Couverts et adventices : partage d’expériences entre deux agriculteurs et point de vue d’une animatrice du réseau CUMA
Entretiens avec D.Blot (1), J-M Prud’homme(2) et A-L Duhaut(3) , recueillis et mis en forme par I. Tayeb et H.Bossuat (4)
1-David Blot, agriculteur dans la Vienne
2-Jean-Marc Prud’homme, agriculteur en Charente
3-Anne-Laure Duhaut, animatrice à la fédération des Cuma Bretagne Ile Armor
4-Inès Tayeb, Chargée d’étude Économie de la machine, à FNCUMA
4-Hervé Bossuat, Chef du Pôle Développement-Projets, à FNCUMA
Courriel : herve.bossuat@cuma.fr
https://doi.org/10.54800/azh473
Introduction
Dans le réseau CUMA, nous constatons un développement de la pratique des couverts végétaux chez les adhérents, notamment via une augmentation des investissements dans du matériel adapté. Nous avons recueilli les témoignages de deux agriculteurs utilisant des couverts végétaux. Leur parcours et leur expérience permettent d’illustrer un gradient d’usage des couverts dans la lutte contre les adventices, ainsi que les avantages et difficultés posées par ce type de pratique. Ces témoignages sont enrichis par le point de vue d’une animatrice à la fédération des Cuma Ille Armor (Côtes d’Armor et Ille et Vilaine) qui apporte un regard plus global sur l’évolution de ces pratiques au sein des adhérents de sa fédération.
Témoignages d’agriculteurs
David Blot (DB) : agriculteur dans la Vienne depuis 23 ans, producteur de céréales, maïs pop-corn, pois chiche.
Jean-Marc Prud’homme (JMP) : agriculteur en Charente, producteur de céréales, engagé dans l’agriculture de conservation des sols depuis plus de 15 ans.
Quelles sont les principales motivations qui vous ont amené à implanter des couverts ?
DB : Au tout début, en 2015, il s’agissait de semer des plantes en association avec les colzas pour réduire l’utilisation des insecticides : en augmentant la diversité botanique, on fait baisser la pression des ravageurs et cela permet l’arrêt des insecticides à l’automne. Ensuite, quand je me suis lancé dans les semis directs, j’ai vraiment généralisé l’utilisation des couverts. Mais il faut savoir que, pour moi comme pour beaucoup de mes collègues, les couverts ont rarement comme but premier de réguler les adventices : nous les utilisons d’abord pour améliorer la fertilité de nos sols, retrouver de la matière organique et de la vie dans le sol. Notre principal problème d'adventices, ce sont les graminées, qui arrivent avec la diminution du travail du sol, les tassements …. On y remédie par tout un travail sur la structure du sol : éventuellement un décompactage pour démarrer, amélioration du taux de matière organique, augmentation de la durée des rotations, diminution du tassement avec des pneumatiques adaptés … Une fois que l’on a commencé à retrouver des sols fertiles, les couverts végétaux rejoignent la "boîte à outils” pour lutter contre les adventices, mais c’est dans un second temps.
JMP : De mon côté, nous sommes engagés dans l’agriculture de conservation des sols depuis une quinzaine d’années ; nous avons tout d’abord commencé par du semis direct sans couverts végétaux et nous nous sommes très rapidement aperçus que si nous ne mettions pas en place des couverts végétaux permanents, « nous allions dans le mur » : les adventices envahissaient les parcelles. Nous avons donc réagi rapidement en implantant des couverts végétaux. Nous avons essayé plusieurs espèces de couverts et nous avons remarqué que, face au salissement, c’était les couverts à développement rapide (avec des plantes telles que la moutarde, l’avoine, la phacélie …) qui étaient les meilleurs. En effet, c’est une course de vitesse qui se joue entre les adventices et les couverts et il faut donc pouvoir obtenir rapidement une couverture maximale du sol : cela permet de favoriser l’ombrage et de limiter l'accès à l'eau pour les adventices. Il est à noter qu’il est très important que la couverture soit dense et intense.
Diriez-vous que les couverts végétaux sont pour vous un véritable outil de gestion des adventices ?
DB : Comme exprimé précédemment, on utilise rarement les couverts dans l’objectif premier de gérer les adventices : c’est plutôt une conséquence de leur utilisation pour la fertilité des sols. Et il s’avère que c’est une technique assez difficile à maîtriser : il faut bien connaître ses sols, les cycles des adventices, les caractéristiques des mélanges variétaux utilisés pour les couverts, tels que le potentiel de couverture des variétés ou leur effet allélopathique (cas du sarrasin notamment) … Il faut du temps et de la pratique pour que les couverts se développent bien et gênent l’installation des adventices, de façon à pouvoir se passer d’herbicides, ou les combiner avec de la destruction mécanique. Certains collègues arrivent à se passer de désherbage chimique une année sur 2 (ou une année sur 3). Personnellement, je n’en suis pas encore là car je n’ai pas assez d’expérience. Mais cela fait partie de mes objectifs à court terme pour pouvoir limiter la pression des adventices sans avoir à sortir le pulvérisateur.
JMP : En ce qui me concerne, c’est effectivement un véritable outil de gestion. Mais comme le dit David, beaucoup d’agriculteurs font simplement face à la réglementation qui impose qu’en intercultures longues, des couverts végétaux doivent être implantés. Ils achètent donc quelques kg de semences de couverts sans pour autant considérer cette culture comme une culture principale à part entière, c’est-à-dire sans lui accorder la dimension économique qu’elle mérite. Si on n’y attache pas suffisamment d’importance, on va à l’échec. Souvent, ces implantations sont faites à l’économie, avec des densités beaucoup trop faibles qui se traduisent par une mauvaise couverture de sol.
Selon vous, quels sont les avantages / inconvénients des couverts par rapport aux autres modalités de gestion des adventices ?
DB : Il m’est difficile de répondre à cette question car, une fois de plus, je ne peux pas distinguer l’effet “adventices” des autres effets apportés par les couverts.
D’un point de vue économique de court terme, il est évident que les couverts n’ont pas l’avantage face à la chimie : 30 euros par hectare ensemencé (même si on travaille avec des semences fermières pour limiter le coût) alors que le glyphosate revient à 8 euros par hectare, en moyenne. Mais si on se place à un niveau global, avec une vision de long terme, il est clair que les couverts ont de nombreux avantages : biodiversité, apport d'éléments nutritifs, stockage du carbone, réduction de l’évapotranspiration et maintien de l’humidité du sol, couverture du sol limitant le développement des adventices …
Pour moi, en système conventionnel, les couverts n’ont pas vocation à remplacer la chimie : ils viennent compléter la boîte à outils, et réduire l’utilisation des intrants, ce qui est quand même un gros avantage au plan environnemental, limiter des produits toxiques par des plantes ce n’est pas anodin.
JMP : L’avantage principal de ces pratiques est la réduction d’utilisation de produits phytosanitaires suite à l'implantation de couverts étouffants. Si je compare mes pratiques avec certains en système conventionnel (ils utilisent en moyenne entre 120 à 150 € de produits phytosanitaires par ha pour lutter contre le salissement du blé), je reste très loin de ça. Je ne suis pas non plus confronté à l’envahissement de mes parcelles par le ray-grass résistant qui est le principal problème de notre secteur. Notre méthode de travail fait qu’on en a beaucoup moins, on arrive à le gérer et on est dans un système où on garde toute la maîtrise.
De plus, on fait pâturer nos couverts par des bovins, et certaines adventices se trouvent pâturées par la même occasion. Les résultats obtenus sur la gestion des adventices par les couverts végétaux sont loin d'égaler les résultats d'un herbicide total mais permettent de baisser considérablement l’indice de fréquence de traitement.
Vous êtes adhérent de Cuma : est-ce que vous utilisez du matériel pour traiter cette question de gestion des adventices par le biais des couverts en collectif ?
JMP : le fait d’être en Cuma nous permet de mutualiser l’acquisition et partager l’utilisation d’agroéquipement spécifique : nous sommes 6 adhérents parmi 40 à utiliser un matériel qui sert à faire du désherbage mécanique sur des luzernes pour gérer le salissement. C’est un destructeur de couvert couplé à une herse à paille : “Cultro de chez Horsch” qui est un outil aratoire avec des dents qui va faire du mini scalpage et qui appartient à la Cuma des GROIEF située en Charente.
Vous vous êtes formés sur cette thématique des couverts végétaux ou relève-t-elle de votre expérience professionnelle ?
JMP : le choix du couvert est plutôt venu de ma propre expérience, car les apports théoriques - bien qu’étant essentiels - ne répondent pas toujours à mes besoins. Notre mélange pour gérer les adventices en interculture courte est un mélange 100 % crucifères qui se développe rapidement. Ce mélange est destiné à la gestion du salissement, il amène du carbone dans le sol et améliore sa vie… La formation et la prise d'informations doivent se faire en continu sur ces sujets afin de coupler théorie et mise en pratique.
Vous êtes en Cuma, vous êtes donc en contact avec d’autres agriculteurs qui ont expérimenté les couverts pour gérer les adventices : observez-vous une dynamique croissante de ces pratiques ?
JMP : Je trouve que pour l’instant, c’est encore très timide : les gens répondent à l’aspect réglementaire, mais n’essaient pas de tirer profit de la contrainte. En ce qui me concerne, je me pose toujours la même question dès qu’une contrainte s’impose à nous : comment tirer parti de celle-ci et l'améliorer ?
Y a-t-il des verrous techniques à lever par la recherche ou les instituts techniques afin que les couverts deviennent un outil pratique de gestion des adventices ?
DB : Nous avons récemment pris contact avec l’INRAE pour échanger sur divers sujets. Il y a un gros besoin de mieux connaître les variétés et leur rôle dans chaque type de couvert : comme je l’ai indiqué plus haut, cette connaissance est indispensable pour bien maîtriser la technique et réduire le recours aux herbicides.
JMP : Le rôle de la recherche est très important sur un sujet complexe comme celui dont nous parlons. Nous, en tant qu’agriculteurs, nous remarquons des choses mais nous ne savons pas les expliquer scientifiquement, nous avons donc besoin d’eux pour qu’ils traduisent nos expériences en se basant sur la science, pour les expliquer, les publier, les valoriser… Il y a tellement de sujets à traiter en rapport avec les couverts végétaux qu’il faudrait dédier un article.
Pour clôturer cet entretien, je veux partager mon expérience avec les agriculteurs : avant de vous lancer et d’arriver à des choses compliquées, commencez par des choses simples. Pour réussir vos couverts végétaux, il y a quelques fondamentaux à respecter mais il faut aussi être en capacité de s’adapter à la situation et toujours avoir un plan B. J’ai eu des échecs durant ces 15 dernières années, non pas dûs à l’invasion par des mauvaises herbes mais plutôt à des problèmes d’implantation. On nous dit toujours de semer 48 heures au plus tard après la moisson, mais si la météo n'est pas favorable, ce n’est pas la peine de tenter un couvert au-delà de 48 heures. Surveiller la météo : attendre la pluie pour reprendre le travail. Il faut aussi être prêt matériellement, avoir les semences chez soi, … Il faut anticiper. La clé de la réussite c’est être vigilant et prêt. Il n'y a pas de recette miracle.
Entretien avec Anne-Laure Duhaut, animatrice à la fédération des Cuma Bretagne Ille Armor
De formation ingénieur agronome issue d'AgroParisTech avec une spécialisation en production et innovation des systèmes techniques végétaux
Quelles sont les principales motivations qui amènent les agriculteurs à s’intéresser à l’implantation de couverts ?
En Bretagne, le principal facteur déclenchant est la réglementation : suite à la Directive Nitrates, la couverture des sols est obligatoire en hiver depuis 2008. Mais aujourd’hui, de nombreux agriculteurs transforment cette obligation en opportunité agronomique : conscients de l’importance des couverts pour améliorer la qualité des sols, et réduire l’installation des adventices, ils recherchent des couverts efficaces à un coût acceptable. Il en découle la question de la destruction de ces couverts : afin de ne pas se retrouver à accroître l’utilisation d’herbicides, ils souhaitent disposer de solutions mécaniques efficaces. Par ailleurs, quitte à implanter un couvert, autant en profiter pour qu’il soit valorisable, par exemple en alimentation pour le bétail ou en CIVE (Culture Intermédiaire à Vocation Énergétique).
Parmi ces motivations, quelle place prend l’utilisation des couverts végétaux pour gérer les adventices ?
En système conventionnel, le couvert est rarement utilisé pour lutter contre les adventices. Dans notre secteur d’Ille et Vilaine, c’est la filière bovine qui domine et ce sont plutôt les prairies longues durée qui ont ce rôle de lutte contre les adventices. Cependant depuis quelques années, on constate une “végétalisation” des exploitations au sens où les ateliers d’élevage sont remplacés par des ateliers de grandes cultures. Quand il y a implantation de couverts, les intentions premières sont souvent d’améliorer la vie du sol et de l’enrichir en matière organique. Cela étant, dans certaines exploitations qui ont installé des grandes cultures à la place de l’élevage, on constate des implantations de sarrasin pour nettoyer les parcelles.
Quels sont les avantages / inconvénients des couverts par rapport aux autres modalités de gestion des adventices ?
Il est difficile de répondre à cette question car, comme je l’ai dit, nous n’en sommes pas encore au stade où les couverts sont implantés dans l’objectif spécifique de lutter contre les adventices : ça reste une intention de second ordre. Mais le caractère obligatoire des couverts, qui génère souvent de l’agacement chez les producteurs dans un premier temps, amène à une démarche de réflexion systémique : on prend le temps d’y réfléchir pour optimiser, concilier les enjeux agronomiques et économiques, travailler l’adéquation mélange / agroéquipement / météo. Au final, ça permet d’avoir des sols plus propres à la fin de l’hiver. La question des couverts amène rapidement le sujet du bon matériel pour la destruction. C’est plus difficile pour ceux qui, par souci de simplification, couvrent en moutarde pure car si on intervient trop tard, la destruction est mal faite et il y a de nombreuses repousses et donc besoin de faire un passage avec des herbicides.
Au sein de la Cuma, comment la question des couverts végétaux est-elle traitée (Est-ce juste de la mutualisation du matériel ou plutôt une volonté collective de travailler sur ce sujet ?) et à quel moment intervient-elle ?
C’est souvent le sujet de la mutualisation du matériel, mais le type de matériel concerné va impacter la nature de la réflexion. Pour les groupes qui entrent par la question du semis, il y a une approche qui dépasse la mutualisation et qui va jusqu’à travailler collectivement les chantiers et la nature des couverts.
Quel est le rôle des fédérations de proximité du réseau Cuma dans la prise de conscience des agriculteurs de mobiliser ces pratiques ?
Il s’agit très majoritairement d’une démarche impulsée par les agriculteurs eux-mêmes. Ils se tournent ensuite vers les animateurs pour solliciter un accompagnement dans la gestion optimale des couverts, à la fois sur un plan technique et sur un plan d’animation des réflexions. De temps en temps, un animateur peut éclairer vers un changement de couvert face à un matériel qui est jugé non opérationnel. De notre côté, nous organisons régulièrement des démonstrations autour de la destruction de couverts, on mobilise beaucoup de monde, ce qui peut déclencher ensuite des envies de changements de pratiques. Ces événements sont souvent impulsés par les syndicats de bassins versants et financés par les agences de l’eau, en partenariat avec les autres organismes de développement.
En tant qu’animatrice, quelles sont les compétences que vous jugez indispensables pour accompagner un tel projet ? Avez-vous besoin de recourir à de l’expertise externe (chambres d’agriculture, centre d’études techniques agricoles (ceta), groupements d’agriculteurs biologiques (gab), conseillers indépendants …) ?
En matière d’accompagnement, cette thématique mobilise les mêmes compétences que n’importe quel autre sujet : être à l’écoute, reformuler pour bien identifier la problématique, avoir une bonne capacité de synthèse pour faire émerger une solution collective à partir d’une problématique individuelle. C’est plutôt en matière agronomique qu’il faut disposer d’un minimum de bagage technique : intérêt pour la vie du sol, connaissance des systèmes de culture… Mais sur des sujets d’un tel niveau de complexité, il est indispensable et intéressant de mobiliser d’autres compétences et d’aller vers d’autres partenaires qui apportent des connaissances et des regards complémentaires : les collaborations avec les chambres d’agriculture, ceta et gab sont à ce titre très fréquentes. C’est essentiel pour un jeune animateur et c’est toujours intéressant pour un animateur expérimenté. Pour cela, on regarde quelles sont les structures qui interagissent déjà avec les agriculteurs de la cuma car de cette façon, on garantit un bon niveau de confiance et on augmente les chances de succès.
Au-delà des connaissances techniques, y a-t-il besoin d’un accompagnement au changement des habitudes et des pratiques ? Si oui, quelles méthodes utilisez-vous ? quels sont les freins ?
La meilleure méthode pour lever les blocages, c’est d’utiliser la force de l’exemple : trouver quelqu’un qui a su faire, ou qui est prêt à se lancer dans une expérimentation. Le partage entre pairs reste la meilleure façon d’impulser des changements.
Avez-vous des échanges avec d’autres animateurs sur ce sujet : si oui, selon quelles modalités ? A quelle échelle ? Avec d’autres organismes de développement (chambres, civam, ITA …) ?
Deux fois par an, les animateurs du Grand Ouest sont réunis par la fédération régionale. En amont, il nous est demandé de faire remonter des fiches avec les sujets que l’on souhaite traiter. Pendant ces journées, nous pouvons échanger entre collègues de la région sur les thèmes que nous rencontrons dans les cuma que nous accompagnons, ainsi que sur nos méthodes de travail. Par ailleurs, nous rencontrons d’autres organismes à la faveur de salons, colloques, journées techniques (fermes ouvertes des civam, groupes dephy / GIEE / 30 000) qui organisent des journées de restitution.
Quels sont les retours des cuma et des agriculteurs qui ont expérimenté les couverts pour gérer les adventices ? Observez-vous une dynamique croissante de ces pratiques (nombre de cuma qui s’équipent en matériel spécifique, nombre d’agriculteurs) ? Constate-t-on une réduction d’usage des herbicides ? Si oui, peut-on la mesurer ?
C’est difficile à évaluer et nous ne disposons pas d’outil de mesure pour cela. Mais, même si cela reste de l’ordre du ressenti, on constate un réel intérêt pour les couverts, pour en dépasser l’obligation réglementaire et en faire quelque chose d’utile. Les cuma font évoluer leur matériel vers du matériel plus efficace, plus adapté aux types de couverts qui vont être implantés. Les animateurs sollicitent alors les constructeurs pour organiser des démonstrations et des tests qui permettent de mesurer s’il y a des repousses … On diffuse les résultats via la revue Entraid, sous forme de vidéos, on actualise les vidéos pour intégrer les résultats d’essais, on profite des assemblées générales de cuma pour aborder des sujets techniques, tel celui des couverts végétaux, et présenter des résultats.
Y-a- il des échecs d’adoption des matériels spécifiques à la gestion des couverts sans destruction chimique dans les Cuma que vous animez ? si oui, comment pouvez-vous les expliquer ?
Malheureusement oui : c’est le cas du rouleau hacheur qui ne travaille pas aussi bien que prévu dans certaines conditions météo. Du coup, les agriculteurs ne s’en servent pas. Cependant, on commence à avoir de bonnes intuitions sur l’adéquation entre les dimensions “couvert + matériel + conditions météo”. Mais on a encore besoin de progresser au plan technique et d’un meilleur partage d’informations qui existent peut-être ailleurs.
En conclusion
Le partage d’expériences entre les deux agriculteurs illustre deux logiques d’action différentes par rapport aux couverts végétaux, dans la lutte contre les adventices : un levier complémentaire à une maîtrise des adventices par la chimie pour l’un, ou un levier central, très intégré et déterminant pour l’autre. Par ailleurs, ces logiques reposent sur une vision systémique ; leur approfondissement, en identifiant leurs règles de décision relatives à la gestion des adventices à l’échelle de la saison et à l’échelle du système de culture conduirait à l’expression de deux modèles pour l’action différenciés (Cerf et Sebillotte, 1988). En filigrane, les agriculteurs esquissent une troisième logique d’action, correspondant à une gestion au moindre coût d’une contrainte liée à la réglementation.
Le point de vue micro-régional développé par l’animatrice confirme la diversité des motivations et des pratiques des agriculteurs, diversité à prendre en considération dans les modalités d’accompagnement. Si la raison d’être des Cuma est fondée sur l’acquisition de matériels adaptés à la diversité des situations, avec une réduction des coûts, le témoignage montre l’intérêt de recruter de jeunes ingénieurs formés en agronomie mais aussi la nécessité de rechercher des coopérations avec les autres structures locales de développement. La concrétisation de stratégies d’alliance et de partenariats en agronomie renforcerait les capacités d’expertise collective associant conseillers-animateurs en agroéquipement, agronomes et agriculteurs et favoriserait la dynamique d’innovations en agroécologie (Salembier C., 2019).
Références bibliographiques
Cerf M., Sebillotte M., 1988. Le concept de modèle général et la prise de décision dans la conduite d’une culture. C.R. de l’Académie d’agriculture, 74 (4), 71-80.
Salembier C., 2019. Stimuler la conception distribuée de systèmes agroécologiques par l’étude de pratiques innovantes d’agriculteurs. Thèse de doctorat de l’Université Paris-Saclay préparée à AgroParisTech, 226 p. + annexes