Référentiels et nouveaux indicateurs pour fonder une agriculture régénératrice
Olivier Husson*, Jean-Pierre Sarthou** et Michel Duru***
* CIRAD, UPR AIDA, Avenue Agropolis F34398, Montpellier, France et AIDA, Univ. Montpellier, CIRAD, Montpellier, France, olivier.husson@cirad.fr
** Ensat et UMR LEFE CNRS-INPT-UT3, Université de Toulouse, jean-pierre.sarthou@toulouse-inp.fr
*** UMR 1248 AGIR, INRAE, Université Toulouse, INPT, 31326 Castanet Tolosan, France, michel.duru@inrae.fr (auteur correspondant)
Résumé
Les formes d’agriculture se revendiquant de l’agroécologie (agriculture biologique, agriculture de conservation des sols, agriculture régénératrice) sont souvent basées sur des principes ou des cahiers des charges qui ne garantissent pas toujours une réduction des impacts négatifs des pratiques ou un niveau de fourniture de services à la hauteur des promesses annoncées. La littérature fait ressortir les rôles indispensables des microorganismes du sol et du potentiel d’oxydo-réduction (ou rédox) en interaction avec le pH pour la santé du sol et des plantes. L’étude des processus écologiques montre comment il est possible de réduire fortement voire de s’affranchir, progressivement, des énergies fossiles et des intrants de synthèse, en combinant les choix des cultures et intercultures, la gestion de la biomasse, du sol et des intrants de synthèse (type et mode d’application). Sur ces bases, il est possible de contextualiser les pratiques à mettre en œuvre selon l’état de santé du sol dont un indicateur simple est le rapport matières organiques% / argiles%.
Mots clefs : agroécologie ; agriculture biologique ; agriculture de conservation des sols ; agriculture régénératrice ; biodiversité ; potentiel rédox ; santé du sol ; services écosystémiques ; trajectoires de régénération ou de dégradation des sols ; transition agroécologique
Abstract
Forms of agriculture claiming agroecology (organic agriculture, soil conservation agriculture, regenerative agriculture) are based on principles or sometimes specifications that do not always guarantee a reduction in the negative impact of practices. or a level of ecosystem services commensurate with the announced promises. The literature highlights the key roles of soil microorganisms and oxidation-reduction (or redox) potential in interaction with pH for soil and plant health. The study of ecological processes shows how it is possible to greatly reduce or even gradually eliminate fossil fuels and synthetic inputs, by combining the choice of crops and intercrops, the management of biomass, soil and synthetic inputs. On these bases, it is possible to define practices to be implemented according to the state of health of the soil, a simple indicator of which is the organic matter % / clay % ratio.
Keywords: agroecology; Organic Agriculture; soil conservation agriculture; regenerative agriculture; biodiversity; redox potential; ecosystem services ; soil health; soil regeneration or degradation trajectories ; agroecological transition
Formes d’agriculture en quête de durabilité
Dans les pays industrialisés, les impacts environnementaux de l'agriculture basée sur l’utilisation massive d’intrants industriels, et des paysages qu’elle génère, sont si importants qu’elle est considérée comme la première activité humaine conduisant au dépassement des limites planétaires pour les cycles biogéochimiques et la biodiversité (Campbell et al., 2017). En Europe, l'utilisation d'engrais azotés de synthèse a été multipliée par 4,4 entre le début des années 60 et la fin des années 80, entraînant d’importantes perturbations des écosystèmes (Lassaletta et al., 2016), même si leur utilisation a diminué de 25% depuis (FAOstat). En parallèle, l'utilisation de pesticides a très fortement augmenté pour atteindre un pic au début des années 1990 et n'a diminué que de 9% depuis (FAOstat), malgré des politiques dédiées. Leur utilisation intensive a eu des conséquences négatives sur la biodiversité, les régulations biologiques (Geiger et al., 2010), le développement de résistances aux bioagresseurs (Powles et Yu, 2010) et la santé humaine (Nicolopoulou-Stamati et al., 2016). Ces intrants, combinés à la mécanisation, ont permis aux agriculteurs de simplifier radicalement les séquences de cultures via des rotations courtes (de cultures pures) voire des monocultures (Bennett et al., 2012). En France, cinq espèces (blé, orge, maïs, colza, tournesol) correspondent à 90% des surfaces en cultures annuelles (Agreste). Dans le même temps, la réduction de la superficie des habitats non cultivés et l’augmentation de la taille des parcelles ont conduit à une forte simplification des paysages (composition et configuration), générant de moindres régulations biologiques (Rusch et al., 2016).
Face à ce constat, diverses initiatives sont expérimentées par les agriculteurs, appuyées par leur environnement professionnel et soutenues pour certaines par des politiques publiques. On peut schématiquement distinguer deux grandes voies (Duru et al., 2015). L’une, généralement nommée agriculture raisonnée vise la réduction des impacts négatifs en augmentant l’efficience des intrants par la robotique, le numérique et la génétique, mais repose toujours sur une rotation courte de cultures pures. L’autre recouvre différentes alternatives se référant à l’agroécologie (Encadré 1) : agriculture biologique (AB), agriculture de conservation des sols (ACS) et récemment agriculture régénératrice (AR). L’AB et l’ACS présentent des atouts mais ont chacune une limite majeure, respectivement le travail du sol et l’utilisation de pesticides (Encadré 1). L’agriculture régénératrice (AR) met en avant la santé du sol et les services associés (Giller et al., 2021), en plus d’être en AB selon certains, mais relevant du « greenwahsing » pour d’autres (Tittonel et al., 2022).
Ces trois formes d’agriculture ont en commun de considérer que tout ou partie des intrants de synthèse peuvent être remplacés par les services fournis par la biodiversité - on parle de services intrants - (Therond et Duru, 2019). En retour, des services à la société (entretien voire restauration des communs sol, eau, air, biodiversité) sont attendus sur la base des pratiques mises en œuvre (promesses), dont certaines sont vérifiables (par exemple moins de résidus de pesticides en AB).
Notre objectif est d’identifier des pistes pour dépasser les limites propres à chacune de ces trois formes d’agriculture, ou d’en préciser le contenu pour l’AR, et de montrer l’importance de contextualiser les recherches, les pratiques et les recommandations. C’est pourquoi nous présentons d’abord les acquis récents concernant la fourniture de services écosystémiques par le sol, puis définissons ce que pourrait être alors une agriculture régénératrice, basée sur la biodiversité et non majoritairement sur les intrants de synthèse. Nous présentons ensuite des indicateurs permettant de la mettre en œuvre en situation de transition ou de croisière. Au final, l’enjeu est de s’assurer, au travers d’indicateurs et de référentiels, que ces formes d’agriculture, dont la mise en œuvre est très dépendante des contextes, dépassent le stade des principes et des promesses.
Processus écologiques sous-jacents à la fourniture de services écosystémiques par le sol
Microorganismes, cycles biogéochimiques, nutrition et protection des plantes
Fonctions et santé du sol
Le sol est potentiellement le support d’une grande diversité d’habitats et d’organismes. Il agit comme un accumulateur, un transformateur et un milieu de transfert pour l’eau, le carbone, les radicaux azotés, phosphorés, soufrés, les sels minéraux, les ions métalliques.
La santé d’un sol est définie comme « sa capacité à fonctionner comme un système vivant clef pour soutenir la productivité biologique, promouvoir la qualité de l’environnement et maintenir la santé des plantes et des animaux » (Doran et Zeiss, 2000). Les processus physiques et chimiques qui contribuent à la santé du sol sont fortement liés aux activités des organismes du sol ainsi qu’à la structure et au fonctionnement des racines, fournissant des services écosystémiques (Abbott et Manning, 2015).
Les organismes du sol utilisent comme principale ressource énergétique les exsudats racinaires (entre 20 et 40% du carbone issu de la photosynthèse sont exsudés sous forme d’hydrates de carbone liquides) et les résidus de culture. Ces exsudats représentent un « carburant » rapidement et facilement assimilé par de nombreux organismes. Ils stimulent le développement et la prolifération de ces derniers tout autour de la racine. En retour, les microorganismes stimulent l’exsudation (Lebeis et al., 2015) et élicitent des réactions de la plante-hôte (Pieterse et al., 2014) permettant le développement de véritables chaînes alimentaires avec les bactéries (plus rapides à se multiplier) puis les champignons (Jacoby et al., 2017). Viennent ensuite les consommateurs tels les protozoaires et vers de terre, puis les consommateurs secondaires comme les collemboles et acariens. Tous ces organismes contribuent aux processus d’agrégation et donc au maintien de la structure du sol.
Relations sol-plantes-microorganismes
Les microorganismes participent à la nutrition des plantes. Les mycorhizes, champignons filamenteux vivant en symbiose avec les plantes, permettent de capter l’eau, l’azote et autres nutriments en explorant le sol au-delà des racines. Ils contribuent à la solubilisation du phosphore, facilitant ainsi son absorption par la plante, et à la synthèse de substances de croissance. Des bactéries, du genre Rhizobium, permettent la fixation de l’azote de l’air par symbiose avec les légumineuses, qui leur fournissent l’énergie nécessaire. Il existe aussi une fixation libre par des bactéries du sol, du genre Azotobacter entre autres, qui tirent leur énergie de la décomposition de résidus végétaux carbonés.
Les microorganismes participent à la régulation de la qualité de l’eau, à la rétention et disponibilité des nutriments ainsi qu’à la stabilité structurale du sol (Adhikari et Hartemink, 2016). Ils jouent aussi un rôle important dans la séquestration du carbone dans des pools stables ; la nécromasse microbienne y contribuant à près de la moitié en particulier dans les sols à forte abondance fongique (Khangura et al., 2023) et forte teneur en argile (Kirschbaum et al., 2020). Cela implique de mettre en œuvre des pratiques favorisant la biomasse microbienne, en particulier des champignons mycorhiziens qui ont la capacité d’utiliser le « carbone liquide » provenant des exsudats racinaires, mais aussi de limiter le lessivage des particules fines du sol (argiles) en favorisant leur agrégation. La glomaline, produite dans les parois cellulaires des hyphes des champignons mycorhiziens, agit justement à la fois comme un entrepôt de carbone et comme un stabilisateur des agrégats, en favorisant leur formation. Plus globalement, la contribution des microorganismes au stockage du carbone dans les sols est imagée par le concept de « pompe microbienne à carbone ». C’est un formalisme conceptualisant la séquestration du carbone pour des formes stables via l'accumulation de composés organiques résultant de l'anabolisme des microbes du sol (Liang, 2020). Néanmoins, le stockage de carbone stable peut aussi provenir exclusivement des végétaux, lorsqu’il s’agit de composés carbonés difficilement décomposables tels certains polyphénols (lignine, hémicellulose, tanins par exemple - Derrien et al., 2023), ou encore de la formation de carbone très stable par pyrolyse lors des incendies (charbon et carbone noir notamment). Les microorganismes contribuent aussi à la rhizodéposition azotée (Fustec et al., 2010). In fine, la biodiversité et les cycles biogéochimiques auxquels les microorganismes participent sont des facteurs clefs pour la fourniture de services écosystémiques par les sols (Smith et al., 2015).
Rôle des micro-organismes pour la santé des plantes
Les microorganismes du sol sont efficaces pour dégrader et détoxifier les composés organiques et inorganiques, appliqués délibérément (pesticides) ou non. Par exemple, certaines souches bactériennes de Pseudomonas sont capables de dégrader des insecticides neurotoxiques organophosphorés ou carbamates (Gregory et al., 2015) ; des bactéries Rhizobium peuvent dégrader le glyphosate (Masotti et al., 2023).
La diversité des microbes associés aux racines est également cruciale pour la santé des plantes. Les plantes peuvent façonner le microbiome de la rhizosphère. Lors d'une attaque d'agents pathogènes ou d'invertébrés ravageurs, elles peuvent aussi recruter des microorganismes protecteurs spécifiques (Berendsen et al., 2012), qui produisent des antibiotiques naturels ou encore des éliciteurs, renforçant la capacité des plantes à se défendre contre les bioagresseurs.
Les pratiques qui favorisent la santé des sols doivent généralement leurs effets bénéfiques sur les maladies transmises par le sol au fait qu’elles augmentent l'activité et la diversité de la biomasse microbienne du sol, entraînant un meilleur contrôle biologique des agents pathogènes par leurs antagonistes (Nielsen et al., 2015).
Le potentiel rédox, clef de voûte des processus écologiques
Construction d’un référentiel
La thermodynamique a montré dès la fin des années 1940 que les différentes formes des éléments dépendaient du pH et du potentiel d’oxydation-réduction (potentiel redox noté Eh). Ce référentiel peut dès lors être utilisé pour comprendre la solubilité des éléments minéraux sur des diagrammes pH-Eh (dits diagrammes de Pourbaix), pour une concentration et une température données (Encadré 2).
Plus récemment, les études en physiologie végétale ont montré que des signaux redox et le maintien dynamique des équilibres Eh-pH sont à la base de tous les processus de régulation du métabolisme et du développement des plantes. En fait, tous les êtres vivants se développent dans une gamme de pH-Eh spécifique qu’ils doivent impérativement maintenir au niveau cellulaire, en particulier au niveau des mitochondries, la centrale énergétique (Rabotnova et Schwartz, 1962 ; Husson et al., 2021). Pour maintenir cet équilibre pH-Eh dans les cellules, les plantes ont recours à des tampons chimiques à court terme, à l’activation de gènes pour la formation de protéines à moyen terme, et elles « évacuent » les produits très oxydés/acides dans les parois pour préserver les cellules. Mais elles contrôlent aussi le milieu extérieur au niveau de la rhizosphère en exsudant des composés qui modifient pH et Eh et activent/ nourrissent la microflore qui contribue également à corriger ce milieu extérieur. Ainsi les racines des plantes cherchent à maintenir un environnement proche de la neutralité acide/base et électrique (légèrement acide et réduit) (Husson, 2013).
La photosynthèse est une réduction du CO2 de l’air en sucres. Il s’agit de la réduction primaire, à l’origine de toute l’énergie utilisée dans le fonctionnement des écosystèmes (y compris ceux des Hommes lorsqu’ils recourent aux énergies fossiles). La plante peut ainsi être vue comme une véritable pile à hydrogène : lors de la première étape de la photosynthèse, l’énergie des photons est utilisée pour dissocier l’eau en O2 (libéré dans l’atmosphère), protons et électrons. L’énergie de ces protons et électrons est alors « stockée » (en particulier sous forme d’hydrogène) sur des chaînes carbonées (sucres) qui seront utilisées dans le processus inverse (l’oxydation via la respiration) dans les mitochondries pour récupérer l’énergie nécessaire au métabolisme.
Ainsi, les plantes jouent le rôle de panneaux solaires qui « se rechargent » et « rechargent » le sol en électrons et en protons. Cela se fait soit par les racines (exsudation racinaire), soit par les apports en surface et dans le sol quand elles se décomposent. Cette énergie stockée dans les MO, mortes (humus), ou vivantes (micro-organismes et racines) est utilisée pour la croissance des plantes et des micro-organismes mais aussi pour la nutrition de la méso- et de la macrofaune. Toute baisse de la production photosynthétique entraîne donc une baisse de l’énergie disponible pour le bon fonctionnement du système dans son ensemble, ce qui impacte fortement les cycles biogéochimiques, la nutrition des plantes mais aussi leur sensibilité aux bioagresseurs.
Eh-pH du sol, nutrition des plantes et cycles biogéochimiques
Les matières organiques jouent un rôle clef dans les processus d’oxydation : elles impactent le pH (le ramenant proche de la neutralité) et le Eh du sol (la MO étant un réservoir d’électrons, elles baissent le potentiel redox et le tamponne) ; inversement, le niveau d’oxydation du sol impacte la minéralisation et les processus d’humification. La minéralisation est d’autant plus rapide que le sol est oxydé, et en conséquence l’humification est faible (Husson, 2013). Il importe cependant de distinguer la MO bioactive, accessible aux microorganismes et qui constitue le réservoir d’électrons facilement disponibles, de la MO très stable qui améliore la structure du sol et sa capacité à tamponner les fluctuations redox par sa capacité à accepter ou à donner un grand nombre d’électrons via les microorganismes.
Lorsqu’un sol a une faible teneur en MO, il est oxydé et manque d’électrons. La plante doit le « recharger » par les racines. Pour cela, elle transporte des produits de la photosynthèse au niveau des racines pour les relarguer et ainsi « corriger » son environnement avec l’aide des micro-organismes. Ce processus a un coût énergétique important et se fait au détriment de la croissance, limitant ainsi sa capacité de production photosynthétique, et donc de réduction. On entre alors dans un cercle vicieux : moins il y a d’électrons dans le sol, plus la plante doit en relarguer pour fonctionner, mais moins elle produit de feuilles et moins elle sera capable de relarguer des électrons dans le sol. À moyen/long terme, les retours de biomasse au sol diminuent et cette biomasse est rapidement oxydée (minéralisation rapide dans un sol oxydé), ce qui amplifie la tendance à l’oxydation du sol (Husson et al., 2021 ; Husson, 2023).
Ce cercle vicieux est également amplifié par le fait que les conditions pH-Eh du sol déterminent les formes des différents éléments. La solubilité et l’absorption des éléments nutritifs et des éléments traces sont modifiées, entraînant des risques de carence (en particulier en fer et manganèse) et de toxicité qui conduisent à une baisse de la photosynthèse. De plus, dans un tel sol, l’azote se trouve essentiellement sous sa forme oxydée, le nitrate (NO3-, très mobile) alors qu’en milieu réduit, il est essentiellement sous sa forme réduite d’ammonium (NH4+ peu mobile mais toxique pour la plante en grande quantité) ou sous forme organique. Des conditions de sol oxydé entraînent donc un risque de pertes des ions nitrate par lixiviation et pollution des nappes, ainsi qu’une dépense énergétique supplémentaire pour la plante qui, absorbant de l’azote oxydé, devra le réduire à l’intérieur de son système pour fabriquer les acides aminés. De plus, une plante absorbant des nitrates s’alcalinise fortement (ainsi que sa rhizosphère) et inversement une plante qui absorbe de l’ammonium s’acidifie fortement, la chute de pH favorisant la solubilisation de l’aluminium, pouvant entrainer une toxicité. Les plantes, quand elles en ont la possibilité, absorbent donc en quantités proches nitrate et ammonium, évitant ainsi de se déséquilibrer en pH et de s’oxyder ; la régulation du pH demandant de faire fonctionner des pompes ATP-protons qui consomment de l’énergie et oxydent. Enfin, la fixation d’azote atmosphérique (réduction du N2 en NH3) par les bactéries diazotrophes comme Azospirululm spp est gouvernée par le potentiel redox, le pH et la matière organique du sol, leur activité étant supérieure à pH légèrement acide (6,6) et à potentiel redox bas (-50 à -150 mV, Charyulu et Rajaramamohan R, 1980), des conditions microoxiques (réduites) étant nécessaires au fonctionnement de la nitrogénase. Une revue récente (Mandon et al., 2021) montre le rôle clef de l’adaptation des bactéries endophytes (Azotobacter sp, Azospirullum spp, Bacillus sp. Cyanobacteria sp., …) et endosymbiotiques (Rhizobia sp, Franckia sp. …) aux espèces réactives à l’oxygène associées au stress abiotique ou produits par la plante hôte, qui détermine l’issue de l’interaction plante-bactérie.
La pire des situations est sans doute celle de sols dégradés, à faibles taux de MO et d’activité biologique, et ayant une mauvaise structure (compactés, peu drainants). Dans ce cas, les plantes passent en quelques jours de conditions très fortement réduites et asphyxiantes, après engorgement, à très fortement oxydées après assèchement, et donc d’une nutrition en azote minéral fluctuant très rapidement de tout nitrate à tout ammonium. Il leur est très difficile de maintenir leur équilibre pH et redox dans de telles conditions. La baisse de l’énergie captée par photosynthèse ne permet alors pas d’entretenir les processus d’agrégation et conduit dans un nouveau cercle vicieux à la destructuration des sols, amplifiée par les périodes d’engorgement (Husson, 2013 ; Husson et al., 2021, Husson, 2023).
Les plantes utilisent la très forte capacité des micro-organismes à réguler les conditions Eh-pH de leur environnement, en particulier à travers la production de biofilms et plus généralement par la consommation d’oxygène pour leur respiration et la production d’antioxydants. A l’inverse, les conditions Eh-pH du milieu sont un des principaux facteurs de la dynamique des populations de microorganismes. Les plantes, via l’exsudation, modifient les conditions Eh-pH de leur environnement pour favoriser et alimenter de manière sélective certaines populations de microorganismes, leur permettant ainsi de maintenir à moindre coût des conditions Eh-pH qui leur sont favorables (Husson, 2013 ; Husson et al., 2021).
Eh-pH, bioagresseurs et santé des plantes
Les microorganismes pathogènes ont généralement une gamme pH-Eh de développement restreinte (Rabotnova, 1959). Sur ces bases, il a été établi une « cartographie » des conditions pH-Eh favorables à divers types de bioagresseurs (fig 3). Ainsi, les champignons phytopathogènes se développent (dans le milieu extracellulaire ou apoplaste) dans des conditions très acides et oxydées (1), pour les champignons nécrotrophes (souvent telluriques), ou acides et oxydées (2) pour les champignons biotrophes (souvent aériens). Certains champignons qui se développent dans le xylème (Verticillium spp.) ou dans le phloème (Colletotrichum spp.) se retrouvent à pH neutre ou légèrement alcalin (3). Les bactéries phytopathogènes se développent dans des conditions principalement aérobies ou éventuellement pseudoaérobies (pe+pH>10), de pH légèrement acide (2) pour celles se développant dans l’apoplaste (Xanthomonas spp., Pseudomonas spp. etc.), neutre à légèrement alcalin (3) pour celles se développant dans le xylème (Xylella spp. etc.) ou alcalin (4) pour celles se développant dans le phloème (Candidatus Liberibacter spp. etc.). Les virus phytopathogènes se développent quant à eux dans des conditions alcalines (dans le phloème), à Eh relativement bas (4), mais qui correspond à des conditions de phloème oxydées. Etant donné que le phloème est très tamponné, cela correspond à des conditions d’une plante très oxydée. Dans tous les cas, ces pathogènes se développent dans des conditions de plantes oxydées. Les oomycètes se développent dans des conditions légèrement oxydées, à des pH très spécifiques (5).
On retrouve le même schéma pour les insectes qui « préfèrent » des plantes oxydées, en relation avec les conditions de fonctionnement de leurs enzymes dans le mésentéron : très alcalin pour les piqueurs-suceurs (4) du phloème, moins alcalin pour les piqueurs-suceurs du xylème (3), plus acide pour les phytophages (1 et 2). Comme pour les organismes pathogènes, les insectes attaquent donc de préférence des plantes oxydées, ayant subi des stress variés. En effet, l’ensemble des stress abiotiques ou biotiques se traduisent en stress oxydatifs et modifient les valeurs Eh-pH des différents compartiments de la plante. On comprend mieux aussi que les stress qui font baisser la photosynthèse (froid, ombrage, carences y compris hydrique, etc.) conduisent à une oxydation de la plante et favorisent ainsi les pathogènes de type virus et champignons (Husson et al., 2021). On comprend également que les plantes capables de maintenir leur homéostasie Eh-pH à pe+pH<9, c’est-à-dire des conditions réduites et acides dans l’apoplaste (6), réduites et neutres dans le xylème (7) et réduites et alcalines dans le phloème (8), sont peu sensibles aux maladies et aux ravageurs.
Vers une vision holistique de la santé des sols
Les systèmes reposant sur des pratiques globalement oxydantes - sol nu, souvent déstructuré par le travail du sol, usage de pesticides et d’engrais minéraux pour la grande majorité oxydants, s’ajoutant à une faible diversité des cultures et une activité biologique réduite - nécessitent des apports d’intrants élevés générant des émissions de polluants (organiques et inorganiques) dans l’eau et l’air. Ils fournissent peu de services écosystémiques et conduisent aussi à une oxydation des plantes qui deviennent de ce fait sensibles aux bioagresseurs (tableau 2). La protection des cultures consiste alors à accompagner la plante dans son mode de lutte, i.e. par suroxydation via les pesticides.
A l’inverse, les systèmes reposant sur la biodiversité planifiée (cultures et couverts végétaux), des apports d’intrants de synthèse réduits et bien ciblés (par exemple des apports d’oligo-éléments) et sur une réduction du travail du sol, créent des conditions optimales en termes d’équilibres pH-Eh qui sont défavorables aux bioagresseurs (sols dits « suppressifs ») et qui au contraire fournissent des services à l’agriculture et à la société. Ils reposent sur une activité biologique intense (Bender et al., 2016) permise par des teneurs élevées en MO entretenues grâce aux apports d’une photosynthèse maximisée dans des sols équilibrés.
Tableau 2 Pratiques de gestion adaptées aux caractéristiques chimiques (Husson et al., 2021) et biologiques (Khangura et al., 2023) des sols
Pratiques de gestion | Sol nu, compacté Travail du sol Fertilisants et pesticides de synthèse pour la nutrition et la protection des cultures | Sol protégé (couverts végétaux) et bien structuré Rotations longues Perturbations du sol réduites Apports organiques et réduction des apports d’intrants de synthèse |
Caractéristiques chimiques du sol | Sols oxydants Favorisation dans un 1er temps des bioagresseurs par fluctuations fortes dans les sols conduisant à l’oxydation des plantes. Contrôle des pathogènes dans un 2nd temps par suroxydation provoquée par les pesticides | Sols réducteurs, équilibrant pH et Eh Protection agroécologique des cultures (homéostasie du couple Eh-pH) |
Caractéristiques biologiques du sol | Diversité des microorganismes du sol faible Pathogènes favorisés (théorie de niche écologique vacante) | Diversité des microorganismes du sol élevée Séquestration de carbone Fourniture de nutriments Contrôle des bioagresseurs |
Les pratiques centrées sur les plantes ont assimilé leurs déficits en éléments nutritifs à ceux d’écosystèmes entiers, ignorant ainsi le rôle important des organismes hétérotrophes responsables de la décomposition des résidus organiques dans le stockage du carbone des écosystèmes, sous forme d’humus riche en éléments nutritifs variés. Pour intégrer véritablement les cycles du carbone et des éléments nutritifs aux pratiques culturales, il faut donc tenir compte du fait que la productivité secondaire des communautés hétérotrophes est intrinsèquement limitée en sources carbonées riches en énergie (Soong et al., 2020). En conséquence, la gestion écologique consiste à conserver ou le plus souvent à améliorer les pools de nutriments auxquels les plantes peuvent accéder (MO et biomasse microbienne) tout en favorisant leur rétention et leur cycle interne. En outre, cela améliore l’efficience de la transformation de la MO fraiche (résidus de cultures et couverts, fumier) en humus stable, grâce au meilleur respect des équilibres stoechiométriques, c’est-à-dire un meilleur équilibre des proportions dans lesquelles les différents nutriments doivent être présents, un ratio C : N : P : S optimum pour l’humification se situant à 10000 : 833 : 200 : 143. (Kirkby et al., 2013, 2014). En particulier les organismes décomposeurs augmentant avec le ratio C:N, l'humification est plus importante sur des substrats avec un ratio C:N bas (Nicolardot et al., 2001)
L’approche du fonctionnement du système sol-plantes-microorganismes par le couple Eh-pH, permet de définir cinq grands types de pratiques agricoles qui impactent les conditions électro-chimiques des sols, temporairement ou plus durablement :
i) des amendements calciques ou magnésiens peuvent être apportés (chaux, calcaire, dolomie) pour augmenter le pH des sols acides. Les amendements organiques ont un impact plus durable de régulation du Eh et du pH, en jouant également sur la structuration du sol ;
ii) l’irrigation ou le drainage, quand ils sont possibles, impactent fortement et à court terme les conditions Eh, la diffusion de l’oxygène dans l’eau étant 10 000 fois plus lente que dans l’air ;
iii) le travail du sol, de même que les charrois et passage d’engins, impactent Eh et pH, principalement du fait de l’altération de la structure du sol. La densité apparente du sol (i.e. sa masse volumique) et la taille des agrégats influencent fortement la profondeur à laquelle l’oxygène diffuse. Le travail du sol impacte aussi la continuité des pores, positivement à court terme mais négativement à moyen terme (et d’autant plus vite que la stabilité structurale des agrégats est faible), ce qui conduit à des conditions anoxiques, néfastes pour les plantes, en conditions humides ;
iv) le type de plantes cultivées et leur séquence dans les rotations ont une forte influence sur Eh et pH du sol car la production de biomasse et les quantités restituées au sol impactent fortement sa teneur en MO, laquelle constitue le réservoir d’électrons et tamponne les fluctuations Eh et pH du sol. En particulier, il sera intéressant de prendre en considération les stratégies d’utilisation des ressources des différentes plantes : les plantes ayant une stratégie de conservation de ressources, caractérisées par une croissance assez lente, des racines à C/N élevé et une faible exsudation racinaire (de composés riches en acides aminés), mobilisent un microbiote différent des plantes de type « exploitatrices ». Ces dernières, à croissance plus rapide, à forte photosynthèse et forte exsudation racinaire de composés à C/N plus bas (métabolites primaires : sucres, acides organiques), favorisent un microbiote avec plus de taxons impliqués dans la minéralisation de la matière organique par « priming effect » (Guyonnet et al. 2018).
v) la ré-intégration de l'élevage, en particulier de ruminants puisque la transformation de la matière organique dans le rumen permet d'enrichir le sol en taxons anaérobies, et de modifier la transformation de la matière organique.
D’une manière générale, toutes les techniques agricoles qui favorisent le non-retournement du sol, la couverture végétale vivante et la restitution d’importantes quantités de biomasse au sol favorisent le développement d’une structure stable et des conditions d’oxydo-réduction équilibrées. Elles permettent avant tout d’obtenir une grande diversité de niches Eh-pH dans l’espace et de faibles fluctuations dans le temps.
Cette perspective « redox » permet ainsi d’envisager une gestion agroécologique des bioagresseurs en maintenant la plante dans un état d’équilibre (légèrement acide et réduit) défavorable à ces derniers. Cela permet de passer d’une approche curative de lutte (chimique) contre les bioagresseurs par destruction, à une approche prophylactique de prévention par maintien dynamique de l’homéostasie Eh-pH de la plante, du niveau cellulaire aux niveaux tissulaire et plante entière. Cette stratégie nécessite cependant une reconception des systèmes de culture, re-conception fondamentalement basée sur le nouveau paradigme donnant priorité à la photosynthèse comme source essentielle d’énergie pour le système sol-plante, en opposition au paradigme courant qui donne la priorité aux apports d’énergie exogène au système, via tous les intrants industriels dont l’énergie mécanique.
Mettre en œuvre une agriculture régénératrice
De nouveaux indicateurs pour piloter la santé du sol
La variabilité dans les relations entre les diverses dimensions de la biodiversité et les services écosystémiques, n’autorise pas de recommandations normalisées, mais simplement l’édiction de principes. La généralisation de résultats de recherches très contextualisées ou d’observations empiriques, est donc abusive et malheureusement fréquente. Ainsi, des systèmes de culture ou des itinéraires techniques à mettre en œuvre vont dépendre très largement de l’état de santé des sols et des conditions climatiques locales. C’est pourquoi, il importe de pouvoir situer l’état de fertilité endogène des sols[3] sur des trajectoires, et pour cela, de savoir comment maintenir ou le plus souvent restaurer cette fertilité suite à une agriculture minière ayant conduit à une perte de carbone et d’activité biologique. On parle alors d’agriculture régénératrice ou de régénération.
Les connaissances présentées ici permettent de définir des repères génériques pour mettre en œuvre les pratiques afin de réduire les intrants de synthèse.
L’état de santé des sols peut être évalué par divers indicateurs liés à leur activité biologique ou à leurs caractéristiques physico-chimiques, et aussi plus simplement par des indicateurs intégratifs issus d’une évaluation visuelle de leur structure (notamment l’indicateur VESS : encadré 3) ou correspondant au ratio MO%/argiles%, deux proxys qui fonctionnent bien pour les sols contenant de 10 à 40% d’argiles (Johannes et al., 2017), soit la majorité des zones cultivées en France. Notons qu’un nouvel indicateur, proche du précédent, basé sur le carbone organique du sol (COS)[4] vient d’être proposé (Poeplau et Don, 2023). Il s’agit du ratio COS% réel/COS% attendu, censé donner moins d’importance aux argiles et être bien corrélé à la densité apparente. Il nécessite encore d’être testé à large échelle pour améliorer et étendre son domaine de validité.
Un VESS SQ1, correspondant à un ratio MO%/argiles% supérieur à 24% , caractérise un sol régénéré ( sur la fig. 4), très bien structuré, à l’activité biologique riche et diversifiée, capable d’assurer un grand nombre de services écosystémiques. Ce ratio de 24% correspond à un premier seuil dans une dynamique de dégradation, et inversement à un seuil ‘ultime’ de régénération des sols grâce à un gain de porosité biologique via un gain de MO. A l’opposé, un VESS SQ5 ( sur la fig. 4, ratio MO%/argiles% inférieur à 12%) caractérise un sol très compact suite à un effondrement de la structure, et siège de très peu de services écosystémiques. La valeur de 12% correspondant à un seuil ultime dans une dynamique de dégradation du fait d’une perte continue de MO entrainant celle de la porosité biologique, mais à un premier seuil dans une dynamique de régénération de sols très fortement dégradés.
Le ratio MO%/argiles% de 17% correspond à un seuil critique intermédiaire, point d’inflexion de la courbe (fig. 4) : au-delà, divers processus écologiques se mettent progressivement en place (régénération), en-deça, ils sont au contraire progressivement désactivés (dégradation).
Dans une dynamique de régénération des sols (progression de 17% vers 24%), les notes décroissantes traduisent une restauration de la structure via un gain de MO, ce qui permet de remobiliser des services écosystémiques pour la production et l’entretien de l’écosystème, et ainsi de limiter les besoins en intrants exogènes grâce à une fertilité endogène restaurée (fig. 4), (Johannes et al., 2017). Inversement, dans une dynamique de dégradation (progression de 17% vers 12%), les notes croissantes révèlent une détérioration de la structure et donc de la fertilité endogène, faisant que le sol rend de moins en moins de services écosystémiques, et que l’agrosystème va devoir reposer largement sur des apports exogènes.
Ainsi, ces seuils, au sein d’un continuum, peuvent être utilisés pour caractériser les conditions de milieu déterminant les potentialités des systèmes et des pratiques, et les contraintes technico-économiques pour leur mise en place.
Les hypothèses de travail sur lesquelles s’appuient nos propositions sont que les trajectoires d’évolution des sols ne sont pas linéaires mais sigmoïdales, plus ou moins selon les types de sol et les climats. En climat favorable (climat A : pluviométrie importante et régulière, températures élevées mais pas extrêmes), les évolutions de sol seraient rapides. En climat contraignant (climat B : faible pluviométrie, longue saison sèche, températures extrêmes), les sols évolueraient plus lentement (fig. 4).
Ces hypothèses sont étayées par différents constats et par la compréhension des processus en jeu, en particulier sous l’éclairage d’une approche « redox ». Faisant en effet le constat que toute l’énergie de l’agroécosystème provient de la photosynthèse, l’étude de l’acquisition et de l’allocation de l’énergie disponible permet de comprendre que :
i) plus le sol est dégradé (peu de matières organiques, sol compacté, faible réserve en eau, blocages chimiques d’éléments nutritifs, etc.), plus la plante manque précocément d’énergie au cours de son développement, et donc plus elle recentre son allocation d’énergie sur les fonctions indispensables à sa survie immédiate (prospection pour l’eau et les éléments nutritifs, solubilisation et absorption des éléments nutritifs, restructuration du sol) ; sa survie à court ou moyen terme est hypothéquée puisque ses processus d’auto-défense contre pathogènes et ravageurs, consommateurs d’énergie (pour les métabolites secondaires), sont réduits ;
ii) moins la plante a d’énergie, moins elle peut en allouer à la production de nouvelles feuilles (capacité photosynthétique entravée) et donc moins elle est productive (cercle vicieux car rétroaction positive). A l’inverse, plus le sol est agradé, moins les coûts de prospection/absorption pour la plante sont élevés en proportion, libérant ainsi de l’énergie qu’elle peut allouer à l’accroîssement de sa capacité photosynthétique et à ses processus d’auto-défense. Elle peut alors accumuler plus d’énergie sur le moyen et long termes (cercle vertueux même si rétroaction également positive) ;
iii) il existe donc un seuil, qui correspond à une production photosynthétique dépassant les dépenses énergétiques liées à l’entretien du système (et aux exportations), au-dessus duquel on entre dans des processus d’aggradation, et en dessous duquel on tombe dans des processus de dégradation.
Dans la pratique, la restauration des sols par les principes de l’agroécologie nécessite une période de transition ((3) sur la fig. 4), plus ou moins longue selon l’état du sol au moment du changement de pratiques, sachant que la grande majorité des sols cultivés correspond à des ratios MO%/argiles% inférieurs à 17%, voire très souvent inférieurs au seuil critique de 12%.
Les systèmes sont d’autant plus productifs, durables et de qualité que l’on se situe au-dessus du seuil de 17%. Ils correspondent alors à une production énergétique par photosynthèse supérieure aux dépenses énergétiques de fonctionnement du système (sous forme d’apports exogènes), tout en permettant des exportations raisonnées. Plus le taux MO%/argiles% est élevé, plus ces sols sont en bon état de santé, peu sensibles à l’érosion, à la compaction et au passage d’engins, et plus ils limitent les fluctuations des variables environnementales abiotiques (température, eau, Eh, pH etc.), offrant ainsi des conditions très favorables à la biodiversité et à la production. Un grand choix de systèmes et d’espèces cultivées y est disponible, et les possibilités d’implantation permettent une très forte couverture des sols. Le travail du sol et les apports exogènes ne seraient pas nécessaires. Ces sols sont suppressifs de nombreux bioagresseurs (surtout agents phytopathogènes et ravageurs), permettant une protection agroécologique des cultures à faible coût. Le risque d’échec y est limité, d’autant plus que le climat est favorable, ce qui permet d’assurer une forte rentabilité économique. Inversement, plus ce taux est faible, et de manière très marquée en dessous de 12%, moins ces sols sont productifs, moins ils tamponnent les conditions de milieu et plus ils sont sensibles à l’érosion, à la compaction et au passage d’engins. Ces passages de machines sont pourtant nécessaires pour le travail du sol et l’application des intrants exogènes (fertilisants, pesticides), devenus indispensables car permettant de maintenir un niveau de production tant qu’il est économiquement acceptable. Les risques d’échec élevés, associés au coût des intrants et à leur faible efficience dans les conditions les plus dégradées, altèrent la rentabilité de ces systèmes, par ailleurs peu durables puisque leur impact environnemental est élevé.
Pendant la période nécessaire à la régénération des sols, il est possible d’aider les plantes à se maintenir dans des conditions d’équilibre Eh-pH défavorables aux bioagresseurs, notamment avec des pulvérisations foliaires préventives de produits antioxydants (acides humiques, vitamine C en particulier).
Comment régénérer les sols dégradés
Cette capacité à se positionner sur ces trajectoires devrait permettre de donner de la généricité aux résultats de recherche et aux recommandations techniques. Les quelques recherches empiriques existantes fournissent des pistes (de Tourdonnet, 2017), de même que les observations avisées de praticiens (Bucaille, 2020), mais elles devraient être évaluées avec les indicateurs que nous avons proposés[6].
Pour les sols dégradés, qui représentent une bonne partie des sols cultivés[7], ou pour ceux qui ne fournissent pas le niveau de services écosystémiques à la hauteur des enjeux, la question n’est plus « comment gérer ces systèmes/adapter les pratiques à ces conditions ? », mais devient « comment régénérer les sols pour être en mesure d’assurer productivité, durabilité et rentabilité tout en assurant une protection agroécologique des cultures à faible impact environnemental ? ». Cette question transcende les trois formes d’agriculture agroécologique que nous avons décrites. D’où les propositions suivantes pour une agriculture régénératrice.
Le premier principe ne devrait pas être l’arrêt du travail du sol car ce travail est nécessaire à l’obtention de la macroporosité permettant l’implantation racinaire des cultures ou des couverts végétaux lorsque l’on commence la transition à partir d’un sol très dégradé ; il importerait plutôt de développer les associations/rotations des cultures avec des mélanges diversifiés d’espèces végétales afin d’utiliser tout le temps et l’espace disponibles et de maximiser la production photosynthétique. Ensuite, les pratiques ne peuvent pas être figées et doivent évoluer au cours du processus de régénération. Les questions principales deviennent alors : « comment adapter les systèmes de culture aux conditions de milieu en évolution ? », « à quels moments peut-on et doit-on réduire ou supprimer le travail du sol et l’utilisation d’intrants exogènes ? ». Nous présentons ci-dessous les principaux éléments de réponse génériques :
i) comme vu précédemment, plus on s’éloigne du point d’inflexion (MO%/argiles% = 17%), plus les pentes sont faibles et donc plus les évolutions seraient longues et difficiles (fig. 4). Ainsi, le passage de A5 à A4 (a fortiori de B5 à B4), soit le franchissement du seuil de 12%, exige, notamment sous climat contraignant, des apports de MO extérieurs considérables ou la concentration de la biomasse sur une surface plus restreinte que celle qui l’a produite, avec par la suite extension progressive à toute la surface. Ces apports de ressources organiques sont complémentaires d’un travail du sol qui reste maintenu (pour la création de porosité mécanique) mais en privilégiant le trafic contrôlé pour limiter la compaction du sol. Pour maintenir un équilibre pH-Eh, les plantes peuvent être aidées au cours de cette phase de transition par exemple par des pulvérisations foliaires anti-oxydantes.
ii) Au-delà de ce seuil, l’évolution deviendrait plus rapide car moins difficile. La production de biomasse endogène (en particulier par les couverts végétaux) augmenterait en effet rapidement et permettrait de s’approcher puis de franchir le seuil de 17% (stade A3, ou B3). Le passage de A4 à A3 (ou de B4 à B3) puis de A3 à A2 (ou de B3 à B2) correspondrait ainsi à un gain important de MO et à une restauration de la structure. On aurait alors une régénération du sol rapide et relativement facile à obtenir (notamment sur la trajectoire A), les possibilités de cultures/systèmes et les facilités d’implantation augmentent, favorisant la production d’une biomasse importante permettant de poursuivre la dynamique jusqu’à A2 (ou B2) (seuil de 24%).
iii) Au-delà de ce seuil de 24%, il deviendrait difficile, notamment sous climat contraignant, d’augmenter le stock de carbone du sol, une large part de ce carbone étant du carbone labile du fait des liaisons MO-argiles quasiment saturées. Il n’est d’ailleurs pas utile de le faire car les gains de production seraient faibles alors que les « coûts » d’entretien de niveaux très élevés de MO deviennent considérables. Toutefois, Rowley et al. (2018) mettent en évidence l’importance de la richesse du sol en cations Ca2+ pour améliorer la stabilisation du carbone organique du sol.
Enseignements pour les agricultures agroécologiques
L’enjeu des agricultures agroécologiques est de produire en maximisant les services écosystémiques fournis par la biodiversité. Outre la diversité des cultures de rente et la couverture permanente du sol (gestion de la biodiversité planifiée), cela suppose de combiner de manières ad hoc le travail du sol et les intrants exogènes à l’exploitation, tout en les réduisant, compte tenu de leurs effets souvent négatifs sur la biodiversité. Il s’agit donc d’initier et d’accompagner des trajectoires de restauration. Cela constitue un défi car les pratiques à mettre en œuvre sont très dépendantes des contextes de sol (texture, mais aussi structure, états organique et calcique…), de climat et de contexte socio-économique. Il n’y a donc pas de recettes simples pour les définir.
La prise en compte du microbiome du sol est cruciale pour déjà démêler les relations variées et complexes que les pratiques de gestion du sol et d’apports d’intrants de synthèse entretiennent avec l'environnement biotique et abiotique (Hermans et al., 2023). L’approche par le couple pH-Eh fournit un cadre générique de fonctionnement des systèmes sol/ plantes/ microorganismes/ macrofaune/ bioagresseurs. Elle permet de mieux comprendre que toute l’énergie du système vient de la photosynthèse, que certains éléments nutritifs sont solubilisés ou non, que les plantes malades sont des plantes oxydées du fait de conditions de sol compacté, nécessitant de l’énergie pour compenser/réguler. Elle constitue un profond changement de paradigme pour l’agriculture et particulièrement pour la gestion de la santé des cultures car elle propose une approche préventive de celle-ci, via une gestion agroécologique des bioagresseurs par maintien des équilibres pH-Eh. Ce nouveau paradigme explique pourquoi il est nécessaire d’accroître la teneur en MO des sols et de régénérer leur structure, et aboutit à la définition d’indicateurs permettant de suivre la restauration des sols.
Les formes d’agriculture revendiquant une parenté avec l’agroécologie ont tout intérêt à se saisir de ces approches encore en construction et des indicateurs associés pour se situer sur des trajectoires de restauration. C’est le cas de l’agriculture biologique pour mieux activer les fonctionnalités du sol et pour l’agriculture de conservation des sols afin d’aller plus loin dans la réduction des intrants de synthèse. L’agriculture régénératrice, fondée sur des processus écologiques pilotables par la gestion et éloignée de la vision simpliste répandue dans la société, a l’ambition de correspondre à ces trajectoires de progrès. La mobilisation des indicateurs de santé du sol, pour une contextualisation des pratiques, est la condition pour qu’elle ne se réduise pas à de simples promesses.
[1] www.inrae.fr/actualites/dossier-lagriculture-conservation
[2] Sur la base de 250 analyses de sol en France, il a été montré que si 32% étaient dans un état satisfaisant, jusqu’à 10% étaient dépréciés en termes d’abondance de microorganismes, le reste ayant un niveau correct mais à surveillerhttps://www.youtube.com/watch?v=gyrme0m21Kw
[3] La notion de fertilité endogène d’un sol rejoint celle de sa santé dans la mesure où il est question dans les deux cas de sa capacité à fonctionner sur le long terme comme un système vivant capable d’assurer une productivité de biomasse végétale compatible avec le maintien à long terme également des fonctionnalités écologiques de l’écosystème cultivé (contribution à la préservation des ressources air, eau, sol et biodiversité, et à la santé globale). Productivité primaire et autres fonctionnalités sont très dépendantes des interactions entre les caractéristiques biologiques, physiques et chimiques du sol.
[4] La matière organique du sol (MOS) contenant en moyenne 58% de carbone, le facteur multiplicatif entre le COS et la MOS est de 1,72
[5] https://agronomie.asso.fr/aes-9-2-7
[6] Voir vidéo https://www.youtube.com/watch?v=fSQLwvNlSIU
[7] Sur une période de 30 ans, entre 1982 et 2012, environ trois quarts des communes françaises ont été concernées au moins une fois, par des coulées d’eau boueuse dues à l’érosion hydrique des sols, couvertes par des arrêtés de catastrophes naturelles ; 35% des surfaces perdent plus d’1t de terre par ha et par an (1 t correspond à environ 1 mm de sol sur 1 ha, nécessitant en moyenne 40 ans pour être formé – Reicosky, 2015).
Remerciements
Nous remercions Nadine Andrieu et Christophe Naudin pour leurs suggestions constructives.
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