La démarche clinique en agronomie : sa mise en pratique entre conseiller et agriculteur
F. Kockmann1, A. Pouzet2, B. Omon3, L. Paravano4, M Cerf5
1 Ex-Chambre d’agriculture de Saône et Loire. 284 route du stade 01600 Reyrieux. Courriel : francois.kockmann@wanadoo.fr
2Ex -CETIOM/Terres Inovia, 11 place des Fédérés 93160 Noisy le Grand France. Courriel : apouzet@gmail.com
3IRD-Chambre régionale d’agriculture de Normandie - Agro-Pôle Normandie 6 rue des Roquemonts 14053 CAEN
4Chambre d’agriculture de l’Yonne-14 bis, rue Guyemer.BP50289-89005-France
5INRA UMR 1326 LISIS Bâtiment EGER, BP 1 F-78 850 Thiverval Grignon- France
Résumé
Dans le développement agricole, l’agronome-conseiller accompagne l’agriculteur-praticien, confronté à des décisions tactiques ou stratégiques, liées à des investissements ou à une dynamique de changement d’orientation (système de culture ou de production). La pertinence de l’accompagnement repose sur la qualité de la relation entre les deux acteurs et leurs compétences réciproques : c’est là un fait d’expérience. Toutefois, que recouvre ce constat en agronomie, où conseiller et agriculteur sont confrontés sur le terrain à des situations singulières, systémiques et complexes que sont la parcelle ou l’exploitation ? La qualité de la relation fait référence en réalité à la mise en pratique d’une démarche clinique entre les deux acteurs : éclairés par l’expérience clinique dans le domaine des sciences humaines et dans celui de la médecine, nous proposons une formalisation de cette relation et de sa dynamique. Les compétences du conseiller et de l’agriculteur sont pour beaucoup fondées sur leurs capacités à poser chacun un diagnostic sur l’objet observé, mobilisant pour le premier des savoirs et raisonnements agronomiques et pour le second des savoirs professionnels empiriques. Quels outils, concepts et méthodes créés par les agronomes pour aborder la parcelle et l’exploitation ? Nous repositionnons les plus déterminants, évaluons les conditions de leur appropriation en soulignant la prééminence du concept de système de culture et le rôle déterminant des conseillers dans la mise en pratique de la démarche clinique, qui revêt un enjeu majeur dans le contexte actuel de transition de l’agriculture.
Mots clés :démarche clinique ; relation conseiller-agriculteur ; diagnostics et compromis ; outils, méthodes et concepts ; parcelle et exploitation agricole.
Introduction
La démarche clinique est primordiale pour les agronomes dès lors qu’ils visent à « agir au niveau de la pratique agricole et plus largement de l’utilisation du milieu naturel par l’homme » (Sebillotte, 1974). Pourtant, les écrits relatifs à la spécificité de la démarche clinique en agronomie paraissent plutôt limités, alors qu’ils sont conséquents en médecine, ainsi que dans les sciences humaines.
Dans quelle mesure l’identification des traits génériques de la démarche clinique ainsi que l’expérience acquise en médecine peuvent aider à mieux saisir et caractériser ce que pourrait recouvrir une démarche clinique dans le champ spécifique de la relation entre conseiller et agriculteur ? C’est l’objet de la première partie de cet article.
Avec l’affirmation de la dimension systémique de l’agronomie (Hénin, 1960), les agronomes construisent des outils de diagnostic et élaborent des concepts qui seront déterminants pour la pratique de la démarche clinique ; initialement conçus dans la perspective générale d’accompagner l’agriculture dans l’amélioration de sa productivité, les outils doivent évoluer pour intégrer les enjeux environnementaux, et plus largement la durabilité des systèmes agricoles telle que définie par Meynard (Meynard, 2016). La seconde partie de l’article retrace ainsi la dynamique de création des outils de diagnostic et des concepts applicables à la parcelle et à l’exploitation agricole [1], objets centraux dans la coopération clinique entre conseiller et agriculteur dans le développement agricole. Trois encadrés illustrent le rôle déterminant et la valeur ajoutée des conseillers dans l’usage des outils et méthodes.
Contribution à la caractérisation de la démarche clinique dans la relation entre agriculteur et conseiller en agronomie
La démarche clinique : quelles caractéristiques génériques ?
Historiquement, la démarche clinique s’est développée en médecine au cours du 19° siècle (Foucault, 1963). A la suite de la publication de l’ouvrage de Foucault, elle a été engagée à la fin du 20ième siècle, en psychanalyse et en psychologie, puis dans l’ensemble des sciences humaines et notamment en sciences de l’éducation (Cifali, 1999). La démarche clinique n'appartient donc pas à une seule discipline et ne constitue pas un terrain spécifique. Nous avons choisi de nous focaliser sur la mise en œuvre de la démarche clinique dans les sciences de l’éducation avec une approche spécifique sur l’analyse des pratiques de formation, largement développée dans les travaux de M. Cifali (voir la bibliographie en fin d’article). Avec l’a priori que la relation entre l’agriculteur et le conseiller est plus proche de ce domaine que du domaine de la médecine, nous avons donc recherché les traits génériques de la démarche clinique dans les sciences de l’éducation pouvant caractériser également la mise en œuvre d’une démarche clinique entre les agriculteurs et leurs conseillers ? Nous en retenons principalement six.
Au cœur de la démarche clinique, la relation entre deux acteurs
Cifali (2007a) met l’accent sur les exigences de la relation d’accompagnement : congruence, sensibilité, présence, attention, confiance en l’autre, à l’écoute de sa singularité et de ses éventuelles résistances au changement.
La posture dans l’accompagnement des pratiques professionnelles
Dans le champ des sciences humaines, est apparu un « courant clinique » caractérisé par (i) des recherches, des analyses de pratiques, des formations menées non pas « au chevet du patient » mais auprès d’acteurs engagés dans et intéressés par l’objet d’étude, grâce à « cette posture particulière qui permet à un professionnel de construire des connaissances à partir de situations particulières dans lesquelles il est impliqué », et par (ii) des approches souvent guidées par « le souci de l’action, de la compréhension et de la transformation des situations de travail » (Clot, 2001).
La posture clinique se caractérise par une nécessaire implication : « travailler avec ne revient pas prioritairement à faire montre de nos connaissances, mais surtout à rendre intelligent [2] celui qui est impliqué dans des situations complexes et souvent difficiles à comprendre » (Cifali, 2014). La démarche clinique se décline en modalités diverses, mais toutes ont un dénominateur commun : l’accent mis sur les fonctionnements en situation (Perrenoud, 1994).
Dans les différents cas d’usage des sciences sociales, la démarche clinique vise à prendre du recul vis-à-vis d’une pratique
Pour notre propos, il s’agit, pour le conseiller, d’observer et d’analyser la pratique de l’agriculteur en caractérisant les effets de ses actions sur l’objet observé mais aussi en saisissant sa manière d’appréhender et d’être en relation avec cet objet. L’observation conjointe, et le fait qu’on ne regarde ni ne voit les mêmes choses, permet d’élaborer des hypothèses ou des stratégies d’action par la réflexion individuelle ou collective, la mobilisation d’apports théoriques multiples, des regards complémentaires, des interrogations nouvelles. Elle sollicite des personnes-ressources qui mettent en commun leurs points de vue pour faire évoluer la pratique ainsi analysée. Elle peut, dans certains domaines, s’inspirer de la démarche expérimentale, dans d’autres s’apparenter à une recherche-action, en restant centrée sur les questions posées par l’agriculteur. Face aux situations observées, il s’élabore entre les interlocuteurs en présence une compréhension de ce qui se passe, une co-construction d’un sens qui provoque parfois du changement ; il s’instaure une articulation théorie-pratique particulière, un lien entre connaissance et action (Cifali, 1999).
La démarche clinique pour interroger la science
Elle n’est pas un simple exercice d’application de connaissances acquises, nous avons à accepter l’incertitude inhérente à l’action, et à développer une capacité de jeu avec l’imprévu (par exemple : aléas du climat, variabilité des rendements et de prix …). Davantage processus que procédure, l’analyse de pratiques aurait alors à se maintenir en tension avec ce qui la contredit, c’est-à-dire en constant renouvellement et questionnement : il n’y a pas de réponse-type d’une situation à l’autre ou d’un moment à l’autre.
La valorisation de l’expérience des praticiens par l’écriture
Dans le champ des sciences humaines et sociales, la démarche clinique s’écrit dans un style plus littéraire que scientifique, à travers le récit ou l’essai. La reconnaissance du récit comme mode de construction théorique se heurte, dans le champ professionnel du conseiller, à plus d’une difficulté ; pour que le récit entre dans le champ de la science, il importe qu’il devienne public et donc publié (Cifali & Hofstetter, 1995, cité par Cifali, 2001). Une telle perspective nécessiterait de définir les codes et les modes de validation spécifiques au récit, élaborés entre acteurs différents, scientifiques et conseillers ou agriculteurs. Au-delà de la forme, une certitude : l’importance d’espaces de partage pour que des conseillers puissent écrire, penser, se former sur leur temps de travail et que cela fasse partie de leur métier et contribuer à un enrichissement collectif par le récit de leurs expériences individuelles.
Les limites de la mise en pratique de la démarche clinique
L’analyse de pratiques ne peut avoir lieu indépendamment du contexte institutionnel dans lequel elle se tient. Les conclusions d’une démarche clinique, même si certaines d’entre elles peuvent susciter une remise en cause du contexte de l’activité agricole, doivent permettre l’évolution des pratiques. La position clinique est militante : restituer à chacun, pris dans des situations professionnelles et sociales, une capacité de penser ; fournir les outils, les dispositifs pour que ce travail de pensée ne cesse de se tenir, et qu’une qualité de l’agir et de la rencontre se préserve.
Encadré 1 : Le secteur médical, riche d’une solide expérience en clinique.
Dans le contexte de la médecine,l’interaction entre le médecin et le patientestcentrale : l’activité clinique est relative au médecin qui, au chevet du patient, observe les manifestations de sa maladie et les réactions de celui-ci en même temps qu’il l’interroge et l’écoute. En médecine, le jugement clinique met en jeu des processus de pensée et de prises de décision dans le but d’améliorer l’état de santé et le bien-être des personnes que les soignants accompagnent. L’identification et la reconnaissance du contexte spécifique de la personne représentent un input majeur du processus cognitif de jugement clinique (Higgs, Jones, Loftus, & Christensen, 2008).
Aujourd’hui, la démarche clinique traverse les différents métiers de soins, du médecin à l’infirmier. Objet d’une formation et d’un apprentissage, elle est définie comme un comme un processus de compréhension dynamique, continu et évolutif, structuré selon des étapes ordonnées, qui permet d'analyser une situation de soins, afin d'identifier les problèmes réels et potentiels d'une personne et ses capacités (ISFI, 2018).
Le processus de construction de la démarche clinique se décline ainsi : (i) l’observation doit être très développée mais inclure les opérations mentales du raisonnement clinique : devant un symptôme observé, avoir le réflexe de questionnement et d’hypothèses, en prenant en considération les données contextuelles et en recherchant des indices complémentaires en cohérence avec un recueil de données ciblé. Les connaissances issues des sciences médicales et sciences humaines sont essentielles pour orienter l’observation à la recherche de signes précis. Le raisonnement est une opération logique, qui permet de démontrer la véracité ou la fausseté d’une supposition ou d’expliquer et de comprendre une situation : Il permet de tirer une conclusion, appelée notamment dans le domaine du soin « le jugement clinique » ; (ii) le développement d’un raisonnement clinique s’acquiert par l’expérience en mobilisant en permanence le maximum de données relatives au patient avec ses divers savoirs. Il se réalise par le biais d’opérations mentales ; la déduction ; l’intuition perceptive ; la créativité ; la pensée critique.
La démarche clinique en agronomie : un bref rappel des repères déjà posés
Les agronomes réunis au sein de l’Association française d’agronomie ont déjà abordé le sujet de la démarche clinique, en consacrant au niveau de la revue Agronomie, environnement & sociétés un numéro portant sur les « Savoirs agronomiques & Développement agricole » (Prévost et al., 2016) puis un second, intitulé « Les Ateliers Terrain, pour une démarche participative en agronomie clinique » (Prévost et al., 2017). A défaut d’une définition stabilisée, l’agronomie clinique (raccourci de fait pour la démarche clinique en agronomie) a été alors entendue comme « l’agronomie qui étudie l’agroécosystème en vue d’établir un diagnostic agronomique de son fonctionnement pour proposer des améliorations correspondant aux compromis souhaités par l’agriculteur (intégrant les objectifs écologiques, économiques et sociaux) » (Prévost et al., 2017).
Benoît et Knittel (2017) déclinent certains aspects de la démarche clinique en agronomie, en retraçant une brève histoire de la pratique de l’observation de terrain, dans la formation des agronomes. M de Dombasle, entre 1820 et 1840, met en œuvre un enseignement agricole basé sur la pratique, l’observation et l’expérience ; il désigne son enseignement de « clinique agricole » par analogie au médecin qui observe attentivement le malade et diagnostique en fonction des symptômes observés ; la clinique consiste à « regarder pour savoir et montrer pour enseigner… ».Il forme ses élèves à l’observation des pratiques et à leurs effets, en les invitant justement à s’interroger au regard de leurs connaissances théoriques ; l’observation partagée et valorisée ensuite par la mise en discussion a un caractère attractif et stimulant.
La pratique clinique de l’observation in situ disparait durant un siècle dans l’enseignement de l’agronomie : à l’empirisme raisonné où l’observation des pratiques agricoles et leur inventaire critique sont essentiels, succède au 19ième siècle la production de connaissances analytiques : l’enseignement du savoir agronomique ressemble alors à une sorte d’archipel de connaissances (pédologie, chimie, physiologie, botanique, … ) sans liens structurés, de type encyclopédique ; quant aux références pour guider l’action pratique, bâties en situations expérimentales sur la base d’une relation directe reliant une technique (en l’occurrence souvent la fertilisation) au rendement, elles sont le plus souvent très normatives (Jouve, 2007).
Hénin (1960) puis Sebillotte (1969) réhabilitent la pratique de l’observation dans la formation des agronomes, avec l’affirmation d’une agronomie systémique. C’est en référence au « tour de plaine » que Sebillotte développe les exigences méthodologiques et pédagogiques de l’observation au champ, son organisation rigoureuse, sa nécessaire codification, son enregistrement méthodique et archivé, sa valorisation par la comparaison objective des données. La finalité de la pratique du tour de plaine, renouvelée dans le temps, est de prendre en considération l’hétérogénéité spatiale et de comprendre les répercussions des pratiques agricoles sur le système de culture pour être en capacité de le piloter en tirant profit des leçons de l’expérience.
Benoît et Knittel concluent leur article en caractérisant la démarche clinique en agronomie par le rôle central de l’observation et ses exigences, par la confrontation aux faits observés, avec une finalité : donner les moyens d’interroger, en situation ordinaire, les techniques et leurs relations avec les buts recherchés par les acteurs en situation.
Sebillotte, dans la préface de l’ouvrage « L’agronomie aujourd’hui » (Doré et al, 2006) argumente l’intérêt de l’observation dans la formation des agronomes : « C’est sur le terrain que l’on mesure la difficulté du test des théories et des modèles en agronomie, parce qu’on y perçoit physiquement, et c’est irremplaçable, la complexité des objets étudiés ! …. Ainsi, l’observation s’associe automatiquement à un travail mental de confrontation de ce qui est observé à un savoir préexistant (la théorie), et de préparation d’une action à venir » (Sebillotte, 2006). Il rappelle par ailleurs que, sur le terrain, l’agronome pose un diagnostic externe fondé sur ses connaissances théoriques de l’agroécosystème et la manière dont il les mobilise, alors que l’agriculteur pose un diagnostic interne fondé sur son expérience, son savoir professionnel et donc sur son histoire. La compréhension et l’explicitation des logiques d’action de l’agriculteur ont donné lieu au « modèle de l’agriculteur pour l’action » (Cerf et Sebillotte, 1988).
Meynard, dans un article relatif aux savoirs agronomiques pour le développement durable de l’agriculture (Meynard, 2016) mentionne que « les agronomes ont beaucoup moins travaillé la démarche clinique que les médecins ! » Les outils de diagnostics restent peu nombreux. Récemment cependant, les diagnostics réalisés sur les aires d’alimentation de captage pour déterminer l’origine des pollutions ont été outillés par le logiciel SYST’N (Parnaudeau et al, 2012) ; il serait important d’outiller également le « tour de plaine à froid » des conseillers (Cerf et al., 2012), qui se développe actuellement pour alimenter les réflexions des groupes d’agriculteurs sur l’évolution de leurs systèmes.
Dans leur article relatif aux méthodes visuelles d’évaluation de la structure du sol, dans le présent numéro, Boizard et al. retiennent comme définition que « la démarche clinique en agronomie est comprise ici comme la contribution de la discipline à l’évaluation « in situ » du fonctionnement des agrosystèmes et à l’identification « in situ » de symptômes du fonctionnement de l’agrosystème en utilisant des moyens d’observation simples (en l’occurrence en se limitant aux méthodes utilisées sur le terrain permettant l’évaluation visuelle de la structure du sol) » (Boizard et al, 2019). Dans cette définition, le point de vue de l’agriculteur n’est pas pris en compte, illustrant ainsi l’absence de consensus établi sur la contribution de l’agronome à la démarche clinique, probablement variable selon sa position institutionnelle (chercheur, ingénieur en R&D ou conseiller) mais aussi son engagement pour accompagner l’agriculteur dans ses choix.
Vers une caractérisation de la relation entre l’agriculteur et le conseiller engagés dans une démarche clinique
Dans les travaux précités, l’accent est régulièrement mis sur les similitudes entre les deux disciplines que sont médecine et agronomie. Il existe toutefois des différences importantes : en médecine, le patient est simultanément le « sujet », sensible, que le médecin écoute et questionne et « l’objet », système complexe vivant qui est son corps, que le médecin diagnostique avec mise en évidence d’une éventuelle pathologie, assortie alors d’une prescription adaptée au patient (intégrant sa culture, sa sensibilité, son contexte de vie). En agronomie, le conseiller entre en relation interactive avec l’agriculteur, « sujet » ou co-acteur, pour observer et poser un diagnostic sur un « objet » commun, système complexe que revêt le champ cultivé ou l’exploitation ; il y a une distanciation entre le « sujet » et « l’objet ».
Par ailleurs, l’agriculteur a son point de vue sur l’objet, reposant sur un savoir professionnel plus ou moins éprouvé selon son expérience. Au demeurant, dans la pratique, l’agriculteur pilote lui-même son système sans en référer au conseiller dès lors que son référentiel est robuste et le contexte stable, alors que le patient exprimera (sous réserve de pathologie grave) son point de vue sur sa santé sans être (sauf exception) un professionnel de la santé.
En conséquence, c’est en nous référant d’une part aux traits génériques de la démarche clinique, en gardant une attitude ouverte mais critique sur l’expérience dans le domaine médical, et d’autre part aux repères déjà posés par les agronomes, brièvement rappelés, que nous cherchons à décliner la démarche clinique en agronomie dans le cadre de la relation entre conseiller et agriculteur. Elle comprend a priori les caractéristiques suivantes :
1 - Une relation, voire une rencontre entre deux acteurs[3], qui ne sont pas dans la même position, le plus généralement un agronome-conseiller et un agriculteur-praticien ; la relation requiert des qualités d’attitude (congruence, sensibilité, écoute) de la part du conseiller, attentif à connaître les compétences de l’agriculteur, ses valeurs (sens de son métier, perception des enjeux environnementaux et sociétaux ), sa psychologie (goût ou aversion pour les risques, positionnement par rapport aux innovations), ses stratégies familiales ainsi que la trajectoire de son exploitation et la vision de son évolution dans son contexte local mais aussi plus englobant, incluant les dynamiques des politiques publiques.
2 - Une posturecaractérisée par :
- une implication du conseiller pour observer, découvrir, analyser, comprendre dans sa singularité une situation systémique, souvent complexe, sujette à incertitudes ;
- une dynamique d’accompagnement des pratiques professionnelles de l’agriculteur, confronté à des décisions tactiques, à caractère saisonnier ou stratégiques, intégrant le temps long, liées à des investissements ou à une dynamique de changement d’orientation.
3 - Un processus dynamique, basé sur l’observation et le raisonnement,visant à articuler théorie et pratique, connaissances et action, structuré en différentes étapes :
- le conseiller recherche à connaître et à comprendre le diagnostic interne, posé par l’agriculteur, qui est le fruit de son expérience, de son savoir professionnel et de son histoire. Pour ce diagnostic, l’agriculteur se réfère notamment à des concepts pragmatiques, des indicateurs systémiques, souvent visuels et rapides et à une évaluation des risques. Pour ses décisions tactiques, sa réflexion intègre ses objectifs agronomiques, économiques et organisationnels ainsi que l’environnement familial, l’environnement technico-commercial, et parfois le voisinage, avec solutions de rattrapage en cas d’imprévus. Pour ses choix stratégiques, il prend en considération ses contraintes en agroéquipement et en organisation des chantiers ainsi qu’une évaluation des risques agronomiques. Lorsqu’il engage une dynamique de changement d’orientation, il se forge une opinion sur les évolutions du marché et de l’environnement sociétal.
- connaissant les objectifs et les contraintes de l’agriculteur, le conseiller élabore son propre diagnostic, externe : il observe l’objet étudié avec méthode et rigueur, l’esprit en alerte pour mobiliser ses connaissances théoriques et son expérience, et formuler des hypothèses pour relier les observations à des causes ; il utilise des outils et des indicateurs, évolutifs, plus ou moins simples d’accès, plus ou moins éprouvés et robustes dans leur mise en pratique, relatifs à l’objet étudié (et/ou piloté). In fine, il est en capacité de poser un diagnostic étayé, doublé d’un pronostic, sur ce qu’il conviendrait d’entreprendre de son point de vue.
- une mise en discussion sur les pratiques pour aboutir à un diagnostic-pronostic partagé : le conseiller fait part de son diagnostic, questionne l’agriculteur sur ses pratiques, ses intentions, les déconvenues observées éventuelles, leur origine et leurs conséquences, pour vérifier ses interprétations et valider son pronostic. Résultant de la mise en commun des deux diagnostics, interne et externe, le diagnostic partagé se construit parfois conjointement par aller-retour successifs entre les deux points de vue, sans suivre l’itération ainsi balisée.
- le diagnostic-pronostic partagé constitue la base d’un compromis lui-même partagé, relatif aux améliorations à rechercher face à une décision tactique, récurrente et/ou aux innovations à envisager à l’avenir pour s’inscrire dans une dynamique de changements stratégiques sur le long terme, concrétisée par des « boucles d’amélioration » successives. La relation clinique crée a priori un contexte favorable à « l’art » de faire émerger et de négocier le meilleur compromis, en reconnaissant le bien-fondé et la complémentarité du raisonnement agronomique et des savoirs actionnables du conseiller d’une part et de la logique d’action et des savoirs pratiques et locaux mobilisés par l’agriculteur d’autre part. Toujours est-il que le compromis doit apporter la réponse la plus adéquate et la plus pertinente à la question posée par l’agriculteur ou à la remise en cause d’une pratique par le conseiller face à la situation, que l’enjeu soit d’ordre tactique ou stratégique.
- une réévaluation au fil du temps pour corriger les écarts entre prévu et réalisé ; c’est là un fait d’expérience, les pronostics initialement retenus reposant sur une estimation de l’évolution du réel observé peuvent se trouver infirmés par la réalité et les imprévus, en particulier par le climat pour les décisions tactiques et saisonnières, par le contexte économique et réglementaire ou par le marché pour les décisions stratégiques, liées notamment à une dynamique de changement d’orientation. Dans ce derniers cas, l’accompagnement se situe nécessairement dans le temps long, avec des réactualisations ou révisions du scénario d’évolution initialement retenu.
- une consignation par l’écrit : chaque étape fait l’objet d’une prise de notes, les unes codifiées en particulier pour les observations, les autres de l’ordre du récit retraçant a minima le relevé des conclusions. C’est ainsi que le conseiller se trouve en capacité d’objectiver les écarts entre prévu et réalisé et qu’il construit son expérience, en archivant et en valorisant la diversité des situations singulières observées et mises en discussion.
4 - Une application aux différents objets de l’agronomie que sont notamment la parcelle, l’exploitation agricole et le territoire, chacun de ces objets est associé à des concepts et à des modèles, mobilisant des connaissances sur l’agroécosystème.
Dans le présent numéro, Cerf et al (2019), dans un article finalisé sur le diagnostic agronomique stratégique et intégrant les enjeux agro-environnementaux, explorent et analysent, au niveau scientifique, les conséquences induites par le changement de paradigme que constitue la prise en compte de la durabilité dans le processus de construction du diagnostic. La démarche est illustrée avec le « tour de plaine à froid » pratiqué par un collectif de conseillers en formation puis transposé au travail d’un conseiller accompagnant un collectif d’agriculteurs qu’il anime sur une aire de captage et avec le « logiciel Syst’N » pour évaluer les pertes d’azote et en comprendre l’origine pour entrevoir les pistes d’action, mobilisé à titre d’exemple par les exploitations des baies « Algues vertes » en Bretagne. Les auteurs montrent ainsi l’intérêt de la mise en pratique de la démarche clinique en configuration collective et enrichissent la définition que nous avons retenue ci-dessus.
Outils, concepts et conditions déterminants pour la démarche clinique en agronomie
Au cours de la période allant des années 1960 à aujourd’hui durant laquelle l’agronomie s’affirme dans sa dimension systémique, les agronomes de l’enseignement et de la recherche ont créé des concepts et formalisé leurs déclinaisons opérationnelles en outils et méthodes de diagnostic et d’accompagnement dans l’action pour que la relation entre l’agriculteur et le conseiller s’inscrive dans une démarche clinique. Nous faisons un point sur le bagage éprouvé et disponible, sans rechercher l’exhaustivité, pour aborder deux des objets centraux que sont la parcelle et l’exploitation dans l’exercice du métier de conseiller. Nous accordons ensuite un développement au système de culture, concept structurant pour les connaissances et opérationnel pour l’action ; nous revenons sur ce concept central et singulier dans la conclusion. Auparavant, nous revenons sur les conditions de la mise en pratique de la démarche clinique, en soulignant au-delà des outils, le rôle déterminant des conseillers : c’est l’objet de plusieurs encadrés.
La parcelle
Sans revenir sur le « tour de plaine » antérieurement développé, mentionnons toutefois toute son utilité pour connaître les hétérogénéités de la parcelle ; c’est là une dimension à laquelle l’agronome a toujours été sensible, se dotant d’outils pour l’étudier. C’est aussi un sujet de dialogue important avec l’agriculteur, en valorisant ses connaissances souvent systémiques sur les sols et leurs potentialités, en le questionnant sur leurs comportements face aux outils et au climat, sur l’adaptation et les accidents des cultures, sur les adventices ainsi que sur l’histoire récente et ancienne. Pour l’agronome, l’identification des hétérogénéités de chaque parcelle est indispensable pour valoriser tout outil d’observation et de diagnostic avec pertinence, soit en multipliant les répétitions sur les différentes zones identifiées à l’échelle de placettes, soit en choisissant une(des) zone(s) représentative(s) de la parcelle, à l’échelle d’une(de) station(s), soigneusement délimitée(s). Ainsi la localisation des observations constitue une étape essentielle dans les protocoles inhérents à la mise en œuvre de chaque outil de diagnostic.
C’est au niveau de la « station » que les premiers outils de la démarche clinique en agronomie ont été mis au point, pour observer le sol en premier lieu, avec le profil cultural, outil de diagnostic et de pronostic, outil de dialogue interactif avec l’agriculteur. Ensuite les schémas d’élaboration du rendement des cultures et de ses composantes ainsi que le concept d’itinéraire technique, enrichissent l’agronomie et, simultanément, le potentiel de la démarche clinique appliquée au champ cultivé par l’agriculteur.
Le profil cultural
« Pour montrer l’intérêt de prendre les techniques culturales comme objet d’étude scientifique, S. HENIN venait d’écrire Le Profil cultural en 1960. L’étude du travail du sol l’avait conduit à fréquenter beaucoup de praticiens. Et l’outil que constituait le profil cultural était pour lui et son équipe un moyen d’investigation très précieux pour discuter, avec les agriculteurs, des effets de leurs pratiques sur le sol » (Extrait de M Sebillotte, par Papy, 2010).
Le profil cultural a été un outil très valorisé par les agronomes du développement, souvent avec des groupes d’agriculteurs, pour le conseil en travail du sol en particulier. C’est par excellence l’illustration de la démarche clinique, basée sur l’échange interactif avec l’agriculteur et la recherche d’une solution ajustée à la singularité de la situation observée. Le sol devient un objet d’observation qualitative en soi, sous l’angle des relations avec la culture et les outils, donc une différenciation avec les pédologues, même si le dialogue entre pédologue, agronome et agriculteur reste un enjeu permanent du développement (Boiffin et Stengel, 1999). Le Guide méthodique du profil cultural (Gautronneau et Manichon,1987) a donné alors une impulsion indéniable à sa pratique par les conseillers ; cette initiative constitue un bel exemple d’outil pédagogique de transfert des connaissances scientifiques (Manichon, 1982) à l’intention des agronomes praticiens, même si la démarche exige un certain apprentissage. Dans le présent numéro, une partie est consacrée aux innovations récentes relatives aux méthodes d’observation visuelle de la structure du sol en s’intéressant à la diversité des méthodes existantes et à leur complémentarité dans le cadre d’une démarche clinique. Des méthodes permettant un diagnostic rapide de la structure du sol sont proposées en parallèle au profil cultural, qui permet non seulement d’évaluer l’état structural, mais de remonter à l’origine des états structuraux (Boizard et al., 2019).
Le schéma d’élaboration du rendement des cultures, pour positionner diagnostics et indicateurs
« La production scientifique escomptée pour comprendre le champ cultivé n’est plus alors l’établissement plus ou moins empirique de références, mais la mise à jour de mécanismes rendant compte du fonctionnement d’un couvert végétal cultivé et l’établissement de schémas synthétiques permettant de comprendre comment s’élabore le rendement d’une culture. » (Jouve, 2007). C’est dans cette perspective que Sebillotte (1980) conçoit et illustre en une représentation synoptique le schéma d’analyse du rendement des cultures selon ses composantes, schéma qui permet de positionner dans le temps avec pertinence les observations, les outils de diagnostic et les indicateurs de pilotage dans la conduite de la culture pour le conseiller comme pour l’agriculteur.
La question des indicateurs(nature, accessibilité, pertinence) reste un enjeu important pour la démarche clinique : Toffolini et al., (2016) montrent que les indicateurs fortement mobilisés par les agriculteurs sont plutôt « passifs » (pas d’instrumentation spécifique pour collecter l’information), visuels et qualitatifs, et sont en majorité des indicateurs qui permettent de suivre des dynamiques, de les comprendre, de les interpréter et de s’y adapter. Petit (2012) pose la question de la valorisation des savoirs locaux avec les indicateurs systémiques et visuels des agriculteurs-éleveurs, en référence à leur gestion des prairies.
Le concept d’itinéraire technique, déterminant pour prendre en considération la diversité et la singularité des situations
Le concept d’itinéraire techique, défini comme « une combinaison logique et ordonnée de techniques qui permettent de contrôler le milieu et d’en tirer une production donnée » (Sebillotte, 1978) permet à l’agronome de concevoir l’organisation des techniques culturales, sachant qu’il existe plusieurs stratégies possibles pour atteindre un objectif donné et qu’au cours du temps, en fonction des circonstances, des adaptations tactiques sont possibles. Mais ce concept sert aussi à analyserles pratiques des agriculteurs, comprises comme des techniques mises en œuvre par des acteurs ; elles prennent en compte les objectifs, les contraintes et le point de vue des agriculteurs (Jouve, 2007, déjà cité).
Mobilisé pour la compréhension des pratiques de l’agriculteur, le concept d’itinéraire technique, a ainsi constitué une ressource majeure pour les agronomes du développement pour faire face à la très grande diversité des situations rencontrées. En lieu et place des prescriptions de type « recettes », il devient possible de prendre en considération la singularité de chaque situation, de comprendre les logiques sous-jacentes aux pratiques de l’agriculteur pour entrevoir avec lui, les marges de progrès accessibles notamment dans une perspective de transition agroécologique. Ce concept apparaît donc déterminant pour la mise en pratique de la démarche clinique relative au conseil sur la conduite des cultures.
L’exploitation agricole
Un second objet d’étude pour l’agronome concerne l’exploitation agricole, avec la compréhension de son fonctionnement global, correspondant à une première génération de travaux de la recherche. Puis, l’agriculteur pilotant ses parcelles, comprises dans leur diversité, devient en soi un nouvel objet d’étude : une seconde génération de travaux de la recherche se concrétise par le concept de modèle pour l’action de l’agriculteur.
Le fonctionnement global de l’exploitation
Différents travaux sont conduits au cours de la décennie 1970-80 notamment au département SAD de l’Inra, sur la prise en compte de l’exploitation comme un système finalisé par les objectifs et les besoins de l'agriculteur et de sa famille (Osty, 1978). Au-delà des fondements théoriques, la dynamique de recherche se concrétise aussi par la formalisation par Capillon et Manichon d’un Guide Méthodologique (1988) : « ce dernier constitue une extension de la démarche clinique en agronomie, dans la mesure où il aide l’agronome à mieux trouver une solution car il a pu ainsi localiser préalablement où cela dysfonctionne. » (Entretien avec J. BOIFFIN, 2018). L’approche globale de l’exploitation agricole fait ultérieurement l’objet d’un approfondissement méthodologique et pédagogique, base de l’enseignement sur ce thème en lycées agricoles (Bonneviale et al, 2013).
Les démarches de diagnostic au niveau global de l’exploitation ont ensuite fait l’objet d’actualisations, en intégrant en particulier les exigences du développement durable. Citons par exemple : « Aide au Diagnostic Global de l’Exploitation. Un modèle et une méthode diagnostic. » (Nocquet et al, Cahiers d’Agriculture, 1994) ; le Schéma d’Organisation Territoriale de l’exploitation (Soulard et al., 2005), outil de diagnostic conçu pour comprendre les logiques d’action de l’agriculteur sous-jacentes aux systèmes de culture et à leur distribution spatiale et pour identifier les marges de manœuvre pour intégrer les enjeux environnementaux (cet outil a été valorisé dans l’enseignement supérieur sans transfert au développement). Et l’évaluation des impacts environnementaux a induit la création d’outils évolutifs de diagnostic tels que IDEA (Version 1 à 4) (BRIQUEL et al.,2001) ou IBIS, pour l’enjeu de la biodiversité (Cervek, 2012). La méthode « Diag-Agro-Eco » (2015), finalisée sur une analyse globale des pratiques, est valorisée avec la transition agroécologique.
Dans leurs pratiques de conseil d’orientation du système de production, les conseillers généralistes (Chambres d’agriculture, Centres de gestion CIVAM …) appréhendent l’exploitationagricole comme un système finalisé, en particulier lors des phases déterminantes (installation, agrandissement ou investissements conséquents) : avec l’agriculteur, ils abordent alors des questions agronomiques importantes telles que le choix des cultures, leur mode de conduite, leur localisation au regard du parcellaire, l’assolement en relation avec les autres ateliers éventuels. Le conseiller se situe dans le registre de la démarche clinique dès lors qu’il adopte une posture d’écoute interactive avec l’exploitant, pour l’accompagner dans l’argumentation et la maturation de ses choix stratégiques, en mobilisant le concept systémique du fonctionnement global de l’exploitation.
Le concept de « modèle de l’agriculteur pour l’action »
« Ces modèles sont des formalismes simplifiés des processus qui permettent de reproduire les actions d’un agriculteur dans la gestion de ses champs. Ils sont constitués des objectifs à atteindre avec un certain nombre de règles à appliquer et d’indicateurs à suivre ; les règles prévoient ce qu’il faut faire aussi dans le cas où les conditions, entre autres climatiques, ne permettent pas de suivre le calendrier de travail initialement prévu. Ces modèles comportent ainsi des solutions de « rattrapage », ce qui est particulièrement intéressant. C’est cet ensemble qui permet aux agriculteurs de cultiver ; ils ont tous dans la tête un modèle pour l’action, fruit de leur apprentissage, individuel et social, au fil des années. Ce modèle est la réponse élaborée pour obtenir, avec un maximum de chances, la combinaison optimale des techniques culturales ». (Extrait de M Sebillotte et F Papy, 2010).
Le concept de « modèle de l’agriculteur pour l’action » (déjà cité, 1988), est très éclairant pour comprendre et saisir le diagnostic interne que pose l’agriculteur face à une situation : il devrait faire partie intégrante de la démarche clinique en agronomie. Toutefois, force est de reconnaître que c’est exceptionnellement le cas dans la pratique du conseiller. Mais le modèle pour l’action est aussi très présent dans la conception et la mise en pratique des Outils d’Aide à la Décision (OAD) à travers les notions d’indicateurs et de règles d’action ou encore lorsqu’ils sont finalisés sur le conseil stratégique. Il en est ainsi pour le conseil en agroéquipement et en organisation du travail, où, dans le contexte induit par la réforme de la PAC en 1992, la réduction des charges de structure a constitué alors un réel enjeu et donné lieu à un OAD, MECAGRO (Mousset et al, 1996), dérivé du logiciel OTELLO crée par l’INRA pour la structuration des connaissances et des processus de décisions. Là encore, le conseiller, impliqué aux côtés de l’agriculteur dans la recherche de solutions coconstruites et mobilisant le concept de modèle de l’agriculteur pour l’action, se situe sur le registre de la démarche clinique.
Toutefois, la lourdeur de mise en œuvre fait que les conseillers ont alors opté pour des pratiques de partage d’expériences et de témoignages entre agriculteurs, en travaillant sur le cas concret porté par l’un d’entre eux. Dans ce registre, citons l’innovation récente que constitue le Rami Fourrager (Martin et al, 2012), outil d’intelligence collective au service d’une situation individuelle pour anticiper les conséquences agronomiques liées au changement climatique, qui se situe dans le sillage de la démarche clinique.
Le système de culture, concept structurant et opérationnel
Au terme de cette brève rétrospective déclinant les outils et les concepts pour la mise en pratique de la démarche clinique entre conseiller et agriculteur, nous resituons le concept central desystème de culture (Sebillotte, 1990). Son statut est singulier dans la mesure où il constitue un concept structurant pour les connaissances scientifiques sur l’agroécosystème et un concept opérationnel pour l’action ; il est central puisque commun aux trois objets des agronomes que sont la parcelle, l’exploitation agricole et le territoire, entendus comme trois échelles d’organisation de l’activité agricole.
C’est avec l’émergence de la problématique de protection des ressources en eau que ce concept a été intégré dans la pratique des agronomes du développement : le concept permettant de prendre en considération les interactions entre cultures, les diagnostics ont dès lors porté sur la caractérisation des systèmes de culture, leur diversité, leurs déterminants et leur localisation dans le bassin versant ; les plans d’action reposent fréquemment sur leur reconception ou sur leur réorganisation spatiale en relation avec les diagnostics hydrogéologiques et pédologiques. Citons ici l’outil coopératif et pédagogique, sous la forme d’un jeu de plateau, « Mission Ecophyt’Eau », crée par le Civam du Haut Bocage et le Réseau Agriculture Durable (2012), valorisable notamment par le conseiller pour poser avec l’agriculteur un diagnostic sur le système de culture et entrevoir son évolution.
Lorsque l’agronome est centré sur l’exploitation, la caractérisation des systèmes de culture, leur localisation dans le parcellaire, leur distribution selon les terrains, la compréhension des logiques de gestion, constituent des données centrales du diagnostic global de l’exploitation, des conseils stratégiques et de l’accompagnement aux changements d’orientation dans les périodes de transition. Lorsque l’agronome cherche à saisir la logique d’action de l’agriculteur pilotant ses parcelles, il découvre que c’est au niveau du système de culture qu’il faut explorer pour comprendre. C’est par exemple le cas pourla gestion des adventices où une enquête agronomique a illustré la complexité et la richesse du raisonnement des agriculteurs qui prennent leurs décisions tactiques, en cours de saison, dans le cadre d’une stratégie réfléchie au niveau de la succession des cultures (Munier-Jolain et al, 2005).
Quand l’agronome est focalisé sur la parcelle, le concept de système de culture est central dans la structuration des connaissances sur l’agroécosystème, dans l’évaluation de ses performances économiques et environnementales ou dans l’identification des déterminants des choix techniques opérés par l’agriculteur afin de donner un conseil avisé et/ou de rechercher et tester des innovations recevables. Des outils spécifiques, finalisés sur des enjeux précis, ont été conçus à l’échelle du système de culture : citons, là encore sans prétentions d’exhaustivité, deux outils crées par Agro-transfert Picardie, (V.Tomis, 2012), « Odera-Systèmes », pour évaluer les risques liés aux adventices et « Simeos AMG » pour connaître le bilan carbone ; ce sont là deux outils simples à mettre en œuvre, permettant de porter un diagnostic et un pronostic.
Le système de culture apparaît comme un concept structurant et opérationnel.C’est ce que R. Reau illustre avec le schéma décisionnel mobilisé dans le changement de système de culture, reposant sur « une logique fonctionnelle pour rassembler le savoir biotechnique de l’agronome et le savoir décisionnel de l’agriculteur qui pilote le champ cultivé » (Reau et al., 2016).
Au terme de ce tour d’horizon sur les concepts, outils et méthodes disponible pour la démarche clinique en agronomie, nous revenons sur les conditions de leur mise en pratique, objet des encadrés ci-après.
Encadré n° 2 : « En fait tous les concepts et outils ne « valent rien » sans leur mise en acte en situation : la valeur ajoutée des conseillers est déterminante dans la démarche clinique » (M.Cerf)
Si l’armature conceptuelle et instrumentale ainsi construite et enrichie au fil des années est déterminante pour le développement potentiel de la démarche clinique, sa mise en pratique sur le terrain repose sur l’intelligence et les capacités du conseiller.
Par exemple, le modèle pour l’action a été structurant pour produire des connaissances utiles aux agriculteurs, tels que indicateurs et règles de décision, conçus en fonction de leurs objectifs. Or, jusque dans les années 2000, les Outils d’Aide à la Décision ont été construits avec un objectif général implicite, l’optimisation technicoéconomique de la culture, avec des prescriptions du style « si tant de méligèthes alors traiter ». Aujourd’hui, le conseiller est invité à poser un regard critique sur la pertinence de ces outils avec les enjeux du développement durable.
Un second exemple : les outils de diagnostics visant à évaluer l’impact environnemental des pratiques agricoles au niveau global de l’exploitation. Les conseillers spécialisés en agronomie peuvent en faire un usage pertinent et critique dès lors qu’ils les valorisent en ayant conscience de leurs atouts et limites, qu’ils adoptent un raisonnement systémique et compréhensif, en posture de dialogue avec l’agriculteur sur les enjeux agroécologiques pour, au-delà de la stricte évaluation de ses pratiques, entrevoir avec lui les marges d’amélioration. Toutefois, constat d’expérience : reconnaissons que ces mêmes outils sont aussi utilisés mécaniquement, sans aucune valeur ajoutée pour l’agriculteur, faute de temps aussi pour le conseiller qui inscrit aussi son travail dans une organisation qui calibre les prestations et le temps à y consacrer.
Un troisième exemple relatif au pilotage d’un système de culture. En réalité, il repose sur une multiplicité de compromis, à négocier en fonction de la hiérarchie des objectifs, des contraintes, des enjeux et des risques. Nous percevons les exigences requises pour le conseiller : une maîtrise du raisonnement agronomique pour faire les allers-retours entre la singularité des situations et ses connaissances générales sur l’agroécosystème, une aptitude à relier le dire de l’agriculteur et son propre référentiel régional, une faculté de discernement et son sens critique pour identifier les « bonnes raisons » sous-jacentes aux choix des pratiques retenues.Pour conclure, l’intelligence du conseiller ne se réduit pas à l’écoute active, nécessaire, mais à sa capacité à faire le lien entre ce qu’il entend dire par l’agriculteur et ce dont il dispose comme outils, et à se rendre compte de l’inadéquation de ses outils (ou de ses références) à la situation singulière : le témoignage de L. Paravano illustre bien cette dimension. Par ailleurs, la démarche clinique ne se restreint pas au diagnostic : l’enjeu reste quand même l’action, et donc comment outiller et prendre en compte le passage du diagnostic à l’action ? Cet aspect est en filigrane dans la démarche retenue par B. Omon.
Encadré n°3 : La démarche « clinique » au sein de situations de travail centré sur l’approche système de culture ? (B.Omon)
Pour intégrer les enjeux du développement durable (DD), les systèmes de culture (SC) doivent évoluer ; le schéma illustre comment le conseiller en agronomie peut accompagner pas à pas l’agriculteur en transition. Une telle approche nécessite pour le conseiller de choisir une démarcheclinique, déclinée dans la diversité des situations collaboratives en phase avec l’activité de l’agriculteur. La voie choisie lui impose rapidement de (i) tenir compte de la façon de décider de l‘agriculteur et sa façon de prendre en charge les enjeux ou questions pour explorer les ajustements recevables, formalisés par la description du SC en projet, (ii) voir avec lui en temps réel comment décider tactiquement la mise en œuvre, compte tenu par ex du scénario climatique (situation A ou B), (iii) considérer avec lui la réalité observée ou mesurée au champ, variable (situations C, D ou E), puis (iv) faire le bilan-évaluation de la campagne pour choisir les nouveaux ajustements à viser pour la campagne à venir (situation F ou G).
Dans cette approche systémique et toujours dans une posture de coopération avec l’agriculteur, le conseiller est tenu par une exigence permanente, comparable à une « corde de rappel » : entre le diagnostic-pronostic partagé avec l’agriculteur à une date « t0 », qu’en est-il de la réalité observée au champ à la date (t1) ? quel écart ? pourquoi ? quel nouvel réajustement éventuel opérer ? Nous mesurons ainsi « le pas à pas » que revêt la démarche clinique dans l’accompagnement d’un agriculteur confronté à la transition d’un Système de Culture. Pour ce faire, le conseiller doit bien connaître la richesse humaine de l’agriculteur : sa sensibilité aux enjeux de durabilité, ses freins éventuels au changement ou au contraire son goût pour l’innovation …
La démarche clinique nous invite à porter un regard critique sur l’usage des outils et méthodes disponibles dans l’exercice de notre métier de conseiller : les outils d’observation qualitative peuvent être valorisés à dire d’expert, ou au contraire, comme outils de dialogue interactif avec l’agriculteur pour poser un diagnostic partagé (cf. encadré de L.Paravano) ; la modélisation, outil à priori du chercheur, peut aussi offrir, par la simulation d’une situation, une base de discussion interactive avec l’agriculteur (Cf article de Cavan dans ce numéro). C’est donc l’usage en situation qui permet ou non une démarche clinique.
Encadré n°4 : Le tour des colzas pour un double défi (L. Paravano)
L’Yonne, au nord de la Bourgogne, compte de nombreuses aires d’alimentation de captages faisant l’objet de démarches de protection. La Chambre d’agriculture s’est fortement investie sur cet enjeu et met en œuvre une stratégie comprenant : une agronome dédiée à l’animation du projet de territoire, au niveau du collectif des agriculteurs et des acteurs locaux ; un conseiller en grandes cultures, qui accompagne collectivement, notamment via des tours de plaine, et individuellement les décisions stratégiques comme tactiques des agriculteurs, avec le double enjeu de la performance technico-économique des exploitations et de la préservation de la qualité de l’eau. Ce tandem intervient régulièrement de concert auprès des agriculteurs, ce qui favorise l’articulation entre les discussions sur les façons de cultiver et le projet pour l’eau du territoire.
Sur l’AAC de Brienon (1800 ha de SAU, 40 agriculteurs), le tour des colzas réalisé en novembre en est une illustration concrète. Depuis quelques années, la réussite de l’implantation du colza devient aléatoire du fait des étés secs, de la présence de ravageurs et de leur résistance aux insecticides. Un objectif de ce tour des colzas était donc d’évaluer leur état afin de capitaliser sur les manières de réussir, et de décider de leur maintien ou de leur retournement. Nous posons pour cela un diagnostic avec une série de mesures sur le peuplement (répartition, densité, stade, vigueur…). Les observations réalisées in situ, enrichies par le suivi agronomique d’un réseau de parcelles, sont confrontées aux recommandations du référentiel national de Terres Inovia et à l’expérience des agriculteurs pour capitaliser et pour construire un pronostic partagé adapté localement.
L’autre objectif de ce tour des colzas est d’évaluer si le résultat attendu sur l’AAC, à savoir utiliser peu d’herbicides de prélevée du colza, est obtenu. Il conduit à compléter le diagnostic du champ de colza du point de vue de la maîtrise des adventices. Nous proposons de la qualifier (type, densité et répartition, impact attendu sur le colza en place et sur les cultures suivantes), (i) en confrontant la sensibilité des agriculteurs en matière de « propreté » du champ, subjective et propre à chacun, (intégrant leur expérience mais aussi leur recul par rapport au modèle technique du « zéro adventice » longtemps entretenu), aux connaissances sur la biologie des adventices puis (ii) en considérant la contribution du champ au projet du territoire, à savoir le niveau d’usage d’herbicides de prélevée, en lien avec les pratiques mises en œuvre pour s’en affranchir.
Finalement, ce tour des colzas constitue un moyen privilégié d’enrichir l’expérience collective des agriculteurs mais aussi des conseillers en explorant la diversité des façons de cultiver existant sur le territoire. Il permet de mettre au centre des discussions les objets agronomiques sources d’enjeux pour l’agriculteur (état du colza) et pour le territoire (maîtrise des adventices sans herbicides de prélevée), ou en d’autres termes pour l’entreprise agricole et pour le bien public qu’est la qualité de l’eau.
Conclusions et perspectives
Dans la perspective de mieux caractériser la démarche clinique en agronomie, mise en œuvre lors d’une relation entre conseiller et agriculteur, nous avons opéré une analyse de connaissances et d’expériences issues des sciences humaines et de la médecine afin d’en connaître les traits génériques. En prenant en considération les repères déjà posés par les agronomes, nous avons recherché à formaliser la démarche, qui repose notamment sur : (i) une relation interactive, basée sur l’écoute, entre l’agronome-conseiller et l’agriculteur-praticien ; (ii) une posture caractérisée par une implication du conseiller pour comprendre dans sa singularité une situation systémique, dans une dynamique d’accompagnement des pratiques de l’agriculteur confronté à des décisions ; (iii) un processus dynamique basé sur l’observation et le raisonnement, structuré en posant un double diagnostic, interne par l’agriculteur et externe par l’agronome, conduisant à un diagnostic partagé donnant les bases pour négocier un compromis, réévalué au fil du temps pour intégrer les risques liés aux pronostics et aux imprévus. La démarche clinique ainsi énoncée peut se concevoir avec des variantes, telles qu’un diagnostic partagé construit conjointement entre conseiller et agriculteur ou, en configurations collectives diverses, riches en points de vue croisés.
Au terme de notreréflexion sur les concepts, outils et méthodes disponibles pour aborder les objets parcelle et exploitation, nous poserions volontiers comme hypothèse quela démarche clinique en agronomie revient in fine à resituer le diagnostic focalisé sur un objet en prenant le « plan élargi » qu’est le système de culture (SDC). Autrement dit, quel que soit l’objet observé-diagnostiqué conduisant à la recherche d’un compromis dans la dynamique d’une relation clinique entre conseiller et agriculteur, cela revient à chaque fois à positionner le regard sur le SDC. Que ce soit un conseil pour (i) une décision tactique, saisonnière et récurrente : c’est un maillon de l’itinéraire technique, lui-même constitutif du SDC, (ii) une décision stratégiqued’investissement, finalisée sur une culture intégrée dans un SDC, avec de possibles tensions entre SDC concurrents, ou (iii) une décision stratégique de changement d’orientation, par exemple évoluer vers l’A-Bio, qui exige de refonder les SDC de l’exploitation, le SDC nous apparaît être le niveau englobant pertinent dans la démarche clinique en agronomie, y compris, sous réserve d’une analyse complémentaire, à l’échelle du territoire. Pouvons- nous affirmer que le SDC constitue la « focale » spécifique du regard de l’agronome sur l’agroécosystème dans la démarche clinique avec l’agriculteur ?
Dans les écrits de Cifali sur la démarche clinique, auxquels nous avons largement fait référence, l’auteure défend tout l’intérêt de créer les conditions pour valoriser l’expérience des praticiens par l’écriture : ses réflexions nous paraissent très pertinentes au sujet des conseillers, riches de savoirs agronomiques issus de leur confrontation à une diversité de situations singulières. Aujourd’hui insuffisants, la diffusion et le partage de ces savoirs agronomiques devraient être encouragés et facilités tant au niveau institutionnel que dans les parcours de formation ou encore au sein des équipes des organismes de développement. En effet, les brefs exemples décrits dans les encadrés témoignent de la valeur ajoutée déterminante des conseillers, confirmant que tous les concepts et outils ne « valent rien » sans leur mise en acte en situation. Soulignons dans l’immédiat la pertinence des dispositifs d’échange sur le métier pour faciliter l’acquisition des connaissances et les transferts d’expérience (M. Cerf et al., 2016). Par ailleurs, Cifali attire notre attention sur l’importance du contexte institutionnel pour mettre en pratique la démarche clinique : il paraît clair que ni la logique de marchandisation du conseil, ni les réglementations et mesures incitatives codifiant les pratiques, ni la standardisation de prescriptions normées, ne constituent des conditions favorables à son usage ! Or, dans le contexte de transition agroécologique de l’agriculture, c’est la promotion de la démarche clinique entre conseillers et agriculteurs qu’il conviendrait de conforter pour faire face à l’urgence des changements de systèmes agricoles au regard des multiples enjeux à venir. Les enjeux environnementaux ont mis l’accent sur la gestion de l’espace. Par souci de concision, nous avons renoncé à développer les outils et méthodes spécifiques pour aborder l’objet « territoire » alors que c’est une perspective à retenir dans la mesure où la démarche clinique, comme en témoigne l’encadré sur l’AAC, a toute sa pertinence à cette échelle devenue prégnante dans le développement.
Quant à l’articulation avec la recherche, mentionnons l’importance des guides pratiques relatifs aux méthodes et outils de diagnostics conditionnant leur appropriation par les praticiens. Toutefois, au-delà de ce constat, Meynard et al. (2012) insistent sur la nécessité de bâtir des coopérations entre les différents acteurs, chercheurs, conseillers, agriculteurs : « L’approche de conception préconisée par les scientifiques est souvent mal adaptéepour les besoins des praticiens. Les modèles ont tendance à utiliser des variables complexes à collecter, la terminologie est difficile à comprendre et sa validité peut être faible face à la réalité complexe du monde.Il pourrait être plus fructueux de choisir des approches participatives permettant d’intégrer lesconnaissances scientifiques et locales, par ex. en utilisant des modèles moins sophistiqués de la part des universitaires ». En complémentarité de la recherche expérimentale, pouvons-nous imaginer l’amplification de la recherche clinique en agronomie ?
Remerciements : En amont de la rédaction de l’article, les auteurs ont bénéficié d’un entretien court mais fort éclairant avec Jean Boiffin (INRA) au sujet de la démarche clinique en agronomie ; nous l’en remercions ainsi que Hubert Boizard, Philippe Prévost et Thierry Papillon (Comité Editorial) pour leur relecture attentive des premiers écrits et leurs conseils très avisés.
Notes
[1] Ayant pour objet principal l’analyse de la relation entre l’agriculteur et le conseiller, nous n’abordons pas ici le territoire, troisième objet du travail des agronomes, en raison de l’hétérogénéité des acteurs concernés.
[2] Au sens « Aptitude d'un être humain à s'adapter à une situation, à choisir des moyens d'action en fonction des circonstances » selon Larousse.
[3] Les acteurs peuvent aussi être en configurations collectives variées, fort intéressantes dans la mesure où elles offrent une richesse de points de vue à partager et à mettre en discussion : par exemples, « chercheur-enseignant-conseiller et agriculteur », dans le cadre d’un dispositif de recherche-action, ou « conseiller et un agriculteur entouré d’un groupe de pairs » dans le cadre d’une animation sur le terrain ou d’une formation.
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