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Couverts végétaux et cultures associées en agriculture biologique

Réussir à implanter du blé dans de la luzerne vivante et intérêt des semences paysannes

Mercredi 28 juin 2017 en Lot et Garonne


Programme

de 10h00 à 17h00 à Pailloles (Lot et Garonne) à 42km au nord d’Agen

 Télécharger le programme

Objectif : le principal objectif est d’échanger sur les nouvelles pratiques agricoles notamment l’implantation de couverts et la mise en place de cultures associées et les questions qu’elles posent à l’agronomie. L’atelier terrain pour objectif de faire se rencontrer des agronomes de différents métiers (agriculteurs, conseillers, enseignants, chercheurs, etc.) pour avancer conjointement dans la compréhension et la résolution de questions locales, sur la base d’une mutualisation de questionnements et de connaissances. Elle posera aussi en conclusion l’élaboration de nouveaux dispositifs d’accompagnement des agriculteurs.


Contexte : Ces nouvelles pratiques d’implantation de couverts et de cultures associées induisant un travail simplifié du sol ou de non travail posent de nouveaux problèmes (questions) à l’agriculteur et à l’agronomie notamment quand ils sont mis en œuvre en agriculture biologique : semis, contrôle des adventices et des ravageurs notamment. De nombreux avantages sont mis en avant, outre le gain de temps qui est souvent le premier moteur, fixation d’azote, meilleure structure du sol et donc protection contre l’érosion, meilleure rétention en eau, baisse des consommations d’énergie et stockage de carbone.

Ces pratiques se mettent en œuvre généralement dans une refondation du système de production (allongement des rotations, utilisation de semences paysannes – variétés à paille haute). Elles ouvrent un nouveau paradigme concernant le fonctionnement de l’agro-système  (couverture permanente, gestion du mulch) avec une meilleure valorisation des processus naturels comme l’activité biologique des sols. Leur mise en œuvre fait aussi face à des contraintes techniques et nécessite des adaptations locales (choix des couverts, choix des variétés de blé, techniques d’implantation, date de semis, choix des rotations,…)

 

La maitrise de ces nouvelles pratiques nécessite généralement plusieurs années. Leur évaluation doit donc se faire en prenant en compte le niveau de maitrise, mais aussi leurs conséquences plus globales sur les enjeux agro-environnementaux (production, gaz à effet de serre, bilan énergétique…).

 

Déroulement de la journée

Matin (en salle)


10h00 – 10h30 : introduction de la journée

Philippe Pointereau (administrateur de l’Afa)

 

 

10h30 – 11h30 : Intérêts des semences paysannes

-          Adaptation aux conditions pédoclimatiques

-          Adaptation aux conduites à bas niveau d’intrants

Christian Crouzet (paysan bio semencier)

 

10h45 – 11h45 : Implanter les cultures intermédiaires 

-          Intérêts et places des cultures intercalaires

-          Un outil indispensable pour le non-travail du sol

-          Gestion des flux de nutriments

Eric Justes (INRA-Toulouse)

 

 

11h45 – 12h30 : Présentation de Philippe Guichard

 http://www.osez-agroecologie.org/guichard-carte-didentite

-          historique de la ferme et évolution des pratiques

-          Passage à l’agriculture biologique

-          Mise en place d’une rotation longue et utilisation des semences paysannes

-          Introduction de couverts et implantation du blé dans la luzerne vivante

-          Points pratiques (matériel, techniques de semis, trieurs)

-          Bilan azoté,  énergie et GES de la ferme (réalisé dans le cadre de la plate-forme OSAE)

-          Impact économique et environnemental

Philippe Guichard (agriculteur) et Philippe Pointereau (Solagro)

 

Après-midi

 

14h30 – 17h00 

-          visite de l’exploitation et des parcelles

-          Mise en place de blé sous couvert de luzerne vivante

-          Matériel pour triage : un point clef pour les semences paysannes, les cultures associées et la vente directe

-          échanges entre les participants


Compte-rendu

Version pdf téléchargeable

 

Une quarantaine de personnes (agriculteurs, techniciens, étudiants, chercheurs, boulangers) ont participé à l’atelier agronomique de terrain organisé par l’Association Française d’Agronomie à l’initiative de Philippe Pointereau le 28 juin 2017 chez Philippe Guichard, paysan bio sur 55 ha producteur de farine et de légumes secs.

 

 

L’objectif de cette journée était d’échanger sur les nouvelles pratiques agricoles notamment l’implantation de couverts, la mise en place de cultures associées et les questions qu’elles posent à l’agronomie. Cet atelier terrain a permis de faire se rencontrer des agronomes de différents métiers pour avancer conjointement dans la compréhension et la résolution de questions locales, sur la base d’une mutualisation de questionnements et de connaissances.

 

Les averses au rendez-vous n’ont pas arrêté la visite des parcelles de blé Poulard cultivé dans la luzerne.

 

La journée a démarré sur l’importance des semences paysannes et des variétés anciennes à la fois pour la qualité gustative et intrinsèque du produit mais aussi pour préparer l’adaptation au changement climatique, avec une présentation de Christian Crouzet agriculteur et semencier au GIE Biogerm.

 

Eric Justes de l’INRA a ensuite fait une présentation synthétique des derniers travaux scientifiques montrant les intérêts des associations végétales pour concevoir des systèmes de culture agro-écologiques comme les couverts intermédiaires multi-services et les cultures associées.

 

Enfin, et dans ses champs,  Philippe Guichard nous a présenté les différentes pratiques agronomiques qu’il met en œuvre sur sa ferme depuis plus de 20 ans et notamment ses associations de cultures comme la culture du blé Poulard dans de la luzerne vivante ou l’association lentille-Cameline. La visite s’est terminée dans le hangar pour étudier les différents process et savoir-faire pour trier les graines, moudre et faire une farine d’exception.

 

 

L’association blé-luzerne : intérêts et contraintes

 

Cette association revêt 3 intérêts majeurs

 

-          une compétition au niveau de l’azote

-          Un rôle indéniable de tuteur du blé à pailles très hautes, ce qui permet d’éviter ou de limiter la verse

-          Une maîtrise des adventices

 

La  compétition au niveau de l’azote

 

La luzerne a un rôle de compétition, mais qui s’avère finalement positif, selon Éric Justes, car l’objectif  recherché n’est pas de produire nécessairement les meilleurs rendements possibles.

 

Elle exerce une compétition sur le blé, sans qu’elle soit trop forte pour permettre d’avoir un rendement correct en AB, ce qui fait que le blé ne talle pas et donc au final chaque épi est mieux rempli. Cela permet d’augmenter très significativement la teneur en protéines du grain et donc au final celle de la farine. La farine fabriquée est d’excellente qualité par le double effet des populations de blé en mélange et aussi par la teneur en protéines qui doit conférer des propriétés très intéressantes de ténacité de la pâte de pain, sans compter les arômes après fermentation et la cuisson.

 

Mais parmi les trois points importants mis en avant par Philippe Guichard, le plus important est vraiment le travail de la luzerne après la première récolte et son effet sur la digestion des pailles. Environ un mois après moisson lorsque les conditions sont normales, le sol dans son horizon supérieur a une merveilleuse odeur et c'est vraiment cette participation au maintien de la fertilité des sols qui prime avant tout, et qui est, d'après lui, la clé de la réussite. 

 

Concernant des teneurs en protéines du blé, Éric Justes pense que les blés récoltés doivent avoir au moins 11-12%  de protéines, ce qui est bien en AB. Philippe Guichard confirme que 11 -12 % est le minimum.

« Je suis plus souvent entre 2 et 4 points au-dessus. Je fais tous les ans les analyses d'échantillon à la Coop bio d'ici car c'est un bon indicateur pour moi du fonctionnement ou non du système notamment sur la partie pulvérisation de bactéries indigènes dont je n'ai pas eu l'occasion de parler.»  

 

De plus, il est évident que les résidus de la luzerne en partie détruite produisent de l’azote minéral par minéralisation des résidus, ce qui est profitable à la nutrition du blé durant sa croissance. Et enfin, l’effet « azote » se propage à la culture suivante après la récolte du blé, en cas de destruction.

« Oui l’effet azote dure environ 2 ans.»

 

 

La luzerne sert de tuteur au blé Poulard qui a une paille très haute (2 mètres). Il est indispensable d’avoir ces variétés anciennes à paille haute pour réussir cette association.

 

La variété Poulard est un Triticum turgidum qui permet aussi bien la production de farine que de pâtes.

« J’utilise aussi d’autres variétés.»

 

 

La maitrise des adventices

 

En association, la luzerne est plus compétitive que les autres espèces, y compris de mauvaises herbes, et permet de maîtriser ainsi le stock de graines de mauvaises herbes.

 

« D'une façon générale les terres ne se salissent pas trop et cela est dû, je pense aux relativement longues rotations. Preuve en est de la première parcelle visitée à la ferme sur précédent lentille. Cet aspect est donc très secondaire pour moi.» 

 

Les pratiques culturales blé/luzerne

 

« L’objectif est dans mon système d’éviter le travail du sol, notamment avec l’utilisation de couverts permanents comme la luzerne. Mais s’il faut que je laboure, je laboure. Il s’agit d’exploiter au maximum la production intrinsèque.»

 

Il n’y a aucune autre intervention que le semis et la récolte. La luzerne permet une meilleure exploitation du sol grâce à ses racines pivotantes. Elle est complémentaire dans l’exploitation du sol avec le blé qui a des racines fasciculées.

 

La première année, Philippe Guichard ne récolte que la luzerne et ne sème pas de blé. Il faut que le pivot soit suffisamment implanté pour que la plante résiste à la herse rotative.

 

Il est important que la luzerne soit propre pour implanter le blé mais aussi pour la vendre pour la déshydratation. Pour cela il faut la travailler en hiver.

 

En pure, la récolte est de 8 à 12 t de MS vendues à 100€/tonne.

 

La valorisation du blé

 

Le blé est entièrement vendu en farine.

« Je n’ai jamais eu à ce jour de retour négatif sur la qualité de ma farine.»

 

« Pour la récolte du blé j’utilise deux vieilles moissonneuses (de 1974 et 1976) de 3,5 mètres de coupe. La moissonneuse assure un tiers du triage. J’utilise ensuite un trieur ukrainien Petkus qui nettoie bien les graines. Le trieur alvéolaire qui traite 120kg/h permet d’éliminer les grains cassés.  En effet ceux-ci s’oxydent et détériore la qualité de la farine. Je produis environ 2,2 tonnes de farine par mois soit environ 25 t par an. Je fais aussi un peu de farine de seigle.»

 

« Je dois nettoyer toutes mes graines notamment la lentille noire (dont le diamètre est variable ce qui nécessite d’adapter le tri). La lentille nécessite un très bon nettoyage. Je fais un peu de farine de lentille (800 kg/an pour un restaurateur libanais.»

 

La féverole est vendue à un éleveur de Dordogne (environ 10t à 600€/t). Le pois vert qui est associé à l’avoine est en partie vendu en farine et en partie en pois cassé.

 

La cameline associée à la lentille sert surtout de tuteur à la lentille et d’engrais vert.

« Je viens d’avoir une demande de graines pour une recette de Risotto à la cameline.»

 

« Pour protéger mes graines de blé après la récolte, je les enrobe de terre de diatomée [1] qui protège physiquement le blé contre le charançon.»


En savoir +

 

Télécharger la présentation d’Éric Justes : « Des associations végétales pour reconcevoir les systèmes de cultures agroécologiques »

 

Témoignage de Philippe Guichard sur la plateforme Osaé : Osez l’agroécologie http://www.osez-agroecologie.org/philippe-guichard 

 

Éric Justes et Philippe Guichard ont participé au 1er atelier agronomique de l’Afa, à Vénerque, déjà organisé par Philippe Pointereau. En savoir + ici