Editorial
Philippe Prévost1, Marianne Le Bail2, Teatske Bakker3, Sophie Chauvat4, Hélène Brives5, Mathieu Capitaine6, Florian Célette5, Marie Chizallet7, Pierre Gasselin8, Blandine Passemard9
1Alliance Agreenium, 2AFA, 3CIRAD, 4IDELE-RMT Travail, 5ISARA, 6Vetagro Sup, 7Université Paris Cité, 8INRAE, 9FR CUMA Auvernge-Rhône-Alpes
Ce numéro d’Agronomie, environnement & sociétés rend compte à la fois des travaux du débat agronomique de l’AFA de mars 2023 et de la 12ème édition des Entretiens agronomiques Olivier de Serres. Ces travaux ont porté sur l’analyse des enjeux du travail agricole pour les agronomes, sur le panorama des travaux en cours portant sur les différentes dimensions du travail, et sur une réflexion prospective pour les activités des agronomes de la recherche, du développement et de la formation. L’ensemble de ces réflexions et travaux prennent en compte les impacts et les conséquences des évolutions du travail en agriculture dans le contexte de la transition agroécologique.
Il s’agit ainsi de s’intéresser au travail dans le double contexte de l’évolution des exploitations agricoles et de la transition écologique.
A l’échelle des exploitations agricoles, il y a au moins trois acceptions à prendre en compte :
- Le travail comme métier, tant dans ses aspects qualitatifs (diversité du travail et des compétences : l’agriculteur est producteur d’aliment, transformateur, responsable de la transition écologique ; évolution et diversification des normes, des fonctions, des activités et des compétences, critères de professionnalité, mondes professionnels, …) que quantitatifs (évolution des effectifs par catégories d’emploi, attractivité des métiers…).
- Le travail comme organisation, que cesoit dans la gestion du fonctionnement de l’entreprise agricole (gestion de la quantité et la qualité de main d’œuvre, le calendrier dans une période de temps, la mobilisation d’équipements…) ou dans la conceptionde solutions adaptées aux problèmes que posent les situations de travail (reconception de systèmes de culture, recherche de valeur ajoutée, complexité, variabilité et charge mentale, …)
- Le travail comme sens donné à l’activité (intérêt du travail, satisfaction, contribution à la santé, relation aux valeurs personnelles…).
Quant à la transition agroécologique, elle interroge le travail dans ses différents aspects, et nous identifions a minima trois interactions essentielles entre travail et transition agroécologique :
- La recherche d’autonomie vis-à-vis des intrants par une plus grande combinaison de régulations biologiques impacte le travail dans ses différentes acceptions (évolution dans le travail du sol, dans la gestion des intrants ou la gestion de la biodiversité fonctionnelle…) ;
- La recherche de reconnexion entre production et alimentation au sein d’un territoire crée de nouvelles activités et de nouvelles relations avec les acteurs locaux (diversification des cultures et des produits, organisation de collectifs, création de paniers de biens, création de nouveaux ateliers dans les entreprises…) ;
- L’affirmation de valeurs écologiques et la recherche de nouveaux modèles sociotechniques engendrent des innovations dans les processus de production à fort impact sur le travail (techniques d’agriculture biologique à forte intensité de main d’œuvre, réduction de l’empreinte carbone…).
Les travaux menés par l’AFA et ses partenaires sur la thématique « Travail en agriculture et transition agroécologique » ont ainsi été regroupés dans ce numéro[1] en cinq parties principales.
La première partie présente le cadrage du sujet.
Le texte deDedieu et Chauvat introduit le numéro par un panorama de données sur le travail en agriculture, tant par l’analyse des évolutions du travail dans ses différentes dimensions (emplois, métiers, organisation du travail, sens), sur les plans quantitatif et qualitatif, que par la discussion sur les enjeux du travail des agriculteurs et de leurs salariés face aux défis actuels de l’agriculture (renouvellement générationnel, développement du salariat et de la délégation de travaux, réduction de la durée des carrières, nouvelles formes d’organisation d’entreprises, les usages du numérique, la transition agroécologique...). Ils constatent que l’accompagnement en recherche et développement, qui a permis d’étudier les différentes dimensions du travail, principalement dans les systèmes d’élevage, n’a pas suffisamment pris en compte l’aspect prospectif des changements dans le travail avec les transformations en cours dans l’agriculture, et concluent sur des propositions de nouveaux sujets d’accompagnement.
Bakker et Le Bail, agronomes, complètent le cadrage de la thématique du travail en agriculture en le centrant sur les approches agronomiques de la transition agroécologique, préoccupation majeure des agronomes sur les questions de travail. Après avoir montré comment l’évolution du travail est au cœur de la réflexion pour la reconception des systèmes de culture, elles mettent en évidence la rareté et la dispersion des travaux d’agronomes sur le sujet, alors que des questionnements concrets et stimulants méritent un nouvel investissement des agronomes. A partir d’un témoignage d’agriculteur sur les évolutions du travail dans sa trajectoire de transition agroécologique, elles recensent ainsi toutes les questions qui se posent, aux différentes échelles (la parcelle, l’exploitation agricole, le territoire), et pour lesquelles les agronomes sont attendus, tant en recherche, en formation qu’en accompagnement.
La deuxième partie approfondit différents enjeux[2] sur le travail que représente spécifiquement la transition agroécologique.
Mouret et Javelle proposent une réflexion socio-anthropologique sur les rapports entre travail et nature en agriculture, du fait de l’injonction à « travailler avec la nature » dans une trajectoire agroécologique. Interrogeant les différentes rationalités à l’œuvre dans le travail avec la nature en agriculture (instrumentale, relationnelle, identitaire), ils suggèrent de sortir de la seule rationalité instrumentale (les animaux et les plantes comme outils de production) dans laquelle est encore souvent enfermé le travail agricole, pour considérer autrement le travail avec le vivant, sous forme d’un partenariat ou d’un compagnonnage inter-espèces, permettant la réparation et l’épanouissement des vies humaines et non humaines.
Chizallet, Zara-Meylan et Coquil, ergonomes, instruisent dans leur article la question des différentes temporalités à prendre en compte dans une trajectoire agroécologique. Les différents pas de temps à considérer dans le travail peuvent être à l’échelle des situations de travail ou à d’autres échelles, comme celle d’une trajectoire professionnelle. Les auteurs proposent ainsi une démarche d’analyse de la relation au temps dans le travail agricole en s’appuyant sur le concept de configurations temporelles, permettant d’analyser cette relation au temps dans les situations existantes, mais également de documenter les évolutions des relations au temps dans le travail dans une perspective de trajectoire de transition agroécologique, en prenant en compte la dimension subjective inhérente aux représentations du travail chez les acteurs.
Moraine et Pissonnier, agronomes du territoire, s’intéressent à l’enjeu que représente sur le travail la recherche de circularité de flux de biomasse dans les territoires dans une trajectoire de transition agroécologique. Après une période de spécialisation des exploitations agricoles et des territoires qui a ignoré la gestion des flux de nutriments aux échelles locales, au détriment de la qualité de l’environnement, la recherche actuelle d’une meilleure intégration agriculture-élevage, ou au moins d’une plus forte collaboration entre céréaliers et éleveurs sur les territoires, questionne non seulement le travail des acteurs en place mais plus globalement l’évolution des emplois, des métiers et des compétences pour s’inscrire dans une véritable bioéconomie circulaire dans les territoires.
Enfin, Laurent, Le Bail et Guichard traitent de l’enjeu majeur de la santé et la sécurité au travail. Partant du constat que le travail en agriculture présente des risques plus nombreux pour la santé et la sécurité au travail que d’autres secteurs d’activités, les auteurs analysent les outils existants pour le diagnostic des conditions de travail, en particulier ceux portant sur la prévention. Elles proposent un cadre d’analyse des risques pour la santé et la sécurité au travail permettant de documenter l’évolution des conditions de travail et des risques dans une trajectoire de transition agroécologique et de faciliter le dialogue entre agronomes et spécialistes de la santé pour réduire ces risques à l’avenir.
La troisième partie témoigne de différentes expériences d’évolution du travail dans un contexte de transition agroécologique.
Jacquot et al. ont étudié les impacts de l’adoption de pratiques alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires sur le travail dans des exploitations de polyculture-élevage. Ils constatent les nombreuses contraintes sur le travail engendrées par cette adoption (en particulier le désherbage mécanique ou l’allongement des rotations), du fait d’un temps de travail journalier contraint par les astreintes liées aux animaux, mais aussi le besoin de connaissances et de compétences spécifiques pour reconcevoir l’ensemble du système d’exploitation.
Curri et Leriche témoignent d’un travail exploratoire auprès d’un échantillon d’agriculteurs portant sur l’analyse de convergences entre le bien-être au travail et la place de l’écologie dans leurs pratiques. Même si le groupe d’agriculteurs interviewés n’est pas du tout représentatif, cette étude exploratoire donne à voir l’expression d’agriculteurs qui vivent des dilemmes dans leurs choix, parce que les impacts sur le travail de pratiques écologiques sont parfois antinomiques.
Slimi et al. présentent des résultats de recherche en ergonomie portant sur le rôle des collectifs de pairs dans l’accompagnement de la transition agroécologique. Dans leur article, ils montrent comment l’induction et le développement de l’enquête (au sens de méthode d’exploration et de résolution de problème) au sein de collectifs d’agriculteurs permettent un dialogue entre la situation de travail (pôle expérientiel) et les idées envisagées (pôle idéel), jusqu’à la reconfiguration de la situation initiale. Ils concluent par des propositions nouvelles pour l’accompagnement global du travail, à partir de l’analyse collective des situations de travail avec une visée transformative.
Leclercq nous propose une analyse de l’évolution de la prise en compte des dimensions du travail dans les méthodes d’évaluation multi-critères des systèmes et territoires agricoles. Progressivement, différentes méthodes d’évaluation intègrent des indicateurs pour apprécier certaines dimensions du travail.
Enfin, deux témoignages de praticiens complètent cette partie.
Omon (interviewé par P. Prévost), conseiller agricole en chambre d’agriculture, spécialisé dans l’animation de collectifs, nous partage sa réflexion sur la prise en compte des dimensions du travail dans l’accompagnement des agriculteurs. Si les questions de travail sont rarement l’objet direct de l’accompagnement, le sujet fait partie de toutes les problématiques de conseil, les décisions des agriculteurs intégrant implicitement l’organisation du travail. Mais il s’interroge sur les façons de mieux prendre en compte les différentes dimensions du travail, après avoir suivi de près les travaux des Entretiens agronomiques Olivier de Serres sur ce thème. En particulier, une approche sensible du travail des agriculteurs, dans leur relation intime avec la nature, pourrait être un moyen d’accompagner certains profils d’agriculteurs dans l’adaptation de leur systèmes de culture.
Baduraux, agriculteur en Lorraine, qui est intervenu lors du débat agronomique de l’AFA de mars 2023, décrit la façon dont il fait évoluer son système de culture depuis la reprise de la ferme familiale en 2012, avec une réflexion permanente sur le travail. Ce témoignage est très révélateur de l’enjeu travail dans toutes les exploitations agricoles, et particulièrement quand une trajectoire de transition agroécologique est à engager.
La quatrième partie du numéro propose un focus sur la dimension « Bien-être et santé au travail », rendant visibles des problèmes peu connus des agronomes, et pourtant essentiels à prendre en compte.
Gallien et al. rendent compte d’une étude sur l’évolution des conditions de travail dans un contexte de reconception des systèmes de culture, dans le cas de la protection phytosanitaire des cultures. A partir d’une double expertise agronomique et ergonomique, cette étude, qui intègre à la fois les principes de la protection intégrée des cultures et les 9 principes de la prévention de la santé et sécurité au travail, a testé l’efficacité des différentes pratiques agricoles, préventives et curatives, de protection des cultures. Outre la mise en évidence des différents impacts des méthodes préventives sur les conditions de travail, les auteurs suggèrent de partager l’usage de l’outil d’évaluation construit pour l’étude dans l’accompagnement des changements de pratiques des agriculteurs.
Poussard et al., dans leur article, explorent l’impact de la transition agroécologique sur la santé psychique des agriculteurs. Dans une démarche d’étude clinique du travail, ils montrent comment la transition agroécologique peut être vécue de manière très différente selon les agriculteurs et l’importance d’accompagner la période de « crise » en apportant des ressources permettant le dépassement pour s’inscrire dans un process de développement professionnel. Ils concluent sur le rôle essentiel de l’agronome conseil qui, en dehors du soutien technique, peut accompagner la « déconflictualisation » du réel.
Mesnel, chercheure en sociologie politique, interviewée par F. Kockmann, aborde un autre enjeu du travail en agriculture, celui de la complexité administrative induite par la PAC, vécue par les agriculteurs. Pour mieux en saisir les tenants et aboutissants, elle dissocie fort utilement le « fardeau administratif », renvoyant aux différents coûts occasionnés par les démarches et « la paperasse », recouvrant les normes et formalités perçues excessives, compliquées et inutiles : c’est là une clef enrichissante pour réfléchir avec pertinence aux simplifications nécessaires. Ses travaux mettent en évidence que ce n’est pas tant le rejet du travail administratif que l’incompréhension des procédures mises en œuvre depuis la PAC de 1992 qui crée les tensions entre le monde politique et la profession agricole : la bureaucratisation des aides, concrétisée par des exigences de traçabilité croissantes, fait écran à une prise en compte satisfaisante des enjeux, notamment celui la biodiversité, si déterminante pour la transition agroécologique. Dans sa thèse, la comparaison de la gestion administrative des aides PAC et de leur réception par les agriculteurs révèle de fortes différences entre la France et l’Espagne, en relation avec les contextes historiques contrastés. Si le besoin de simplification des procédures et le soutien à la gestion administrative par délégation sont nécessaires, le maintien du cap des politiques publiques agricoles et alimentaires européennes dans le contexte de changement climatique est tout autant indispensable : cela doit passer par la clarté du contrat social sur un temps suffisamment long permettant une acceptation de normes exigeantes.
Sur le même thème, Lacour et Moretty-Verdet, également interviewés par F. Kockmann, confirment les propos de Mesnel, avec leur expérience d’agriculteur-président et de directrice de chambre d’agriculture. Ils insistent sur le besoin de simplification et d’accompagnement des agriculteurs dans la gestion des aides PAC et la lisibilité des normes, mais aussi sur la nécessité de faire évoluer la façon de contrôler les exploitations. Ils proposent de redonner une dimension humaine au lien entre les gestionnaires de politiques publiques et les agriculteurs, pour rendre acceptable le travail administratif complètement désincarné par l’usage des outils informatiques.
Enfin, la cinquième et dernière partie de ce numéro met en perspective toutes les questions liées au travail en agriculture identifiées dans les travaux du débat agronomique et des Entretiens agronomiques Olivier de Serres.
Les trois textes de cette partie résultent de travaux de groupe menés sous forme d’ateliers lors du séminaire conclusif des Entretiens agronomiques Olivier de Serres, le 12 juin 2024. L’objectif des ateliers était d’analyser collectivement[3], les impacts et les conséquences, pour chacune des fonctions d’agronome (recherche, développement agricole, formation), des évolutions du travail agricole dans le contexte de la transition agroécologique. Chacun des textes répond aux deux questions des Entretiens agronomiques Olivier de Serres, pour chacune des trois grandes fonctions d’agronomes :
- quels sont les principaux impacts pour les agronomes de la transition agroécologique dans l’évolution du travail ?
- Quelles conséquences à prendre en compte pour chacune des fonctions d’agronome ?
Dans la fonction de recherche, Bakker et Célette rendent compte de la difficulté des agronomes chercheurs à s’emparer de l’objet « travail » : quelle est leur légitimité, en comparaison avec les ergonomes ? Quels outils et méthodes mobiliser pour cet objet ? Comment pratiquer une interdisciplinarité adaptée à l’objet ? Malgré la reconnaissance de l’agronomie comme science intégrative, elle reste encore dans une approche ingénierique et calculatrice, dans un objectif de productivité, au détriment d’approches centrées sur les travailleurs (leurs valeurs, leurs besoins, leurs compétences, leur projet, leur raisonnement). Au-delà de la mise en place d’un cadre d’analyse (voir Bakker et Le Bail, dans ce numéro) permettant d’évaluer les dimensions qualitatives autant que quantitatives du travail, la production de recherches documentant l’impact agronomique des évolutions du travail dans des trajectoires de transition agroécologique, de développement des outils numériques, ou de réorganisation de main d’œuvre dans les entreprises agricoles apparaissent prioritaires.
Dans les fonctions de formation, Loyce et le Bail proposent une synthèse des échanges dans l’atelier dédié, en mettant en évidence, d’une part, la complexité des interactions entre travail agricole et transition agroécologique à prendre en compte, d’autre part, le besoin de faire évoluer les enseignements pour mieux correspondre aux attentes des professionnels et des apprenants. Ainsi, en complément du renforcement des méthodes pédagogiques favorisant la compréhension de la complexité du sujet traité (approche systémique et pluridisciplinaire, approche globale de l’exploitation agricole, etc.), la question des temporalités (temps long de la transition agroécologique, parcours professionnel pouvant être jalonné de différents métiers) est à développer dans l’enseignement. Par ailleurs, de nouveaux enseignements pourraient être introduits dans les formations initiales et continues des agriculteurs, de leurs salariés, de ceux qui les accompagnent et les forment, à la fois pour prendre en compte la diversité des métiers en agriculture, mais également pour traiter des dimensions du travail peu présentes actuellement, comme le sens du métier ou la santé au travail.
Dans les fonctions de conseil et d’agent de développement, Chauvat relate les échanges de l’atelier dédié. Premièrement, il en ressort la nécessité pour les agronomes de décentrer leurs accompagnements vers l'agriculteur alors qu'il était plutôt axé jusqu'alors sur les conduites et les pratiques. Les compétences techniques constituent bien évidemment encore aujourd'hui le socle du métier des intervenants en agronomie. Toutefois, les approches psychosociales deviennent incontournables pour, d'une part, faire émerger les valeurs, les représentations du travail et les aspirations des agriculteurs afin qu'ils puissent s'engager sereinement dans la transition agroécologique et d'autre part, envisager les conséquences sur la soutenabilité du travail de ces transformations. Par ailleurs, le travail, objet multifacette, intime et tabou, n'étant pas toujours facile à appréhender par les accompagnants, il s'agira de sensibiliser, outiller et former sur ces thématiques, non pour qu'ils deviennent des spécialistes mais plutôt afin d'en intégrer des composantes utiles aux processus de transitions.
Et pour terminer ce numéro, nous avons ajouté deux textes qui ne sont pas spécifiquement sur les questions de travail en agriculture mais qui feront cependant écho à la thématique traitée.
D’un côté, une note de lecture de Kockmann relative au riche compte-rendu de la dernière journée d’études GERDAL-INRAE ACT de novembre 2023, rédigé par Ruault et Hostiou, portant sur la transformation des métiers et des identités socioprofessionnelles des agriculteurs et des agents de développement. Les questions liées à l’évolution dans le travail agricole traversent les diverses problématiques traitées dans la journée, des injonctions contradictoires vécues par les agriculteurs et les agents de développement aux impacts des différentes transitions, en particulier agroécologique, ou des changements dans les profils des agriculteurs aux modèles de coopération et de fonctionnement en réseaux.
De l’autre côté, un témoignage de Boiffin et al. rend compte des questions abordées au cours de neuf séances de présentation-discussion de la Fabrique de l’agronomie. Les sujets, convergents, ont été regroupés en six thèmes transversaux, pour lesquels les enjeux de poursuite de la fabrique de l’agronomie au sein des différents ateliers (recherche, développement agricole, formation) sont bien identifiés. Le travail agricole n’est pas abordé comme un objet agronomique en tant que tel. Toutefois, une phrase de leur conclusion révèle ce qui a traversé les échanges et débats sur la thématique « Travail en agriculture et transition agroécologique » : « le renforcement du contenu de l’agronomie a été peu évoqué. Il en va de même pour le rapport entre agronome et agriculteur. On doit réaffirmer que ce dernier est un moteur essentiel d’évolution de l’agronomie, dès lors que l’identité de cette discipline est intrinsèquement liée à l’action de cultiver des végétaux sur une portion d’espace. » Il va ainsi de soi que l’objet « travail » doit être approfondi dans les réflexions à venir au sein de la communauté des agronomes.
Nous vous souhaitons une bonne lecture !
PS : les textes de ce numéro n’épuisent pas le sujet du « Travail en agriculture » pour la communauté des agronomes, certains aspects ayant encore été peu traités. Mais d’autres productions de l’AFA permettront d’appréhender d’autres aspects du lien entre travail en agriculture et transition agroécologique. Par exemple, l’impact des usages numériques dans le travail n’a pas fait l’objet de texte, mais seulement d’une intervention de N. Hostiou disponible en vidéo[4]. De même, la formation des agronomes sur les questions de travail fera l’objet du numéro d’Agronomie, environnement & sociétés spécifiquement dédié aux enseignants et formateurs à paraître en décembre 2024.
[1]Ce numéro n’épuise pas totalement les travaux menés par l’AFA et ses partenaires depuis mars 2023, puisque le numéro d’Agronomie, environnement & sociétés de décembre 2024 sera sur le même thème, mais spécifiquement dédié aux publics enseignants et formateurs. Ce prochain numéro rassemble la production d’expériences et d’outils pédagogiques qui méritent d’être diffusés au plus grand nombre, afin d’aider les formateurs en agronomie à s’emparer de la thématique du travail dans leurs enseignements.
[2]Ces enjeux ont également fait l’objet de 5 webinaires lors de la première phase des Entretiens agronomiques Olivier de Serres, accessibles sur le lien https://agronomie.asso.fr/webinairesods2023 . Des résumés de ces webinaires seront également publiés dans le numéro d’Agronomie, environnement & sociétés dédié à l’enseignement de décembre 2024.
[3] L’ensemble des participants au séminaire (40 personnes, composés d’agronomes des différents métiers et d’experts du sujet du travail en agriculture) a contribué aux échanges pour chacun des ateliers, du fait d’une modalité tournante de sous-groupe dans chaque atelier « métier ». Les discussions ont également été nourries par les productions menées en amont du séminaire (cf. https://agronomie.asso.fr/entretiens2023-2024 ).
[4] N. Hostiou, 12 juin 2024. Intervention au séminaire conclusif des Entretiens agronomiques Olivier de Serres : « Contribution des technologies de précision pour améliorer le travail dans les exploitations agroécologiques : questionnements et perspectives »
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