environnementales pour la période la plus récente.
Comme l’attestent les témoignages d’agronomes rassemblés dans la base des archives orales de l’Inra [1], il n’est guère de trajectoire individuelle qui ne se légitime hors la production d’une science puissamment incarnée dans les pratiques, ou qui ne comprenne l’exercice d’une responsabilité sociale, à quelque niveau que ce soit. Dans un pays marqué, depuis le tournant des années 1960, par la cogestion des affaires agricoles entre profession et puissance publique, d’abord à l’échelle nationale puis à l’échelle européenne, la recherche en agronomie s’est nécessairement trouvée en situation de médiation permanente, plus ou moins inconfortable. De fait, contrairement au biologiste ou à l’économiste, l’agronome ne choisit pas d’entrer ou non en collaboration avec les mondes de la pratique et de la décision : son objet, une partie de ses terrains de recherche, ses finalités s’inscrivent dans ces mondes (Sebillotte, 2006). Il lui revient, par un effort sans cesse renouvelé, de gagner l’autonomie épistémologique qu’il estime nécessaire, non pour échapper à ces mondes, mais pour leur apporter des réponses scientifiquement robustes et économiquement viables - et nous ajouterons aujourd’hui, écologiquement et socialement responsables. C’est en vérité toute la difficulté de l’agronomie de porter jusque dans son nom la dimension normative des savoirs qu’elle produit, induisant l’exercice d’une responsabilité qui va bien au-delà des orientations techniques et culturales, mais qui implique des enjeux qui vont de la fertilité des sols jusqu’à l’état sanitaire des populations en passant par le modelage des paysages et la sauvegarde de la biodiversité.
C’est ce qui explique, sans doute, la difficulté des sciences sociales, y compris de la recherche en histoire de l’agriculture et en histoire des sciences, à comprendre la trajectoire historique singulière de l’agronomie, qui ne se laisse pas diviser entre d’une part des agents du « modèle dominant », et d’autre part des porteurs de visions critiques ou alternatives. L’espace professionnel de l’agronomie est tout entier une interface entre action et cognition, observation et pratiques, et c’est dans cette logique qu’il faut interroger l’émergence de la principale innovation épistémologique de l’agronomie dans la seconde moitié du 20e siècle, à savoir l’agronomie « système », elle-même subdivisée en tendances et en terrains d’exercice qui en font la richesse et la complexité.
En tant que discipline de l’action sur les bioressources, l'agronomie est en effet une science à visée normative qui produit en permanence des rétroactions, lisibles à la fois dans le monde social de l'agriculture et dans les paysages agraires. Elle n'est donc jamais une page blanche ou une terre vierge, d'où l'importance d’une histoire fine de l’inscription métabolique de ses impacts, nécessairement différente entre régions de grande culture et régions centrées sur les produits de terroir, ou entre des secteurs comme la viticulture, la céréaliculture ou le maraîchage : non seulement en raison des singularités intrinsèques de ces cas d’étude, mais parce que les interactions et rapports de force avec la recherche privée, l’agrofourniture, les collectivités et les institutions publiques y connaissent des équilibres assez distincts, produisant des « jeux » particuliers pour les agronomes qui s’y trouvent investis. Faire l’analyse rétrospective de ces formes d’engagement de l’agronomie ne peut donc s’opérer purement de manière externe et critique, il est nécessaire d’entrer dans une démarche historique compréhensive, à la fois interdisciplinaire et collaborative, pour en saisir les rationalités à l’œuvre dans la durée et les « régimes » successifs.
Au vrai, l’agronomie est un domaine de la connaissance à l’épistémologie singulièrement inconstante, ce que l’on peut lire comme une faiblesse, avec toutes les possibilités d’assujettissement extérieur, comme à l’époque de Justus von Liebig, où la chimie s’est imposée comme l’alpha et l’oméga de la méthode agronomique. On peut aussi lire cette inconstance épistémologique comme une qualité d’adaptabilité, comme dans le dernier tiers du 20e siècle où l’agronomie s’est rendue capable de s’allier à la bioclimatologie, à l’hydrologie et à l’écologie du sol pour s’emparer de la problématique environnementale. De fait, l’agronomie est une science doublement hétéronome, dépendant des sciences dites fondamentales pour les déterminants de son analyse du potentiel des cultures, et des sciences économiques et sociales pour l’évaluation de la pertinence et de la performance de ses propositions normatives. En tant que science finalisée et évaluée par ses utilisateurs, l’agronomie se construit ainsi dans une tension permanente entre singularité et généricité, entre savoirs issus de la pratique et savoirs savants. Mais cette tension n’est jamais une rupture, toujours un exercice du compromis. Pour que l’agronomie s’inscrive dans le champ des sciences, il a ainsi fallu non seulement qu’elle se dote de méthodes et d’outils, mais également qu’elle dispose d’un côté de savoirs constitués et mobilisables, et de l’autre d’espaces de production capables de recevoir ses conseils et d’en évaluer les bénéfices.
Toute la difficulté est ainsi de s’entendre sur ce que l’on appelle agronomie, en quoi elle « fait science », et comment évaluer ses impacts. Selon les définitions que l’on retient, l’agronomie compte ainsi parmi les sciences les plus anciennes ou les plus jeunes. L’agronomie, comme science de synthèse tournée vers l’action émerge dans la seconde moitié du 18e siècle (Sebillotte, 2006 ; Cornu, 2017). Pour autant, il s’en faut de beaucoup que l’agronomie du 19e siècle se soit montrée capable de tracer une limite nette entre la production d’une expertise sur les sols, les semences, les engrais et produits phytopharmaceutiques, et une recherche de fond sur la fertilité et le rendement, entre ce qui était de l’ordre de l’« art » de bien exploiter la terre et ce qui était de l’ordre de la science. De fait, ce n’est qu’au 20e siècle, dans l’Entre-deux-guerres de manière timide, puis plus résolument à partir de la Libération et de l’entrée dans les « décennies modernisatrices » de l’agriculture française, que l’agronomie a perdu son sens de domaine de la connaissance concerné par les productions agricoles de tous types, pour devenir ce que nous appelons aujourd’hui l’agronomie stricto sensu, soit la science du fonctionnement du champ cultivé et de la conduite des productions végétales [2]. Mais cette définition, si elle est un gage de cohérence et de mise en discipline collective de l’effort de recherche, n’est pas exempte de dangers : d’une part, avec le risque de perdre le soutien des institutions publiques une fois les gains en productivité réalisés, ce qui s’avère une menace bien réelle dès la fin des années 1960 [3], et d’autre part, avec le risque de voir le champ de compétences de l’agronome s’amenuiser peu à peu, avec l’essor de la sélection génétique des variétés d’un côté, et de la production par la R&D industrielle des intrants des cultures de l’autre, les systèmes de culture perdant à la fois en diversité et en complexité au profit d’une gestion « minière » des bioressources.
Paradoxalement, c’est la position périphérique de l’agronomie par rapport au monde de la recherche et de l’enseignement supérieur qui lui a donné la possibilité d’une résilience à la crise de son utilité sociale, lors de la remise en cause de la voie de l’intensification dans les années 1980 et 1990. Par son institutionnalisation dans l’enseignement supérieur spécialisé et dans la recherche publique sectorielle pilotée par le ministère de l’Agriculture, l’agronomie française est en effet étroitement associée au monde des sciences de l'ingénieur, domaine par excellence de la rencontre entre dynamiques biotechniques et logiques sociales. Or, c’est une constante remarquable de l’histoire des mondes des ingénieurs que de montrer une tension dialectique féconde entre d’un côté les exigences de performativité de leurs savoirs, et d’autre part la très grande plasticité de leur élaboration et de leur recombinaison permanente dans l’espace protégé des institutions d’enseignement. De fait, l’agronomie est par excellence une discipline didactique : elle est une école de pensée et de pratiques à la fois, enseignante et apprenante, en relation métabolique permanente avec les mondes agricoles et les activités qui leur sont liées. Nul hasard, donc, à ce que la vision monoculturale et industrialiste des productions végétales dans la France des années 1950-1970 ait généré une crise de la pensée agronomique et les premiers tâtonnements vers les approches « non sectorielles » et « systèmes » (Sebillotte, 1974 ; Gras, 1979, 1989 ; Landais, Deffontaines et Benoît, 1988).
Ces enjeux épistémologiques posés, il nous semble qu’une relecture cursive de la trajectoire propre de l’agronomie française dans le dernier siècle écoulé, et singulièrement de la maturation en son sein des approches systémiques, s’avère pertinente pour en saisir, de manière à la fois compréhensive et critique, la contribution à l’émergence de nouvelles manières de penser l’agriculture.
L’agronomie française, du 19ème au 21ème siècle : l’affirmation de l’identité d’une science intégrée de l’action
Si les définitions de l’agronomie lui assignent un contour variable (de la science des productions végétales à celle de l’agriculture, voir supra), elles convergent toutes sur le fait que l’agronomie est définie avant tout par ses finalités. Citons, par exemple, de Gasparin (1854) [4] : « L'agronomie est la science qui enseigne les moyens d'obtenir les produits des végétaux de la manière la plus parfaite et la plus économique », ou, à l’international, le site de la Iowa State University : « agronomy is focused on new and improved ways of agriculture »[5]. L’agronomie vise ainsi à produire à la fois des connaissances utiles à l’action, et des nouveautés (par exemple des règles de décision, des outils agricoles, des systèmes techniques), appelées à contribuer aux transformations de l’agriculture. Classiquement, l’agronomie est associée à la modernisation agricole et à la rationalisation des conditions de production des bio-ressources. Cependant, aux yeux de l’historien, c’est à la production de la modernité elle-même qu’il faut rattacher l’action de l’agronomie, tant elle est liée aux enjeux les plus fondamentaux de la transformation des nations modernes : l’alimentation, le travail, le rapport à l’espace, à la nature et aux paysages, la construction des identités collectives. Les agronomes sont attendus, depuis les premières formalisations de la discipline jusqu’à aujourd’hui, sur l’accroissement et la régularisation de la production alimentaire. Progressivement, ils ont intégré à leurs finalités la gestion de la fertilité des sols, la sécurité sanitaire des aliments, la maîtrise des pollutions liées à l’agriculture, la protection de la biodiversité, la production d’énergie ou la gestion des ressources naturelles au niveau des territoires. Cet enrichissement des finalités n’a pas toujours été aisé pour les agronomes, qui ont dû changer leur regard sur l'agriculture et leur rapport aux utilisateurs de leurs travaux. En contraste avec son identité pérenne de science orientée par des finalités, l’histoire de la pensée agronomique révèle ainsi de très fortes mutations successives, qui affectent aussi bien l’épistémologie de la discipline que son périmètre, les sources auxquelles elle puise les éléments de sa synthèse, les moyens avec lesquels elle valide ses propositions normatives – le laboratoire, le domaine, le champ de l’exploitant, le modèle –, sa représentation de l’action des agriculteurs, et enfin les relations des agronomes avec ceux-ci (Salembier et al., 2018).
L’agronomie configurée par la loi du minimum
Les premiers agronomes préscientifiques (de l’Antiquité à Olivier de Serres) ont orienté leurs écrits vers la capitalisation critique des bonnes pratiques, mises au point dans leurs domaines ou dans ceux de bons « mesnagers des champs » (Cornu, 2017). L’émergence d’une véritable théorie agronomique peut être datée de la seconde moitié du 18ème siècle, moment où se structure un corpus méthodologique, basé sur une articulation étroite entre le recueil des pratiques des meilleurs producteurs, la construction d’hypothèses sur les raisons de l’efficacité de ces pratiques, et l’expérimentation, pour tester ces hypothèses (Bourde, 1967 ; Salembier et al., 2018). L’agronomie est alors holistique, et s’adresse à l’ensemble des problèmes que peut rencontrer un producteur, sans séparer encore productions animales et végétales, malgré l’affirmation précoce des sciences vétérinaires en France.
Un changement radical d’épistémologie se dessine dans la seconde moitié du 19ème siècle, avec le développement des sciences de laboratoire et l’affirmation du réductionnisme. Les pratiques des producteurs ne sont plus la source première du savoir agronomique, celui-ci dérive des sciences fondamentales. L’agronomie devient d’abord chimie agricole : “La chimie est la science de la métamorphose, l’agriculture qui transforme les matières minérales en matières organiques est une science chimique” (Dehérain, 1874, cité par Jas, 2001). Stimulées par les avancées de l’analyse chimique (de sols, de plantes, de matières organiques, des engrais minéraux), la fertilité du sol et la fertilisation minérale et organique sont devenues les objets centraux de l’agronomie. La loi du minimum, ou loi des facteurs limitants, a été proposée par Justus von Liebig (1840) comme principe épistémologique majeur de la chimie agricole : elle stipule que le rendement d'une culture est limité par celui des éléments fertilisants qui manque le plus à la culture. Pour accroître la production, il faut en priorité compenser ce manque par un apport d'engrais comprenant cet élément. A contrario, il est inutile d'augmenter l'apport des autres éléments. L’exemple de la Champagne crayeuse, où la correction, par la fertilisation, de la grande pauvreté des sols en phosphore a permis, au milieu du 20ème siècle, un accroissement spectaculaire des rendements, illustre la puissance de ce paradigme.
Au cours du 20ème siècle, les statistiques, la génétique, la physiologie, la physique (des sols) ont enrichi à leur tour l’agronomie. En se connectant avec d’autres sciences, l’agronomie a accru sa capacité à résoudre la diversité des problèmes de l’agriculture, ce qui a permis la poursuite de l’accroissement de la production. La notion de facteur limitant a été étendue aux adventices, aux maladies, aux parasites, à l’eau. L’agronomie est devenue une synthèse des savoirs sur les facteurs limitants et sur les moyens de les contrôler, pour optimiser la production (Salembier et al., 2018) : à chaque facteur limitant, son intrant, herbicide, fongicide, insecticide, régulateur de croissance, irrigation...
L’extension du domaine d’application de la loi du minimum légitime ainsi une spécialisation croissante des agronomes : chaque agronome s’intéresse en priorité à un facteur limitant, en lien avec les spécialistes des domaines scientifiques connexes. Cette spécialisation des agronomes permet de maîtriser la massification des savoirs à laquelle on assiste au cours du 20ème siècle. Aux spécialistes de la fertilisation azotée et à ceux de la fertilisation « de fond » (P et K), se sont progressivement ajoutés les spécialistes de l’irrigation (liés à l’hydrologie et à la bioclimatologie), ceux de la lutte contre les ennemis des cultures (liés à la phytopathologie et à l’entomologie), ou ceux du travail du sol (liés à la physique des sols). Cette spécialisation a contribué à un fractionnement de la discipline : après la séparation, au 19ème siècle, entre sciences de la production végétale et sciences de la production animale, le 20ème siècle a vu s’individualiser les sciences du sol, l’écophysiologie, la malherbologie ou la protection des cultures. Peu d’agronomes ont gardé une vision de l’ensemble de ce qui ne s’appelle parfois même plus « agronomie » [6].
Ce paradigme réductionniste a dominé l’agronomie française jusque dans les années 1980 (et domine encore dans le monde). Pendant cette période, on a assisté à une augmentation des rendements d’une ampleur inédite, les facteurs limitants étant levés les uns après les autres, par l’apparition ininterrompue de nouveaux intrants et la sélection variétale. Simultanément, on a assisté à une normalisation de la méthode agronomique, autour de l’expérimentation factorielle, souvent en station expérimentale, de l’analyse de variance, et de la modélisation, qui permettent d’identifier la nature du facteur limitant dominant, et le cas échéant, de l’intrant le plus efficace pour accroître la production, ainsi que sa dose optimale et ses modalités d’application. L’expérimentation factorielle, avec répétitions, est devenue pour une majorité d’agronomes la seule manière rigoureuse de mettre en évidence des liens de cause à effet indubitables, c’est-à-dire de créer des connaissances agronomiques. Cette agronomie a permis une massification du conseil agricole, basée sur la conviction que tous partageaient l’objectif d’accroissement de la production, et que les « situations agricoles » pouvaient être caractérisées par leur facteur limitant dominant. Pour l’évaluation de la réussite des préconisations de l’agronome, le rendement et le résultat économique ont été privilégiés, ce qui était cohérent avec la politique agricole de l’époque, où les accroissements de la production et de la productivité du travail constituaient les objectifs majeurs (Brunier, 2018). Ce paradigme a contribué à configurer les missions et l’organisation de la R&D en agronomie : ainsi, les Instituts techniques, créés dans les années 1950, ont œuvré à la mise au point et à la diffusion de préconisations, culture par culture, technique par technique. A l’Inra, les chercheurs se sont spécialisés, et la multiplication des départements de recherche a occulté toute vision globale : bioclimatologie, science du sol, génétique, pathologie, malherbologie, ont longtemps constitué des départements différents, entre lesquels les échanges restaient limités (Cornu et al., 2018). Le département d’Agronomie, séparé en 1974 de la Science du sol, considérait implicitement que les problèmes sanitaires étaient réglés par les pesticides et concentrait ses efforts sur la fertilisation (Richard et al., 2019).
La figure 1.a résume les objets étudiés par cette agronomie réductionniste : les pratiques agricoles, et l’influence des pratiques sur le champ cultivé et la production, en constituent le cœur. L’agriculteur est directement ciblé par les productions ingéniériques des agronomes (conseil de fertilisation ou de traitement, outil d’aide à la décision...), mais l’exploitation agricole est un objet de l’économie rurale, discipline distincte de l’agronomie. Du fait de son efficacité historiquement démontrée, du large consensus autour de l’expérimentation factorielle, et de l’image de « progrès technologique » véhiculée par les intrants (après les engrais et les pesticides, sont apparus les stimulateurs de croissance, les produits de biocontrôle ou les cocktails d’oligoéléments), ce paradigme continue à marquer très fortement les raisonnements des agronomes, malgré le développement de l’agronomie système.
Encadré 1 : Principaux traits de l’agronomie, avant l’émergence des approches système
- L’activité de l’agronome est centrée sur la relation entre pratiques et production : Quelle est la meilleure pratique pour maximiser la production ou la marge ?
- Les pratiques sont abordées une par une, conformément à la loi du minimum ;
- L’expérimentation factorielle et l’analyse de variance sont les méthodes privilégiées pour la génération de savoirs agronomiques ;
- Le champ est vu comme une machine dont il s’agit d’optimiser le fonctionnement par l’usage raisonné des intrants adéquats. A chaque problème, sa solution, c’est à dire son intrant !
Émergence et affirmation de l’agronomie système
L’émergence de l’agronomie système, dans les années 1970 [7], est liée à la conjonction de plusieurs évolutions, tant du monde de l’agriculture que de celui de la pensée scientifique, qui ont questionné les paradigmes liés à la loi du minimum. La mise en évidence de la responsabilité de l’agriculture dans différentes nuisances (d’abord la pollution des eaux par le nitrate, mise en lumière par le rapport Hénin en 1980, puis l’érosion de la biodiversité, l’accumulation des pesticides dans l’environnement ou les émissions de gaz à effet de serre) a amené les agronomes à élargir les critères de performance pris en considération dans l’évaluation de l’impact des pratiques. Le découpage du monde en objets élémentaires, selon les facteurs limitants du rendement, n’était plus réellement opérationnel, dès lors qu’il s’agissait de prendre en compte les effets conjugués de plusieurs pratiques sur plusieurs performances. En parallèle, des travaux de plus en plus nombreux ont montré les limites d’un conseil descendant et uniforme : la diversité des situations agronomiques, qui ne peut pas se réduire à celles des sols et du climat, ou le rejet, par les producteurs, d’innovations qui, du point de vue des agronomes, auraient dû les intéresser, ont obligé l’agronomie à se renouveler (Sebillotte, 1974 ; Osty, 1978). Enfin, la maîtrise des effets systémiques a été vue comme une voie de réduction des intrants : l’agriculture biologique, la protection intégrée des cultures, l’agriculture de conservation ont cherché à valoriser les interactions entre les pratiques et l’agro-écosystème, pour re-concevoir des modes de production économes en intrants. Dans ce contexte, les agronomes, à l’instar de Michel Sebillotte, ont fait appel à la « Théorie générale des systèmes » (von Bertalanffy, 1973) pour représenter les performances multiples, et les nombreuses interactions qui s’expriment dans les champs des agriculteurs.
Le « système » sur lequel s’est construit ce renouvellement de l’agronomie est schématisé sur la figure 1.b : les pratiques agricoles sont restées au cœur, de même que leur effet sur le « champ cultivé [8] ». Mais les décisions de l’agriculteur et l’exploitation agricole sont devenues des objets d’étude majeurs, en ce qu’elles influent fortement sur les choix de pratiques. Les flèches « retour », du champ vers les pratiques et des pratiques vers l’exploitation, soulignent le fait que les choix techniques sont fortement dépendants les uns des autres. La figure 1.b explicite également le rôle des informations recueillies par les agriculteurs sur leurs parcelles et sur leurs pratiques, et de l’enrichissement des savoirs des agriculteurs qui résulte de l’analyse de ces observations. L’objet d’étude de l’agronomie se complexifie, pour rendre compte de ce qui se passe dans la diversité des parcelles et des exploitations, et ainsi mieux ajuster les prescriptions : l’agronomie système reconnaît le champ des agriculteurs et l’exploitation agricole comme objets de science, et lieux centraux de l’élaboration de la théorie agronomique (Sebillotte, 1974, Spedding, 1976 [9]). La diversité des pratiques (au-delà de celle qui est justifiée par des différences de sol et de climat) n’est plus attribuée, comme dans le paradigme antérieur, à des erreurs techniques ou à une méconnaissance de ce que recommandent « les gens qui savent », mais à une diversité de conditions de production, de ressources et d’objectifs d’agriculteurs (Osty, 1978 ; Meynard et al., 2001). Il s’agit là d’une rupture majeure.
Cette vision systémique du champ cultivé [10] est exprimée par les concepts d’itinéraire technique et de système de culture, dont l’usage a fait la pierre angulaire de l’agronomie système ; elle est bien résumée par la définition canonique de l’itinéraire technique : « combinaison logique et ordonnée de techniques » (Sebillotte, 1974). L’Itinéraire Technique, à l’échelle d’un cycle de production, et le Système de Culture, à l’échelle pluriannuelle (Sebillotte, 1990), désignent ainsi l’ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur une parcelle (ou sur un ensemble de parcelles traitées de manière identique). En employant ces concepts, les agronomes affirment qu’il est essentiel de s’intéresser à la cohérence qui existe entre les actes techniques qui sont implémentés successivement sur une parcelle agricole. Cette cohérence a deux origines : (i) les pratiques mises en œuvre sur une parcelle résultent de décisions fortement liées les unes aux autres : le producteur les raisonne toutes dans un cadre unique défini par ses objectifs de production, ses ressources disponibles (travail, sol, trésorerie…) et ses savoirs ; (ii) les différentes pratiques agissent sur les mêmes composantes de l’agro-écosystème : une même pratique joue sur plusieurs composantes ; une même composante est influencée (contrôlable) par plusieurs pratiques (Meynard et al., 2001). C’est la prise en compte de l’ensemble de ces objets et relations qui spécifie l’agronomie système : l’agronome qui travaille sur l’effet des pratiques sur l’agro-écosystème n’est pertinent que s’il intègre la logique d’action des agriculteurs dans ses analyses ; en retour, l’agronome qui analyse les logiques d’action des agriculteurs ne les comprend que s’il prend en compte les effets des pratiques sur l’agro-écosystème [11].
Depuis les années 1980, l’agronomie système a développé des méthodologies adaptées à ses objets et à son épistémologie (Sebillotte, 2006, Jeuffroy et Meynard 2019). Ces méthodes, complémentaires et articulées, s’organisent autour de 4 pôles :
- l’analyse de la réalité agricole : le diagnostic agronomique [12] vise à identifier les pratiques à l’origine de performances non satisfaisantes (Doré et al., 1997) ; l’analyse des pratiques met l’accent sur la compréhension des logiques d’action des producteurs (Landais et al., 1988); la traque aux systèmes de culture innovants consiste à détecter chez des agriculteurs des systèmes innovants et performants, et à comprendre les raisons de leurs performances, pour préparer leur extrapolation (Salembier et al., 2016)
- l’expérimentation : l’expérimentation factorielle, outil phare de l’agronomie des facteurs limitants, reste largement utilisée, pour comprendre ou modéliser l’influence des pratiques sur l’agro-écosystème ; elle est complétée aujourd’hui par l’expérimentation système qui permet d’évaluer et d’améliorer les performances d’itinéraires techniques ou de systèmes de culture (Havard et al., 2017).
- la modélisation systémique : celle-ci agrège des connaissances issues d’expérimentations et de parcelles d’agriculteurs, avec pour ambition de simuler le fonctionnement d’un champ cultivé sous l’effet des pratiques, et de déterminer les combinaisons techniques les plus performantes, en fonction des situations agricoles (Jeuffroy et al., 2014).
- la conception : celle-ci désigne un processus d’exploration de nouveaux systèmes agricoles « possibles », visant à satisfaire des attentes nouvelles (Prost et al., 2016, Salembier et al., 2018). Le plus souvent, ces attentes, et les savoirs nécessaires pour concevoir, ne peuvent pas être complètement définis au début de la conception, mais se précisent au fur et à mesure que l’objet conçu prend forme, dans une pratique dialogique. Plusieurs méthodes de conception de systèmes de culture ou d’outils d’aide à la décision ont été formalisées : conception assistée par modèle, prototypage en ateliers, conception pas-à-pas.
Ces évolutions épistémologiques et méthodologiques ont renouvelé les relations de l’agronomie avec les autres disciplines (Doré et al., 2006). L’agronomie système s’appuie sur les connaissances produites par l’écologie [13], l’écophysiologie, ou la science du sol, sans leur être subordonnée. Par ses objets spécifiques (les pratiques agricoles, les logiques d’action des agriculteurs), par ses méthodes ingénieriques qui contribuent à éclairer les agriculteurs pour ajuster leurs systèmes de culture, l’agronomie système a reconstruit sa complémentarité avec les autres disciplines impliquées dans la compréhension de l’agro-écosystème, dont les acquis ne pourraient, sans les apports des agronomes sur les logiques d’action des agriculteurs, déboucher sur des propositions techniques. L’agronomie système s’appuie également sur des collaborations avec les sciences économiques et sociales, pour l’analyse des logiques d’action des agriculteurs et l’évaluation des performances de ses propositions normatives. En France, cette collaboration entre agronomie système et sciences économiques et sociales (Petit, 1975) s’est institutionnalisée dans la création, en 1979, du Département SAD (Systèmes Agraires et Développement), et en particulier dans les travaux sur le « fonctionnement de l’exploitation agricole » (Cornu, 2021).
Cependant, alors qu’il existe maintenant depuis quatre décennies, le paradigme de l’agronomie système n’a pas remplacé celui de l’agronomie réductionniste configurée par la loi du minimum : les deux coexistent, parfois dans les mêmes organismes, à la fois en complémentarité et en rivalité. En complémentarité, parce que si la simplification des problématiques liée à la loi du minimum permet de mettre au point des règles d’action par culture et par intrant (voir la majorité des prescriptions des instituts techniques), l’agronomie système permet d’ajuster, à chaque situation, les combinaisons de pratiques les mieux adaptées. Les solutions de l’agronomie système sont « situées », et c’est la manière de construire ces solutions qui est générique. Comme le soulignent les écrits sur l’agroécologie, venant aussi bien de chercheurs (par exemple Meynard, 2017) que du ministère de l’Agriculture [14], l’approche système est à la base de l’accompagnement des exploitations vers la transition agroécologique. Mais ces deux paradigmes sont aussi en rivalité, parce qu’ils sous-tendent des visions différentes de l’agriculture : ainsi, dans le plan Ecophyto (lancé en 2009), s’affrontent les acteurs qui considèrent que la réduction des pesticides passera par le développement du « biocontrôle » (remplacement de l’intrant chimique par un intrant biologique), et ceux qui privilégient une re-conception des systèmes de culture, visant à réduire, en amont de la culture, les populations de bio-agresseurs, et les intrants (Aulagnier et Goulet, 2017). L’agronomie de la loi du minimum, centrée sur l’augmentation de la production, est avant tout productiviste, alors que l’agronomie système est aujourd’hui mobilisée sur tous les types d’agriculture (bio ou conventionnel, cultures annuelles ou pérennes, cultures sous abri ou agroforesterie). Cependant, elle n’est pas toujours comprise des décideurs non agronomes, qui peuvent privilégier l’approche réductionniste (« Un problème, une solution »), plus simple et plus facilement diffusable, au moins en apparence. C’est ce qui se passe par exemple pour les Mesures agri-environnementales à obligation de moyens, classiquement privilégiées par les pouvoirs publics, alors que les travaux sur l’obligation de résultats montrent que celle-ci déclenche des changements systémiques plus profonds, et plus acceptables par les agriculteurs (de Sainte Marie, 2012).
Un travail reste à faire sur l’épistémologie de l’agronomie, pour mieux positionner ces approches l’une par rapport à l’autre. Le développement des grandes bases de données (big data) imposera une telle clarification : de fait, il existe une tension entre les approches systémiques compréhensives et les modalités de construction de ces bases de données : les variables que contiennent celles-ci sont définies a priori (avant l’analyse), alors que l’approche système repose sur des allers et retours entre observations, analyse de données, construction d’hypothèses, identification de liens de cause à effet, enfin et surtout élaboration dialogique de priorités. Si l’on ne résout pas cette tension, le nouvel itinéraire méthodologique par les bases de données pourrait entraîner subrepticement un retour de la quête de relations directes et univoques « pratiques-production », c’est-à-dire une régression de la compréhension, dans leur complexité, des relations entre systèmes de culture et performances. Ce paradoxe de la révolution numérique n’est pas propre à l’agronomie, mais il prend une tonalité alarmante dans une discipline pour laquelle le point d’équilibre entre complexité intrinsèque des données et attentes en termes de résultats est particulièrement difficile à tenir.
Encadré 2 : Principaux traits de « l’agronomie système », à la fin du 20ème siècle
- L’activité de l’agronome est centrée sur les relations entre pratiques, agroécosystème, exploitation agricole et savoirs des agriculteurs ;
- Les pratiques sont étudiées au sein des itinéraires techniques et des systèmes de culture ;
- L’agronomie système a progressivement développé des démarches spécifiques : diagnostic agronomique, analyse des pratiques, modélisation systémique, expérimentation système, diverses méthodes de conception ;
- L’agronomie système connecte les effets des actes techniques sur l’agroécosystème, et les logiques d’action des producteurs ; ces deux angles d’analyse ne peuvent être séparés, ne serait-ce parce que l’agriculteur observe ses parcelles pour décider, et tient ainsi compte, dans ses logiques d’action, des effets des techniques antérieures.
L’agronomie au défi de la crise environnementale globale
Depuis le début des années 2000, tous les objets qui spécifient l’agronomie système bougent ensemble, sous l’effet conjugué de dynamiques socio-économiques, de dynamiques scientifiques et techniques et bien entendu de la crise environnementale. (i) Une partie des problèmes agronomiques à résoudre trouvent leur origine à d’autres échelles que la parcelle et l’exploitation agricole (exemples : quelles pratiques agricoles, dans une aire d’alimentation de captage, pour améliorer la qualité de l’eau ? quelle gestion des systèmes de culture au niveau d’un terroir pour assurer à un produit une qualité et une typicité garanties ? quelles politiques publiques, au niveau d’un pays, pour limiter les émissions de Gaz à Effet de Serre par l’agriculture ?). (ii) Les utilisateurs des innovations et des savoirs produits par l’agronome se diversifient : aux agriculteurs et à leurs conseillers, s’ajoutent les acteurs des filières, y compris les consommateurs, des acteurs territoriaux comme les collectivités locales ou les associations environnementalistes, et les pouvoirs publics locaux, nationaux et européens. Chacun de ces acteurs a sa propre stratégie et ses propres connaissances, et adresse des questions spécifiques à l’agronomie. (iii) Parmi ces questions, la conception d’innovations de rupture prend une place croissante, en relation avec le rejet, par une partie des citoyens, de l’agriculture productiviste et des intrants chimiques : il s’agit donc, pour les agronomes, de poursuivre leur investissement méthodologique sur la conception : comment aider les agriculteurs à concevoir eux-mêmes leurs propres systèmes ? Comment inciter les autres acteurs des filières et des territoires à coordonner leurs processus d’innovation avec celui des agriculteurs ? Comment les agronomes peuvent-ils relever le défi de l’innovation ouverte, en associant les utilisateurs finaux (ex : consommateurs) au processus de conception ? (iv) Enfin, la révolution numérique (big data, outils web interactifs, réseaux sociaux, capteurs...) challenge le travail des agronomes, et leur relation aux agriculteurs.
La figure 1.c met en lumière ces différentes évolutions : le schéma d’ensemble ne change pas, mais toutes les cases se renouvellent. Si les pratiques agricoles restent, par définition, au cœur de l’agronomie, celles-ci doivent maintenant être vues à la fois comme l’expression des stratégies de nombreux acteurs, le résultat de processus de conception distribuée, un facteur-clé des mosaïques paysagères, et des enjeux pour la gestion de l’information.
Dans ce contexte, l’agronomie système renouvelle progressivement ses objets et ses partenariats. Le « champ cultivé » et l’exploitation agricole sont réinterrogés par la prise en compte de leur insertion territoriale, par le statut de concepteur de l’agriculteur et par les apports du numérique. En collaboration avec des spécialistes d’autres disciplines, les agronomes s’investissent dans de nouveaux objets : le territoire local, le système alimentaire, ou la relation agriculture-santé humaine. Le territoire local, maintenant au centre de ce que l’on appelle l’agronomie des territoires (Benoit et al., 2012 ; Boiffin et al., 2014), est vu, selon les questions qui sont adressées à l’agronome, comme une mosaïque de systèmes de culture (en collaboration avec l’écologie du paysage, Vasseur et al., 2013), ou comme un système socio-écologique (en collaboration avec l’écologie et la sociologie, Duru et al., 2015). Le système alimentaire, dont l’étude associe agronomes, technologues, économistes, et nutritionnistes, constitue le cadre de travaux visant à coordonner innovation agricole et innovation en alimentation (Meynard et al., 2017), pour favoriser une alimentation durable, favorable à la santé des écosystèmes comme des humains (Duru, 2017, 2019). L’agriculture de régions, pays ou continents intéresse maintenant ce que l’on appelle l’agronomie globale, qui intègre, en s’appuyant sur les outils du numérique, les processus de l’agronomie système aux échelles englobantes (Makowski et al., 2014).
Il n’est pas question, ici, de développer l’ensemble des traits de cette agronomie système « élargie », qui est en train de se construire. Comme le soulignent Salembier et al. (2018), les méthodologies spécifiques sont en cours de mise au point, basées sur la reconnaissance de l’apport des savoirs des acteurs non scientifiques, l’implication des chercheurs dans les collectifs d’acteurs agissant (recherche-action) ou l’évaluation participative. Ces évolutions s’inscrivent, au niveau international, dans le mouvement d’idées de l’agroécologie (Wezel et al., 2009) : elles ouvrent la porte à une interdisciplinarité entre agronomie système, écologie et sciences économiques et sociales, en vue de poser les bases de la transition agroécologique (Meynard, 2017). Ces évolutions réinterrogent le dialogue de l’agronomie avec les sciences économiques et sociales, la plupart des nouveaux objets ne pouvant être abordés par la seule agronomie. Ainsi, l’autonomisation de l’agronomie, grâce à l’approche système, a préparé une nouvelle phase de collaboration, qui n’est plus une vassalisation, mais un enrichissement réciproque.
Conclusion
L’agronomie apparaît ainsi, dans la longue durée, comme une science à l’épistémologie singulièrement instable : non par échec à « faire science », mais par sa situation de science à la frontière du biologique et du social, perpétuellement en tension entre excellence et pertinence, et travaillant sur un pivot particulièrement instable dans la dynamique de la modernité, le « fait technique ». L’agronomie voit ainsi son histoire marquée par des phases de sujétion partielle de son discours et de sa praxis à des sciences d’amont (la chimie, la physiologie végétale, la génétique, les statistiques…) et des phases où, au contraire, elle dialogue avec d’autres disciplines pour s’épanouir. Sur le pas de temps qui va de la remise en cause du réductionnisme au tournant des années 1970 jusqu’à nos jours, l’histoire de l’agronomie peut se lire comme une quête d’émancipation et d’autonomisation dans des jeux de relations complexes avec les autres disciplines et les mondes de la pratique, avec des moments-clés d’opportunités et/ou de menaces, sans que jamais le monde social des agronomes ne semble considérer comme une fin en soi de disposer d’une théorie unifiée et autosuffisante de la discipline. L’épistémologie de l’agronomie est par essence relationnelle et située. Elle est, de fait, un construit historique sans cesse remis sur le métier.
On aurait donc tort de considérer que la profondeur de la crise environnementale dans laquelle nous nous trouvons depuis quelques décennies appelle seulement une autocritique à retardement sur la contribution de l’agronomie à l’intensification agricole. À la lumière de l’analyse historique, il nous semble au contraire nécessaire de dépasser l'inventaire critique de l’advenu et de penser dans sa dimension dialectique et projective le rapport de l’agronomie à l’agriculture, en acceptant le fait qu’il n’y ait pas d’extériorité neutre et clairvoyante à partir de laquelle on puisse juger de la validité de telle ou telle option. Héritières d’une histoire commune, mais ni linéaire ni univoque, l’agronomie « classique », l’agronomie système, l’agroécologie coexistent aujourd’hui dans un mélange de complémentarité et de rivalité, et dans une commensurabilité jamais parfaite, qui correspond au vrai à l’éclatement des rationalités propres des différents systèmes de production coexistants aujourd’hui dans les territoires. Les agriculteurs, tout à la fois récepteurs de règles d’action, décideurs et concepteurs, invitent les agronomes à des jeux cognitifs et relationnels sans cesse plus complexes et plus spécifiques (Salembier et al., 2018). Parce que l’âge de la modernisation comme chemin unique s’est achevé, et parce qu’il s’est achevé sur une forme d’impasse de la rationalisation, c’est à une diversité des chemins de transition que l’agronomie est invitée, au défi du transnational, du transdisciplinaire et de la tension entre les attentes diverses des acteurs des systèmes alimentaires. Dans le monde de la bioéconomie globalisée, l’agronomie ne se comprend décidément pas comme une île, mais comme une posture relationnelle et médiatrice de savoirs et de pratiques, plus que jamais nécessaire dans une phase historique caractérisée par l’extrême fragilité des équilibres écologiques, sociaux, économiques et politiques. Comme au siècle des Lumières, mais dans une tonalité rendue plus grave par l’importance cruciale des transitions à opérer, l’agronomie est invitée à repenser un holisme maîtrisé et responsable.
Notes
[1] Créée en 1995, la Mission Archorales a collecté plus de 350 entretiens biographiques d’acteurs de la recherche agronomique. À ce jour, vingt volumes de la revue Archorales ont paru pour en partager l’intérêt historique. https://www6.inrae.fr/comitedhistoire
[2] Sous l’impulsion d’Albert Demolon, puis de Stéphane Hénin (Demolon, 1938 ; Hénin, 1999 [1944]), c’est à une véritable montée en scientificité, mais aussi en réflexion sur la finalisation de la recherche, que s’adonne l’agronomie française, aussi bien en métropole que dans les « suds » coloniaux puis postcoloniaux.
[3] Le département d’Agronomie de l’Inra est particulièrement affecté par la baisse des crédits et des recrutements qui frappe la recherche publique à partir de la fin des années 1960 (Cornu et al., 2018).
[4] cité dans l’article « Agronomie », dans Les mots de l’Agronomie (Morlon, 2019). https://mots-agronomie.inra.fr/index.php/Agronome,_agronomie_:_%C3%A9tymologie ).
[5] https://www.agron.iastate.edu/
[6] Voir par exemple aux États-Unis : Changing Departmental Names from Agronomy to Plant, Crop, and Soil Sciences (Raun et al., 1997). «The evolution of plant, crop, and soil sciences, their specialization with time, and the need to clearly communicate their activities to a growing urban population have decreased the common and continued use of words with broader meaning such as agronomy ».
[7] Dès les années 1960, plusieurs précurseurs ont montré les limites de l’approche réductionniste, et proposé des évolutions méthodologiques visant à prendre en compte les interactions et rétroactions au sein de ce que l’on appelle aujourd’hui l’agro-écosystème : citons les travaux de S. Hénin et al. (1960) sur le profil cultural, ou de F. Chaboussou (1970) sur la santé des plantes.
[8] La littérature (cf Doré et al., 2006) désigne par ce terme toute parcelle sur laquelle des techniques agricoles sont appliquées (parcelle de cultures annelles ou pérennes, prairie…).
[9] Extrait de l’éditorial du premier numéro d’Agricultural Systems (Spedding, 1976, 1-3): “It is now generally recognised that whole agricultural systems deserve to be studied in their own right. Such studies enable systems to be planned, chosen, managed, controlled, improved, repaired and invented ».
[10] Du fait du rapprochement conceptuel qui a eu lieu depuis les années 2000 entre agronomie-système et écologie, on parle aujourd’hui d’agro-écosystème pour désigner à la fois ce que l’on appelait « champ cultivé » dans les années 1980, et les paysages constitués d’un ensemble de champs cultivés, de bordures et de zones boisées.
[11] Il semble important de lever ici un malentendu : si les approches systémiques mettent l’accent sur l’importance de bien définir les limites du système étudié (pour cerner l’objet dont on parle et caractériser les interrelations entre sous-systèmes), ces limites ne doivent en aucun cas borner le regard et constituer un carcan. La réussite d’une approche systémique tient largement à la capacité à passer d’un système à un système plus englobant ou à un sous-système, selon les besoins de l’analyse ou de l’action. A chaque changement d’échelle, on redéfinit les limites du système étudié, et on travaille ainsi, successivement ou même simultanément, sur plusieurs systèmes emboîtés (Meynard, 2016). « Agricultural systems cannot always be studied in their entirety, and studies of components and component processes must also be carried out. These component studies should, however, focus on the important parts and this is helped by parallel investigation on the systems of which they are constituents » (Spedding, 1976).
[12] Les premiers pas de l’agronomie système ont concerné ce domaine clinique, avec l’invention du profil cultural par Hénin et al. (1960).
[13] Le glissement sémantique du champ cultivé vers l’agro-écosystème (voir note 8), ou l’appropriation par les agronomes de la notion de service écosystémique (voir figure 1.b) constituent la marque de l’intérêt porté par l’agronomie système aux concepts de l’écologie.
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