Zones humides et drainage, une nouvelle donne
Bertrand DURY *, François KOCKMANN **
* pédologue et écologue - Chambre d’agriculture de Saône et Loire
** agronome -ex- Chambre d’agriculture de Saône et Loire
Contact auteurs : bertrand.dury@sl.chambagri.fr
Résumé
Les Zones Humides constituent depuis une dizaine d’années un enjeu écologique majeur que les différents acteurs du drainage doivent intégrer en amont des travaux, dans l’étude préalable. Autrefois associées aux seuls marais ou marécages, avec une connotation négative, les Zones Humides ont fait l’objet d’une révision positive dans leur perception mais aussi dans la construction du concept, englobant aujourd’hui des milieux plus largement que les seuls marais. Le diagnostic pour identifier les Zones Humides sur le terrain repose sur des critères définis, sols et flore ; les retours d’expériences ont conforté leur complémentarité. Les Chambres d’agriculture ont mobilisé leur expertise pour accompagner les différents acteurs territoriaux dans l’évolution profonde que constitue l’intégration de cet enjeu écologique, objet de réglementations complexes. Le drainage, sujet d’une coopération entre pédologues et agronomes durant la période de forte extension de la décennie 1980-90, semble susciter un regain d’intérêt, à soutenir notamment avec le changement climatique.
L’évolution de la perception sociale, économique et juridique des Zones Humides au cours de l’histoire
Il paraît difficile d’aborder la problématique actuelle des Zones Humides sans faire au préalable un retour sur l’histoire.
L’assainissement des zones humides, sources d’insalubrité : un impératif traduit dans le Code Rural
L’assainissement des terrains humides et marécageux correspond à une lutte contre des territoires dangereux pour la santé humaine et à une volonté d’étendre les terres agricoles pour nourrir la population, l’un ou l’autre de ces deux enjeux étant mis en avant selon les époques. Ainsi assainir ces terrains en vue de les cultiver est une préoccupation que l’on trouve dans la littérature agricole tout au long de l’histoire, à commencer par les auteurs latins(Pline le Jeune, Columelle).
Dès le XVIe siècle, un édit d’Henri IV encourage le dessèchement des marais susceptibles de devenir cultivables. Au XVIIIe siècle,conformément à la vision des Physiocrates, « les marais étaient une conquête à faire sur le néant » (Zones Humides Infos, n°42, 2003). Mais ces dispositions se heurtent à la résistance des paysans, qui voient dans les zones humides une ressource économique et nourricière majeure : pâturage surtout, pisciculture et joncs, à l’image du Marais de la Brenne. Sous la Révolution française, la lutte contre les territoires dangereux, source d’insalubrité, motive la rénovation du droit de dessèchement des marais et des étangs. Au cours du XIXe siècle, les textes en faveur du dessèchement et du drainage sont repris par le Code Rural, avec la même volonté étatique de lutter contre les territoires dangereux pour la santé humaine et d’étendre les terres agricoles pour nourrir la population.
Durant le XXe siècle jusqu’en 1992, le droit rural a considéré les zones humides comme « inutiles », ayant vocation à disparaître ; après-guerre, le droit instaure des règles propres à l’hydraulique agricole, levier important pour l’amélioration de la productivité de l’agriculture, en cohérence avec un contexte où prime exclusivement l’économie agricole : la perception dominante relative aux zones humides est associée à des terrains dangereux pour la santé publique, improductifs, à explorer pour l’agriculture. Des innovations technologiques (machines à installer les drains) sont ensuite à l’origine du développement spectaculaire du drainage au cours des années 70-80 voire 90 : les surfaces drainées annuellement augmentent très sensiblement, de 8 780 ha en 1970 à 135 000 ha en 1982, dont une fraction seulement correspond à des zones humides ! (Zones Humides, rapport d’évaluation, 1994).
La reconnaissance écologique : la protection des zones humides, un enjeu multifonctionnel
La première définition juridique des zones humides a été donnée par la convention de Ramsar du 2 février 1971. Ce traité international sur la conservation et l’utilisation durable des zones humides, alerte sur la régression de ces milieux ; il reconnaît leurs fonctions écologiques, particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, ainsi que leur valeur économique, culturelle, scientifique et récréative.
La France n’a ratifié le traité qu’en 1986, en reconnaissant la valeur écologique des zones humides ainsi que leur rôle pour de multiples fonctions :
*sociales et culturelles : lieux de détente, de loisirs et de découverte, de grande qualité paysagère ;
* hydrologiques : régulation du débit des cours d'eau, prévention des inondations, recharge des nappes souterraines, épuration des eaux ;
* biologiques : lieux de reproduction, d’abri et de nourrissage pour de très nombreuses espèces animales, refuge d’espèces végétales rares ;
* économiques : production de sel, de végétaux (roseaux, bois...) et d’animaux (poissons, coquillages, oiseaux...), capitale pour le maintien d’activités telles que la pêche, la chasse, l’élevage des coquillages et des crustacés, la fabrication de matériaux de construction, l’agriculture (fourrage, pâturage).
En 1994, le rapport d’évaluation sur les Zones Humides montre qu’en France, plus de la moitié des zones humides a disparu entre 1940 et 1990, essentiellement du fait de politiques publiques sectorielles, et en particulier l’agriculture, avec l’assainissement et le drainage.
Depuis 1992, un contexte juridique complexe et évolutif : la prédominance du Code de l’Environnement
Réaffirmée par la convention de Rio sur la biodiversité en 1992, la préservation des zones humides a fait l’objet depuis lors de différents textes et lois européens et nationaux, renforçant les dispositifs réglementaires afin d’enrayer la régression de ces milieux, préoccupation à l’origine de la création du Groupe d’Histoire des Zones Humides en 2003.
Aujourd’hui, la préservation des zones humides est inscrite dans plusieurs textes : la loi sur l’eau de 1992, la directive cadre sur l’eau, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la loi sur le développement des territoires ruraux, ainsi que la loi portant sur l’engagement national pour l’environnement, issue du Grenelle de l’environnement.
L’article L211-1 du code de l’Environnement, introduit par la loi sur l’eau de 1992, et sa récente évolution en juillet 2019 avec un amendement créant l’Office Français de la Biodiversité, définit ainsi les zones humides :
« On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».
Dans le cadre de la police de l’eau, cette définition a été précisée par un ensemble de textes réglementaires, dont il résulte que les porteurs de projet, en l’occurrence de travaux hydrauliques, drainage et/ou création de fossés, doivent pouvoir clairement identifier si leur projet est situé en zones humides. Selon leur superficie, les projets sont soumis à autorisation ou à déclaration ; ils peuvent éventuellement concerner plusieurs rubriques de la nomenclature « loi sur l’eau » (R214-1 CE) : les deux principales sont les rubriques 3310 « assèchement » et 3320 « drainage », objet du tableau 1.
La rubrique 3320 a vocation à s’appliquer à tous les projets de drainage par tuyaux enterrés. En revanche, dès lors que le projet est délimité en zone humide, la pratique fait que les opérations de drainage sont rattachées à la rubrique 3310. Un même projet peut donc relever de plusieurs rubriques, relatives aux régimes d’autorisation et de déclaration : dans ce cas, il faut retenir le plus restrictif, à savoir l’autorisation.
Les critères de diagnostic pour identifier et délimiter les Zones Humides sur le terrain
En référence à l’article L.211-1CE, la définition réglementaire des zones humides repose sur deux critères :
- la morphologie des sols liée à la présence prolongée d’eau d’origine naturelle,
- la présence éventuelle de plantes hygrophiles, définies à partir de listes établies par région biogéographique. En l’absence de végétation hygrophile, la morphologie des sols suffit à définir une zone humide.
Les types de sols classés en zones humides
La stagnation prolongée de l’eau modifie les conditions d’oxydoréduction du sol et influence un certain nombre de processus pédologiques. Il en est ainsi pour le fer qui, à l’état oxydé, est rouge à ocre, insoluble et immobile, et à l’état réduit devient soluble et mobile avec l’eau, prenant alors des couleurs vertes à bleu et gris. Il s’ensuit la formation de zones bariolées traduisant ces changements d’état du fer dans le sol.
Les sols de zones humides se caractérisent ainsi généralement par la présence d’une ou plusieurs traces perdurant dans le temps, appelées « traits d’hydromorphie », à observer à partir de sondages pédologiques ; les protocoles de réalisation et les observations morphologiques des sols sont détaillés et explicités dans l’encadré n°1 : « Points de repère opérationnels pour l’expertise en pédologie ».
Les sondages visent à caractériser la présence, la nature et la profondeur d’apparition des « traits d’hydromorphie » pour classer les sols ; les classes IV d, V, VI et H du GEPPA (Groupe d'Etude des problèmes de Pédologie Appliquée) sont retenues pour caractériser les sols de zones humides.
Conformément à l’article R.211-108 CE et l’arrêté 2008 modifié, lorsque les critères liés à la végétation sont absents (saisonnalité, activité humaine, etc.), la morphologie des sols suffit à définir une parcelle en zone humide au titre de l’arrêté 2008 modifié
La végétation
L’arrêté précise que le critère relatif à la végétation peut être appréhendé soit à partir des espèces végétales présentes, soit à partir des communautés d’espèces végétales, dénommées « habitats ».
Pour les espèces
L’examen de la végétation s’effectue sur des placettes placées de part et d’autre de la limite supposée de la zone humide ou de la partie de la zone humide concernée par le projet, en suivant des transects perpendiculaires à cette limite et en localisant une placette par secteur homogène du point de vue des conditions de milieu. Sur chacune des parcelles, il s’agit de vérifier la présence d’espèces dominantes indicatrices de zones humides.
Pour les habitats
L’examen des habitats vise à déterminer s’ils correspondent à un ou plusieurs de ceux caractéristiques des zones humides, d’après la liste retenue dans l’arrêté zones humides 2008, où la mention « H », signifie que cet habitat ainsi que, le cas échéant, tous ceux des niveaux hiérarchiques inférieurs, sont caractéristiques de zones humides. La limite de la zone humide correspond alors au contour de cet espace auquel sont joints, le cas échéant, les espaces identifiés comme humides d’après les critères relatifs aux sols.
Le cas singulier des marais
La définition et le champ d’application de la notion de marais est distincte de la définition de zones humides. Un marais correspond à un milieu humide de type particulier caractérisé par une gestion effective des niveaux d’eaux et des chenaux, conditions indispensables pour que ces milieux humides d’origine anthropique conservent leur caractère humide et leurs qualités (définition retenue par le Service d’Administration Nationale des Données et Référentiels sur l’Eau, SANDRE).
Les jurisprudences administrative et judiciaire (relatives essentiellement aux marais desséchés du Poitevin et de Rochefort) ont précisé que, dans l’hypothèse où les critères sols et végétation constitutifs d’une zone humide n’étaient pas remplis, un projet devrait néanmoins être assujetti à la rubrique 3310 lorsque le terrain pouvait être qualifié de marais. Une parcelle est qualifiée de marais dès lors qu’elle est localisée en zone de marais dans un espace protégé.
Retours d’expériences
L’expérience acquise sur le terrain lors de certains inventaires et/ou de diagnostics relatifs aux Zones Humides conduit aux constats suivants :
La complémentarité des critères sol et flore
Au titre du l211-1 du Code de l’Environnement, des arrêtés du 24 juin 2008 et du 1er octobre 2009, ainsi que de la circulaire du 18 avril 2010, un seul critère, flore ou sol, suffit pour donner le statut de zone humide. Le choix d’utiliser l’un ou l’autre de ces critères dépendra du contexte de terrain. Par exemple :
- Lorsque la végétation n’est pas présente naturellement ou dans des secteurs artificialisés, l’approche pédologique est particulièrement adaptée ;
- Dans des sites à fortes variations topographiques ou avec une flore très typée (certaines zones de marais ou de tourbières par exemple), l’approche à partir de la végétation est à privilégier.
Toutefois des pratiques agricoles, comme l’absence de fauche des « refus de pâturage » un chargement au pâturage trop important ou le chaulage, peuvent influencer la flore de la prairie.
Remarque : l’arrêté zones humides précise également une possibilité d’utilisation du critère géomorphologique (niveau de la nappe phréatique, niveau des marées les plus élevées).
Le choix des périodes d’observations
Par ailleurs, les investigations de terrain doivent être réalisées à une période de l’année permettant d’acquérir des informations fiables :
- Pour l’examen du sol, la fin de l’hiver et le début du printemps sont des périodes idéales pour constater sur le terrain la réalité des excès d’eau ;
- L’observation des traits d’hydromorphie peut être réalisée toute l’année ;
- Pour la végétation, la période incluant la floraison des principales espèces est à privilégier.
L’incidence des conditions météorologiques de l’année
Outre l’influence déjà mentionnée de certaines pratiques agricoles sur la flore, on constate, selon le climat de l’année :
- une plus ou moins grande variabilité floristique intra-parcellaire, exigeant une expertise fine pour délimiter correctement les zones humides ;
- l’apparition et la disparition de certaines espèces, respectivement présentes ou absentes l’année précédente, sur une même prairie ; de même, entre une année très humide et une année très sèche, les proportions en fréquence et en contribution (biomasse) des différentes espèces caractéristiques de Zones Humides peuvent varier de façon assez importante.
Une dynamique d’encadrement réglementaire accompagnée par le développement agricole.
La prise en considération des enjeux écologiques multiples des Zones Humides a fait l’objet de réglementations croissantes par les pouvoirs publics ; les structures de conseil et de médiation que sont les Chambres d’agriculture ont mobilisé leur expertise pour accompagner notamment les agriculteurs dans cette évolution profonde, aux niveaux individuel et collectif.
Le conseil personnalisé (Dury, 2020)
L’étude-diagnostic préalable avant drainage, basée hier sur des critères hydrauliques, agronomiques et économiques, s’enrichit aujourd’hui des critères écologiques relatifs à ce nouvel enjeu que sont les zones humides. Dans cette perspective, en amont de tout projet, le concepteur doit prendre en considération les inventaires de milieux humides, les cartographies ainsi que les dispositifs réglementaires inhérents au territoire : c’est une première base d’information, préalable au projet.
Un « diagnostic Zones Humides » finalisé sur l’identification et la délimitation de zones humides reste impératif dès lors qu’il y a présomption. Les retours d’expérience de terrain ont montré la complémentarité des deux critères, sachant que l’observation du sol consolide singulièrement l’expertise alors que la caractérisation de la flore paraît contingente des conditions climatiques récentes ainsi que de certaines pratiques agronomiques. Le diagnostic relatif aux zones humides requiert des compétences en pédologie : soulignons ici l’intérêt des Référentiels Régionaux Pédologiques (Baize & Girard, 2009 ; Ducellier et al., 2013) ainsi que du guide méthodologique relatif à l’identification des sols de zones humides (Schnebelen & Laroche, 2013).
Toutefois, deux fronts de difficultés :
Si la protection des zones humides s’inscrit plus largement dans la recherche de synergies entre agriculture et biodiversité, vivement recommandée par l’expertise collective de l’INRA (Le Roux et al., 2008), leur prise en considération dans la pratique par les différents acteurs du développement agricole est parfois difficile pour deux raisons :
(1) l’excès d’eau a toujours été une forte contrainte pour l’agriculture : les exploitants ont donc recherché à s’en affranchir ou à la limiter par la création de rigoles ou de fossés, le captage localisé de mouillères et surtout le drainage avec canalisations enterrées ; dans ce contexte, la reconnaissance écologique des zones humides a constitué un changement radical ;
(2) la complexité, le flou parfois et l’enchevêtrement des réglementations successives relatives aux zones humides ont suscité un climat conflictuel sur le terrain, allant jusqu’à l’arrêt des travaux hydrauliques ruraux, drainage mais aussi entretien des biefs et des fossés. Les difficultés d’application des textes réglementaires sur ce sujet ont fait au demeurant l’objet d’un article rédigé par la recherche (Baize & Ducommun, 2014) et sont à l’origine de la création de fiches techniques et administratives (ANDAHR, 2019).
L’expertise et l’accompagnement collectif
Au regard des deux constats précédents, deux initiatives intéressantes :
L’expérience du département de Saône-et-Loire :
Afin de concilier les enjeux économiques et environnementaux, la Chambre d’Agriculture et la Direction Départementale des Territoires en Saône et Loire ont mis en place une Charte sur les Zones Humides et les travaux hydrauliques ruraux (Borey et al, 2012). Objet d’une démarche associant tous les acteurs concernés – notamment entrepreneurs, agriculteurs, maires, services administratifs, structures de conseil et de recherche ainsi que les usagers - la Charte a comme ambition de donner un cadre de référence partagé pour mettre en œuvre des travaux hydrauliques ruraux tout en gérant durablement les Zones Humides. Depuis sa signature en 2011, sa mise à l’épreuve sur le terrain a confirmé la pertinence de cette initiative de développement agricole pour accompagner l’évolution induite par la réglementation en lui donnant du sens, en la déclinant concrètement dans le contexte départemental et en créant les conditions de son appropriation par les acteurs locaux. Au demeurant, son succès fait qu’en octobre 2019, la Charte a été élargie à la région Bourgogne-Franche Comté.
La création par l’APCA d’un guide à l’usage des conseillers (2017) :
Pour aider à maîtriser la problématique des zones humides en lien avec l’activité agricole, ce guide a été le fruit d’une mise en commun de l’expertise capitalisée par les conseillers référents régionaux du groupe Zones Humides. Son ambition est de donner un cadre de référence commun au réseau des Chambres d’agriculture pour accompagner la mise en œuvre des projets et travaux en terrains agricoles tout en gérant durablement les zones humides.
Conclusions et perspectives
La prise en considération des Zones Humides a créé une nouvelle donne renforçant l’expertise en pédologie mais aussi en écologie, dans les études préalables aux travaux de drainage. L’expérience de la charte en Saône et Loire illustre que, au-delà des exigences d’un cadre clair de la réglementation nationale, la préservation durable des enjeux environnementaux, en l’occurrence de biodiversité sur un territoire exige :
- L’association des différents acteurs locaux dans un but de compréhension mutuelle sur les objectifs poursuivis mais aussi de mise en commun des compétences et connaissances ;
- Un travail fin pour « coller au terrain », avec une expertise technique et scientifique forte, la complexité du terrain mettant très rapidement à mal la réglementation nationale ;
- La co-construction, sur les bases d’un diagnostic partagé, d’un référentiel qui, pour le cas présent, a pris la forme d'une charte.
Le drainage, lors de sa période de forte expansion (encadrén°2) a fait l’objet d’une coopération entre pédologues et agronomes, réunissant leurs compétences autour des « secteurs de références » afin de formaliser des recommandations sur les modalités technologiques pour drainer les différents sols mais aussi pour adapter les itinéraires techniques (en particulier fertilisation azotée, travail du sol, amendement) après drainage. Toutefois ce thème est resté en retrait durant une trentaine d’années : ce n’est qu’en octobre 2018 que Chambres d’Agriculture France, ANDHAR-Draineurs de France et l’Association française pour l’eau, l’irrigation et le drainage (AFEID) ont coorganisé un colloque national sur le sujet.
De l’avis des organisateurs (Servant et al, 2020), les différentes interventions ont notamment mis en évidence les points suivants :
- Le drainage agricole constitue un outil de gestion de l’eau au service de l’agroécologie
- Le changement climatique, associé à une aggravation des extrêmes, conforte l’intérêt du drainage des territoires hydromorphes sous réserve d’un dialogue entre les acteurs du territoire pour intégrer les différents enjeux à l’échelle du bassin versant.
- L’intérêt de soutenir la dynamique d’échanges afin de prendre en charge au niveau scientifique et technique les diverses questions posées lors de cette journée avec la visée générale de rechercher une synergie entre production agricole et préservation de l’environnement
Dans l’ouvrage relatif à « La fabrique de l’agronomie , de 1945 à nos jours » (2022) , M.Benoît et R.Koller analysent les politiques publiques en agronomie , notamment dans le cas des sols et de leurs aménagements ; ils citent le rapport de Ayphassorho et al., paru en 2020 , « Changement climatique, eau, agriculture. Quelles trajectoires d’ici 2050 ? » , qui préconise un changement de modèle agricole , plus économe en eau et protecteur des sols et « de faire des sols le socle de la stratégie de l’adaptation de l’agriculture au changement climatique » ; concernant le drainage , le rapport souligne son importance pour la production des cultures d’hiver dans un contexte d’augmentation prévue des pluies hivernales et évoque la possibilité de valoriser les eaux de drainage en période de fortes pluies pour remplir des réserves de substitution utilisées en été pour l’irrigation.(Encadré n°3).
Le rapport conforte ainsi la nécessité d’entretenir la dynamique initiée lors du colloque en 2018.
Pour en savoir plus :
Sites Internet
- La note sur la flore spontanée du MTES http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2017/07/cir_42418.pdf
- L’arrêté Zones Humides : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019151510
- www.zones-humides.org/s-informer/groupe-d-histoire-des-zones-humides
- www.andhar.fr Association Nationale de Drainage et d’Hydraulique Agricole Responsable
Documents de référence
Borey L., Dury B., Guerin N., 2012. Comment concilier la préservation des Zones Humides, source de biodiversité, et les travaux hydrauliques ruraux ? Agriculture, Environnement & Sociétés, 2 (1) : 83-92. [https://agronomie.asso.fr/les-travaux-de-lassociation/revue-en-ligne/lire-la-revue-sur-ce-site/aes-2-1-agriculture-et-ecologie-tensions-synergies-et-enjeux-pour-lagronomie/]
Charte relative aux Zones humides et Travaux hydrauliques ruraux en Saône et Loire (juin 2011). Collectif avec comité de rédaction : Borey L., Dury B., Kockmann F., (Chambre d’agriculture) ; Guérin N., Limanton M, (Direction Départementale des Territoires) ; l’appui scientifique de Trouche G. (AgrosupDijon). https://www.saone-et-loire.gouv.fr/charte-departementale-zones-humides-et-travaux-a15501.html
Le Roux X., Barbault R., Baudry J., Burel F., Doussan L., Garnier E., Herzog F., Lavorel S., Lifran R., Roger Estrade J., Sarthou J.P., Trommetter M. (éds), 2008. Agriculture et biodiversité. Valoriser les synergies. Expertise scientifique collective INRA. http://institut.inra.fr/missions/Eclairer-les-decisions-/Expertise/Agriculture-et-Biodiversité .
Références bibliographiques
ANDHAR (Association Nationale de Drainage et d’Hydraulique Agricole Responsable), 2019. Drainage agricole. Fiches techniques et administratives. http://www.andhar.fr/fiches-drainage-agricole/ commande sur le site de l’Andhar.
Ayphassorho, H., Bertrand, N., Mitteault, F., Pujos, C., Rollin, D., Sallenave, M., 2020. Changement climatique, eau, agriculture -Quelles trajectoires d’ici 2050 ? (Public en ligne No. CGEDD n°012819-01 et CGAAER n°19056). CGAAER & CGEDD - Ministère de l’agriculture et de l’alimentation et Ministère de la transition écologique, Paris.
Baize D, Ducommun C, 2014. Reconnaître les sols de zones humides : Difficultés d’application des textes réglementaires. Étude et Gestion des Sols
, 21 : 85-101. www.afes.fr/wp-content/uploads/2017/09/EGS_21_1_2107_Baize_Ducommun_85_102.pdf
Baize D., Girard M.-C. (coord.), 2009. Référentiel pédologique2008. Association française pour l'étude du sol (Afes), Quae, 405 p.
Benoît M., Koller R., (2022). Les Politiques Publiques en agronomie : avec, pour ou malgré tout ? Ed.Quae . In La Fabrique de l’agronomie, de 1945 à nos jours, 409-462.
Comité Interministériel de l’Évaluation des Politiques Publiques. Premier Ministre - Commissariat Général du Plan, 1994. Les Zones Humides, rapport d’évaluation. La Documentation française, Paris, 169 p. + annexes.
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Derex J.M., Sajaloli B., 2003. Une histoire pour mieux comprendre le présent. Zones Humides Infos n°42, 4e trimestre, p.1.
Ducellier G., Duchenes V., Dury B., Vautier A., Bargeot L., 2013. Type-Sol, déclinaison agronomique du Référentiel Régional Pédologique en Bourgogne : une innovation pour l’aide à la détermination du type de sols. Communication faite lors des 11e Rencontres du COMIFER-GEMAS, 20-21 novembre 2013, reprise en diaporama sur le site http://solsdebourgogne.fr/.
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n° 32 : 42-47. www.set-revue.fr/focus-accompagnement-de-projets-agricoles-expertise-et-mise-en-oeuvre-operationnelle-du-diagnostic
Dury, B., Di Franco, F., 2017. Maîtriser les notions de zones humides et de milieux humides en lien avec l’activité agricole. Guide à l’usage des conseillers, 2e édition. APCA, Paris, 102 p. https://chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/National/2018_guide_zones-humides_VF.pdf
Pline le Jeune, 70 à 77 ap. J.C. Historia naturalis. http://web2.bium.univ-paris5.fr/livanc/?cote=39197x01&p=677&do=page
Schnebelen, N., Laroche, B., 2013. Guide d’identification et de délimitation des sols des zones humides (E. Thiry, éd.). Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie / Groupement d’Intérêt Scientifique Sol, Paris, 63 p. http://www.zoneshumides29.fr/telechargement/GUIDE_SOLS_ZH_MEDDE.pdf
Servant L., Grosclaude J-Y., Ledeux J-L. (2020) Avant-propos. Sciences, Eaux & Territoires N°32 : 3-5http://www.set-revue.fr/sites/default/files/articles/pdf/set-revue-drainage-agricole-techniques-chiffres.pdf
Vincent B., 2020. Principes techniques et chiffres du drainage agricole. De la tuyautique à l’hydro-diplomatie. Sciences, Eaux & Territoires N°32 : 8-15 http://www.set-revue.fr/sites/default/files/articles/pdf/set-revue-drainage-agricole-techniques-chiffres.pdf
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