La création d’une filière locale pour gérer et valoriser les haies en région allaitante dans la Nièvre
Entretien avec Etienne Bourgy1, recueilli par François Kockmann2
1 Ex-animateur de la FD Cuma de la Nièvre, aujourd’hui conseiller Agroforesterie et Energie à la Chambre d’Agriculture, impliqué dans le réseau en Région Bourgogne Franche Comté, intervenant à RESOLIA APCA sur le Bocage. etienne.bourgy@nievre.chambagri.fr
2 Agronome, 284 route du stade 01600 –Reyrieux France. Courriel : francois.kockmann@wanadoo.fr
Introduction
En France, les haies ont régressé de 70% entre la période 1850-1930, apogée du bocage et 2004, le linéaire diminuant de 2 millions de km à 708 000 km. Le recul des haies, symétrique à celui des prairies permanentes a été spectaculaire entre 1975 et 1987, avec une perte de 45 000 km par an, puis moins conséquent (Pointereau et Coulon, 2006). Toutefois, leur régression reste d’actualité : selon l’enquête de Teruti-Lucas (SSP, 2014), le patrimoine actuel se trouve menacé dans la mesure où les haies anciennes, fréquemment mal gérées, dépérissent. Or ce sont ces haies qui sont en capacité de rendre des services écosystémiques multiples, les nouvelles plantations nécessitant du temps pour jouer ce rôle (Morin et al., 2019).
Les Politiques Publiques ont largement impacté les haies : après la seconde guerre mondiale, les remembrements réalisés dans le but de faciliter la mécanisation induisent des arrachages de haies très conséquents ; il en est fréquemment de même lors des travaux de drainage. La modernisation de l’agriculture se concrétise aussi par une baisse du nombre d’exploitations et son corollaire, leur agrandissement. Dans les régions herbagères en élevage allaitant, l’entretien du bocage traditionnel devient ainsi une forte contrainte au regard de la charge de travail. Au cours de la décennie 1990-2000, la multifonctionnalité de l’agriculture fait l’objet de l’expérimentation « Plan de Développement Durable » où les haies constituent l’un des multiples sujets de réflexion ; les haies feront ensuite l’objet de mesures d’accompagnement dans le cadre du Contrat Territorial d’Exploitation (Ambroise et Kockmann, 2018). En 2005, la loi sur le développement des territoires ruraux supprime la procédure de remembrement en instituant l’Aménagement Foncier Agricole et Forestier (AFAF), avec la volonté d’intégrer les enjeux environnementaux. La PAC (2015-2020) prend en considération les haies par l’obligation de préserver une Surface d’Intérêt Ecologique minimale pour bénéficier du « paiement vert » et par le respect des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE 7) dans le cadre de la conditionnalité de l’octroi des aides (Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2020).
Avec le réchauffement climatique, une nouvelle problématique se profile en région herbagère liée aux fortes importations de paille issue de régions en céréales parfois éloignées, dans les exploitations en élevage allaitant. Or, avec la montée en puissance d’une agriculture décarbonée et la volonté d’améliorer la fertilité de sols, les exploitations céréalières limiteront probablement l’exportation de leur paille. Il apparaît donc indispensable de rechercher une plus forte autonomie des élevages herbagers (Kockmann et al, 2021) : c’est l’intérêt de la création d’une filière locale finalisée sur la gestion et la valorisation des haies, transformées en plaquettes pour remplacer une fraction de la paille, telle qu’innovée dans la Nièvre, illustrant une démarche d’économie circulaire, transversale, intégrant économie et environnement, en impliquant une diversité d’acteurs.
La Cuma Terr’Eau sur le front de l’innovation : agroéquipements performants, organisation du travail, valorisation économique des haies
Le groupe d’éleveurs de Saône et Loire engagés dans l’expérimentation PDD précitée sur la problématique des haies en région allaitante conclut en 1996 à la nécessité de renforcer les capacités d’intervention de la Cuma locale par le recrutement d’un salarié saisonnier. Les charges de travail sont en effet importantes, d’environ 2 à 3 semaines pour l’entretien des haies par exploitation. L’objectif est d’assurer un entretien satisfaisant des haies, dans le cadre d’une approche collective du territoire, en gardant la perspective de maintenir sa qualité environnementale et paysagère. Ce n’est toutefois qu’en 2010 que cette thématique est reprise par la FRCUMA et les Chambres d’agriculture de Bourgogne, qui initient un programme de R & D finalisé sur une gestion écologique et économique du bocage, en recherchant une valorisation en plaquettes pour le chauffage et/ ou la litière. La dynamique a été impulsée par E. Bourgy, alors animateur et conseiller à la FDCUMA de la Nièvre qui témoigne :
« Ce sont les années de sécheresse qui ont impulsé la réflexion de remettre en production les haies chez les éleveurs allaitants, pour être moins dépendants en paille, importée à 80-110 jusqu’à 130 euros la tonne selon les coûts de transport (30, 50, 80 km ou plus). Les responsables et adhérents de la Cuma Terr’Eau, départementale, crée en 2000, ont repéré puis acquis les matériels les plus adaptés et les plus performants pour la taille et l’entretien des haies, en l’occurrence un grappin coupeur (photo n°1) pour mécaniser et sécuriser l’abattage (limitant le recours à la tronçonneuse à la simple reprise des souches) ainsi que pour leur déchiquetage, et un broyeur à bois plaquettes (Photo n°2). Les aspects logistiques ont aussi été réfléchis : une organisation collective et programmée des chantiers de récolte puis de déchiquetage, le transport de la parcelle au lieu de stockage afin de rendre la filière du bois bocager compétitive. En 2011, la Cuma Terr’Eau valorise les haies de 70 adhérents pour un volume global de 8500 Mètre cube Apparent de Plaquettes (MAP). La FD Cuma initie alors une pré-enquête auprès de ces éleveurs pionniers pour valoriser leur expérience et connaître ainsi les points de vigilance, ainsi que les difficultés et les premiers constats opérés dans la mise en pratique de cette innovation. Les résultats ont permis un premier cadrage technique et mis en évidence l’intérêt économique : une exploitation pouvait envisager de valoriser les haies transformées en plaquettes en autoconsommation, soit en combustible pour le chauffage à 0,20 euros/kWh (soit trois à cinq fois moins cher qu’un litre de fioul) ou en litière, une tonne de copeaux à 45-70 euros, équivalant à une tonne de paille en année normale ».
Les éleveurs pionniers tels que V. Pommery, administrateur fondateur de la Cuma Terr’eau ont développé progressivement le bois déchiqueté sur leurs exploitations à différentes fins : chauffage des habitations, litière, vente de copeaux (Cardon, 2018). En élevage allaitant, caractérisé par un résultat courant par UTAF moyen de 10 à 15 000 euros, avec certes une forte variabilité entre les systèmes et à l’intérieur d’un même système, la maîtrise des charges opérationnelles est déterminante (Observatoire Prospectif de l’Agriculture en BFC, 2019).Or, les besoins en paille, variables selon les types de bâtiments, sont de l’ordre de 150 tonnes pour un troupeau de 100 vaches allaitantes, pour l’hivernage complet en aire paillée, soit un coût de 12000 euros pour un prix médian de 80 euros la tonne ; les économies sur ce poste sont donc à rechercher . Même si le maillage bocager varie fortement entre les exploitations, ces différents points de repère économique confortent la stratégie d’investir sur la remise en production des haies en élevage allaitant.
La nécessité de structurer un référentiel local, finalisé sur la filière de valorisation en litière
E. Bourgy développe la dimension R & D liée à cette innovation : « Pour conforter les premiers acquis de la pré-enquête, nous avons mis en place un réseau d’exploitations pilotes, dans la Nièvre, pour tester la pratique du paillage bois en identifiant ainsi les techniques opérationnelles les plus pertinentes pour chacune des phases : le stockage avec le séchage des plaquettes, le paillage avec comparaison entre différentes modalités conjuguées à des observations du comportement des animaux puis le compostage et l’épandage des litières au champ. La ferme expérimentale de Jalogny, en Saône et Loire, spécialisée sur l’élevage en charolais, ainsi que les lycées agricoles en région allaitante puis des GIEE se sont également impliqués pour bâtir progressivement un référentiel local sur la filière de valorisation en litière.
Par rapport au paillage, E. Bourgy indique : « Les copeaux de bois ont un pouvoir absorbant aussi efficace que la paille ; leur manipulation est génératrice d’économies en temps de travail ; ils limitent les odeurs et améliorent le bien-être animal, par la portance de la litière notamment et la propreté des animaux .Expérience à l’appui, la stratégie la plus efficace réside dans l’utilisation en mixte : 20 à 30% de plaquette bois et 70 à 80% de paille ; aujourd’hui les linéaires de haies présents sur nos exploitations d’élevage ne couvrent que 10 à 25 % des besoins annuels en paille »

Par rapport aux aspects agronomiques, les résultats issus des lycées agricoles et donnés par G. Lapalu, responsable de la ferme du Lycée de Chally, indiquent que la remise en production des haies génère une économie de 17 tonnes de paille, libérant ainsi 4 ha en céréales, remplacées par des cultures de pois, féverole, soja, sources de protéines pour accroître l’autonomie alimentaire du troupeau. Quant au Lycée de Montluçon-Larequille, les travaux portent sur la valorisation de la litière : la fermentation du fumier de plaquettes débute plus rapidement que celui de paille ; la montée en température survient dès la mise en andain du fumier, à retourner deux fois en un mois avant son utilisation en compost, sur prairies, sur la base de 15t/ha ; l’épandage est régulier et fin. Un essai réalisé sur des micro-parcelles de 10 m2, finalisé sur la comparaison de différents fumiers et composts, donne les valeurs agronomiques figurant dans le Tableau n°1.
La remise en production des haies en région allaitante a motivé en 2016 la création de deux GIEE, l’un initié par la Cuma Terr’Eau et l’autre porté par le CETA Entre Loire et Allier, rassemblant au total 59 agriculteurs. Là encore, le Lycée agricole de Nevers-Cosne-Plagny est partie prenante au niveau de sa ferme ; c’est la source d’un message fort à l’intention des apprenants pour S. Moulin, enseignante en agronomie : « l’agroécologie implique de nouvelles approches et une transition progressive. Le voir et y participer sur l’exploitation du lycée, se rendre compte que des agriculteurs nivernais s’y engagent en est une autre. Cette prise directe avec la réalité du métier est importante pour les apprenants. L’idée est de faire comprendre aux futurs professionnels que le travail en groupe est un véritable levier : les collectifs d'agriculteurs mutualisent leurs moyens et leurs idées, comparent puis font évoluer leurs systèmes de production ». Les haies et leur multifonctionnalité sont l’objet d’innovations pédagogiques en lycées agricoles telles que la photo-formation (Durox et al., 2017).
E. Bourgy confirme : « La coopération avec les lycées agricoles est primordiale ; c’est bien volontiers que je réponds aux sollicitations, auprès des responsables d’exploitation et/ou des enseignants en agronomie, en zootechnie et en aménagement qui assurent le transfert de ces innovations techniques et pratiques au sein des différentes formations. Quant au référentiel sur la valorisation des haies en litière, il s’est enrichi et consolidé au fil du temps (calibrage des plaquettes, modalités de déchiquetage ; types de matériel notamment) grâce aux différents acteurs : la valorisation est une solution adaptée aux différents types d’élevage ; par ailleurs certains céréaliers du GIEE Magelan s’intéressent fortement aux infrastructures agroécologiques pour valoriser la biodiversité et limiter l’usage des phytosanitaires ».
Une condition déterminante : généraliser le Plan de Gestion Durable de Haies (PGDH)
E. Bourgy, précurseur de la démarche dans la Nièvre : « En fait la pérennité de la filière ainsi crée repose sur une adhésion croissante des agriculteurs à la réalisation d’un PGDH, soutenu par la région Bourgogne Franche Comté, standardisé aujourd’hui au niveau national par l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture et l’Afac-Agroforesteries. Le PGDH répond à une action du Plan de développement de l’agroforesterie porté par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour concevoir une démarche intégrative des différentes exigences liées à la durabilité. Le PGDH est un outil du conseiller bocage pour accompagner l’agriculteur dans la réappropriation de ses haies et dans ses changements de pratiques. La visée est d’inventorier les types de haies et leurs composantes, de prioriser les interventions de coupes sur les 15 prochaines années selon leur cycle de gestion et de calculer notamment la quantité de bois que peut prélever l’exploitant chaque année sans altérer son capital. Le diagnostic identifie en outre les haies basses qui peuvent être orientées en haies hautes et productives, la replantation éventuelle de haies, l’enrichissement des ripisylves ou la régénération d’arbres têtards : ce sont là des ressources pour accroître le potentiel valorisable à 5/10 et 15 ans sur l’exploitation sous l’angle de sa gestion sylvicole. Le diagnostic porte également sur d’autres enjeux comme la biodiversité (avec l’indicateur de biodiversité potentiel des haies), le stockage de carbone additionnel, la réglementation ... Nous avons animé plusieurs journées sur le terrain pour mettre l’accent, au-delà des agroéquipements performants, sur la nécessité de poser un diagnostic avec une visée prospective, renouvelée (Encadré n° 1).
Encadré n°1 : PGDH sur une exploitation de 280 ha (Gaec de la Motte) en élevage allaitant.
L’exploitation a fait l’objet d’une journée d’information sur la haie animée par FD Cuma-Chambre d’agriculture et Conservatoire des Espaces Naturels de Bourgogne (2014). Le PGDH se caractérise par un maillage bocager conséquent, 143ml /ha, correspondant à un volume mobilisable annuel de 142 MAP* équivalent à 30 tonnes de paille ; il est recommandé au Gaec de rechercher des gains en transformant 6143 ml de haies basses en haies hautes et des économies en limitant certains broyages d’entretien inutiles. (Source : E. Bourgy)
E. Bourgy approfondit cette démarche de développement : En fait le PGDH incite à un changement de stratégie : en lieu et place d’un entretien annuel des haies basses avec un broyeur, l’éleveur les transforme progressivement en les laissant monter en haies hautes, en limitant l’entretien aux seuls flancs des haies tous les deux ans ; ainsi au terme de 20 années, il gagne sur la période 60% en temps pour l’entretien et 40% en économie de carburant. La haie fait alors 10 à15 mètres de hauteur, comprend des perches et arbres de 15 à 25 cm de diamètre voire plus, qui sont alors récoltés au grappin-coupeur ; leurs souches feront des rejets au printemps suivant ; les sujets plus petits bénéficient dès lors de la lumière pour se développer ; ainsi on maintient une haie régénérée et productive. C’est un profond changement de pratiques, mais en réalité, on préconise le savoir-faire des anciens éleveurs : densifier la production de haies sur le linéaire en valorisant l’énergie lumineuse à plusieurs étages avec une récolte sélective et une connaissance des espèces et de leurs caractéristiques. Entretenir ainsi les haies c’est favoriser la biodiversité végétale et cynégétique.
Plus largement, le PDGH constitue une opportunité pour échanger avec l’agriculteur au pied de la haie afin de l’aider à changer de regard : percevoir les haies non plus comme une contrainte, en les laissant dépérir progressivement par des pratiques inadaptées mais bien comme une opportunité , sources de plus-values technique , économique et environnementale sur l’exploitation à condition de réactualiser des savoirs-faires anciens , avec l’énorme atout offert par les innovations en agroéquipements , gérés en collectif . C’est aujourd’hui une prestation assurée par la Chambre d’agriculture de la Nièvre.
E. Bourgy précise : Le PDGH est un diagnostic spatialisé sur les haies, qui recouvrent au demeurant une grande diversité sur une exploitation, base pour rechercher ensuite des solutions durables, parfois des compromis. Nous pouvons l’illustrer avec le cas de la ripisylve, une ressource souvent majeure. En Nivernais, nombreuses sont les ripisylves arrivées à maturité depuis plusieurs années et qui menacent de se dégrader au regard du dépérissement de ses arbres, du vieillissement des souches et cépées. Cela génère des problèmes en cascade (arrachage des souches, embâcles, bois mort sur clôture…). L’arrivée d’une mécanisation adaptée à l’abattage des bois facilite l’accès à cette ressource jusqu’à présent délaissée mais l’exploiter durablement requiert des règles essentielles à mettre en pratique. Les cours d’eau sont au carrefour de multiples fonctionnalités : les ripisylves, composées d’une végétation herbacée, arbustive et arborescente, jouent un rôle de brise-vent, d’épuration de l’eau, de stabilisation des berges, apportant un microclimat frais et régulier propice à une vie aquatique diversifiée. L’objectif est de trouver un compromis d’exploitation qui respecte l’ensemble des usages dont fait l’objet le cours d’eau : la ripisylve exploitée par tronçons réguliers et étalés sur quelques années concilie production de bois, compétitivité de la ressource, intérêt technico-économique des entreprises agricoles, régénération dynamique (gage d'avenir de la ripisylve) et respect de l’environnement.
Enfin dans la suite logique du PGDH, la création en 2019 du label Haie : c’est une certification nationale qui garantit la gestion durable des haies. Le label offre l’opportunité aux agriculteurs de valoriser économiquement les services écosystémiques rendus par la haie et ses produits directs (bois énergie, litière plaquette, bois d’œuvre) auprès d’acheteurs multiples (collectivités, coopératives, …). Au-delà d’une valorisation économique, le Label Haie est un outil qui permet d’accompagner, dans la durée, l’agriculteur dans sa pratique d’amélioration de la gestion des haies et la mise en œuvre concrète du PGDH.
Au niveau territorial, les haies, au cœur des transitions écologique et énergétique
La démarche globale qui a reposé sur un diagnostic des freins à l’entretien des haies au niveau de l’exploitation allaitante, en l’occurrence la charge en temps de travail, le coût des travaux associés aux risques d’accidents dégage des perspectives constructives de valorisation écologique et économique des haies en litière mais aussi en combustible pour les chaudières ou en vente aux collectivités et entreprises. La Cuma Terr’Eau, forte aujourd’hui de 350 adhérents, déchiquette un volume annuel de 44 000 MAP, destiné à (i) l’autoconsommation d’énergie, 15 000 MAP pour la combustion de 120 chaudières automatisées individuelles et d’une quinzaine de chaudières de collectivités et entreprises, équivalent à 1,275 million de litres de fioul et (ii) à la litière des animaux 23 500 MAP, en pleine expansion.
E. Bourgy met en relief le bilan énergétique : « La valorisation en combustible a mobilisé les compétences d’un réseau de 25 chauffagistes, sachant que les plaquettes, qui font l’objet d’une classification normée (Référentiel combustible Bois énergie -ADEME-FCBA, 2008 puis certification Chaleur Bois Qualité+ aujourd’hui), constituent un combustible très compétitif par rapport aux autres sources d’énergie (électricité, gaz, fuel, autres) (Source : ADEME BFC). Le bilan énergétique se caractérise par l’efficacité énergétique, correspondant au rapport entre l’énergie brute obtenue par le combustible et l’énergie fossile consommée pour produire le combustible, en l’occurrence par la culture et sa transformation pour une filière végétale. Le tableau n°2 illustre le bilan énergétique très satisfaisant des plaquettes bocagères : la coupe de bois sur 100ml de haies, le déchiquetage et le transport consomment 32 EQF (équivalent litre de fioul) alors que la récolte, tous les 10 ans, fournit 15m3 correspondant à 1400 EQF ; la production d’énergie nette est donc de 1368 EQF, soit une efficacité de 1400/32 donc de 43,75 !
La filière de valorisation en litière est aujourd’hui initiée dans plusieurs départements en Bourgogne Franche-Comté : en 2019, plus de 100 éleveurs pratiquent la litière bois plaquettes en autoconsommation sur leurs exploitations, économisant ainsi l’achat de plus de 8000 tonnes de paille et le transport afférent (340 camions) et donc une amélioration du bilan carbone. Comme source d’économie circulaire, la remise en production des haies avec les différentes filières de valorisation offre un potentiel très conséquent ; la dynamique est fortement soutenue, depuis le début, par le Conseil Régional et l’association Alterre BFC en synergie avec l’ADEME ».
Conclusion
Dans un article sur le « système de culture » édité dans les Mots de l’Agronomie, en 2019, F. Papy en décline son histoire et son caractère central pour les agronomes mais souligne aussi son incomplétude dans la mesure où tel que défini, le système de culture ne porte pas sur les pratiques d’aménagement de l’espace. Or les interactions entre ces deux catégories de pratiques existent : en région de grandes cultures notamment, F. Papy mentionne que « ce sont les méfaits d'une agriculture usant de façon débridée d'intrants fossiles et de produits chimiques qui ont sonné l'alarme et incité les agronomes à avoir une approche plus intégrative de pratiques d'aménagement et des systèmes de culture. Que ce soit pour réguler des flux de molécules, de terre, de gènes, pour créer les habitats d'une biodiversité pilotée ou encore pour articuler logiques de filières et logiques de territoires, il devient nécessaire de concevoir, de façon coordonnée, aménagements d'infrastructures et systèmes de culture. C'est une des voies que prend l'agronomie aujourd'hui ».
En régions herbagères, où le concept de système de culture s’applique aux prairies permanentes, les conseillers-ères en agronomie se sont focalisés sur les modalités techniques de conduite des prairies en négligeant singulièrement les haies. Le Grenelle de l’Environnement (2008) puis la Loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (2014) ont contribué à une meilleure prise en compte de la multifonctionnalité de l’agriculture, notamment par le recrutement d’ingénieurs-conseils en énergie et en agroforesterie dans les structures de développement, qui apportent une valeur-ajoutée certaine et bienvenue dans les équipes de conseil-accompagnement auprès des agriculteurs et agricultrices, à l’image de la Chambre d’agriculture de la Nièvre.
Le présent témoignage illustre aussi que le développement territorial orienté sur une agriculture multifonctionnelle et durable pour faire face à la complexité et à l’intrication des enjeux, nécessite sur le terrain la mise en pratique de stratégies d’alliances et de complémentarités entre la diversité des structures (conseil, coopérative, entreprise, enseignement) et des acteurs (Etat, Région, collectivités locales, associations) en recréant du lien social avec les habitants.
Références bibliographiques
Sources documentaires mises à disposition par Etienne Bourgy, consultées pour la mise en forme de son témoignage
- Bourgy E. (2020). Litière bois-plaquette ; Valorisation du bocage ; une Gestion durable systémique : diaporamas, supports pédagogiques conçus pour la formation des conseillers RESOLIA / APCA.
- Bourgy E. (2020). Fiche Litière Bois-plaquette : réussir sa litière en bovins allaitants -16 pages-
- Bourgy E. (2017). Dossier technique : Comment exploiter les ripisylves ? Gestion durable des ripisylves-12 pages-
- Alterre Bourgogne Franche Comté (2015). Les haies, une opportunité pour les agriculteurs -Témoignage d’Etienne Bourgy, chargé de projet en Energie à la Chambre d’Agriculture de la Nièvre. Repères n°70 -La trame verte et bleue : pour concilier aménagement et biodiversité.
- Plusieurs articles de la Presse agricole locale
- Film (2014) : « Bois bocage : nouvelle ressource en litière », par C. Beauvois (Chambre d’agriculture de la Nièvre) et F.Pierson, (Chambre régionale d’agriculture Bourgogne-Franche Comté), avec la FD Cuma de la Nièvre. http://www.dailymotion.com/video/x4hl8ui_bois-bocage-nouvelle-ressource-en-litiere_tech
Autres sources
ADEME/ARF - Guide méthodologique du développement des stratégies régionales d’économie circulaire en France -2014 – 89 pages.
Ambroise R., Kockmann F. (2018). Les plans de Développement Durable en agriculture (1993-1999) : une expérience de design territorial ? in AE&S 8-2, pp173-180.
Canaud J-F., (2012). Gérer et Valoriser les haies du bocage : résultats d’une expérimentation sur trois ans (Note de synthèse). Lycée Agricole de Montluçon-Larequille jean-françois.canaud@educagri.fr
Cardon A., (2018). L’utilisation de plaquettes en litières. Fiche rédigée dans le cadre du programme ARBELE. www.idele.fr
Durox C., Gaborieau I., Auffret M-S., Toullec J-L., Peltier C. (2017). Haies et multifonctionnalité – Animation et développement des Territoires-Novembre 2017-Ministère de l’Agriculture – La Bergerie Nationale
Kockmann F., Lecatre H., Dury B. (2021). PAC : biodiversité et compétitivité des exploitations dans le bassin allaitant de Saône et Loire. Revue AE&S n°11-1
Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (2020). La PAC en un coup d’œil - Document édité en avril 2020, 20 pages + annexes. https://agriculture.gouv.fr/la-loi-agriculture-et-alimentation
Morin S., Commagnac L.,Benest F. (2019)- Caractériser et suivre qualitativement et quantitativement les haies et le bocage en France in Sciences ,Eaux & Territoires n°30, 2019 , pp 16-21.
Observatoire Prospectif de l’Agriculture en Bourgogne Franche-Comté (2019). L’élevage de bovins viande. Site bourgognefranchecomte.chambagri@agriculture.fr
Papy F., (2019). Le système de culture in Mots de l’Agronomie https://lorexplor.istex.fr/Wicri/Europe/France/InraMotsAgro/fr/index.php?title=Syst%C3%A8me_de_culture&oldid=2066
Pointereau P. et Coulon F. (2006) – La haie en France et en Europe : évolution ou régression, au travers des Politiques agricoles. Premières rencontres nationales de la haie champêtre – Auch-5,6 et 7 octobre 2006 -9 pages philippe.pointereau@solagro.asso.fr
SSP, 2014, Service de la Statistique et de la Prospective, Enquête Teruti-Lucas, Agreste : la statistique agricole.
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